Chapitre 1


Jimin stoppa l'enregistrement et poussa un soupir de soulagement. Une bonne chose de faite.

Il se leva et s'étira longuement, les jambes douloureuses d'être resté assis trop longtemps sur son canapé. Combien de temps ça avait pris ? Une heure ? Il se pencha pour attraper sa caméra qu'il détacha du trépied, et vérifia : 53 minutes. Long. Mais il n'aurait pas pu faire moins.

35 livres reçus à présenter, c'était long.

Jimin jeta un rapide coup d'œil autour de lui, pour juger de l'ampleur des dégâts : partout des enveloppes ouvertes, des cartons éventrés, des lambeaux de scotch arrachés. Et partout des livres, surtout. Les éditeurs le gâtaient toujours plus, ce qui n'était pas pour lui déplaire, mais il allait bientôt devoir se racheter une nouvelle bibliothèque. Encore. Et trouver où la caser.

Il jeta un œil à l'immense meuble blanc, juste derrière le canapé : sa bibliothèque principale. Celle qu'il utilisait comme fond esthétique pour ses vidéos et où les livres étaient classés par couleurs, en un tableau pétillant. Il ne pourrait décemment pas caser les nouveaux livres là, elle menaçait déjà de s'écrouler.

À moins d'en garder quelques-uns en présentoir ? Ceux pour lesquels il avait un partenariat, alors, il semblait naturel de mettre ceux-là en valeur. Le public les verrait régulièrement en fond de ses vidéos ou de ses photos, ça serait parfait. Et les autres livres iraient rejoindre les piles au sol, tout simplement. Oui, parfait.

Jimin avait machinalement commencé à collecter et à jeter ce qui jonchait le sol, zigzaguant entre les livres épars dans son salon surchauffé.

Il aimait avoir chaud, il aimait se sentir à l'aise chez lui. Jimin rit à imaginer ce que penseraient ses followers de son short informe qui baillait à la ceinture et montrait bien trop ses cuisses, et de ses chaussettes en pilou rose bonbon, trouées bien sûr, cadeau de son ami Taehyung. Le haut, lui, était impeccable, bien que casual : un maillot de sport américain bleu marine aux larges chiffres rouges et blancs, le même qu'il portait sur la photo de profil de ses différents comptes de réseaux sociaux. Ses followers l'aimaient, ce sweat, il recevait régulièrement des commentaires à ce sujet. Alors il s'attachait à le porter de temps en temps, comme un clin d'œil pour les satisfaire.

Une fois les livres regroupés et rangés en deux piles, "à lire" vs "à décider de leur sort", il prit quelques minutes pour retaper son canapé : tendre le plaid, harmoniser les coussins.

Puis prendre longuement en photo les livres reçus, un par un, couverture et quatrième. Il les publierait en story Instagram.

Si aujourd'hui la vidéo primait, les photos restaient le petit péché mignon de Jimin. Il aimait passer des heures à organiser l'écrin parfait pour y nicher les livres, avant de les photographier minutieusement. Sur le canapé fétiche, bien sûr, aux côtés d'un coussin. Ou sur une petite table, au milieu de bougies, de fleurs ou de fruits, mais avec le canapé en fond.

Car ce canapé en tissu gris, orné de coussins multicolores, c'était un peu sa marque de fabrique.

C'était là qu'il avait commencé à se filmer, il y a presque dix ans, lorsqu'il avait décidé de chroniquer les livres et de les publier sur YouTube. Jimin aimait lire depuis tout petit et, au lycée, il avait eu cette idée : partager ses lectures. Cette activité ne l'avait plus quitté. Elle l'avait accompagné tout au long de ses études et formait maintenant la base de son travail : influenceur littéraire.

Influenceur littéraire.

Ça claquait, trouvait Jimin.

