Chapitre 27. Mystère résolu
Après nous être embrassé à nouveau, Noam regagne l'intérieur de la maison pour vérifier si Angel va bien et s'occuper un peu d'elle. Je songe aussi qu'il désire peut-être réfléchir, et qu'il doit vouloir juguler sa culpabilité d'avoir été si proche de moi alors que son épouse erre possiblement dans la pénombre de la ville.
Je demeure seule sur le petit perron blanc, le cœur à découvert, vibrante d'envie, l'esprit foisonnant de mille et mille scénarios improbables et impliquant tous la présence de mon employeur à mes côtés. Nous pourrions d'ailleurs remettre en question le statut de patron/employée que nous entretenons. Nous n'agissons plus du tout de façon professionnelle, visiblement.
Incapable de tenir en place, je lève la main droite pour effleurer en silence mes lèvres de l'index. Elles sont douces et gonflées, il leur a insufflé sa chaleur corporelle et son goût mentholé. Elles se tendent déjà en quête d'un autre baiser ardent.
Je me fends d'un sourire euphorique. Je ne parviens pas à croire qu'un évènement pareil ait pu se produire si vite. J'éprouve l'irrésistible besoin de bondir en l'air pour exulter ma joie en hurlant à tue-tête. J'exhalte littéralement. Les bourrasques glacées du vent qui fouettent mon visage réjoui, rougi, ne m'atteignent même plus. On peut soupçonner que je vais bientôt être emportée par une vague de plaisir jusqu'au paradis. Moi-même, je le suppose, et à juste titre. J'ai attendu tant de temps, jamais espéré, et me voilà comblée pour le reste de mon existence, du moins, à la seconde où je vous parle.
Je bouillonne, je brûle d'une flamme intérieure bien trop vive pour s'éteindre. Mon monde s'est peint d'une délicate teinte améthyste, pure et lumineuse, unique, identique à celle de ses prunelles si profondes.
- Oh, bon sang. Je murmure, encore sidérée par notre étreinte impromptue.
Des nuages voguent à l'horizon, procession cotoneuse du crépuscule qui s'installe. Je flotte par-dessus cette masse grisâtre, par-dessus les étoiles, par-dessus les cieux, par-dessus moi-même. Je me sens si légère que je pourrais m'envoler rien qu'en souriant davantage.
- Je croyais vous avoir prévenu. Me lance la voix grave d'une femme.
Je lève les yeux, suspicieuse et doutant de ne pas avoir halluciné, encore imprégnée du rêve éveillé que je viens de vivre, et découvre mon interlocutrice, teint hâlé, bouche pulpeuse, courbes généreuses et longue chevelure de jais frisée, qui se tient en bas des marches du porche, un peu ronde, m'assassinant d'un regard vert menaçant. Sursautant violemment à cette vision soudaine, je cligne des paupières afin de la considérer plus attentivement et finir par me souvenir que je l'ai déjà rencontré le jour où je suis arrivée chez les Jefferson. Il s'agit de Swein, la voisine et l'amie d'Elsa. Elle plante ses poings sur ses hanches voluptueuses, clairement belliqueuse à la raideur de sa posture et à la crispation de ses mâchoires.
- Hein? Je marmonne, plus pour me convaincre de la réalité de cette scène que pour avoir une confirmation de ses paroles.
- Je croyais vous avoir prévenu. Répète Swein tandis que je croise résolument les bras devant ma poitrine menue, geste dérisoire et façon puérile de cacher que je suis aussi plate qu'elle est sensuelle.
Mes insécurités reviennent me tarauder au galop. Elle est magnifique, et me fait un peu penser à Pink, en plus belle et en moins gentille. Elle ne doit pas laisser la gente masculine indifférente, loin de là. Si j'étais attirée par les femmes, je me serais déjà jetée à ses pieds. Elle dégage une aura sauvage, provocante, qui n'est pas anodine. Je tente de m'ancrer à la situation présente et de cesser de cogiter.
- Prévenu de quoi? Je m'efforce de comprendre.
Elle passe lentement une main sur le tissu de sa robe blanche, ajuste nonchalamment le collier de perles nacrées autour de son cou. Je devine parfaitement comment Swein et Elsa sont devenues bonnes amies... Elle ne m'inspire guère, et c'est un euphémisme.
- Ah, ma chère. De qui provenait le petit mot de menace qu'on vous a laissé, d'après vous?
Je mets un laps de temps assez conséquent à percuter la vérité ainsi qu'à réagir. Une fois que ses mots ont franchi ma barrière de protection mentale, muette de stupeur, je me précipite dans sa direction, en trébuchant un peu dans ma hargne. Une brume rougeâtre s'est déposée devant mes rétines. J'en ai assez qu'on me mette des bâtons dans les roues. Je n'ai rien demandé à personne. J'imagine déjà ma main s'abattre sur sa joue. Je me rappelle de la panique ressentie à la lecture du mot qu'elle m'a donc destiné. J'ai accusé mes parents, Elsa, et même Collin, alcoolique et drogué, et c'était elle, elle, une quasi inconnue, croisée une seule fois dans une cuisine badine, banale. Bien qu'elle ne m'ait pas laissé une très bonne impression à ce moment-là, je l'avais rapidement oublié, prise dans le flot de sentiments que la famille qui m'accueillait me procurait. Je me demande si Elsa ne lui aurait pas tout raconté à mon propos. Mais pour quelles raisons Swein aurait-elle été si entreprenante? L'amitié pourrait-elle être sa seule motivation?
