Désillusion d'enfance


Petite fille virevoltait dans le jardin, au soleil.

Elle était encore insouciante et surtout pleine de vie. Les problèmes ne l'atteignaient pas à cet âge. Elle était encore trop jeune. Elle ne se rendait pas compte du monde autour d'elle. Elle ne se rendait pas compte encore qu'il pouvait être cruel. Pas seulement ce monde, mais le monde qui l'entourait aussi. Les personnes. Elle n'avait aucune raison de penser cela après tout. Elle n'était qu'une enfant, elle avait le temps pour cela.

Sa tante l'attrapa alors qu'elle courait dans le jardin. Elle éclata de rire. Un rire joyeux : elle était bien, heureuse en cet instant. Les mains douces de sa tante la chatouillèrent.

- Arrête tata, tu me chatouilles ! lui lança la petite fille.

- Non, je vais te manger ma chérie !

Elle recommença alors que la petite continuait de rire. Son oncle vint ensuite se mettre à aider sa femme, faisant davantage éclater de rire la brunette. Elle éclatait de rire jusqu'à ne plus en pouvoir et se fatiguer. Ils finissaient par la laisser tranquille, lui proposant en échange une glace à aller déguster dans un fast food du coin. Comment résister à une glace et dire non ?

La fillette appréciait ces week-ends où elle pouvait sortir de son quotidien chez elle. Ces week-ends où elle se rendait chez sa tante et son oncle. C'était un peu son échappatoire, sa façon de pouvoir oublier les soucis quotidiens. Elle s'y sentait mieux que dans sa propre maison, avec ses propres parents. Elle ne saurait expliquer pourquoi. Elle était mieux là-bas, c'était tout. Elle savait aussi qu'elle pouvait y aller quand elle le voulait, que la porte lui était toujours ouverte.

En grandissant, et ce, même si elle changeait d'école car elle devenait plus grande, elle avait quand même gardé cette habitude : la brunette allait toujours quelques fois chez sa tante.

Au fil des années, elle avait lié une relation avec elle, qu'elle avait créée depuis qu'elle était jeune. Elle se confiait à elle plus qu'à sa propre mère. Elle ne saurait expliquer pourquoi. Peut-être parce qu'elle se sentait plus en confiance ? Peut-être parce qu'elle pensait que c'était la personne la mieux placée pour cela ? Ou peut-être parce qu'elle sentait que c'était l'une des rares personnes à ne pas lui mentir sur certaines choses dans sa famille.

Elle lui confiait tout, sa vie, ce qui la touchait et était important pour elle. Elle lui confiait les choses qui la rendaient triste. Elle savait que cela resterait entre elles et qu'elle n'en parlerait à personne. C'était rassurant. Elle se sentait en confiance. Elle savait que lorsqu'elle avait un moment de blues, un besoin de break, elle pouvait y aller. On la laissait faire.

Petite fille qui virevoltait était devenue grande. Petite fille n'était plus aussi insouciante que pendant son enfance. Petite fille avait découvert l'adolescence, les problèmes, la véritable vie d'adulte. Une vie qui ne lui plaisait plus tant. Petite fille regrettait ces moments-là. Son enfance lui manquait et elle aurait donné tout et n'importe quoi pour retrouver ces moments. Les choses se sont dégradées dans sa vie personnelle, sa vie familiale. Elle se sentait comme en train de se noyer, sans aucun moyen de sortie. De survie. Il n'y avait pas de bouée de sauvetage.

Petite fille faisait ses premiers pas au lycée. Un autre pas dans la vie d'adulte. Elle ne voulait pas vraiment continuer à y entrer, mais elle n'avait pas le choix.

- Ne t'en fais pas ma chérie, tu vas y arriver. Puis tu sais que si tu as besoin, je suis là et tu peux m'appeler. 

- Oui je sais, merci. 

- Je t'aime, ne l'oublie jamais, d'accord ?

- Merci.

Elles se prirent toutes les deux dans les bras avant que la petite fille devenue grande aille jusqu'au lycée.

Ce fut seulement quelques semaines plus tard que la petite eut l'impression de perdre une partie d'elle-même. Un membre de sa famille. Oh, elle ne la perdait pas définitivement : elle ne s'était pas envolée et n'avait pas non plus succombé d'une grave maladie. Mais, à ses yeux, cela revenait au même.

