Chapitre 17. Du sang
- Tu me racontes, Am, maintenant! Ordonne Noam, et il continue de tamponner doucement ma lèvre ouverte avec son mouchoir humide.
Je ne l'écoute pas. Mes larmes ne coulent plus. Je me rejoue la scène qui vient de se produire, sans cesse. Elle tourne en boucle dans mon esprit et obscurcit ma vue d'une brume rougeâtre. Je ne me serais jamais doutée que cela irait si loin.
Le sang a arrêté de couler de ma bouche éclatée, mais les battements de mon cœur refusent de ralentir. Je baisse les paupières et laisse une nouvelle fois le souvenir me submerger.
***
Dimanche, je m'étais levée à l'aube. J'avais pris une douche. J'avais passé la nuit à repenser aux révélations de Noam. Il m'avait interloqué, mais plus encore, déséquilibrée. Je ne savais plus du tout comment me conduire, seulement, au bout d'un long moment, j'avais fini par décider qu'il n'y avait pas à changer mes habitudes. Je n'aurais qu'à les éviter, Elsa et lui, le plus possible. La maison était grande, j'étais capable de ne pas les croiser plus que nécessaire, ni l'un ni l'autre. Angel était ma seule préoccupation. Quand allai-je me décider à comprendre cela?
Il me restait encore une jolie somme d'argent provenant de mon premier salaire, j'avais décidé d'aller petit déjeuner dehors, et de passer toute la journée à l'extérieur. J'arpenterai toute la ville pour trouver une nouvelle annonce d'offre d'emploi. Je pouvais être serveuse, ou femme de ménage. J'étais volontaire et déterminée. J'étais jeune et débrouillarde. Je tomberai forcément sur quelque chose de concret, à moins que l'infortune ne soit de mise aujourd'hui. En revanche, j'ignorai si j'aurais la bravour d'abandonner ma petite protégée et son père. Car il s'agirait bien de bravour.
Une fois les cheveux noués dans un chignon strict, vêtue de mon pantalon le plus chic et d'une chemise, j'avais mis mes chaussures et m'étais dépêchée de m'évader avant que l'on ne me surprenne. J'avais tout de même pris la peine d'écrire un petit mot les prévenant tous de mon escapade dans le carnet à post-it, sur le comptoir. Qu'on ne m'accuse pas de ne pas être assez courtoise, en plus de tout le reste.
La veille, en effet, Elsa était rentrée après le crépuscule, et une autre dispute avait éclaté. Heureusement, Angel dormait déjà et nous avions toutes deux dîné, mais depuis mon lit, j'avais perçu une grande partie de leur échange. Il y était question de la tollérance excessive que m'accordait Noam, des médicaments qui ne fonctionnaient plus et de solutions qui n'existaient pas. J'avais placé mon oreiller sur ma tête pour assourdir l'écho de leurs voix et m'étais efforcée de les ignorer, sans grand succès, nonobstant.
Tout le monde sommeillait encore. Le soleil, lui, émergeait péniblement. Il était très tôt, seulement, j'avais adopté un rythme intense, avec mes insomnies, devenues récurentes. L'air était froid et me revigorait. La rue était déserte, il n'y avait pas un bruit, exception faite du chant guilleret des oiseaux perchés dans les cimes d'arbres malingres. Le ciel était d'une nuance de gris perle qui me rappelait mon propre regard, et tous les volets des bâtiments avoisinants ou presque étaient clos.
J'avais descendu les marches du porche en frissonnant. Noam avait gardé le message de menaces, je ne voulais plus jamais le revoir. J'avais gagné une avenue plus passante et rencontré quelques coureurs. J'avançais d'une démarche incertaine, empressée. J'avais le visage baissé pour éviter qu'un éventuel espion ne me remarque. Je me faisais l'impression d'être complètement aliénée, paranoïaque, sauf que mon instinct avait pris le relai et que je ne me sentais pas du tout en sécurité. Je n'avais pas le choix, pourtant, si je souhaitais me protéger moi, et ne pas devenir une briseuse de ménages. D'ailleurs, c'était peut-être trop tard.
Quelques voitures roulaient sur la chaussée, et leur vroombissement mécanique me réconfortait, amoindrissant mon sentiment de solitude opressant. Je ressentais comme des picottements désagréables dans ma nuque exposée, et mon appréhension n'avait fait que s'accroître. On me suivait peut-être... Et j'étais une proie facile. Vulnérable. Fragile. Pathétique.
J'étais parvenue devant une boulangerie, un peu perdue, et j'avais acheté un pain au chocolat en remerciant Noam de m'avoir remis tous ces billets en prévention. J'avais grignoté ma viennoiserie en scrutant attentivement tous les passants et en me promenant sans but. Je me demandais si Angel me réclamerait, si Elsa se repentirait, si Noam s'inquiéterait. J'avais besoin de croire qu'on se souciait de moi, que je n'étais pas complètement isolée du monde, que quelqu'un songeait à moi, quelque part.
J'étais passée devant un magasin fermé de vêtements élégants, avais détourné les yeux une seconde pour les considérer attentivement, le temps pour Collin de me plaquer contre la vitrine, un bras contre ma gorge.
