Chapitre 3
Le soleil brillait doucement sur Ther, je me trouvai dans l'arrière-cours de l'Université Zétrag qui n'ouvrait ses portes que pour une seule raison. Celle de permettre aux étudiants provinciaux de rentrer chez eux pour les vacances.
Ce matin avait été chargé, nous avions vidé l'appartement de nos affaires personnelles avant de rendre les clés à notre concierge. Puis était venu le moment de transporter nos bagages jusqu'à l'université, Amaël était parti de son côté car le portail ne permettait pas aux humains de voyager, du moins ils y réagissaient mal.
Un grand portail avait été érigé tôt ce matin, et nous étions d'ailleurs les derniers à passer le portail. Après la soirée d'hier le réveil avait été très dur.
― Tu vas me manquer petite Berhi, me glissa Philaé en me prenant dans ses bras.
― A moi aussi petite Hulim.
J'étais triste que nos chemins se séparent ici, mais on se retrouverai assez vite. Je le sentais. Son sourire s'était agrandis quand je l'avais qualifié de « Hulim », ce terme désignait les mages pouvant soigner, protéger, développer leurs sens... Tandis que les Mages Berhi possédaient des pouvoirs liés aux trois éléments : le feu/le métal, l'eau/la glace et l'air/l'électricité. Le dernier élément était possédé par les elfes ; la terre.
Mon amie passa le portail, bagages à la main et disparût instantanément. Un enseignant m'adressa un hochement de tête et je passai à mon tour la barrière magique. Pensant à ma maison à Ether, celle-ci se matérialisa devant moi. J'étais de nouveau chez moi.
*
L'habitation qui se présentait face à moi était sublime, ses murs bleus et son toit de tuiles rouges lui donnait un aspect de villa en bord de mer. Traînant ma valise derrière moi, j'entrai dans la maison avec hâte. Je fus à deux doigts de rentrer dans quelqu'un, la personne qui souhaitait sortir recula aussitôt.
― Kamalis !
― Papa ! m'écriai-je en lui sautant dans les bras.
Il chancela un peu mais m'attrapai fermement, le nez dans le creux de son coup je pouvais sentir son odeur boisée. Il s'écartait après deux longues minutes, puis me détaillai de la tête aux pieds. Je l'imitais en l'observant minutieusement, il avait, contrairement à moi, des cheveux bruns. Des yeux similaires aux miens ; bleus, ainsi qu'un corps fin.
― Tu es toujours aussi magnifique, je suis content que l'air de la capitale ne t'as pas fait perdre ton ravissant sourire.
― J'avoue que ça peut aller, admis-je en lui assenant un léger coup sur le bras. C'est pas aussi horrible que tu le prétends.
― Hmm, rétorqua-t-il en fouillant dans son sac. J'allais partir pour voir avec le traiteur et finir la mise en place pour le gala.
― Ah, oui c'est vrai. J'avais oublié... Le gala...
― Tu viens toujours n'est-ce pas ? il s'exclama soudain anxieux. Comment je vais faire pour discourir devant tout ce beau monde si tu n'es pas là ? Mon petit rayon de soleil. Ah tient voilà !
Il sortit une petite boîte de son sac pour me la tendre avec un sourire plein d'affection. Je l'attrapai exciter de voir ce qu'elle renfermait, mais il m'arrêta d'un signe de la main.
― Tu l'ouvriras quand je serai parti, je dois y aller. Et aussi, je pars demain matin pour Ther. Il y a l'assemblée Inter-Espèces (A.I.E) qui a lieu demain soir.
― J'avais oublié... Très bien, je garderai le fort. A ce soir papounet chéri !
Une fois seule dans le couloir, je poussai un soupire. Mon père était un représentant de l'Assemblée Inter-Espèces (A.I.E), il représentait la sous-espèce des Mages. Il y avait plusieurs sous-espèces qui comptaient parmi l'espèce des Zétras ; les Mages -celle que mon père représentait-, les Elfes et les Métamorphes.
Les Zétras englobaient toutes ces sous-espèces, j'en faisais partie et nous cohabitions avec les Humains. En soi nous n'avions physiquement pas grand-chose qui nous différenciaient, mais contrairement aux Hommes, nous possédions ce qu'on pourrait le plus vulgairement appeler : des « pouvoirs ».
L'Assemblée Inter-Espèce était de la plus haute importance et se tenait seulement une fois tous les trois mois. Et où, en somme, le destin de notre espèce en dépendait. C'est là-bas que les représentants parlaient et échangeaient les modalités de la cohabitation des deux espèces ; les Zétras et les Humains.
