Partie 7 - Par Draco Nocte

Partie 7

Par Draco Nocte

La créature élémentaire bondit, saisissant Shin avec son long et puissant bras, et seul Grunlek eut le temps de réagir. Le nain donna alors un violent coup de poing à la monstruosité qui garda malgré tout sa prise sur le demi-élémentaire.

— Restez en arrière ! héla Grunlek à l'attention des gardes qui avaient commencé à s'approcher, ayant dans l'optique de les empêcher d'achever la créature agonisante pour pouvoir l'interroger sur ses agissements vis-à-vis de Shin.

Mais, bien décidé à se débarrasser de leur ennemi, les gardes abattirent leur armes sur ce dernier et le son d'un glaive tinta tandis que la chair de ce bras proéminent fut maladroitement entamée. Dans le chaos du combat, l'un des soldats bourra Grunlek qui tomba à la renverse. Shin avait bien compris que la créature l'ayant attrapé essayait de partir avec lui dans la ruelle, aussi profita-t-il de l'aide des gardes pour continuer à lui résister.

La créature finit malgré tout par se relever, inspirant la terreur chez les personnes présentes, surtout les soldats. Grunlek recommença sa frappe, bien décidé à assommer son adversaire, et le demi-élémentaire qui se faisait tirer remarqua alors rapidement que la créature eut soudainement l'air vaseuse. Une opportunité !

— Je ne suis pas des vôtres ! grinça Shin d'une voix rauque avant de saisir fermement sa dague et, en profitant du bref répit offert par Grunlek, planter d'un coup sec sa lame entre le cou et la clavicule de ce monstre.

La créature s'écroula finalement au sol, sans vie. C'est désormais vers les Aventuriers que tous les yeux étaient rivés. Ignorant cela, Théo se précipita vers Shaydan pour aller la soigner... du moins, juste ce qu'il fallut pour lui permettre de parler. Le demi-élémentaire enfin libre se pencha sur la jeune femme, visiblement rassuré qu'elle soit revenue à elle.

— Ça va ? Vous allez bien ? lui demanda le paladin sans douceur aucune.

— Merci... je vous dois la vie, répondit faiblement Shaydan. Mais la vôtre elle est... elle est protégée par leur chef. Si les hommes de Delenor s'en prennent à vous, le chef des élémentaires d'eau jure leur perte.

Un calme relatif retrouvé, les hommes de Delenor s'organisèrent de nouveau, rangeant les armes, déplaçant les corps, mais demeurant surtout sur la défensive face aux Aventuriers. Le Seigneur Delenor lui-même se faisait dans le même temps soigner par son second, constatant que toutes les blessures de son maître n'étaient pas exactement d'ordre physique. D'un autre côté, le pyromage décida de s'adresser au capitaine des gardes, essayant là de trouver un éventuel point d'entente.

— Vous êtes le capitaine des gardes ici, je présume. Le commandant en second... entama Bob la conversation. Vous savez que nous ne sommes pas vos ennemis, mais vos alliés. Nous aussi avons été attaqués par ces... créatures, et souhaitons vous aider à vous en débarrasser. Dès que votre commandant ici présent sera soigné...

— À cause de qui est-il dans cet état, d'après vous ? répliqua froidement le capitaine.

— À cause d'une attaque de deux créatures élémentaires et d'un ordre stupide. Vous savez vous-même en tant que soldat qu'il est beaucoup plus intéressant d'interroger...

— En tant que soldat, l'interrompit-il. Vous l'avez très bien souligné, magicien, en tant que soldat j'exécute les ordres, et les ordres sont de vous abattre. Mais, je reconnais néanmoins que vous avez contribué à un retour relatif à la paix dans ce village en éradiquant cette race putride de demi-élémentaires...

Le paladin rejoignit son camarade mage et l'interrogea à son tour.

— Et d'où ils viennent ?

— C'est ce que j'aimerais bien savoir, répondit justement Balthazae. Je voulais interroger...

— Ils viennent du ciel, l'interrompit de nouveau le capitaine. C'est évident. La chaîne de montagnes, et de là-bas ils déversent toute l'eau qui a anéanti des centaines de vies. Ils n'auront que ce qu'ils méritent.

Théo arqua un sourcil.

— Et comment vous savez que c'est eux ?

— Autant d'eau ne peut pas tomber du ciel, voyons... Je sais bien que j'ai l'air pas très instruit, mais au moins, je connais ma région ! se défendit l'homme d'armes.

— Non, vous avez entièrement raison, acquiesça Bob. Cependant, est-ce que vos hommes ont commencé à interroger le prisonnier ou est-il toujours inconscient ?

