Chapitre 6.


(Ludovic)

Rentré chez moi, je prends un café tranquillement. Je m'en veux de ne pas avoir eu le courage de parler de l'entretien prévu avec le proviseur. Je m'en suis expliqué avec Fabien après son coup de sang contre la jeune Violette. Mon coeur a fait un bond quand le Proviseur a prononcé ce prénom. Je sais pour en avoir parlé avec Martin que sa soeur est très bonne élève. Impossible que ce soit une coïncidence. Ça serait extraordinaire que son neveu soit aidé par la soeur de Martin, même si celui-ci n’apprécierait pas du tout. 

Fabien finit ses cours à seize heure, pas de vente cet après-midi, et une livraison à faire, dans le quartier de mon amant. Et l’idée de lui rendre une petite visite est particulièrement tentante.

Dimanche, ils se sont vus en quatrième vitesse, presque en cachette comme des ados. Martin m'a persuadé d'aller dans un hôtel. J' ai accepté car  le serrer dans mes bras me manquait mais je refuse que cela devienne une habitude. 

Le téléphone en main, j'hésite. Martin est quelqu'un qui n'aime pas trop l’improvisation mais la tentation est trop forte. Une heure après, ma livraison effectuée, je suis devant la porte de l’appartement où je  viens de sonner.

La porte s'entrouvre retenue par une chaîne de sécurité et Martin écarquille les yeux en me découvrant. En un instant, la porte est refermée, et ouverte en grand, sa main m’a saisi, fait entrer et coller contre le mur.

— C’est le genre d’accueil que j’apprécie, m’exprimé-je avec un tendre sourire.

— C’est le style de surprise qui m’enchante,  réplique-t-il en commençant à m'embrasser le cou, ma zone la plus sensible. Dis-moi que tu n’es pas pressé. 

— Je ne suis pas pressé, lui assuré-je en lui ôtant son tee shirt.

Nous avons pris notre temps, et cela faisait longtemps. Allongés l’un contre l’autre dans son lit, je découvre avec beaucoup d’intérêt sa chambre. Je n’y suis jamais venu, estimant que le risque d’y croiser sa soeur était trop important. Et là en face de moi, je la vois, la jeune fille de ce matin. Aucun doute n’est possible à part l’énorme sourire sur son visage. Elle est collée à son frère aussi souriant qu’elle.

— Tu es bien silencieux, s'étonne Martin. 

— Je profite de l’instant présent. La déco de ta chambre te ressemble. C’est ta soeur, demandé-je en montrant la photo ?

— Oui, c’est Violette. C’est rare qu’elle accepte que je la prenne en photos. Je comprends, je n’aime pas trop non plus, m’avoue-t-il avec une petite moue adorable. C’était il y a un an. A ce moment, je n’étais pas certain que le juge allait accepter de me la confier. Je la mitraillais constamment en cachette, pour garder un souvenir... pour celle-là, je venais de recevoir confirmation qu’elle restait avec moi.

La tendresse dans sa voix quand il parle de sa soeur m’émeut terriblement. Je comprends pourquoi il ne veut pas prendre de risques et je l’accepte. 

— Elle revient vers quelle heure ? 

— Pas avant seize heure trente lorsqu'elle prend le bus. Mais quand je n’ai pas de repas le soir, je vais la chercher. Et toi, vous vous arrangez comment avec ton neveu ? 

— Le taxi l'angoisse. Je l’ai accompagné ce matin et Frédéric y va ce soir.

— Violette rentre en bus aujourd'hui, j’ai un rendez-vous avec la juge. Tu manges avec moi ?

— Si on tarde pas, je n'ai pas encore été dans les serres. Je lui ai proposé de gérer ses aller retour, mais cela dérange un peu mon rythme, grimacé-je.

Nous mangeons un reste de rôti de porc avec des légumes tout en discutant. Martin est ailleurs. 

— Tu es inquiet ? demandé-je.

— Toujours lorsqu'il s'agit de Violette. Ses résultats scolaires sont bons, voir excellents. Son comportement aussi. Mais, j'ai tellement peur que quelqu'un découvre mon homosexualité. 

— Et tu crois que ce serait une raison de te retirer la garde de ta sœur ? À notre époque ? 

— Tu es tellement naïf parfois, Ludo ! s’exclame-t-il. Jamais ils ne diront que c’est la raison principale mais ils en trouveront une. Je sais que cela nous met dans une situation terriblement frustrante. 

