Chapitre 9
C'était le premier enregistrement.
Pour la première fois, Jimin allait faire une émission avec lui.
Avec Min Yoongi.
Certes, elle était enregistrée, elle pourrait donc être coupée et modifiée. Mais Jimin avait l'impression de revenir six mois en arrière, lorsqu'il avait commencé à faire "Les livres de Jimin".
La nuit passée à cogiter, le stress dans le métro, l'appel à Hoseok. Puis le cœur qui battait plus vite en arrivant devant la Maison de la Radio, la gorge sèche, le souffle court. Et le froid de l'attente, qui infiltrait ses os malgré le mois de juin.
Jimin avait peur et Jimin s'en voulait d'avoir peur.
Après tout, ce n'était que Yoongi.
Que Min Yoongi.
Il sourit intérieurement en gravissant les marches qui menaient au bâtiment. Que Min Yoongi. Cette simple phrase était si contradictoire. Il avait tellement rêvé de lui, tellement été fasciné par ses podcasts, par sa voix, que Min Yoongi était devenu un trésor sacré pour Jimin.
Et pourtant...
Pourtant, Yoongi était si gentil, en fait.
Si différent de ce qu'il avait montré au début de leur collaboration.
Maintenant ils se souriaient, souvent, maintenant ils riaient, parfois. Maintenant ils se tutoyaient et passaient tous les dimanches après-midis à lire quelques heures ensemble une fois la préparation du jour terminée. Et, Jimin en avait bien l'impression, Yoongi aimait autant que lui ces moments silencieux à lire ensemble.
Il restait même spontanément maintenant, Jimin n'avait plus besoin d'utiliser la pluie ou un autre prétexte. Juste un sourire de connivence, puis Jimin partait refaire chauffer de l'eau, Yoongi rangeait ses livres dans sa valise, et ils s'asseyaient ensuite, chacun avec son thé, chacun avec son livre.
La fenêtre pouvait rester ouverte maintenant, il faisait chaud, et on entendait le pépiement insistant d'oiseaux invisibles, par-dessus les bruits de la ville.
C'était silencieux dans ces pépiements. C'était heureux.
Alors, oui, ce n'était que Yoongi. Il n'avait aucune raison d'avoir peur, tenta de se convaincre Jimin alors que l'ascenseur montait lentement les étages.
Il longea le couloir, arriva à l'endroit indiqué.
Cette fois le studio était un peu plus grand, on avait de la place pour s'asseoir à 4 autour de la table et de ses micros. Les personnes en charge de la technique étaient derrière la vitre, déjà en place, et Jimin frissonna sans pouvoir s'en empêcher de voir Yoongi déjà installé.
Il s'approcha, hésita.
— Bonjour Yoongi.
Il craignit un instant de retrouver le froid Min Yoongi, le Yoongi dédaigneux du début, sous le regard des autres.
Mais Yoongi se retourna, lui sourit, et les doutes de Jimin s'envolèrent.
— Bonjour Jimin. Installe-toi. Tu vas bien ?
— Un peu stressé.
— Moi aussi.
Jimin ouvrit de grands yeux. Yoongi, stressé ?
— Vraiment ?
— Oui, ça fait longtemps que je n'ai pas parlé devant un micro. J'ai perdu les réflexes.
Yoongi souriait, tapotait le micro devant lui, lissait ses notes, la table.
Jimin sentit la culpabilité revenir à la charge, celle de l'avoir privé de tout cela. Il semblait si heureux malgré le stress, il semblait tellement aimer ça.
Mais Yoongi avait dit qu'il ne lui en voulait pas. Jimin chassa le doute de son esprit. Après tout, Yoongi pouvait maintenant retrouver ce qu'il aimait.
Et ce que Jimin aimait.
— Tu vas bien lire les extraits, comme on avait dit ?
— Oui. À moins que tu ne veuilles les lire ?