Le prisonnier en question était justement un peu plus loin, pieds et poings liés, et se faisait transporter vers ce qui semblait être un coffre vidé de son contenu, avant d'être déposé sans grande considération à l'intérieur de ce dernier.

— Est-ce qu'on peut interroger le prisonnier ? demande plus directement Théo en observant la scène.

— Écoutez, je vais être franc avec vous. Les ordres sont les ordres, annonça le capitaine. Donc, en théorie, je devrais soit vous abattre, soit vous emprisonner, soit les deux. Mais néanmoins, après avoir sauvé la vie de cette charmante Shaydan...

— Qui c'est d'ailleurs ? l'interrompit à son tour le paladin.

— Shaydan ? C'est la sœur d'Elisabeth, l'apothicaire de la ville. Elle vient régulièrement rendre visite à sa sœur, elle est maître d'armes.

— Vos ordres n'ont pas forcément à être contradictoires, capitaine, reprit Bob. Nous pouvons temporairement nous allier face à cette menace, et vous nous mettrez aux fers quand tout ceci sera calmé. Dès que nous aurons fini d'interroger cette créature, vous pourrez bien évidemment l'exécuter. Et si les ordres à notre égard changent d'ici là, je suis sûr que vous nous tiendrez au courant de l'évolution des faits.

— Je ne vais pas pouvoir vous laisser vaquer à vos occupations comme vous le sentez, mage rouge. Faîtes ce que vous avez à faire là maintenant... mais dépêchez-vous de le faire.

Il ne fallut pas le dire deux fois au paladin pour que ce dernier décide de se diriger directement vers le prisonnier pour enfin le questionner, sans pourtant avoir la garantie de pouvoir communiquer avec lui... ce qui ne l'empêcha pas d'entamer partiellement un monologue.

— Bonjour, je suis Théo de Silverberg. Je suis paladin, je parcours la terre pour répondre le bonheur et la joie, commença-t-il avant de se raviser. Sérieusement, écoutez-moi... qui êtes-vous ?

Le prisonnier répondit au paladin d'une voix grave et rocailleuse, dans un mélange de dialecte élémentaire et de commun que seul Shin pouvait traduire à la volée pour finalement retransmettre à Théo les phrases prononcées, complètes et traduites.

— Je suis acquis à la cause des élémentaires. Vous avez tenté de nous chasser à plusieurs reprises ces dernières années. Vos dernières attaques étaient de plus en plus violentes, vous avez même au début tenté d'acheter nos terres comme si nous avions cure de vos considérations de mortels. L'économie, la monnaie... tout ceci vous concerne vous, pauvres mortels.

— Mais vous avez essayé de tuer des gens... c'est pas bien, souligna Théo.

— Ils ont commencé à vouloir nous chasser, alors que nous sommes ici depuis des centaines d'années... Je vous le dis, mortel. Que vous soyez paladin, inquisiteur, homme de foi ou simple mortel, vous n'êtes pas chez vous dans cette région. Cette région appartient aux demi-élémentaires d'eau, et... et celui-là - il indiqua Shin du menton - il est... avec nous, et il aura la vie sauve.

— Qu'est-ce que vous êtes ? Vous êtes un soldat ? enchaîna le paladin.

— Nous avons cédé... abandonné notre... ce que vous appelez humanité. Nous l'avons cédé pour accéder à notre véritable nature, l'eau sous toutes ses formes, sa forme la plus violente tout comme sa forme la plus pure. Nous sommes... l'avenir.

— Vous êtes nombreux ? continua Théo, semblant exaspéré par les propos du prisonnier.

— Personnellement j'en ai assez entendu, je propose que tu l'achèves Théo, suggéra le pyromage.

Mais le prisonnier ne répondit pas clairement, exagérant son propos et citant des nombres faramineux, sans doute pour paraître plus impressionnant malgré les propos tenus à son égard.

— Je suis désolé, je ne suis pas comme vous, finit par dire Shin. Contrairement à vous, j'ai toujours une part humaine en moi, je suis né humain et je continuerai comme ça. Je ne vois pas ce que vous recherchez dans cette forme pure d'élémentaire. C'est pour ça que si vous voulez me laisser vivre, il faut aussi laisser vivre mes collègues ici présents.

— Vous avez une famille ? demanda Théo au prisonnier, bien décidé à poursuivre son interrogatoire.

— Il est ma famille, répliqua le captif en montrant Shin. Tous les demi-élémentaires sont ma famille. Neptune est ma famille.

