Chapitre 3
Les mots pleuvaient autour de lui, s'échangeaient en grêle sourde qui en faisait perdre le sens et l'utilité.
Lui, se taisait.
On était dimanche midi et l'enfer avait commencé.
Yoongi soupira, un soupir contrôlé, ténu, puis continua à couper soigneusement son filet de bœuf en tout petits morceaux. S'affairer pour ignorer. S'affairer pour oublier.
Il se demandait si Rimbaud aurait compris sa situation. S'il aurait compris son enfer à lui.
L'enfer des déjeuner en famille. Celui des obligations morales, du respect déguisé, des piques à travers la table. L'enfer de feindre de s'aimer quand plus rien ne rapprochait.
Yoongi mastiquait soigneusement un morceau avant de l'ingérer, lorsqu'une voix coupa le brouillard :
— Et toi Yoongi, tu en es où ? Ça fait longtemps que tu ne nous as pas parlé de tes projets.
La voix de sa mère, un soupçon de rire attaché aux mots.
Son frère aîné, lui, ne se gêna pas pour se moquer ouvertement, tandis que son père lançait un "allons, allons, laissez le tranquille" morne d'habitude.
Yoongi avala, difficilement, s'essuya soigneusement la bouche puis lissa la serviette sur ses genoux avant de relever la tête et de répondre :
— Rien de nouveau.
Rien de nouveau.
Les mots semblaient risibles à ses propres oreilles.
— Toujours la chronique pour Le Magazine Littéraire. Et l'anthologie de poèmes sur le voyage que j'ai sélectionnée est toujours en librairie.
— Vraiment ? Depuis quand ? J'irai l'acheter.
Le plus pathétique était les efforts de son père.
— Depuis 6 mois.
— Chéri, il nous en a parlé au moment de la sortie.
Le rire, dans la voix de sa mère, toujours, lui aussi.
— Ah. J'irai l'acheter quand même.
Mais son père détournait déjà la tête, les yeux dans le vague, à nouveau perdu dans ses pensées.
Son père, bienveillant mais complètement absent, à sans cesse écrire, sans cesse imaginer. Son père, qui avait gagné le prix Goncourt il y a 15 ans.
Le rire de son frère résonna à nouveau, à taquiner leur père.
— Tu avais dit ça il y a 6 mois aussi Papa ! C'est pas grave, tant que tu te souviens des choses importantes.
À taquiner leur père, mais à le tacler, lui.
Car, au sein de sa famille, le travail de Yoongi n'avait jamais été considéré important.
En tout cas, pas aussi important que les livres de son père, l'émission politique de sa mère, et surtout, pas aussi important que le magazine culturel qu'avait fondé son frère et qui avait révolutionné le secteur. Ce magazine pour lequel Yoongi n'avait jamais envoyé le moindre article car, disait son frère, "ça ne se fait pas, on croirait que je te pistonne".
Alors Yoongi faisait petit là où les autres faisaient grand et restait bien à sa place les dimanches midis. À attendre que ça passe.
À attendre de rentrer chez lui.
Il y était presque maintenant, ne restait plus que le dessert, le café et...
— Au fait Yoongi, tu as écouté l'émission du mec qui t'a remplacé ? C'est vraiment pas mal, et c'est sacrément malin de la part de la radio.
Yoongi releva la tête, fixa son frère sans répondre. Sa mère s'en chargea pour lui.
— Ah bon ? Et pourquoi ?
— L'idée que la lecture doit être accessible à tous, tout ça. Rajeunir les auditeurs aussi. Et puis le gars, Jimin, est populaire, plutôt mignon, y a de la demande. Et il en parle bien, de ses livres. On va faire un article sur lui dans le prochain numéro.
Yoongi sentit ses doigts se crisper malgré lui sur la nappe. Son frère y posa les yeux et un sourire se dessina sur son visage.
