Bulles d'émotions

Thème : "bulle" proposé par @LauraPriorLynch !

________________________________

Des millions de couleurs s'abîment dans mon regard. Elles volent, disparaissent dans les hauteurs puis explosent dans un bruit clair. Amusé, j'observe ce petit jeu incessant. Le son d'un rire rejoint ce manège, accentuant mon sourire.

Les mains dans les poches, j'arpente cette forêt que je connais par cœur, découvrant des cimes encore inconnues. Suivi de prêt, je sifflote tranquillement, juste heureux d'être ici. La douce chaleur du printemps nous enrobe agréablement.

Soudainement, les feuillages bougent à mes côtés, m'amenant à sursauter. La femme m'accompagnant s'esclaffe. Pourtant, je ne suis plus aussi pusillanime qu'autrefois... Le cœur battant, je fais mine d'être vexé. Elle s'accroche alors à mon bras, me regardant avec bienveillance.

— Il s'agissait d'un écureuil. Lui aurais-tu volé une noisette ?

— Pas du tout, bougonné-je.

Attendrie, elle n'insiste pas. Une bulle apparaît devant moi. Troublé, je la fixe. Elle reflète l'envers du paysage face à moi. De cette façon, je vois deux arbres se faisant face. Complémentaires. Ils s'assemblent, ne donnant plus qu'un seul objet. Fort ou faible ? Ils s'élèvent dans les airs, s'éloignant des potentiels dangers. Puis ils éclatent d'un coup.

Sans le vouloir, je m'arrête net, entraînant ma compagne. Clignant des yeux, la belle brune cherche à donner du sens à mon comportement.

Fronçant les sourcils, les rouages tournent dans mon esprit.

Ce n'est que de l'eau et du savon, me dis-je, secouant la tête.

Sans un mot, je reprends ma marche. Elle ne prononce pas un mot, ayant l'habitude de mes périodes de questionnements. Les bulles continuent d'affluer, amplifiant mes doutes. Chaque fois que je pense trouver une réponse, elles disparaissent brutalement. Un frisson me parcourt tandis que, sans le vouloir, je me penche en avant, à la recherche de protection. Inconsciemment, sa main douce presse la mienne. Ce simple contact me permet de revenir plus ou moins à la réalité. Fort de cette idée, je me redresse, affrontant ces bulles.

Je ne suis plus aussi fragile qu'elles. Mon corps résiste au vent, à la pluie, à la neige. Il ne subit plus de coups, simplement des caresses que la vie consent à lui offrir.

Ressentant le besoin d'en avoir confirmation, je lui demande :

— Je suis plutôt un arbre ou une bulle ?

Surprise, elle me dévisage longuement, sans trace de jugement. Ses yeux cherchant simplement à comprendre mon cheminement de pensées. Un coup de vent soulève une mèche de ses longs cheveux. D'un geste agacé, elle la replace, sans me quitter du regard.

— Pourquoi tu me demandes ça ? s'enquiert-elle, désorientée.

— Pour rien.

Avec la douceur qui la caractérise si bien, sa paume se glisse dans la mienne.

Dans notre dos, un chien aboie gaiement, jouant avec l'enfant. Il court après les sphères transparentes, tentant de les attraper dans sa gueule.

— Explique-moi, insiste-t-elle.

Réprimant un soupir, je frotte ma nuque, ayant peur de dire ce qu'il ne faut pas. Le procès remonte à quelques mois déjà. Pourtant, je continue de me méfier, n'ayant pas encore totalement réalisé.

Mon frère s'est amusé à me détruire, petit à petit. Aujourd'hui, il ne fait plus partie de ma vie. Et je réapprends à respirer, maladroitement. Mes tremblements en attestent : mes craintes ont du mal à me laisser totalement en paix. La majorité du temps, tout va pour le mieux. Parfois, j'hésite.

— Eliott ?

À la seule entente de mon prénom sorti de sa bouche, je tressaille. Toute ma vie, j'ai espéré cette tendresse à mon égard. Maintenant, je ne m'en lasserai plus. Mes doigts emprisonnent les siens tandis que mon cœur s'emplit de joie.

— Je me demandais simplement si j'avais vraiment changé.

Elle reste murée dans un silence inquiétant. Par la suite, elle se détache de moi, se dirigeant vers la fillette blonde. Ne saisissant par son comportement, je baisse les yeux, pensant l'avoir blessée. Et toujours ces bulles qui continuent de naître pour mourir en une poignée de secondes. Symbole de fragilité. Je ne m'y reconnais que trop bien.

Ma bête me rejoint, me poussant de sa tête poilue. Machinalement, je flatte son pelage, me sentant soudainement vide. Aujourd'hui, j'ai tout ce dont j'ai toujours rêvé. Mais mon âme brisée peine à se reformer. Certains morceaux se recollent et d'autres se baladent dans la nature depuis bien longtemps.

À cet instant, les bulles ont disparu : seules des feuilles mortes virevoltent, rasant le sol. Détournant le regard vers les deux femmes qui partagent ma vie, je les découvre discutant à voix basse. Le chien ne me quitte pas, fermement positionné à mes côtés.