— Ça veut dire que vous tenez aux gens de votre famille ?

— Oui...

— Donc... ça vous dérange pas si on va tous les tuer ? Parce que c'est ce qui va se passer au bout du compte. Enfin... je veux dire... vous devriez avoir plus d'attention pour la vie de votre famille.

— Évidemment... mais nous nous battons pour ce qui nous paraît juste. Et ce qui nous paraît juste, cher inquisiteur, c'est de réclamer cette terre qui nous revient de droit. Sans menaces, sans considérations mortelles.

— Mais c'est pas possible ! s'exclama Théo. On peut vous donner une flaque ou deux, à la rigueur...

Shin ne traduisit pas ce dernier passage pour des raisons évidentes.

— Une dernière question sérieuse, reprit Bob. Le tsunami, c'était vous ?

— Oui... et on fera abattre toutes les Dents du Ciel pour que l'eau éradique cette misérable humanité de la région, répondit-il d'une voix glaciale.

— Là j'en ai vraiment assez entendu...

— Vous avez jusqu'à l'aube pour quitter cette terre.

— Qu'est-ce qui va se passer ? demanda alors Théo en fronçant les sourcils.

— À l'aube, cette région n'existera plus. Vous avez jusqu'à l'aube pour mourir...

Bob observa le ciel nocturne, puis tourna précipitamment les talons dans un mouvement de cape, rapide mais néanmoins gracieux, pour aller informer le commandant de cette menace pour le moins imminente. Théo lâcha finalement le prisonnier pour accompagner le pyromage, tandis que, de son côté, Shin se demandait s'il n'y avait pas un quelconque moyen pour lui de s'infiltrer chez ses semblables.

— Et où est-ce qu'ils vivent ? finit par demander le paladin à ses interlocuteurs.

— Il semblerait qu'ils vivent au pied des montagnes, répondit le capitaine.

— Ils ne vivent pas dans l'eau, ce sont pas des poissons qui se matérialisent de l'eau, comme ça...

— Absolument, confirma-t-il en hochant la tête.

— Après, on ne sait pas du tout s'il s'agit d'un village ou autre, et donc s'il y a des civils qui sont loin de tous ces affrontements, tempéra Grunlek. C'est peut-être juste une partie, la partie armée et militaire de cet endroit qui veut le conflit.

— Eh bien, ils partiront quand on aura tué les autres, indiqua Théo l'air de rien. Je ne vois pas le problème.

La suite de la discussion fut on ne peut plus animée, Shin et Grunlek essayant tant bien que mal de faire comprendre à leurs compagnons que tout ne pouvait pas être aussi simple que de détruire purement et simplement ce supposé village de demi-élémentaires.

Minuit sonne. Agacé par cet échange interminable, Théo finit par s'en aller parler avec les gardes pour les galvaniser en vue d'un combat prochain et questionna quelques personnes çà et là quant à la possibilité d'utiliser des armes de siège ou, à défaut, flèches enflammées et autres huiles bouillantes. Désireux de connaître également les éventuelles faiblesses de leurs ennemis, le paladin s'approcha du prisonnier toujours ligoté dans son coffre et... lança une certaine quantité de sel sur le demi-élémentaire, qui adressa un regard circonspect à l'assemblée. Ce n'était visiblement pas dans le sel que résidait le talon d'Achille de ces rebelles.

Finalement, ce fut la question de l'évacuation des civils qui vint au centre de la discussion, sans vraiment arriver à une solution concrète. Soudain, dans un éclair de lucidité, Grunlek souligna que Shaydan ne leur avait pas encore expliqué pourquoi les rebelles demi-élémentaires n'étaient pas hostiles au groupe des Aventuriers. Se disant qu'il valait mieux que ce soit Shin qui récupère et interprète toute information liés aux demi-élémentaires, le nain laissa sa place à son compagnon pour aller organiser l'évacuation des habitants, notamment sur le plan technique. Ce furent donc Bob et Shin qui partirent quérir les renseignements détenus par Shaydan. Mais tandis qu'ils se dirigèrent vers elle, une silhouette se profila à l'angle de la rue.

Encapuchonnée et capée, il ne fut possible d'entrevoir du visage de cette personne inconnue que peu de peau qui, exposée à la lumière de la lune, brillait d'un léger éclat bleuté. Des yeux uniformément noirs brillaient d'une lumière incandescente et surnaturelle, et se tournèrent vers ceux qui l'avaient remarqué. D'un premier signe de la main, un doigt posé sur les lèvres, il intima les Aventuriers à garder le silence. Puis, d'un second geste de la main, il les invita à approcher...

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