Boite à musique

Cette nouvelle à été écrite dans le cadre d'un concours nommé "la dernière Flamme", des Kennyens.

Elle traite de harcèlement scolaire.


Acte 1, ouverture du rideau

"-Oh, regarde maman! C'est une petite danseuse! Et elle fait de la musique, trop cool!"

Tu es adorable à cet âge, tout simplement adorable.

Un petit monstre farceur qui irradie de bonne humeur, qui répand des couleurs et offre des sourires à chacun de ses pas.

Tu as six ans et c'est la première fois que tu me regardes mais je sais déjà que je t'aime.

Tu m'ouvres pour la première fois et tu m'observe tourner sur moi même, avec tes grands yeux bleus écarquillés, comme si j'étais la seule et la plus belle chose au monde.

Je m'arrête et la mélodie avec moi.

Tu actionnes de nouveau la clé et me regardes tourner, encore et encore.

Tu apparais et puis tu disparais de mon champ de vision à mesure que j'effectue la même pirouette, sur la même mélodie.

Tu me regardes des heures durant et je suis heureuse, heureuse de t'émerveiller comme cela, d'être le centre de ton attention, de ton petit monde.

Acte 2

Tu as maintenant huit ans et il te manque les deux dents de devant. Mais ton sourire est le même, toujours aussi joyeux.

Tu ne me regardes plus fixement mais tu écoutes attentivement ma musique en jouant avec tes poupées.

Et dès que je m'arrête, tu actionne hâtivement la clé et relance la mélodie.

Parfois, tu te lèves et tourne avec moi le plus longtemps possible. Tu ne tiens pas aussi longtemps bien sûr et tu ne tardes jamais à t'écrouler au sol, ta chambre valsant devant tes yeux et tu éclate de rire.

Je voudrais que tu ne t'arrête jamais de rire. Je ne m'en lasse pas.

Ton rire est un oiseau qui monte à l'assaut du ciel puis redescend en piqué pour remonter ensuite, avec un bruit cristallin magnifique.

Parfois tu t'allonges sur le tapis rose et tu me parles de ta journée, de ce qui s'est passé, en caressant doucement le tissu de ma robe bleue.

C'est ces moments-là que je préfère.

Des moments de complicité toute simple où tu ouvres ton coeur, toujours avec cette énergie qui te caractérise et en continuant à donner du bonheur à droite et à gauche.

Acte trois

T'as dix ans maintenant c'est ça?

Tu es en CM2, c'est ta dernière année et tu as des amies, tout devrait bien se passer.

Pourtant ton sourire change, qu'est ce qui ne va pas?

Ne me mens pas, je te connais assez bien pour voir que ce n'est plus comme avant.

Ton premier geste, chaque soir, est toujours d'ouvrir mon petit couvercle de fer forgé et d'activer mon mécanisme mais tu n'es plus la même.

Tu es plus triste et je vois bien, dans ton regard, que tu retiens tes émotions.

Les enterrer au plus profond de toi ne changera rien.

Pleurer dans ton oreiller n'effacera pas ta peine.

Déverser ta colère sur ta famille ne te soulagera pas.

Crier à t'en casser la voix et frapper tes cousins n'arrangera rien.

Multiplier les crises de migraines et les maladies n'est qu'une ruse de ton corps pour te permettre de souffler un peu.

Chaque soir, tu rentres un peu plus détruite et je m'en veux.

Je m'en veux de n'être qu'une boîte à musique, une petite danseuse qui tourne sans arrêt.

Je m'en veux de ne pas pouvoir bouger, grandir, te prendre dans mes bras et t'aider à régler tes soucis.

Je m'en veux de ne pouvoir que tourner et chanter, encore et encore, sans rien faire d'autre. Mais c'est comme ça.

Acte 4

Tu rentres du collège aujourd'hui.

Tu es pas bien, encore.

Mais tu n'es pas triste, comme les derniers jours, semaines et mois.

Non, tu es en colère. Frustrée. Furieuse.

Hier tu m'as confié que tu irais voir la psychologue ou l'infirmière aujourd'hui. Ou les deux.

Que tu n'en pouvais plus de te laisser faire, que tu avais besoin de protection.

Tu n'en as pas parlé à tes parents, c'est trop difficile. Tu as trois ans sur le coeur et tu as besoin d'une oreille externe.

Vu ta tête ça ne s'est pas bien passé.

Je suis désolée pour toi.