— Je devrais aller l'écouter, répondit sa mère, songeuse. Tu l'as déjà écouté, toi ? demanda-t-elle en se tournant vers Yoongi.
Il fallait répondre.
— À peine. Quelques minutes d'une de ses vidéos.
— Tu en as pensé quoi ?
Que cherchaient-ils ? À quoi s'attendaient-ils ?
— Rien, répondit-il d'une voix neutre.
À ce qu'il fasse l'éloge de ce Jimin ?
À ce qu'il fasse l'éloge de celui qui avait pris ce à quoi il tenait le plus ?
Yoongi se leva soudain.
— Quelqu'un...
Il chancela un instant, s'agrippa à la table.
— Quelqu'un veut un café ? Je vais les faire.
Fuir. Le plus vite possible.
Dans la cuisine, s'il le fallait.
*****
Le soleil tapait déjà fort en cet après-midi d'avril, lorsque Yoongi remonta les quais de Seine d'un pas qu'il voulait régulier.
Le déjeuner était enfin terminé.
Il avait pu s'éclipser à la première occasion, dès le café avalé, et s'efforçait maintenant d'oublier, de retrouver un semblant de calme. Un semblant d'assurance.
Il se sentait toujours tellement petit les dimanches.
Mais c'était terminé, se répéta-t-il, pour deux semaines au moins. Jusqu'au prochain déjeuner, jusqu'à la prochaine épreuve. Jusqu'à ce que sa mère se rappelle qu'elle avait un deuxième fils et qu'elle ne le somme de venir.
Yoongi avisa un banc qui venait de se libérer, se hâta d'y prendre place, face au fleuve. Soupira, d'aise cette fois.
Enfin.
Il sortit un livre de la poche de sa veste, en contempla la couverture neuve un instant, puis le titre.
"Je suis un volcan criblé de météores". Poésies d'Etel Adnan.
Un sourire se dessina sur son visage, alors qu'il ouvrait le recueil, trouvait le premier poème, commençait à le lire à voix basse.
Le rituel commençait.
Et il oubliait tout, déjà, alors que les vers s'enchaînaient, que les mots le berçaient peu à peu. Le rire de sa mère, les yeux ailleurs de son père. Le dédain de son frère. Ce nom, aussi. Jimin. Comme un point rouge qui se plaisait à réveiller le mal en lui, chaque fois. La douleur de la perte.
Mais maintenant, les mots gagnaient : l'amertume peu à peu s'évaporait, repartait hiberner. Elle attendrait la prochaine pique. Le prochain dimanche.
Maintenant Yoongi avait les mots pour lui.
*****
Il n'avait pas résisté, en rentrant chez lui.
Après 3 heures de lecture-baume sur un banc, lorsque, le livre terminé, Yoongi avait mis fin au rituel et s'était décidé à rejoindre son appartement, il s'était retrouvé irrésistiblement attiré par son ordinateur.
Il avait pourtant lutté, tenté de faire autre chose : ménage, cuisine, musique. Il avait même écrit un peu. Si Yoongi n'était pas romancier, au grand damn de son père, il écrivait tout de même, de la non-fiction. Il travaillait depuis presque un an sur un ouvrage d'analyse de poèmes d'artistes du monde entier, pour montrer que le rapport au beau, le rapport au monde, se déclinait de multiples façons mais restait universel.
Préparer ce livre était son nouveau bonheur. Se plonger au plus profond de l'art de ceux qu'il aimait, en chercher les moindres détails, les moindres interprétations à réunir, ensemble, avec celles d'autres à l'autre bout du globe était une intense satisfaction.
Et son jardin secret.
Il n'en avait parlé à personne. Ne pouvait en parler à personne. Pas à ses parents, encore moins à son frère, surtout.
Ou la magie disparaîtrait.
Ou les mots ne l'apaiseraient plus mais deviendraient une narguerie de plus. Alors non, ne jamais en parler.