Maintenant que le succès était arrivé, il y était habitué, mais jamais, lorsqu'il avait tourné la première vidéo - Harry Potter se souvenait-il - n'aurait-il pensé pouvoir un jour en vivre. En faire son métier.

Vivre chaque jour en faisant ce qu'il aimait : parler des livres.

Jimin jeta un coup d'œil à l'heure et hésita : s'occuper de l'appartement ou s'aventurer dans sa to-do list plus longue que le bras ? Il lui restait une heure.

Finalement la pile de vaisselle sale attendrait encore dans l'évier. Il ne voulait pas risquer de prendre trop de retard sur ses emails et sur ses réponses aux commentaires de ses followers. Passé un certain seuil, il paniquait et avait tendance à procrastiner.

Pourtant, Jimin était tout sauf désorganisé. Le petit bureau en bois près de la fenêtre où il s'installa et alluma son ordinateur était parfaitement rangé, le gros agenda bleu bien en évidence.

Jimin l'ouvrit et le parcourut rapidement. Il avait bien sûr déjà réparti les tâches les plus importantes sur son planning hebdomadaire, planifié les tournages des vidéos, les différents posts de la semaine et de la suivante.

Ses yeux s'attardèrent un instant sur les mots surlignés en vert fluo qui barraient tout l'après-midi et qui firent, une fois de plus, battre son coeur plus vite :

RADIO

Jimin sourit, un sourire pleinement comblé. Non, ce n'était pas un rêve, il allait cet après-midi se rendre dans les locaux de France Inter, la célèbre station de radio, pour une émission. En direct.

Sa propre émission.

"Les livres de Jimin", c'était le titre, et rien ne pouvait rendre Jimin plus fier.

45 minutes hebdomadaires à parler de livres, sur une des radios les plus écoutées du pays.

Lui, Jimin.

Ça, il n'avait même jamais osé en rêver. Parler de livres à la radio. Sur France Inter !

Mais c'était là, c'était arrivé comme par miracle, et Jimin se rendrait tout à l'heure à sa troisième émission.

Les deux premières avaient été un succès, lui avait dit la productrice, avec une part d'audience estimée à 9%, ce qui ne voulait absolument rien dire pour Jimin mais semblait encourageant, d'après le sourire de son interlocutrice.

Sa famille et ses amis, naturellement, ne tarissaient pas d'éloges, ils l'inondaient de messages qui lui mettaient du baume au cœur et l'aidaient à avancer.

Jimin savait qu'il pourrait, s'il en avait besoin tout à l'heure dans le métro, appeler ses amis, Jungkook et Taehyung. Ou plutôt Hoseok, plus à l'écoute.

Il resterait avec lui au téléphone à déblatérer des sornettes sur toutes les catastrophes qui risquaient d'arriver pendant l'émission de radio, et la chute phénoménale que cela produirait sur sa carrière. Avant qu'Hoseok ne conclue, lorsque Jimin serait arrivé en bas des marches du bâtiment de la radio, "Allez Jimin, tu vas tout déchirer, bien sûr. On t'aime." Et que Jimin ne s'élance, reboosté.

C'était ce qui s'était passé les dernières semaines. C'était ce qui risquait fort de se passer aujourd'hui encore.

On pouvait être l'un des plus célèbres influenceurs littéraires du pays et trembler de peur à l'idée de parler au micro, Jimin en était la preuve.

Pourtant, aujourd'hui, il se sentait bien. Un peu moins stressé.

Il avait même réussi à manger un peu et à enregistrer cette vidéo qui avait eu le mérite de le faire penser à autre chose. Il progressait, les semaines passées il n'avait pu que tourner comme un lion en cage dans son appartement, à se ronger les sangs en attendant l'heure de partir.

Un nouveau coup d'œil à l'heure. Déjà 15 minutes de passées à ruminer ses inquiétudes au lieu de travailler, Jimin pesta.

Allez, il fallait au moins essayer de traiter quelques emails. Et il pourrait lire tout à l'heure dans le métro, peut-être.

