Partie 5 - Par Kermadec
Partie 5
Par Kermadec
Plusieurs minutes étaient passées depuis l'arrivée des aventuriers parmi l'assemblée de soldats menée par Sire Delenor. La tension était toujours palpable en ces lieux. Le quatuor étranger n'inspirait pas confiance, en dépit des efforts de Bob pour apaiser la situation. Les événements récents ne jouaient pas en leur faveur : certains gardes avaient repéré les reflets bleutés de la peau de Shin, mais gardaient encore le silence. Tous les hommes rassemblés semblaient aux aguets, dans l'attente d'un nouvel événement, voire d'un nouvel incident.
Aussi, les aventuriers restaient sur leurs gardes. L'archer du groupe, en particulier, restait en arrière, conscient que sa nature même pouvait lui nuire en cet instant, d'autant plus qu'un puits se trouvait en ce lieu, ce qui augmentait son malaise. En soutien fidèle, Grunlek n'était pas bien loin et, s'il restait à proximité de Shin, il ne pouvait s'empêcher d'observer la petite armée d'un oeil suspicieux. La rage évidente de ce groupe entraîné le dérangeait. C'était trop, trop violent, trop précipité.
Soudain, le pyromage s'agita. Il venait de voir avec certitude le couvercle du puits tant redouté par Shin s'ouvrir, puis se refermer. Quelqu'un se cachait dans l'orifice, et cet être, quel qu'il soit, ne pouvait être que mal intentionné. Suivant son instinct, Bob se mit à crier.
— Gardes ! Attention, dans ce puits ! Un espion, ou... quelque chose. Faites attention, Monseigneur ! Ressaisissez-vous et soulevez le couvercle tout de suite !
Au même moment, la protection de bois qui bouchait le puits vola en éclats. Une première créature humanoïde, à la peau bleue décharnée, jaillit du trou, suivie de près par un autre de ses congénères. Shin comprit immédiatement qu'il s'agissait plus ou moins de ses semblables. Des demi-élémentaires d'eau, comme lui, mais qui semblaient s'être éloignés depuis longtemps de ce qui faisait autrefois leur humanité. Cette vision troubla l'archer, qui ne pouvait s'empêcher de s'identifier à ces êtres. Allait-il, lui aussi, devenir comme eux, s'il laissait faire le temps ? Ces intrus étaient-ils véritablement responsables des malheurs récents ou étaient-ils, comme lui autrefois, de simples victimes des circonstances ?
Les créatures ne laissèrent pas davantage de temps de réflexion à l'assemblée de combattants. Le premier être sorti du puits se précipita vers Sire Delenor, la cible évidente de leur attaque. Bob réagit immédiatement, envoyant une boule de feu en direction de l'assaillant. Ce dernier fut consumé par le sortilège, mais poursuivit sa course, déterminé, le corps léché par les flammes. Il atteignit finalement Sire Delenor et, comme enragé, abattit sa lame entre l'épaule et le torse du seigneur de guerre, visant un interstice précis de son armure. L'homme s'écroula, à genoux, le corps soudain ensanglanté.
Théo, quant à lui, voulut se ruer en avant afin de s'interposer entre le chef de l'armée et ses ennemis, mais le second demi-élémentaire comprit ses intentions et sauta en sa direction. Leurs deux corps s'entrechoquèrent, et les deux hommes se retrouvèrent alors en combat singulier au milieu de la foule. Tout autour de ces combats intenses, les soldats s'agitaient, ne sachant trop que faire sans directive directe de leur commandant.
Au bout de quelques secondes, Shin finit par se ressaisir. Bien que réticent à se battre contre ses semblables, il saisit son arc et généra une flèche dans laquelle il insuffla un maximum de sa magie. S'il devait frapper un autre demi-élémentaire, il devrait le frapper fort. La corde de son arc vibra dans l'air, expédiant le projectile au milieu de la pièce, entre les soldats hagards, et transperça le torse de sa cible avec une telle force que la créature s'écroula dans un râle, un orifice béant au milieu du corps.