Timidement, la petite blonde s'avance dans ma direction, son jouet serré contre elle. M'agenouillant afin d'être à sa hauteur, je rencontre ses yeux d'un bleu puissant. M'offrant un sourire flamboyant, elle me tend sa machine à bulles. Perdu, je la récupère dans mes mains abîmées par le bois. Ce matin encore, j'ai travaillé sur le dragon qui orne mon atelier.

— Essaye, c'est drôle tu verras, me propose-t-elle, enthousiaste.

Je sais que ma compagne cherche à me transmettre un message en agissant de la sorte. Alors, même sans comprendre, je souffle sur le rond en plastique. Instantanément, l'enfant suit les sphères en courant. Ses doigts les frôlent à peine qu'elles explosent, entraînant un éclat de rire.

Dans l'incertitude, je me redresse. Ses prunelles marron me transpercent avec lucidité. Frustré, j'ai l'impression d'être un idiot. D'un geste rapide, je lui rends le jeu, versant malencontreusement de l'eau savonnée au sol.

Mutique, je reprends ma marche, encore plus perdu qu'avant. Essaye-t-elle de me faire comprendre ma fragilité encore trop présente ? Soupirant, je donne un coup dans un caillou qui valse plus loin, rebondissant sur une racine. Dans mon dos, je perçois ses pas, écrasant les feuilles oranges. Comme si de rien n'était, le chien continue de s'amuser avec ma fille.

Une main caresse ma nuque, aussi légère qu'une plume. Malgré moi, je frissonne, mon esprit fonctionnant à vive allure.

— Elles sont comme l'amour que tu portes à ton entourage, amorce-t-elle, me rejoignant. Tu aimes si fort qu'elles explosent. Cela ne fait pas de toi quelqu'un de faible, au contraire.

Réfléchissant sérieusement à ses paroles, je me remets une énième fois en question.

— Aimer prouve que tu es vivant. Ça surpasse la peur, continue-t-elle.

Au fur et à mesure, ma vision change. Lorsqu'une bulle éclate, mon cœur s'accélère. Chaque fois que mon regard se pose sur les personnes m'accompagnant, je relève un peu plus la tête.

— Je considère que si je t'aime, j'en fais ma force, conclut-elle fièrement.

Aujourd'hui encore, je ne sais pas quoi répondre à ce genre de choses. Troublé, je bégaye, rougis, puis me tais.

— Stupide, marmonné-je, perdant mes moyens.

— Tu n'es pas stupide enfin, s'insurge-t-elle. Tu es sensible, il y a une grande différence tout de même.

Au loin, ma fille m'appelle, souhaitant que j'observe son saut depuis un petit rocher. J'esquisse un léger sourire avant de me concentrer à nouveau sur le bout de mes chaussures.

— Mais, ça me fragilise, je prends tout trop à cœur. Regarde dans quel état je suis à cause de quelques bulles.

— Tu t'émerveilles pour un rien, tu te donnes à fond, tu t'inquiètes pour les autres. Tu es toi, Eliott, voilà tout. Pourquoi veux-tu changer ?

Je hausse les épaules, elle a raison.

— On s'en fiche, murmure-t-elle, glissant sa paume dans la mienne. Tout le monde est différent.

J'acquiesce, inspirant un bon coup. Par la suite, je rejoins ma fille et la soulève dans mes bras. Un énorme sourire étire ses lèvres, mon cœur fait un salto dans ma poitrine.

— Tu me fais des bulles ? je lui demande avec un soudain enthousiasme.

Elle acquiesce et des ronds brillants se forment. Alors que je les observe, ils se multiplient et je comprends. J'aime ma famille plus que tout au monde. Qu'importe que ça me questionne. Cela me consolide dans ma manière d'être.

Au moment où Xa ébouriffe les cheveux de la petite blonde, j'aperçois ses « grains de beauté » sur ses poignets, vestiges de son passé tumultueux. Pourtant, elle sourit de toutes ses dents. Xie éclate de rire malgré son enfance compliquée. Alors, je les rejoins dans leur bonne humeur, simplement heureux d'être là.

L'amour et la reconnaissance se distillent en moi, effaçant la moindre trace de doute. Reposant ma fille à terre, j'enlace ma compagne, fier de l'avoir à mes côtés.

— Quand on fera la vaisselle, tu n'auras pas peur des bulles ? s'amuse-t-elle gentiment.

Je secoue négativement la tête, trouvant soudainement ces interrogations futiles. Après tout, je m'en fiche de savoir si j'ai changé. L'essentiel réside dans la vision que j'ai de moi-même.

Et lorsque ses cheveux virevoltent à nouveau, elle les laisse libres. Ses taches de rousseur s'accordant à la perfection avec ses prunelles noisettes. Ses dents blanches se découvrent à moi, des ridules se forment aux coins de ses yeux.

Tous ces sentiments se mêlent en moi violemment. Chamboulé par tant d'émotions contradictoires, je manque de trébucher sur une branche. Une bulle se pose sur le museau de mon chien, entraînant un rire général.

C'est donc cela, le bonheur ? Des bulles d'émotions...

Confiance. Joie. Peur. Doutes. Amour...

________________

Bonsoir !

J'espère que ce texte vous aura plu ! Et que vous allez bien ?

Ici, vous avez pu revoir Eliott, y a-t-il un personnage en particulier que vous aimeriez retrouver ? (Ce ne sera pas toujours le cas)

Proposez-moi un nouveau mot :)

Bonne soirée,

Fantine



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top