J'avais suffoqué. Haletter. Étouffé. De douleur et d'impuissance.Les tremblements de mon corps étaient incohersibles et mes paupières papillonnaient pour ravaler des larmes d'effroi. Mon ancien petit ami avait les yeux rougis, bouffis, et l'air hagard. Il ne semblait pas avoir dormi depuis des jours, à mon image, et me dévisageait sans masquer sa rancœur. Son jean était déchiré et son t-shirt noir recouvert de tâches brunâtres. Il avait les cheveux mal peignés et les mâchoires serrées.
Je ne m'étais pas débattue. J'attendais qu'il agisse. Je savais qu'il était de nature agressive, cependant, il ne m'avait jamais fait de mal, et j'escomptais que ce ne serait pas différent cette fois encore.
- Alors, Lys? On s'amuse avec un autre gars? Tu crois que je ne t'ai pas vu. Je te surveille, Lys. Je ne t'ai pas quitté depuis que t'es sortie de ma caisse. Tu crois que tu vas remplacer la fille qu'on a perdu?
J'avais tenté de secouer la tête pour protester, pour le tranquiliser, il ne me laissait pas bouger. Je m'étais concentrée pour juguler ma respiration sifflante. Je craignais à ce moment là que cela ne dégénère vraiment, il n'y avait personne. Je me répétai que j'allai m'en sortir, que Collin était simplement sous tension.
J'avais remarqué que sa voiture était là, stationnée contre le trottoir. Comment avais-je seulement pu la rater?
- Tu l'aimes, ce foutu fils de riche? Il est mieux que moi au lit? Tu es au courant qu'il est marié, ça ne te dérange pas?
Enfin, il avait libéré sa prise sur mon cou et j'avais toussoté, la gorge en feu. J'étais tétanisée de terreur. Qu'allait-il faire, à présent? Oserait-il s'en prendre à moi pour de vrai? Mes parents m'avaient pourtant prévenu de la probabilité qu'il soit dangereux, je n'avais rien souhaité entendre.... Leur donnerait-il raison?
Le sang battant à mes tempes, j'avais alors essayé de tout lui expliquer pour le rasséréner quelque peu.
- Je n'ai rien fait. Je ne remplacerai jamais Eden, tu le sais. Je suis juste...
- Juste quoi? S'emporta-t-il en pâlissant de manière frappante, comme si le sang désertait son visage d'un seul coup brutal. Juste quoi?
- La gouvernante.
Je n'avais pas voulu hurler, mais mon cri avait sans doute alerter le voisinage, en tout cas , je l'espérais de tout cœur. Je l'avais vu crisper les poings et le coup était parti avant même que je puisse m'y préparer. Ma lèvre supérieure s'était fendu dans un élan de souffrance absolue et un goût métalique avait envahi ma bouche. J'avais réagi par réflexe. Mon genou s'était planté dans son estomac, et il avait titubé en arrière, un masque de stupeur recouvrant ses traits.
- Ce n'est pas moi qui l'ai tué, merde! Elle était déjà morte! Je n'ai rien pu faire, et je n'étais pas coupable! J'ai souffert autant que toi, sinon plus, et ce n'est pas sur moi que tu dois déverser ta colère, Col!
- Déjà morte? Déjà morte?
- Déjà morte, Col. Elle n'a pas vécu une seule seconde. Elle était déjà morte, et mon comportement cette nuit-là n'a rien changé à l'histoire.
Il avait paru comme foudroyé. Il avait été secoué d'un frisson et s'était écroulé à mes pieds, redevenu l'homme que je connaissais, brisé à l'intérieur. Ce drame nous avait tous deux détruit, d'une certaine manière. J'avais ignoré la douleur qui pulsait de ma plaie et rassemblé toutes mes forces. Pour ma grande fierté, ma voix ne tremblait pas lorsque je lui avais dit, le fixant durement, à travers le brouillard de chagrin qui voilait ma lucidité:
- Si jamais je te revois, si jamais je t'aperçois seulement du coin de l'œil, je te dénonce à la police sur-le-champ, petit con. Je n'aurais aucun remord. Tu es une crapule et je n'hésiterai pas. Je ne serai plus ta victime, Collin. Tu vas devoir avancer, et m'oublier. Et si tu t'avises encore de me menacer....
- De te menacer?
- Ne fais pas l'innocent!
- Mais...
- Tu as compris, Collin? C'est toi qui m'a largué sur le bord de la route, lundi même, et tu n'as pas le droit d'agir ainsi maintenant. Tu m'en veux, mais... Elle est morte et tu n'y changeras rien. Morte, tu entends?
Il ne répliqua rien, mais j'avais vu ses épaules agitées d'un soubresaut. Il m'avait fait pitié, tout à coup. Je lui avais lancé une dernière œillade meurtrière, un ultime avertissement et l'avais abandoné là, sur le sol froid et crasseux, qui pleurait à chaudes larmes. Il ne me ferait plus de mal, j'en étais convaincue. Il était une épave, il m'avait fallu quelques mots pour le mettre à terre. Sans doute était-il ivre, et peut-être même défoncé. Il s'égarait, petit à petit.