Ou appeler Hoseok.


***


— Tu vas tout déchirer. On t'aime.

— Merci, moi aussi.

Jimin raccrocha et leva les yeux vers le bâtiment circulaire de la radio, terriblement imposant au-dessus de lui.

Il venait de sortir du métro et avait une grosse demi-heure devant lui avant le début de son émission. Pas de stress d'être en retard, donc, c'était parfait. Il ajusta le bonnet sur sa tête, s'emmitoufla mieux dans son gros manteau et tenta de s'immerger sous son écharpe en laine. Cet après-midi de janvier était glacial.

Pourtant, Jimin prenait son temps, ne se décidait pas à entrer dans le bâtiment.

Il avait relu une dernière fois ses notes dans le métro avant d'appeler Hoseok, plus comme un rituel que comme un réel besoin cette fois. Les livres étaient bien rangés dans son tote-bag qui lui sciait l'épaule et le téléphone, qu'il utiliserait pour se filmer en direct sur YouTube, était chargé au maximum. La batterie de secours était elle aussi bien rangée, au cas où. Il fallait toujours penser au "au cas où", c'était la règle d'or de Jimin qui lui avait plusieurs fois sauvé la mise.

Jimin se répéta encore une fois que ce qu'il allait faire était un rêve qui se réalisait. Qu'il n'avait reçu que des félicitations et des bravos pour les deux premières émissions. À la fois de la part de ses followers habituels, mais aussi, et ça lui faisait encore plus plaisir, dans les commentaires du compte de la radio. Il avait aussi gagné un nombre conséquent de followers ces deux dernières semaines, certainement grâce à l'émission.

Une dernière respiration profonde, la main sur le ventre à le sentir se soulever, à l'accompagner expulser le stress, puis Jimin monta les marches et rejoignit le ballet des entrées.

Il tira une des lourdes portes, puis se mêla à tous ceux qui se dirigeaient vers l'agent de sécurité. Jimin n'avait pas encore de badge à son nom et il dût s'annoncer à l'accueil en tant que visiteur. On lui sourit, il était bien attendu.

Il se faufila dans les ascenseurs étroits, salua timidement autour de lui et appuya sur le bouton du quatrième étage. Il connaissait le chemin maintenant, celui qui menait à travers les couloirs rouges en une courbe épousant la forme ronde du bâtiment, jusqu'au petit studio d'enregistrement qui serait le sien pendant la prochaine heure.

Il serait seul, dans cette petite pièce étouffée, seul face à un ordinateur et à son micro.

Seul face à ses followers à travers le téléphone, seul dans les oreilles de ceux qui l'écouteraient sur les ondes ou par le direct du site internet.

Mais il n'y pensait pas, il ne fallait pas y penser, sinon il allait stresser.

C'était lui qui avait accepté ce direct, lui qui avait accepté le challenge de la réussite immédiate, après un premier essai d'enregistrement qui avait tant surpris le réalisateur qu'il avait voulu faire ce grand saut. Le direct, et les appels d'auditeurs. Le risque ultime pour la fin, on n'était jamais à l'abri d'un appel qui tournait critique.

Mais Jimin aimait ce challenge, il aimait ces rencontres éphémères, si différentes du chat de ses quelques vidéos en direct.

Ici, il y avait la voix.

La voix de ses auditeurs, la voix de ses followers.

Et Jimin aimait les voix, toutes les voix. Elles avaient cet effet fou sur lui, lui provoquaient mille émotions, comme les livres.

Les voix et les livres, les deux amours de Jimin.

Qu'il n'avait jamais conciliées.

Parce que Jimin exécrait les livres audios, il n'en écoutait jamais. Quand un autre lisait, il perdait les mots, perdait l'envie de les suivre, ne pouvait plus rien imaginer.

Il préférait rester seul avec eux, à fabriquer son monde, à dessiner les personnages et à vibrer aux pages.