*
Lissant ma robe bleu marine, je tentai de paraître à l'aise au cœur de cette foule, j'avais du mal à me sentir sereine entouré d'autant de personnes. Distraite je jetai un coup d'œil à mon portable, il affichait vingt heures pile. Le discours de mon paternel ne devait plus tarder mais je souhaitai le voir avant, me hissant sur la pointe des pieds je cherchai une chevelure sombre dans la foule.
J'entendis une femme glousser à mes côtés quand j'afficha un air dépité face à ma recherche infructueuse.
― Tu cherches un garçon je suppose, me glissa-t-elle avec un sourire complice. Quand j'avais ton âge je voulais assister à tous les galas pour trouver mon prince.
La femme en question était terriblement mince, et son teint pêche ne correspondait pas à son âge pourtant déjà avancé.
― Non à vrais dire je-
― Ne t'inquiète pas chérie, je ne dirais rien à personne. Mais tu devrais peut-être viser les évènements pour les plus jeunes, commença-t-elle avant de se couper nette. Oh mais tu veux peut-être rencontrer un homme mur et fortuné !
― C'est comme ça que j'ai rencontré mon mari, ajouta une de ses amies au teint plus gris. Mais je suis contente de voir que des gens soutiennent la diversité, cet Aséry voit dans le futur j'en suis sûr.
― Comment ça la diversité ? questionnai-je interloquée, sans interrompre mes recherches autour de moi.
― Les Zétras mon enfant ! Les non-humains devraient être mis un peu plus en avant, enfin pas trop évidemment.
― N'oublions pas que ce sont des bêtes de foires.
Ne tenant plus à écouter ses commentaires je m'éloignai en leur offrant un sourire crispé. Je savais que mon père tapait dans le gratin de la société pour financer ses projets, mais je ne pensais pas à ce genre d'individu égocentriques.
Soudain une voix amplifiée attira l'attention de tout le monde, et je remarquai que tous les regards étaient dirigés vers le podium. Mon père s'y tenait, droit et fière, un sourire aimable sur le visage il commença son discours :
― Chers habitants d'Ether, je suis ravie de vous voir ici. Je vous remercie encore une fois de votre soutien. Il est très important pour moi de soutenir les Zétrien des pays pauvres et en particuliers les enfants. Comme vous le savez ils n'ont pas la même chance que nous et n'ont pas de loi qui interdit la ségrégation raciale. De nombreux Zétras sont persécutés dans le monde entiers, vu et considérés comme des monstres, pourtant ils ne sont pas plus différents que les humains. Mais la différence fait peur et-
Perdu dans mes pensées je sentis mon portable vibrer doucement, je le sortis de ma poche et lus le message. Je viens de rentrer chez ma tante à Ether, écrivait Amaël. Mes parents vont venir ce soir !
Je lui répondis immédiatement -me prenant au passage un regard courroucé d'un auditeur- ; Super profite de leur présence. On se voit ce soir. Je rangeai mon portable et relevai les yeux sur le podium, mon père venait de finir son discours et les invités applaudissaient vivement.
Mon paternel descendit pour rejoindre la foule mais trois silhouettes masquées surgirent soudainement de nulle part et se postèrent de part et d'autre d'Enzothéus Aséry.
Un des deux hommes tenta de le poignarder, mais mon père contra le coup en usant de son pouvoir Zétrien. Cependant seul contre trois, il n'avait que peu de chance de parer chaque coup, il se débâtit tant bien que mal pendant quelques secondes, mais un des assassins atteignit sa cible et une tâche pourpre fleurit sur son costume.
Il avait été touché en plein cœur et l'expression de terreur qui animait son visage me pétrifiai.
*
Tout c'était passé si rapidement que je n'avais pas pu esquisser le moindre geste. Un râle entre fureur et horreur se frayai un chemin dans ma gorge, le son que j'émis n'était cependant rien à côté des invités qui hurlaient à pleins poumon, tentant de fuir par n'importe quel moyen. Un des invités me bouscula et je tombis au sol comme une poupée de chiffon.
Haletante, je rivai mon regard sur la scène pour trouver mon père, mais je ne vis rien. Les gens autour de moi couraient dans tous les sens, j'étais si tremblante que me lever était quasiment impossible. Une fois de nouveau sur mes jambes, je courus vers l'estrade pour aider mon père. Il était là, son corps inerte gisait dans une mare de sang. Mais j'avais à peine le temps de me jeter sur lui qu'une femme m'attrapa le bras.