Tu me regardes tourner de tes si beaux yeux et tu murmures:

"-Elle ne m'a pas écouté. Elle m'a dit que c'était que des jeux, des moqueries amicales. Que c'était dans ma tête. Elle m'a pas pris au sérieux. Mais peut-être qu'elle a raison au fond. Peut-être que je me suis inventé tout ça. Peut-être que je suis cinglée. Peut-être que je parle à une boite à musique qui peut pas me comprendre et que tout ça, c'est dans ma tête.Peut-être que ça fait trois ans que tout ça, c'est dans ma tête!"

Tu as hurlé ta tirade et ma mélodie s'est tue.

Ta respiration est rapide et tu m'observes, des éclairs dans les yeux et des larmes sur tes joues.

Soudainement, tu m'attrapes et me jettes contre un mur.

Je le heurte et tombe au sol dans un bruit de fer brisé.

Mes rouages s'éparpillent et tu t'effondres sur ton lit en sanglotant.

Noir, entracte.

Interlude.

Je suis dans un atelier.

Un homme est penché au-dessus de moi, tournevis à la main.

Il respire fort et ses lunettes glissent systématiquement de son nez.

Il ré-assemble mes rouages, un à un et, sous ses doigts, je reviens doucement à la vie.

Mais je pense à toi. J'espère que je suis chez le réparateur à ta demande.

J'espère que tu ne m'as pas jeté à la poubelle et que je vais te revoir.

Que tu m'ouvriras de nouveau et que tu me regarderas tourner, encore et encore.

J'espère que la joie habitera de nouveau tes yeux, que tes problèmes au collège seront réglés.

J'espère...

Acte 5

C'est toi, c'est bien toi.

Tu ouvres mon couvercle et tournes la clé avec toute la délicatesse du monde, comme si tu craignais de me blesser.

Tu n'as pas changé, je ne dois pas être partie plus d'une semaine. Heureusement.

Assise sur ton lit, tu m'observes tourner, ma boîte de fer reposant dans tes mains.

Je suis tellement heureuse de te retrouver, si tu savais.

Tu me souris doucement et je voudrais pouvoir sourire en retour, te transmettre autant de joie que tu le fais avec moi.

Tu caresses ma robe dont le tissu bleu est légèrement délavé et j'aimerais pouvoir tourner plus vite, pour la faire voltiger et t'émerveiller.

Mais il semblerait que ma présence suffise à te faire sourire alors je continue de tourner et de jouer la même mélodie, juste pour toi. Juste pour ton sourire et tes yeux.

Acte 6

Ça fait une semaine que je suis rentrée de chez le réparateur et ma musique ne suffit plus à te faire sourire.

Tu rentres chaque soir plus fatiguée, énervée et triste. Ton sac semble chaque fois un peu plus lourd.

Tu me regardes toujours tourner, assise à ton bureau où je trône désormais, au milieu des pots de crayons.

Aujourd'hui, pourtant, tu as l'air plus déterminée.

Tu m'ouvres en premier, évidemment puis sors une feuille et un stylo de ton sac.

Chaque fois que je passe de face, je lis la nouvelle ligne que tu as écrite.

Mais... Tu pleures? Je comprends. Coucher trois ans sur papier c'est dur.

Alors, pour te soutenir, je continue de danser et de jouer ma mélodie.

Quand tu as fini tu ne te relis pas, ce serait trop dur.

Tu plies la feuille et la glisse dans une enveloppe.

Puis tu me souris et tu me chuchotes:

"-C'est pour mes parents. Je peux pas le garder pour moi mais je peux pas le dire. Alors je le leur écris."

Et puis tu sors de la chambre, ton pas est plus léger et ton sourire plus vrai.

Je m'en rends alors compte. Quand je suis revenue de chez le réparateur, j'ai retrouvé celle que tu es depuis trois ans.

Maintenant, grâce à cette lettre, je vais retrouver la petite fille qui tournait avec moi en riant, celle qui semait du bonheur partout sur son passage.

A cette idée mon cœur s'illumine et je chante un peu plus fort.

Ces retrouvailles, j'en ai rêvé.

J'ai rêvé de retrouver tes yeux rieurs et ton sourire véritable.

Je suis soulagée et heureuse.

Tout va s'arranger, j'en suis sûre.

Tout va s'arranger.

Fin de la pièce, fermeture des rideaux.



Taille de la nouvelle : 1313 mots.

Qu'en avez vous pensé ? Des avis, des retours ?

Miss_Paillettes

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