— Non ! Non pas du tout, c'est pas mon truc. Et toi tu lis tellement bien.
Yoongi le regarda d'un air un peu étonné, comme toujours lorsque Jimin parlait de ses lectures ou de sa voix. Comme s'il n'avait pas encore compris que Jimin avait écouté tous ses podcasts. Comme s'il n'avait pas compris le pouvoir de sa voix.
Un instant, Jimin envisagea de le lui dire. Mais déjà...
— On va commencer.
La voix du régisseur technique sonna dans le casque, alors que Jimin le voyait faire un signe derrière la vitre.
Il hocha la tête, imité par Yoongi.
Jimin avait sorti les feuilles de leur script, validé par la productrice de l'émission, et les tenait fébrilement entre ses mains.
C'était lui qui devait commencer. Yoongi avait dit que c'était mieux, puisque c'était lui auquel les auditeurs étaient habitués désormais.
Il inspira profondément, ferma les yeux un instant. Puis se lança :
— Bonjour chers auditeurs, chères auditrices. Ici Jimin, de votre émission "Les livres de Jimin". Nous allons passer tout l'été ensemble pour une émission un peu spéciale, que j'ai beaucoup aimé préparer.
C'était tellement vrai.
— Mais le plus important, c'est que je ne serai pas seul. Est avec moi quelqu'un que vous connaissez bien. Quelqu'un que vous aurez, j'en suis sûr, autant de plaisir que moi à retrouver chaque semaine...
Il n'osa pas regarder Yoongi. Se doutait-il de combien ses mots étaient plus que des politesses d'usage ?
Mais c'était à lui maintenant :
— Bonjour à toutes et à tous. Ici Min Yoongi. Je suis ravi d'être de retour et de passer cet été avec vous. Et avec Jimin.
Jimin n'avait pas résisté. Dès les premiers mots de cette voix devenue encore plus grave qu'à l'accoutumée, il avait tourné les yeux vers Yoongi, avait savouré le fait de pouvoir, enfin, vivre cette voix. De la retrouver après tout ce temps.
Et il était fasciné comme au premier jour.
Car c'était cette voix qui revenait, cette voix plus grave des discours et lectures, cette voix qui l'avait accompagné tant de soirées, qui l'avait émerveillé, bercé, et combien plus.
Jimin rougit soudain au souvenir de ce qu'il avait fait sur les intonations de cette voix. Si Yoongi savait...
Mais Yoongi venait de terminer sa petite tirade, regardait Jimin qui devait enchaîner, haussait les sourcils aux yeux perdus en lui, sur lui. Il tapota doucement sur la table, puis toucha la main de Jimin pour le réveiller.
Pas de stress, ils savaient tous les deux que ce silence trop long serait coupé au montage.
Jimin reprit pied sous le contact et s'excusa muettement, avant de lire sa partie. C'était étrange de lire son texte, Jimin improvisait d'habitude. Il ne pouvait s'empêcher de dériver, d'ajouter des mots, des phrases, quelques idées de passage. La première fois, il avait jeté un œil inquiet vers Yoongi, s'attendant à se voir réprimander. Mais rien n'était venu, Yoongi le regardait, arborait un petit sourire lorsque Jimin cherchait son approbation. Réagissait au micro.
C'était agréable.
Jimin n'avait plus peur, il aimait ce jeu avec Yoongi, cet échange plus ou moins rapide, plus ou moins animé.
Il commençait même à s'habituer à cette voix plus grave à ses côtés, à ne plus perdre le fil à chaque fois que Yoongi parlait. La plaisir de l'entendre était toujours là, mais Yoongi prenait soin de venir attraper son regard à la fin de chacune de ses interventions un peu longue, comme s'il voulait rappeler Jimin au réel.
Pourtant, lorsque le moment tant attendu arriva, celui où Min Yoongi devait lire les passages qu'ils avaient sélectionnés et dont ils devaient ensuite discuter, ce fut une tout autre affaire.