Je pris conscience que l'air commençait à se faire rare, était-ce l'œuvre d'un Mage Zétra ? Je sentis alors une odeur âcre qui ressemblait fort à celle du brûlé, me retournant je vis les rideaux et les murs de la pièce s'enflammer rapidement. La femme qui me retenait semblait elle aussi déboussolée, et même si les trois meurtriers avaient quitté la pièce, le danger était toujours présent.
― Mon père est là ! Je vous en prie, il faut l'aider !
Une femme et un homme posés autour de lui tentaient de l'allonger sur le côté. Il avait l'air très mal en point, son visage blanc et ses lèvres tremblantes me fichaient la chair de poule.
― Quelqu'un pourrait appeler les Urgences ? s'écria la femme en tentant de compresser la plaie.
― Oh mon dieu, murmurai-je en sentant mon corps défaillir.
Le visage de mon père était d'un blanc cadavérique, la vie semblait l'avoir quitté. Le sourire qui animait habituellement sa figure était aujourd'hui inexistant. Comment tout cela pouvait-être possible ? L'effroi grimpait en moi comme une bombe prête à exploser :
― Ça ne sert à rien ! Ce que vous faites ne l'aide pas. On devrait le déplacer vers la sortie, les Urgences pourront faire leur travail. Le feu va nous tuer !
Une des femmes qui compressait la plaie lança un rapide coup d'œil à son compagnon, avant de me fixer avec tristesse :
― Mademoiselle c'est impossible, il perd trop de sang, si on le déplace il risque de mourir. Et son pouls est trop rapide. Nous devrions peut-être sortir et attendre les Urgences...
Elle essayait de me faire comprendre que mon père était condamné. Non. Je refusais de les croire. Je devais servir à quelque chose. Je ne pouvais pas contrôler l'incendie mais je pouvais faire autre chose :
― Je peux aider ! On peut l'amener sans trop le bouger, je suis une Berhi et je contrôle l'élément de l'eau. Je peux créer un coussin d'eau et le faire avancer doucement jusqu'à l'extérieur !
― Bonne idée ! s'écria une des femmes que j'entrapercevais à peine à travers la fumée.
― Je m'occupe de chercher un extincteur pour libérer la sortie, grogna l'homme en toussant.
Je fus presque heureuse de trouver une bouteille d'eau abandonné au sol -sans doute dû à la panique, je l'ouvris et renversa son contenu au sol. Canalisant mes forces, usant de toute ma concentration et de mon calme je fis naitre une masse d'eau contenue. Je fis glisser l'élément liquide sous le corps inerte et déployai toute ma force pour soulever ce dernier, en lévitation je le guidai jusqu'à la sortie.
La fumée me brûla la gorge et me piqua les yeux, d'épaisses larmes obstruaient mon champ de vision. Soudain le feu crépitant sembla grandir d'un seul coup, me projetant en arrière. Le lien avec mon élément se brisa et j'entendis à peine le bruit sourd du corps heurter le sol.
*
Des bruits stridents résonnaient autour de moi, je pris peu à peu conscience de mon corps et mon état. J'avais mal, mal aux jambes, mal au ventre, à la gorge et mes yeux me piquaient encore un peu. En les ouvrants je ne vis pas grand-chose, tout était blanc et flou. Je sentis une présence à mes côtés, une main attrapa la mienne :
― Kama tu es réveillé.
Me tournant vers Amaël je le vis soupirer visiblement rassurer.
― Am' ? ma voix était pâteuse et faible, comme enrouée. Où je suis ?
― Tu es à l'hôpital. On s'occupe de toi, il y a eu un incendie au gala.
Les souvenirs ressurgirent dans mon esprit, la petite boîte de pandore était ouverte. Mon père s'était fait agresser, le feu s'était répandu comme un monstre affamé. Mon cœur rata un battement et je fis mine de me lever mais Amaël me maintint férocement au fond de mon lit.
― N'y pense même pas, tu as respiré trop de fumé et ton corps s'est à peine remit. J'ai prévenu Philaé que tu n'avais rien de grave.
― Mais que s'est-il passé ? j'émis avec difficulté en retenant une quinte de toux.
― Comme je te l'ai dit il y a eu un incendie au gala, vous n'êtes que quatre personnes à être restés piégés par le feu. Et... un corps a été retrouvé à la fin de l'incendie. Il est à l'analyse. Mais enfin Kama ! Pourquoi n'es-tu pas sortie plus tôt ? Tu aurais pu mourir.