Pourtant cet après-midi là même ça, même l'écriture n'avait pas réussi à le détourner de cet appel, de plus en plus pressant, qui le fit finalement délaisser son manuscrit pour ouvrir YouTube.
Lorsque ses doigts tapèrent le nom ridiculement court, lorsqu'il appuya sur "entrée", les sourcils froncés et le corps tendu penché en arrière dans son fauteuil, il eut cette impression très nette de faire une erreur. Une connerie même.
Pourquoi aller chercher ce qui le ferait souffrir ?
Pourquoi aller vérifier les dires de son frère, ne pas se contenter de sa première impression, ô combien négative, il y a quelques mois ?
Lorsque, au tout début janvier, peu après son évincement de la radio, il n'avait pu résister à l'envie de savoir qui il était. Qui était celui qui l'avait chassé de sa place, de cette émission littéraire qu'il animait depuis 4 ans. La seule émission littéraire de la radio.
Son trésor.
Ses deux amours réunies en un seul lieu, en un seul temps.
La poésie et la lecture à voix haute.
Sous la pression de la station, il avait, au fil des années, accepté d'élargir le corpus, de parler et de lire de la littérature de manière plus générale. Il abordait même l'œuvre d'auteur.e.s contemporain.e.s, la dernière année. Y avait lui-même pris plaisir, finalement.
Mais rien n'y avait fait, rien n'avait changé ce qui semblait inéluctable : le rajeunissement de la radio, sa "démocratisation" comme le nouveau patron de Radio France aimait à le dire.
Faire sortir la culture d'un public d'élite.
L'idée était belle, mais Yoongi en avait fait les frais le premier. On ne lui avait pas même demandé d'évoluer une nouvelle fois. Mais en toute honnêteté c'était trop, jamais il n'aurait pu encore changer, jusqu'à modifier qui il était, ce qu'il aimait.
La radio avait fait plus simple : elle l'avait, avec respect, licencié. Du moins, n'avait pas renouvelé son contrat.
Et on avait mis quelqu'un d'autre.
Yoongi eut un rire amer lorsqu'il arriva finalement sur la chaîne YouTube du quelqu'un d'autre en question, lorsque les vidéos s'égrainèrent face à lui, aussi nombreuses que la première fois, si agressives dans leurs couleurs, leur police d'écriture. Leurs émojis, partout.
Ce titre, horrible : "La joie des livres de Jimin"
Et ce visage, omniprésent, ces yeux fixés sur lui.
À rire. Rire, et rire encore.
Comme une moquerie de plus, avait senti Yoongi la première fois, lorsque la blessure était encore si vive qu'elle l'avait même empêché de continuer après quelques secondes de ces sons et images qui l'agressaient. Il n'avait pas même réussi à l'écouter parler, à supporter son regard. N'avait aucune idée de son discours ni de son rapport aux livres.
La seule vue de ce Jimin l'avait tant blessé qu'elle lui avait fait refermer l'ordinateur d'un geste brusque.
Yoongi ne s'était plus jamais risqué à y retourner.
Jusqu'à aujourd'hui.
Jusqu'à ce que les mots de son frère, au-delà de la douleur, le fassent s'étonner.
Lui donnent envie, une toute petite envie, ténue, de vérifier.
En parlait-il vraiment bien, des livres ?
Yoongi cliqua simplement sur la dernière vidéo postée, incapable de choisir, incapable de réfléchir. Il était là, déjà, et c'était en soi un exploit.
Le titre apparut, d'un jaune soleil claquant contre la morosité de son humeur : "Mes dernières lectures".
Il soupira, se demanda pourquoi il faisait ça.
Et ce visage, toujours, face à lui. À le regarder et à sourire. À rire sans cesse.
Cela ne pouvait qu'être feint, cela ne pouvait qu'être faux.
Il se cala plus confortablement dans son fauteuil, attrapa sa tasse et commença à siroter son thé, vaguement concentré sur ce qui se déroulait devant ses yeux, sur les paroles de ce Jimin.
