- Chapitre 1.1 : Annonce surprenante -
À travers une brume épaisse, l'aube se levait sur la métropole de Network City, éclairant de ses plus belles couleurs les rues sinistres de cette ville extrêmement moderne. Dans cette capitale high-tech, où la végétation était rare et la technologie omniprésente, l'animation matinale battait son plein. Dans les rues, les immeubles étaient illuminés d'une part par le réveil matinal des habitants chez eux, et d'autre part par le travail acharné des secrétaires, des comptables et de tous les autres employés travaillant dans leurs bureaux. La majorité de leurs façades arboraient d'immenses écrans sur lesquels défilaient, nuit et jour, des publicités mettant en avant les nouvelles technologies fraîchement sorties de l'usine et déjà en rupture de stocks sur l'ensemble des sites internet. Aux pieds de ces gigantesques panneaux publicitaires, à cette heure-ci, les trottoirs grouillaient de vie, tels une véritable fourmilière humaine se déplaçant à cadence soutenue.
En plein cœur de cette capitale d'Eurasie, comme chaque matin, la circulation était animée. Sur l'une des avenues les plus fréquentées, une voiture de couleur noire métallisée roulait à une vitesse moyenne, se fondant parfaitement dans la masse. À l'intérieur, une jeune fille aux cheveux châtains et au teint pâle était assise du côté passager. Sa délicate tête ronde était posée contre la vitre et ses yeux noisette fixaient l'écran d'ordinateur qui reposait sur ses genoux. Malgré sa concentration, son regard vide semblait fixé loin devant elle. Perdue dans ses pensées, elle était persuadée que le rendez-vous auquel elle se rendait n'augurait rien de bon et que la routine qui la poursuivait depuis dix ans maintenant n'allait pas s'arrêter aujourd'hui. Son visage marqué par l'inquiétude, elle était en proie à de nombreuses préoccupations.
- Pourquoi moi ? Pourquoi dois-je encore entendre cette phrase ? Se demanda-t-elle tout en soupirant.
À cette simple pensée, ses yeux commencèrent à s'emplir d'eau. La gorge serrée et sans même s'en rendre compte, elle se retint de pleurer. Les yeux embués de larmes, elle fixa le pare-brise devant elle. Cette vitre transparente, qui reflétait légèrement son image, lui permettait, malgré la bruine* matinale, d'apercevoir indistinctement les nombreux phares rouges précédant le véhicule sur une allée parsemée d'arbres et d'innombrables gratte-ciel impressionnants.
* La bruine est une petite pluie très fine et généralement froide qui résulte de la condensation du brouillard.
Le véhicule clignotant mit, abandonna l'avenue de l'Alt et emprunta le Boulevard de la Faille menant au quartier le plus huppé de Network City. Il parcourut une centaine de mètres, entra dans un énorme parking et, après avoir parcouru deux rangées, s'immobilisa. Une voix chaude provenant du côté conducteur brisa le silence pesant qui régnait dans l'habitacle.
- Nelia, on est arrivées.
N'obtenant aucune réponse, elle tourna la tête vers la droite et posa son regard sur la jeune fille.
- Nelia, tu m'écoutes ? Tu termineras ton travail plus tard. On doit y aller maintenant, dit-elle d'une voix douce mais tremblante.
L'esprit toujours égaré, la jeune fille mit un certain temps avant de réagir.
- Oui, maman, répondit-elle, encore plongée au cœur de ses tourments.
Quand son esprit revint enfin à la raison, elle sentit une goutte froide couler le long de sa joue droite. Déconcertée, elle tendit rapidement sa main en direction de son visage et effaça à l'aide de sa manche la preuve de sa vulnérabilité. Elle rangea l'ordinateur dans son sac, détacha sa ceinture et sortit du véhicule qui était entouré d'une dizaine d'autres bien plus luxueux. Nelia, accompagnée de sa mère, se dirigea vers l'imposant immeuble aux vitres teintées de bleu qui se trouvait au bout du parking. Cet édifice, connu pour ses technologies de pointe et sa qualité de soins, n'était ni plus ni moins que l'hôpital le plus réputé de tout l'État d'Eurasie. D'architecture assez contemporaine, il devait faire, à vue d'œil, une trentaine d'étages.
Habituées à cet endroit, elles empruntèrent le même chemin qu'à leur habitude. Pas à pas, presque rien n'avait changé depuis la première fois qu'elles s'y étaient rendues. La seule chose qui manquait était la présence de son père. Arrivées à l'entrée, elles parcoururent le hall. Il était similaire à ceux des autres hôpitaux : long, grand, aux murs blancs et au sol gris taupe. Autour d'elles, de droite à gauche, déambulaient de nombreux malades traînant avec eux un statif sur lequel étaient attachées des poches à perfusion. Zigzagant entre les patients, elles avancèrent jusqu'au bout en direction des ascenseurs. Dans la précipitation, Nelia heurta maladroitement un jeune homme aux cheveux marrons et quelques reflets blonds, arborant un style singulier. Leurs épaules se touchèrent, mais le jeune ne se retourna pas et poursuivit son chemin, comme si de rien n'était, vers la sortie de l'hôpital. Nelia s'excusa sans remarquer l'absence de réaction de l'inconnu et s'empressa de rejoindre sa mère qui l'avait devancée. Elle la rattrapa et elles continuèrent leur avancée vers les ascenseurs.