Jimin crut littéralement défaillir.
C'était trop. Trop pour ses émotions, trop pour son cœur, peu habitué à être malmené comme ça, sans le filtre de l'encre, sans le filtre du Net.
Car Yoongi lisait "Les Misérables". Cette scène de souffrance de Cosette, qui mit des larmes dans les yeux de Jimin et l'obligea à respirer profondément avant de réussir à continuer.
— Je pense que, tout comme moi, vous avez apprécié cette lecture et que, tout comme moi, vous vous en êtes émus.
— Vous ne pouvez pas le voir, mais notre ami Jimin avait la larme à l'œil, titilla Yoongi, un grand sourire aux lèvres.
— Ah, vraiment ? Tu es obligé de m'afficher comme ça devant tout le monde ?!
Yoongi se mit à rire. Jimin se demandait s'ils ne sortaient pas un peu trop du script, mais il continua. Il osa.
— C'est à cause de ta voix. Tout devient plus intense avec ta voix. Je pense que les auditeurs seront d'accord avec moi. On ne peut... on ne peut qu'être amoureux de ta voix.
Jimin vit, au regard ébahi de Yoongi, qu'il était allé trop loin. Il rougit violemment, se hâta d'enchainer avec la présentation de l'extrait suivant.
Qui, malheureusement pour lui, était la scène de rencontre entre Marius et Cosette, cette scène où Marius tombe instantanément amoureux.
Yoongi, nullement perturbé, lut magnifiquement.
Jimin, lui, écouta. Magnifiquement. Le regard accroché au visage de Yoongi, aux mèches bien coiffées qui dégageaient le front, aux yeux posés sur le papier qui se faisaient intenses ou malicieux, à la bouche qui se tordait en un pleur, en un sourire, en un rire.
Jimin s'ouvrit tant à Yoongi pendant cette lecture et les suivantes, tant aux mots que sa voix faisait vivre, qu'il s'aperçut que, lui aussi, était peut-être tombé amoureux.
Et que cette fois, loin d'être un drame, ce sentiment le rendait heureux.
La réalisation le frappa alors que, l'épisode terminé, ils rangeaient tous les deux leurs affaires, silencieusement. Comme un peu sonnés par tous ces mots qui venaient de s'échanger.
Jimin n'arrivait toujours pas à réaliser qu'il venait de voir Yoongi lire en direct devant lui. Son esprit avait enfin recollé le Yoongi qu'il connaissait, qu'il voyait régulièrement, avec le Min Yoongi qu'il écoutait et imaginait. Là où, au départ, le fossé avait semblé si immense qu'il avait fait douter Jimin, s'était tissé un fil qui venait de superposer le son et l'image, le rêve et le réel.
Oui, Min Yoongi c'était tout cela. L'un et l'autre.
Celui qui le faisait vibrer et celui qui lui souriait.
Comme maintenant, alors qu'il attendait patiemment que Jimin sorte de ses pensées et se lève, pour qu'ils puissent quitter le studio ensemble.
— Pardon, j'arrive.
Jimin rangea rapidement le reste de ses affaires, salua le producteur et les techniciens puis suivit Yoongi jusqu'à l'ascenseur.
— C'était super.
Yoongi se retourna vers lui, hocha la tête.
— Oui, c'était bien. Les auditeurs vont aimer je pense. J'espère que tes followers aussi.
Le ton de sa voix n'était plus moqueur.
— Oh, je pense qu'ils vont adorer. Et qu'ils vont t'adorer toi ! Tu as un compte instagram ? Tik Tok ? Ils vont vouloir te suivre.
— Jimin...
Jimin savait pertinemment que Yoongi n'était pas sur les réseaux sociaux, il avait trop cherché pour que quelque chose ait pu lui échapper.
— Quoi ? Ça serait bien ! Tu pourrais développer une communauté autour de la poésie, faire des vidéos de tes lectures...