Une pile de livres s'érigeait à ses côtés, qu'on devinait à peine sous le cadrage de la caméra.
Jimin les prenait un par un pour les présenter, en caressait d'abord la couverture soigneusement, en un geste qui arracha un sourire à Yoongi. Puis il les regardait une micro-seconde les yeux attendris, avant de se tourner à nouveau vers la caméra et de commencer son laïus. Yoongi se prit à penser qu'il devait sincèrement aimer les livres.
Quelque part, cette pensée lui fit du bien.
Mais le discours en lui-même... Ce n'était qu'une simple présentation de l'histoire, une esquisse des personnages principaux, puis un avis, à base de "oh" et de "ah", d'enthousiasme épuisant et d'émerveillement qui continuait à sonner faux.
Ces livres semblaient si ennuyeux. Comment pouvait-on même avoir envie de les lire ?
Le soleil tapait fort derrière la fenêtre, plongeait peu à peu Yoongi dans une sorte d'hébétude, de torpeur endormie, alors que le tintement de la voix de Jimin se faisait douce musique, presque agréable.
Une exclamation un peu plus forte fit presque sursauter Yoongi, le ramena immédiatement à la réalité. Il prit conscience qu'il avait failli s'endormir, secoua la tête de mépris.
Le discours de la vidéo était donc si ennuyeux qu'il endormissait.
C'était ça qu'on avait choisi pour le remplacer.
Il allait stopper la vidéo, subitement énervé, un peu honteux de s'être laissé aller à ce point au bien-être qu'il s'en était presque endormi, lorsqu'un mot fut prononcé et le rattrapa.
Shakespeare.
Il avait osé parler de Shakespeare.
Yoongi se fit plus attentif, prêt à déverser à nouveau son mépris, presque choqué que ce nom sacré atterrisse dans la bouche de cet imposteur.
Mais Jimin commença à parler du livre. Ce n'était pas un livre de Shakespeare, heureusement, mais un livre lié à Shakespeare. Et Yoongi, étonnamment, se prit à écouter.
Attentivement.
À chercher à comprendre le lien qui unissait le livre présenté, If we were villains, que Yoongi avait machinalement noté sur un papier, et ce monument qu'était Shakespeare.
Jimin parlait, Jimin expliquait, et les craintes de Yoongi, miraculeusement, s'envolèrent. Non, il n'y avait pas sacrilège.
Il y avait, tout au plus, méconnaissance, ignorance de ce qui faisait la vraie beauté de Shakespeare, mais Yoongi à ce stade était plus surpris qu'autre chose.
Amusé, presque.
Car ce livre, que le gamin présentait, paraîssait intéressant.
Ce n'était sûrement pas la présentation qu'en faisait Jimin, l'enthousiasme qui, cette fois, paraissait presque sincère lorsqu'il se mettait à parler de l'intrigue ou à citer Shakespeare disséminé ça et là dans le livre, les arguments développés avec minutie, non, ce ne pouvait être lui, mais certainement le livre en lui-même qui semblait sacrément intéressant.
Une seconde Yoongi pensa qu'il aimerait le lire.
Puis il se rendit compte de l'hérésie.
Car cela, cela signifierait que ce Jimin avait atteint son but. Qu'il l'avait convaincu de lire le livre.
Et ça, ça ne pouvait pas être.
Yoongi claqua l'écran de l'ordinateur portable en le refermant d'un geste, sans même prendre la peine de stopper la vidéo. Il se leva brusquement, quitta son bureau, vite, apporta sa tasse vide à la cuisine.
Puis il resta là, les bras ballants, sans trop savoir quoi faire.
Les mots tournaient en boucle dans sa tête. Les siens, son énervement, son mépris de ces lectures futiles.
Et ceux de Jimin, aussi.