Je pose un pied sur le sol, l'autre, et la dévisage, furibonde. Je suis certaine d'avoir pris une couleur écarlate de mauvaise, très mauvaise augure. Décidément, j'enchaîne les confrontations...
- C'est vous! C'est vous qui avait écrit ça!
- Oui! Affirme-t-elle avec morgue. Oui, et je ne le regrette absolument pas. Je vous ai vu par la fenêtre de mon salon sortir de la maison ce midi-là avec la petite. Je me suis dépêchée d'agir avant que vous ne rentriez. Je craignais d'être surprise. Ce n'était pas très sérieux, juste sensé vous faire peur. Je remarque que ça n'a pas fonctionné, vu comment vous embrassiez Noam il n'y a pas cinq minutes.
Un juron très grossier m'échappe. J'ai la sensation d'être bien plus âgée, tout à coup, le poids sur mes épaules devient un fardeau. On me veut du mal où que j'aille, c'est incroyable.
«Les forts se battent», me rabache ma conscience.
- Mais pourquoi?
- Noam est à moi depuis bien plus longtemps que vous. Il ne mérite ni cette petite idiote qui lui sert de femme, ni la fillette crédule et ridicule que vous représentez! Des obstacles sans importance!
- Ah vraiment? Alors pourquoi ce n'est pas avec vous qu'il est marié? Pourquoi vous n'êtes pas la gouvernante de sa fille?
Elle hausse les épaules, fait mine de reculer, je me jette sur elle avant qu'elle ne puisse s'esquiver, profitant de son incrédulité pour l'attraper par le coude.
- Je me fiche de vos petits stratagèmes perfides. Vous ne m'intimiderez plus jamais! Je veux savoir une seule chose! Vous avez menti à Noam, pas vrai? Vous savez où est Elsa? J'aime Noam, je l'aime, et je ne veux que son bien! Dites-le moi!
Mes propres cris m'assourdissent. Je secoue son bras pour obtenir des réponses, elle garde un silence méprisant. De plus en plus rageuse, je me hausse sur la pointe des pieds, prête à lui assener une gifle retentissante.
- Arrête, Lys! Arrête!
Noam a craché cet ordre impérieux dans mon dos. J'entends ses pas sur le seuil de la demeure, il a dû revenir me chercher en constatant que je ne le suivais pas. La nuit est pratiquement tombée, il a peut-être perçu mes hurlements, il a dû s'inquiéter. Aussitôt, je relâche mon emprise sur Swein, la repoussant en fulminant. Je n'ai aucuns remords. Elle s'est mêlée de choses qui ne la concernait pas, elle m'a fait du mal, ainsi qu'à Elsa, je la déteste cordialement. Toutefois, je n'ose pas faire preuve de violence devant Noam, je ne voudrais pas qu'il me le reproche plus tard.
L'imposante silhouette du jeune homme nous rejoint en deux enjambées.
Il m'enlace par la taille d'un bras ferme, m'attire contre son torse chaud et puissant. Je me détends instantanément, comme par magie. Sa respiration est lourde et je sens son cœur tambouriner contre mon dos.
Swein s'éloigne immédiatement, l'expression écœurée.
- Tu fais une erreur! ânonne-t-elle, retraversant rapidement la distance qui la sépare de chez elle, droite comme un I.
- Non, justement. Je n'en ferais plus! Réplique mon employeur sans daigner lui accorder la moindre attention. Qu'est-ce que tu as dit, Am?
- Que je no voulais que ton bien?
- L'autre chose! S'impatiente-t-il.
- Que je t'aime?
Un doux vertige s'empare de tout mon être. Je me retourne dans ses bras, il m'étreint avec davantage de ferveur encore.
- Oh, ma douce... Je crois que... Que... Oh, et puis merde! Je t'aime aussi, Amaryllis. Un battement sur deux de mon fichu coeur est pour toi, un battement sur deux t'appartient. Tu m'as attiré dès le premier soir. Je sais que j'ai été injuste, que je le suis toujours. Mais je... Je t'aime, bon dieu, je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime comme un malade! Et c'est bien et mal, et je t'aime.
J'éclate d'un rire heureux. Il m'immite et nous nous embrassons sous les étoiles, tout en sachant pertinemment que rien n'est encore résolu.
-
Ne vous emballez pas trop vite, ce n'est pas fini! Je vous annonce qu'il y aura 30 chapitres et un épilogue. Je vous remercie, mention spéciale à ranae63, la pauvre soutient Elsa!
❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️ Je vais aux portes ouvertes de ma fac aujourd'hui, et vous, que faites-vous de beau? Je vous embrasse et je vous aime!!! À très vite
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