Yoongi secouait la tête en levant les yeux au ciel, sourire aux lèvres.
Ils sortirent de la Maison de la Radio et se retrouvèrent dans la chaleur étouffante de ce mois de juin. Jimin allait prendre congé et rentrer chez lui pour continuer à travailler, lorsque la voix de Yoongi, la voix grave qu'il prenait pour lire, l'atteignit.
— Tu veux aller boire un verre ? Je connais une bonne terrasse pas loin. À l'ombre, jolie vue sur la Seine.
Yoongi avait jeté les mots nonchalamment mais Jimin ne put accrocher son regard lorsqu'il se tourna vers lui. On l'aurait cru fasciné par la rivière en contrebas.
Jimin eut besoin de quelques secondes pour réaliser. Puis de quelques secondes pour se contrôler.
Yoongi avait envie de passer plus de temps avec lui ! Yoongi venait de l'inviter à prendre un verre !
Le "oui" qu'il balbutia fut l'exact opposé du tumulte de son cœur. Mais il atteignit son but : rappeler à lui les yeux de Yoongi.
Le faire sourire.
Yoongi adorait ce café. Un peu en retrait de l'agitation, niché dans une ruelle qui descendait en escaliers vers les quais, il avait tout ce qu'il fallait pour se faire paradis : ombre, brise légère, vue sur la Seine et délicieux cocktails.
Jimin semblait particulièrement apprécier cette dernière caractéristique, à en juger par ses joues rosies et ses yeux étoilés. Il venait de siffler d'une traite sa Tequila Sunrise et consultait la carte pour une deuxième tournée.
Yoongi, lui, sirotait tranquillement un verre de rosé et le regardait.
C'était toujours la même allure décontractée, voire presque négligée lorsque Jimin le recevait chez lui habillé d'un survêtement trop grand et d'un T-shirt du même genre.
C'était toujours la même petite couette de cheveux blonds attachés à l'arrière du crâne, et qui s'échappaient en mèches folles.
C'était la même voix un peu trop enthousiaste qui parlait tant, dès que Jimin se sentait à l'aise.
C'était les mêmes rires, trop forts, trop fréquents.
C'était les mêmes yeux de gaieté.
C'était le même Jimin que celui qu'il avait découvert dans cette vidéo. Celle du livre inspiré de Shakespeare.
C'était le même Jimin, mais un Jimin que Yoongi, maintenant, avait appris à tolérer.
À apprécier.
À espérer.
Et, alors que Jimin parlait d'un livre "génial et qui va te plaire, j'en suis sûr", Yoongi s'apercevait de combien son arrivée dans sa vie l'avait transformé.
Il s'était mis à lire de nouveaux livres qu'il n'aurait jamais cru lire un jour. Et qui, bien trop souvent, lui plaisaient, même s'il ne le disait pas.
Il venait d'enregistrer un nouvel épisode de radio. Il y en aurait 8 autres.
Il s'était plongé dans l'oeuvre de Victor Hugo comme il ne l'avait jamais fait, vivant depuis plus de deux mois au rythme d'un vieux barbu et d'un gamin à couette.
Yoongi ne put s'empêcher de sourire à cette idée. Jimin et Hugo se seraient-ils bien entendus ?
Jimin s'aperçut du sourire, leva un sourcil interrogateur.
— Tu ne m'écoutes pas...
La moue était faussement peinée.
— Non, pardon.
— Et tu l'avoues en plus !
Yoongi se mit à rire.
— Je pensais à la première fois où...
Il s'interrompit. Était-ce le bon moment pour le lui dire ? Était-ce même quelque chose à dire ?
En face, Jimin attendait patiemment.
Car il savait être patient, aussi. Attentif, attentionné. Silencieux quand il lisait. Adorable quand il fronçait le nez sur un passage qui l'interpellait ou lorsqu'il perdait le fil de leur enregistrement parce qu'il s'était perdu à l'écouter lire.