"C'est purement extraordinaire, un mélange d'enquête, de monde du théâtre, de twist incroyable, tout ça au milieu de l'œuvre de Shakespeare !"
Yoongi tenta de les chasser, se dit qu'il pourrait regarder un film en dînant de sa quiche lorraine qui venait de finir de cuire.
Se rappela qu'il avait laissé l'ordinateur sur la vidéo de Jimin, qu'elle allait se remettre en route automatiquement s'il ouvrait l'écran.
Rejeta l'idée du film.
Et attrapa un livre de poèmes, son préféré, celui aux pages cornées d'être trop lues. Son réconfort, toujours.
René Char, dont la langue si belle lui faisait croire à nouveau en l'humain.
Il mangea sa quiche méthodiquement, seul avec le poète, seul avec ses mots.
Puis fuit dans son lit, se coucha tôt. S'endormit avec peine.
Le lendemain matin Yoongi sortit de chez lui, petit papier en main, marcha longuement dans les rues, perdu dans ses pensées.
La librairie était loin. Mais on était lundi, tout était fermé normalement, il ne pouvait pas faire le difficile. Et Yoongi, bien sûr, n'allait jamais à la FNAC.
Alors il marcha, tentant de garder ses pensées vides, et arriva finalement devant cette boutique qu'il ne connaissait pas.
Il entra, fébrile de réticence et d'espoir. Perdu entre crainte et honte.
Contrairement à ses habitudes, il ne fureta pas entre les rayonnages dans l'attente de l'appel d'un ouvrage. Non, il fallait être direct ce matin, mettre fin au supplice.
Alors Yoongi avisa un employé de la librairie, le salua. Puis il lui tendit son papier devenu froissé.
— Je cherche ce livre.
L'homme sourit, il connaissait, et le mena devant une petite table chargée d'ouvrages pour lui désigner le sien. Yoongi n'osa pas même regarder les couvertures multicolores qui pullulaient autour.
Il remercia d'un signe de tête, resta seul avec le livre, hésita.
Les lettres blanches le fixaient, impitoyables dans leur écrin noir.
Au moins, la couverture était honorable.
Il soupira, se passa une main dans les cheveux.
Puis se décida et se saisit brusquement du livre, avant de se hâter vers la caisse.
L'homme de tout à l'heure était là, il l'accueillit, un sourire comme de connivence aux lèvres. Yoongi ne voulut pas se demander si, lui aussi, avait lu le livre.
Si, lui aussi, avait vu la vidéo.
Il paya, sortit de la librairie. Allait pour ranger le livre dans sa poche mais il s'aperçut qu'il ne pouvait pas, le format était bien trop grand.
Yoongi pesta. Il allait donc devoir se balader avec ce livre à la vue de tous ? Il fut à deux doigts d'aller le rendre.
Mais le livre se faisait doux sous ses doigts, se glissa naturellement dans le creux de sa paume.
Alors Yoongi accepta ce destin et se mit à marcher. Il pressa le pas, il voulait rentrer chez lui, jeter le livre peut-être.
Sa main balançait contre son flanc au rythme de ses pas, le livre le bousculait parfois, heurtait sa hanche. Ce n'était pas désagréable finalement, il n'était pas lourd.
Et son pouce se mit seul à tracer des arabesques, à suivre le relief des lettres sur la couverture.
Là, un E. Ici un R.
M. L. Rio se dessinait sous ses doigts.
Et puis, bien sûr, If we were villains.
Yoongi marchait dans les rues de Paris et, il ne savait pourquoi, il aurait presque pu sourire.
***
J'espère que cette petite histoire vous plaît !
Je mets les références exactes des livres cités en commentaires (je vais aussi les rajouter pour les premiers chapitres).
Pour les poèmes, je mets aussi le lien vers un épisode de mon podcast, "Matins en poésie", où je lis des poèmes de l'auteur cité.
Bonne semaine, à mardi
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