Une fois arrivées, la mère appuya sur l'un des boutons, et les portes de l'ascenseur s'ouvrirent doucement. Elles pénétrèrent à l'intérieur de l'espace qui pouvait contenir jusqu'à 50 personnes et qui était étonnamment basique dans sa conception. D'une couleur gris métallique, la paroi de gauche ne comportait pas la multitude de boutons qu'on aurait pu trouver il y a une centaine d'années, mais simplement de petits trous abritant un haut-parleur à commande vocale.
- Bonjour, à quel étage dois-je vous emmener ? Fit une voix robotisée, faisant résonner l'ensemble de l'ascenseur.
- Au vingt-troisième étage, s'il vous plaît, dit la mère d'une voix vive afin d'être bien entendue.
Un mécanisme se déclencha, la cabine se mit en mouvement et quelques minutes plus tard, les portes s'ouvrirent à nouveau. La voix neutre reprit :
- Vous êtes arrivés au vingt-troisième étage.
Les deux femmes quittèrent l'ascenseur, mais au moment où elles s'apprêtaient à s'engager dans le couloir, une jeune fille blonde aux boucles rebondissantes et aux yeux d'un bleu incroyable entra précipitamment dans l'ascenseur, en pleurs. Leurs regards se croisèrent brièvement, la jeune fille pénétra dans l'ascenseur et les portes se refermèrent rapidement. Les deux femmes suivirent plusieurs couloirs identiques. Le sol était de couleur gris taupe, similaire à celui de l'entrée. Les murs ternes étaient peints en blanc et rehaussés de motifs verts jade, apportant une certaine touche de couleur à ces couloirs. Les plafonniers LED diffusaient une lumière vive qui donnait l'impression d'être à l'extérieur par une journée d'été ensoleillée. Le trajet fut assez long, environ quinze minutes, et elles arrivèrent enfin dans le service qu'elles connaissaient que trop bien. Celui-ci était identifiable grâce à une grande affiche électronique accrochée au mur de gauche sur laquelle était inscrit en gras et en noir "SERVICE ONCOLOGIE". Elles longèrent un couloir dont les nombreuses portes menaient à des chambres, puis atteignirent enfin la salle d'attente. Nelia se dirigea vers les machines situées dans le coin le plus éloigné de l'entrée et y inséra sa carte d'identité. Cette démarche était devenue un automatisme. Insérer sa carte, confirmer ses données, scanner le ticket de parking, récupérer sa carte, et enfin recevoir sur son smartphone son numéro de patient ainsi que toutes les informations nécessaires pour son rendez-vous. Une fois ces manipulations effectuées, elle alla s'asseoir auprès de sa mère afin de patienter.
Cette salle, où elles étaient seules, n'était pas très spacieuse et il y régnait d'ailleurs toujours cette odeur d'hôpital qui venait constamment titiller les narines de ceux osant affronter l'ambiance triste et pesante de ces services. Sur l'écran accroché au mur, son nom s'afficha accompagné du numéro 183, correspondant à sa chambre. Nelia suivit sa mère en traînant les pieds, tandis que celle-ci avançait d'un pas déterminé et rapide. Elles arrivèrent rapidement devant la porte en question, entrèrent et s'installèrent. La chambre, d'une blancheur éclatante, était de taille similaire à celle de la salle d'attente et comportait peu de mobilier. D'un côté, soigneusement entouré de diverses machines, se trouvait un lit recouvert d'un drap aussi blanc que les murs. De l'autre côté, une table était équipée de deux écrans et d'un clavier holographique dernier cri. Autour de cette table à quatre pieds, trois chaises métalliques étaient disposées, sur lesquelles elles s'étaient assises pour attendre avec anxiété l'arrivée du médecin.
Le temps d'attente semblait interminable. Nelia, plongée dans ses pensées et inquiète, fixait la seule fenêtre présente dans la pièce. À travers cette baie au châssis noir et à la vitre translucide, elle pouvait distinguer, malgré la brume persistante, un bâtiment unique à l'architecture courbée et singulière, situé à une centaine de mètres de là. Ce gratte-ciel avant-gardiste, aux vitres ornées de formes géométriques variées et dont les balcons étaient disposés en forme de X, défiait l'architecture contemporaine de la ville. Bien qu'habituée à cet endroit, c'était la première fois qu'une chambre lui offrait une vue aussi saisissante sur cet édifice. Sa façade, recouverte d'un jardin vertical, était fièrement garnie de lierre, de glycines et de clématites, qui, en cette fin d'été, étaient toujours en fleurs. Fascinée par la beauté de cette combinaison naturelle et futuriste, elle ne pouvait détacher son regard de ce paysage à la fois inhabituel et apaisant.
Soudain, au loin, retentit un léger enclenchement mécanique suivi du frottement de la porte contre le sol, qui surprit Nelia. Son cœur s'emballa et, machinalement, elle se tourna vers la porte qui s'ouvrait lentement. Apparut alors un homme mince de taille moyenne, vêtu d'une longue blouse blanche. Sa peau basanée, ses cheveux et sa barbe grisonnants indiquaient qu'il devait être dans la cinquantaine. Sans dire un mot, d'un pas résolu, l'homme avança vers la table. Son visage ne laissait transparaître aucune émotion, ni joie, ni tristesse, ni compassion, donnant l'impression qu'elles étaient face à un véritable robot. Une fois installé, sans prononcer un mot, il déposa la tablette qu'il tenait en main sur le bureau et commença à utiliser l'ordinateur. Lorsque les cliquetis des touches cessèrent, il prit enfin la parole. Sa voix était grave et son ton impassible. Il entama la conversation avec des mots bien connus de tous dans cette pièce.
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