J'étais rentrée chez les Jefferson comme un zombie. Je ne percevai plus mes membres. J'étais insensible à mon environnement. Un tic nerveux faisait tressauter une de mes mains. Je n'aurais su dire, alors, de laquelle il s'agissait.
J'avais cherché mon chemin durant un temps infini, avant de prendre un virage et de débusquer mon refuge. Je m'y étais précipitée, le cœur aussi déchiré que la lèvre.
Noam m'attendait dans le salon, en pyjama de flanelle. Une barbe naissante ombrait ses mâchoires. Son front était plissé, et il avait sauté sur ses pieds en me voyant entrer dans la pièce. J'avais craint d'avoir perdu la clef de l'entrée dans ma panique, mais elle était là, entre mes doigts glacés. Ses yeux violets avaient inspecté chaque centimètre de ma figure, et quand il avait constaté que j'étais blessée, il s'était rué vers moi, l'air furieux. Je m'étais vaguement questionnée sur sa capacité quasiment magique à débarquer à mes côtés dès que j'étais en difficulté, puis je m'étais laissée aller et m'étais effondrée sur un fauteuil en laissant échapper, malgré moi, un léger gémissement. C'était son rôle d'ami, après tout, non? Et je n'avais plus la patience de me poser autant d'interrogations, ma blessure me lancinant, même si elle était bénigne, Collin n'étant plus très robuste.
- Tu es tombée? s'était enquit Noam en ébourriffant fébrilement ses cheveux châtains sans paraître s'en rendre compte.
Il s'était vivement aaccroupi devant moi, et le mouvement avait tendu l'étoffe de ses habits sur son corps. Cela avait ravivé une étincelle de vie en moi, le désir m'envahissant, me débordant, me faisant perdre contenance. Je m'extirpais, lentement mais sûrement, de ma torpeur anesthésiante.
- Quelqu'un t'a fait du mal? s'impatientait Noam d'un ton plus pressant.
J'avais opiné du menton, mollement, sans vraiment réfléchir à la réaction que je provoquerai chez mon employeur. Il avait grimaçé et ses muscles s'étaient contracté, avaient roulé, menaçant, sous sa peau tannée. Il s'était redressé. Je croyais qu'il allait me mettre à la porte immédiatement, néanmoins, je n'avais pu que soupirer de lassitude. Ma vie était une catastrophe absolue.
Il avait couru dans la cuisine. Il était vif, ce matin. Le silence avait reprit ses droits dans la maison. J'imaginais que si Elsa nous découvrait de nouveau ensemble et si proches, elle ne serait plus capable d'être aussi accommodante. Je m'étais mise à examiner l'écran de la télévision, et cela me faisait justement me rappeler que Collin avait toujours voulu s'en offrir une sans en avoir les moyens. Il était moins colérique, à l'époque.
On avait saisit mon visage, on m'avait délicatement tapotté sur la lèvre. Et puis...
***
- Tu me racontes, Am, maintenant! Ordonne une seconde fois Noam, et il continue de tamponner doucement mon entaille ouverte avec son mouchoir humide.
Cette fois, je l'entends. Je me noie dans ses prunelles, à la profondeur améthyste, à l'éclat si tendre, à l'intensité si soyeuse.
Alors, je commence mon récit.
Coucou vous! On y est, Am va raconté son histoire. Mais j'ai une annonce à vous faire avant.
Ce n'est pas pour être méchante, un gratte, et pire encore, mais il faut que vous compreniez bien! écrire 2500 mots avec un téléphone qui parle c'est pas forcément très facile. J'y consacre un temps très important, parfois au détriment de mes cours, et je ne vais pas vous mentir, j'écris pour être lu aussi. Je ne peux pas me permettre de gaspiller mon énergie pour cinq lectrices, aussi géniales soient elles, et elles se reconnaîtront ! Tout ça ne veut pas dire que j'arrête mon histoire, mais c'est un peu compliqué pour moi de rester motivée même si j'ai des idées par dizaine. Je sais qu'il y'a beaucoup de filles dans mon cas, je trouve ça très triste. Je vous demande donc de faire un geste, d'en parler autour de vous, et peut-être que cela fonctionnera. Mais vous pouvez sûrement saisir le problème, c'est très pénible de me prendre la tête pendant des heures pour n'avoir que quelques retours, 4 au plus, même si ils sont inestimables. Je dois donc en conclure que ce projet ne vaut peut-être pas le coup... Peut-être qu'on préfère les badboys à moto partout ou les histoires qui tournent en rond, ou peut-être que je ne suis pas faite pour avoir du succès sur cette plate-forme! Je n'en sais rien.
Je vous fais pitié, ou alors je vous prends la tête ! Lol alors je vais vous laisser tranquilles, mais je ne crois pas pouvoir publier avant d'être certaine que ça vaut la peine ! Et je m'excuse auprès de ceux qui m'ont soutenu depuis le début, je sais que c'est injuste pour vous... bisous les loulous !
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