À toucher le papier, aussi.

Aujourd'hui il avait emporté 10 livres. Dix gros livres qu'il sortit de son sac avec délicatesse et qu'il caressa avant de les poser sur la petite table. Il en parlerait tout à l'heure, et il les montrerait à la caméra.

Surtout, il les toucherait, en tournerait les pages juste sous le micro, pour partager un peu de cet émoi qui le prenait chaque fois.

Cette émission, c'était toute une cérémonie.

La productrice arriva pour le saluer, s'assura que tout allait bien. Ils discutèrent un instant, avant qu'elle ne reparte et ne le laisse seul.

Jimin allait présenter ses dix coups de cœur de l'année passée. C'était un moment qu'il adorait toujours, mais qui prenait une toute autre dimension cette année, ici.

On lui fit signe à travers la vitre qui le séparait de l'équipe technique : à peine 5 minutes avant le début de l'émission.

Alors Jimin relut une dernière fois ses notes, se rappela qu'il adorait son job, lissa chaque couverture avec amour.

Avant de boire une gorgée d'eau et de sauter.

— Bonjour chères auditrices et chers auditeurs, ici Jimin de la Joie des livres avec Jimin, pour notre émission hebdomadaire ! Tout d'abord, mille mercis pour tous vos messages, ils me vont droit au coeur, et je les lis tous avec attention. Excusez-moi de ne pas toujours répondre, je suis un peu débordé en ce moment, mais ils me font vraiment plaisir alors continuez surtout !

Il rit, un peu timidement, surtout sous tous ces yeux derrière la vitre : la productrice, l'ingénieur du son, et deux ou trois stagiaires ou assistants. Il y avait toujours du monde à la Maison de la radio, on n'était jamais vraiment seul.

— Sans plus attendre je vais vous parler aujourd'hui de mes 10 coups de cœur de l'année dernière, présentés sans aucun classement. Pas d'ordre, juste celui de mon envie du moment. Et puis ensuite, si vous voulez, vous pourrez appeler la radio pour nous partager les vôtres. On fait comme ça ? Alors c'est parti !

Jimin lissa la magnifique couverture du premier livre dont il se saisit. Une couverture violette ornée de doré, où deux beaux profils de femmes se faisaient face.

— Le premier livre, c'est "Les fleurs les plus dangereuses n'ont pas d'épines", de Lydie Tabarin. J'ai absolument adoré !

Il fit un bref résumé de l'histoire, lut avec émotion la dédicace "Aux petites filles qui ont un jour cru leur peau trop foncée et leurs cheveux trop crépus pour leurs rêves de bals, de châteaux et de belles robes" et expliqua brièvement ce qu'il avait aimé dans ce livre : l'atmosphère autour du thé, qu'il adorait, toute la géopolitique et la critique du colonialisme, les personnages et surtout celui de Feng. Et l'histoire d'amour, bien sûr !

— Ensuite, le merveilleux "Océan", d'Emma Emonds ! Ça parle de harcèlement, ça parle de violence maîtrisée et voulue, ça parle d'amour, bien sûr, surtout ! Ah, Jian ! Akimasa sait construire la tension comme personne, sa plume est fluide et légère dans ce livre, pourtant elle aborde des thèmes graves, voire lourds. Mais ça ne pèse jamais à la lecture, même si on en sort profondément chamboulé. À lire absolument !

Il lissa automatiquement la couverture bleue et les bulles d'eau, comme un au revoir, et s'empara du livre suivant.

— Maintenant on parle sexe et acceptation de tous les désirs de notre corps, surtout lorsqu'on est une femme, avec Queen Kong de Hélène Vignal, dans l'intense collection L'ardeur.

Les livres se suivirent, chacun choyé, chacun présenté avec tendresse : Unveil me de Softside. Cemetery boys d'Aiden Thomas. Deux secondes de Cheongja. Page 341 d'Élodie Condé.