Il avait l'air inquiet et un peu en colère, comme si tout était ma faute. Mais ne comprenait-il pas que des vies étaient en jeux ? Je devais sortir d'ici, je devais avoir des réponses.
― Je n'ai pas le temps de répondre à tes questions, je dois savoir comment va mon père.
― Comment ça ? demanda-t-il soudain confus. Il... Il n'était pas déjà dehors ? Il doit être en train de discuter avec les Aides-Soignantes pour attester de ton état.
La panique rongeait mon corps et mon esprit comme du poison, je ne voulais pas y croire. Ce corps ne pouvait pas être mon père, j'avais réussi à le sauver.
― Ça m'étonnerait, on a tenté de l'assassiner pendant le gala. Les meurtriers ont mis le feu et ce sont barrés. Maintenant laisse-moi sortir d'ici !
L'information eut pour effet de dévaster mon ami, ses yeux s'écarquillèrent et il sembla comprendre tout ce que cet évènement allait engendrer. Mais ma priorité n'était pas les conséquences mais savoir comment mon père allait.
― Kamalis Aséry je t'interdis de partir comme ça. Tu te rends compte de ce que ça signifie ? Attenter à la vie d'un représentant de l'Assemblée Inter Espèces est totalement-
― Merci Am' on parlera politique plus tard, le coupai-je froidement en sautant du lit.
Je chancelai sous mon propre poids, Amaël soupira mais m'aida à rejoindre le couloir. Nous avancions vers la réception quand une femme me sauta dans les bras.
― Oh mon dieu Kamalis ! Je suis si heureuse que tu ailles bien, j'ai cru que...
― Annamée, soufflai-je en retenant mon souffle.
Je m'écartai de ma tante et l'observa encore sonner, elle se tenait devant moi vêtu avec grâce et ses cheveux bruns coupés à la garçonne étaient parfaitement coiffés.
― Mon frère s'est fait agresser en plein gala, je n'en reviens pas ! Je jure que ça ne se passera pas comme ça !
― Comment va-il ? questionnai-je tremblante d'espoir.
― Oh ma puce...
Anna prit ma main et m'attira vers un canapé, nous prenions place tandis que Amaël resta à l'écart gêné et je perçus une immense tristesse le submergé quand je croisai son regard. Ma tante capta mon attention en ramenant mon visage vers elle de sa main, avec une grande douceur. Je fronçai les sourcils, cette femme avait toujours été connu pour sa grande indélicatesse et son empathie proche du néant. J'avais beau avoir les singes face à moi, je ne voulais pas y croire.
― Je sais ce que tu as tenté de faire, tu aurais réussi à la sauver si le feu ne s'était pas répandu aussi vite.
« Si j'avais été plus forte, plutôt », pensai-je amèrement. J'aurais pu le faire sortir rapidement si je maîtrisais mieux mon pouvoir, mais je n'étais encore qu'une élève en formation. Et j'avais beau avoir un des meilleurs niveaux, la réalité ne se mesurait pas à un simple examen. Nous avions rarement de deuxième chance.
― Tu as été forte Kama, je ne veux pas que tu penses que c'est ta faute. Ce n'est pas toi qui tentes de créer un conflit politique et-
Elle s'interrompit estimant sans doute qu'elle dérivait du sujet, mais quand elle ouvrit la bouche elle la referma aussitôt. Annamée essuya rapidement ses larmes et plongea son regard à présent dénué d'émotions dans le miens :
― Il est mort, ton père n'a pas survécus. Je sais que c'est dure mais tu dois passer au-dessus de la douleur. Tu verras que ça passera plus vite que tu ne le crois.
*
Il était là. Dans cette caisse de verre opaque, sertie d'or. Des fleurs trônaient un peu partout. Amaël me tenait la main et j'étais heureuse qu'il soit là. Sa présence me donnait le courage de rester dans cette pièce, où de nombreux inconnus pleuraient un mort qu'ils ne connaissaient pas.
Mes pensées divaguaient, aussi malheureuses que moi. Rien ne serait arrivé si j'avais pu mieux l'aider, rien ne serait arrivé si j'étais plus forte. Je pouvais voir mon visage fatigué que me renvoyait le reflet dans le verre. Si seulement j'avais été plus courageuse, plus forte...
Une voix dans ma tête me soufflait que tout était possible, que tout n'arrivait pas par hasard. Que ce malheureux incident était arrivé pour me tirer de mon déni. Le monde entre les Zétras et les Humains n'était pas tout rose, mais je refusais de croire qu'un Humain est assassiné mon père.
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Publication : 04/04/2020
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