A cet instant, Théo, toujours aux prises avec son ennemi, vit du coin de l'œil une troisième créature s'extirper du puits. Cette dernière laissa parler sa rage, et abattit d'un coup froid et précis l'un des soldats les plus proches. La situation semblait se compliquer, les gardes peinaient toujours à se coordonner. Au coeur de ce chaos, Grunlek s'avança, le poing vers l'avant, et se projetta vers Théo et son adversaire. Le nain frappa l'être décharné, qui s'effondra quelques mètres plus loin, visiblement amoché, mais encore en vie. Aussitôt, les arbalétriers présents cernèrent l'individu, tandis que la voix de Bob résonnait aux oreilles de tous.
— Reprenez-vous, soldats ! Arbalétriers, formez un périmètre autour du Seigneur Delenor ! Soldats, les monstres sont dans vos murs, à l'attaque !
Shin eut un mouvement semblable à un frisson lorsque son ami qualifia les assaillants de monstre. En était-il un, lui aussi ? Était-ce donc ainsi que Bob le percevait ? L'archer ne pouvait cependant prendre le temps de s'inquiéter davantage à ce propos : autour de lui, les soldats s'organisaient enfin, galvanisés par les ordres reçus. De son côté, Théo se dirigea d'un pas assuré vers le dernier demi-élémentaire sorti du puits. Il donna un violent coup de pied à cette nouvelle cible, qui tituba, puis chuta en arrière, dans les profondeurs du puits. Aussitôt, les gardes intervinrent et couvrirent l'orifice du mieux possible, mettant un terme, peut-être provisoire, à cette attaque surprise.
Le calme ne revient cependant pas. Il restait un demi-élémentaire hostile encore en vie. L'être gisait au sol, certes, mais il n'avait pas encore succombé à ses blessures. Au fond de la salle, le seigneur Delenor se redressa et ordonna à ses troupes d'abattre immédiatement la créature. Comme un seul homme, les aventuriers protestèrent. Cet ennemi avait certainement des secrets, des informations qui pourraient leur servir. Il serait tué, oui, mais il ne devait pas l'être avant de pouvoir fournir des réponses.
Théo voulut convaincre Delenor de revenir sur l'ordre donné. Le paladin se savait persuasif. Parfois même menaçant. Il savait en jouer. En fidèle serviteur de la Lumière, il savait se servir de sa propre part d'ombre pour rallier à son avis les compagnons les plus récalcitrant. Il décida donc d'user de sa puissance pour faire entendre raison au seigneur aveuglé par la haine. L'armure du paladin se mit à briller, d'un éclat inédit, qui désarçonna l'aventurier lui-même. L'espace d'un instant, quiconque croisa le regard de Théo put comprendre qu'en vérité, il ne contrôlait plus ses propres actions. Son pouvoir s'amplifia plus que de raison, et l'aura étrange qui entourait son corps se répandit jusqu'à Delenor. Ce dernier fut soudainement pris de hoquets. Une nouvelle fois, l'homme tomba, un genou à terre, la main sur sa cage thoracique. Sa respiration était sifflante, de toute évidence douloureuse. D'une voix lointaine et pitoyable, il lâcha un dernier ordre.
— Arrêtez-les.
Son regard était rivé vers les aventuriers. Aussitôt, les arbalétriers changèrent de cible et tinrent en joue le quatuor malchanceux. Les soldats s'emparèrent de leurs armes, tandis que leur meneur sombrait dans l'inconscience.
— C'était pas censé faire ça, grommela Théo
— On est dans la merde, analysa Grunlek
— Putain, Shin, j'voulais passer mes vacances dans un bordel, mec... rappella Bob, blasé
— Mais on est dans un bordel ! Un sacré bordel ! conclut Shin.
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