- Je pars avec tonton, on déménage au Portugal définitivement. On a vendu ici.

La petite pleurnicha :

- Pourquoi vous partez ? 

- Tonton veut aller vivre là-bas, mais ne pleure pas, on continuera de se parler. Puis tu pourras toujours venir nous voir. Tu m'appelleras et on viendra te chercher. On te paiera même le billet s'il le faut.

- Je sais mais... tu seras loin, ce n'est pas pareil. 

- Tu pourras venir pendant les vacances, puis si tu as un souci, tu m'appelles tu sais ?

La brunette hocha la tête, mais elle n'était pas vraiment convaincue par ces paroles. Peut-être qu'elle ne voyait qu'en noir ce soir. Mais en même temps, la personne qu'elle considérait comme une seconde maman s'en allait à quelques heures de là où elle vivait. Comment ne pouvait-elle pas broyer un peu du noir ? Elle décida finalement de chasser cette idée de sa tête en allant se coucher.

Vous avez déjà ressenti le sentiment de vide, de solitude ?

De trahison, surtout ?

Vous avez déjà été blessé à un point si douloureux ?

Blessé alors que vous ne vous y attendiez pas ?

Blessé à un point où vous aviez l'impression d'étouffer ?

De ne plus savoir respirer correctement ?

Blessé au point où les larmes vous sont montées aux yeux rapidement ?

Au point où vous avez pleuré des heures sans savoir vous arrêter ?

Et pourquoi ?

Parce que c'était trop douloureux.

Le sentiment d'incompréhension totale.

Le sentiment d'espérer des réponses qui ne viendraient jamais.

C'était le sentiment que ressentait la petite fille en cet instant. Elle ne comprenait pas, elle était encore jeune. Elle n'avait que seize ans, pourtant ; elle était encore une jeune fille, pas une adulte. Lorsque sa tante et son oncle étaient partis vivre à l'étranger, elle avait continué de parler à sa tante. Comme d'habitude. Elle avait même le projet de la visiter lors des vacances scolaires, mais ça n'avait pu se faire. Mais là... elle ne comprenait pas.

Elle n'avait plus de message, plus d'appels. Lorsqu'elle envoyait un message, sa tante le lisait, mais ne lui répondait pas. Elle ne lui répondait jamais. Elle n'avait plus jamais pris de ses nouvelles, elle ne l'avait plus jamais appelée. Pas même pour son anniversaire. Tout avait changé entre elles.

Lorsque la brunette vint au Portugal en même temps qu'elle, passant à côté de chez elle, sa tante ne vint jamais la voir. Ce n'était pas faute de savoir qu'elle était présente. Pourtant, rien. Silence radio. C'était comme si elle avait coupé les ponts, comme si leur relation si précieuse à ses yeux n'avait jamais existé. Comme si elles n'avaient jamais été proches.

Mensonge. Mensonge. Mensonge sur mensonge. La petite fille tenta de les gober. Ils lui restèrent tous au travers de la gorge.

Elle hésita plusieurs fois à aller sonner à la porte de sa tante, voulant des explications, voulant comprendre. Elle se rétracta finalement, se disant que celle-ci s'était moquée d'elle, que cela ne servait à rien. Elle avait déjà pensé à lui envoyer un énième message, mais ses peurs l'en dissuadèrent : peur qu'on lui rie au nez, peur d'être blessée encore plus qu'elle ne l'était déjà. Peur d'être rejetée de nouveau.

Au fil des années, elle cessa de l'attendre, mais cela ne signifiait pas qu'elle ne pensait plus à elle. Et à sa trahison envers elle. Bien au contraire. Elle y pensait quelques fois, elle avait ses moments de blues également. Moins, avec le temps, mais c'était toujours dans un coin de sa tête.

Dans le fond, la petite fille espérait toujours avoir des réponses à ses questions, tout au moins une explication. Rirait-elle un jour à nouveau de son rire joyeux, de son rire d'enfant ? Rien n'était moins sûr. La jeune femme qu'elle était devenue devait vivre avec cette histoire. 




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