— Je pensais à la première fois où je t'ai vu.
— Oh. Dans le bureau du directeur des programmes ?
— Non. Dans une de tes vidéos.
Jimin parut surpris.
— Tu... Tu as vu une de mes vidéos ?
— Plusieurs.
Cette fois Jimin écarquilla franchement les yeux.
Yoongi se demanda comment il réagirait s'il savait qu'ils s'étaient déjà parlé au téléphone, avant même de se rencontrer. S'il savait que Yoongi, en un instinct inexplicable qu'il avait tant regretté par la suite, avait un jour appelé pour intervenir dans l'émission de Jimin. S'il savait que cet auditeur qui aimait Leonor de Recondo, c'était lui.
— Et... Et tu as aimé ?
Yoongi n'aimait pas mentir.
— Au début, pas du tout.
Il vit le regard de Jimin s'attrister, même s'il hochait la tête.
— Je comprends. C'est très différent de ce que tu fais.
— Mais je ne sais pas comment, je me suis retrouvé à en regarder plusieurs. C'est que finalement ça doit me plaire.
C'était exactement ça. Il ne savait pas comment, il se retrouvait à chercher la compagnie de Jimin. C'était que, finalement, ça devait lui plaire ?
— J'ai lu certains des livres que tu as recommandés. J'ai même lu du Rupi Kaur, pour ton challenge, là. "Lundi poésie". Et j'étais content quand tu as dit que tu avais aimé le recueil de Pablo Neruda.
Jimin le regarda suspicieusement tout à coup.
— Est-ce que...
Il s'interrompit. Yoongi se doutait d'où il voulait en venir. Il réprima un sourire.
— C'était toi ! C'est toi qui m'as envoyé le livre, c'est ça ?!
— Peut-être.
Le sourire sur le visage de Jimin devint immense puis, finalement, il éclata de rire.
— Tu sais comment j'ai eu l'idée de ce challenge ?
— Non ? J'avoue que j'étais surpris.
— Grâce à toi.
Ce fut au tour de Yoongi de hausser les sourcils d'incompréhension.
— Grâce à tes anciennes émissions.
— Tu les as écoutées ?
— Oui.
Étrangement, savoir cela, en avoir la certitude de la bouche de Jimin, lui fit un bien fou.
Mais Jimin continuait, rougissait.
— Toutes.
— Comment ?
Il avait parlé si bas que Yoongi n'était pas sûr d'avoir compris.
— Je les ai toutes écoutées. Les 138 épisodes.
Il y eut un silence.
Un silence autour de la table, alors que Jimin se précipitait sur sa paille, aspirait la moitié de son nouveau cocktail d'une traite.
Un silence dans la tête de Yoongi.
Personne autour de lui n'avait jamais écouté plus d'un ou deux épisodes. Ni ses amis. Ni sa famille bien sûr.
— Pourquoi ? balbutia-t-il.
Jimin lui lança un regard timide par-dessus son verre.
— Parce que j'aime ta voix. Parce que quand tu lis c'est beau.
Il rougit plus encore. Chercha un instant ses mots, continua.
— Parce que ce que tu dis, c'est intéressant et parce que tu m'as fait aimer "Spleen". Parce que... je sens que je comprends enfin pourquoi on nous force à étudier certains auteurs à l'école. Et aussi parce qu'avec toi j'ai découvert que les mots, ça peut être une musique.
Le verre de Jimin était fini, il en triturait le fond avec sa paille, n'osait plus le regarder.
Et Yoongi se rappela soudain une autre raison pour laquelle il aimait tant Jimin.
Il se pencha par-dessus la table, posa sa main sur celle de Jimin. Emprisonna un instant ses doigts dans les siens avant de se redresser.
— Merci, murmura-t-il d'une voix trop enrouée.
Il aimait Jimin parce qu'il lui faisait aimer les dimanches.
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