— Et pour rire, mais pas que, l'incontournable Les Petites Reines, de la grande Clémentine Beauvais. Je sais, je sais, je suis en retard, ce livre est sorti il y a des années, et je ne le lis que maintenant, mais c'est comme ça ! Votre Jimin préféré ne peut pas être parfait sur tout ! Vous avez vu le nombre de livres que je reçois chaque mois ? C'est terriiiible.....

Il essuya des larmes imaginaires puis fit un clin d'œil à la caméra.

— D'ailleurs je vous ai tourné ce matin la vidéo des arrivées de livres de ce mois-ci, elle sera en ligne ce week-end. Sur ma chaîne YouTube, "La joie des livres de Jimin", pour celles et ceux qui nous écoutent et ne me connaissent pas encore. Bon, j'arrête de blablater, l'heure tourne et on me fait les gros yeux ici.

Jimin jeta un coup d'œil sur les deux derniers livres, hésita. Et puis non, garder le meilleur pour la fin.

— Ce livre-là est d'une autrice que j'affectionne tout particulièrement, Laura Nsafou. Il s'agit d'un de ses romans graphiques,"Quand vient l'été" réalisé avec l'illustratrice Reine Dibussi.

Il parla quelques minutes des points forts du livre, puis passa avec un immense sourire au dernier livre.

— Et pour finir, Paper Heart, de Luhan de Freitas. La safe place dont vous ignoriez avoir besoin. Une écriture magnifique qui modifie le temps, l'étire à l'infini ou le condense en quelques phrases. Des personnages hyper profonds, qui évoluent profondément au fil des pages. Des personnages secondaires qu'on adore ou qu'on déteste, puis finalement qu'on aime tous malgré ou à cause de leurs luttes personnelles. L'amour complexe et absolu qui se dessine au fil des pages. Et puis, surtout, la musique, qui m'a fait m'accrocher à ce livre dès les premières pages. Je me suis même mis à écouter du classique, c'est pour dire ! Et j'ai une amie qui a commencé le violoncelle après avoir lu le livre. Vous comprenez l'impact de ce livre sur les lecteurs ? Alors n'hésitez plus, entrez vous aussi dans la secte Paper Heart !

Un éclat de rire, puis Jimin caressa avec émotion la couverture du livre, avant de le reposer avec soin au sommet de la pile.

— Et voilà, c'est terminé pour mes coups de cœur de l'année dernière ! Est-ce qu'il y en a que vous avez déjà lus ? Que vous avez envie de lire ? N'hésitez pas à me le dire en commentaire sur le site de la radio ! Et puis, pour celles et ceux qui me regardent en direct sur YouTube, répondez aussi en commentaire là-bas, j'irai lire ce soir. Allez, on passe aux interventions des auditeurs et ce sera déjà la fin, malheureusement...



Il faisait déjà nuit lorsque Jimin repassa les lourdes portes de la Maison de la Radio, minuscule au milieu du flot incessant des entrées et sorties.

C'était déjà fini.

Comme à chaque fois, il se sentait vidé. Épuisé par la tension de la journée, par la concentration nécessaire au direct. Épuisé, et sans but. Un peu sonné par l'exploit, inhabituel encore.

Mais avec cette excitation au fond de lui, en veilleuse, ce regain de force qui n'attendait qu'un signe pour briller.

Qui brillerait sans doute ce soir, une fois Jimin rentré chez lui, la douche prise et le dîner dévoré en appelant Jungkook ou Taehyung.

Qui brillerait et l'empêcherait de dormir cette nuit, qu'il passerait à se remémorer chaque instant de l'émission, chaque parole de retour de la productrice ou de proposition pour l'émission suivante. Il finirait par se lever, sans doute, fuyant l'insomnie. Se mettrait à écrire, pour déjà préparer l'émission suivante.

Ou, mieux, se mettrait à lire et y passerait la nuit.


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