— Ne continue pas sur ta lancée, le stoppé-je immédiatement. Je me contenterai de ces moments-là, Martin. L’autre option est inenvisageable. Je ne changerai pas d’avis.

Tout en prononçant cette réplique, je me suis levé et je me retrouve à côté de lui. Je lui attrape la tête et le force à me regarder. Je m’oppose à l’idée qui germe en lui. Pas question de se séparer.

— Mes larmes étaient sincères dimanche. L’hôtel ne m’a pas plu mais je m’en moque, tu entends ? Oublie direct cette idée mon petit gars, je peux devenir une sangsue quand on me repousse.

Sa façon de se lover dans mes bras me suffit à être rassuré.

( Fabien)

J’étais si en colère que Ludovic m’ait caché ce truc que j’ai pété un câble. J’avais aperçu la nana devant en arrivant, assise si droite que cela devait en être douloureux. M’en prendre à elle était vraiment lamentable : ses yeux étaient paniqués alors que je lâchais ma colère. 

Mes excuses l’ont rassurée mais je la sentais si mal à l’aise sans comprendre la raison. J’ai fait avec elle ce que je reproche à mon père : juger d'un premier regard. Quand nous sommes entrés dans le foyer et que le silence était aussi assourdissant que la curiosité larvée dans les regards, j’ai très bien ressenti son malaise. Lui parler de mes faiblesses était un moyen pour moi de me dédouaner de la rage déversée sur elle. Je ne m’attendais pas  à ces mots balbutiés et encore moins à ce sourire quand elle a lu ma proposition de travail.

Me voilà possesseur d'une approche de Pythagore qui demande à être étudiée plus sérieusement. 

La matinée s'est passée sans difficultés majeures, quelques regards curieux mais aucun élève de la classe n’est venu me parler. Mon physique est plutôt avantageux pourtant, ne voient-ils que le fauteuil ? Ou est-ce dû à la présence de Violette à mes côtés ? 

L’heure du repas approche, je dois savoir.

- C’est un self ou une cantine ? chuchoté-je à la petite brunette.

- Un self, répond-elle. Moi...j’y vais pas.

Elle a lâché quatres mots, difficilement. Je crois que je vais devoir gérer un plateau avec mon fauteuil. 

A l’entrée du self, je fais moins le malin. Tous les regards convergent vers moi sans aucune discrétion. Pas trop du genre à m’en traumatiser, surtout qu'ils ne me connaissent pas. Je fais donc rouler mon fauteuil : tout est placé à la bonne hauteur, et c’est un sacré plus. Ma faim n’est pas extraordinaire aussi je me contente d'une belle salade composée, de fromage et d'une part de gâteau. J’ai un bref moment de panique lorsqu’arrive le moment d’attraper le plateau plein et de le glisser sur mes genoux mais deux mains masculines le font à ma place. 

— Je pense que je vais le porter si tu veux bien ? Tu n’as pas pris à boire ?

— J’ai ce qu'il faut dans mon sac. Merci pour l’aide. Je m’appelle Fabien, dis-je en tendant la main. 

— Antoine. Tu viens d’arriver ? Elle est où ton aide ? Partie se cacher dehors, je parie, dit-il en scrutant la salle.

— Je n’en sais rien, et je sors aussi, trop envie de fumer. Merci de ton aide, dis-je en récupérant le plateau pour le poser en équilibre sur mes genoux. 

Je me dirige vers l’extérieur et cherche à repérer Violette. Les lieux sont agréables : des bancs disséminés partout, quelques arbres qui projettent de l’ombre au sol, une table de ping-pong en béton où plusieurs adolescents sont assis en tailleurs. Je ne l'aperçois nulle part mais un petit groupe plutôt bruyant attire mon regard. Un gars me voyant approcher dit quelque chose et tout le monde se disperse. Seule reste une petite silhouette recroquevillée : Violette. 

Forçant sur mes roues pour avancer plus vite, je suis auprès d’elle en un cours instant. Elle semble terrorisée.

— Violette ? Que se passe-t-il ? 

Elle ne répond pas, reste figée ses deux mains serrées l’une contre l’autre glissées entre ses cuisses. 

—Violette, reprends-je. Que te voulaient-ils ? Explique-moi s'il te plait.

— Savoir...qui tu es.

— Et pourquoi ne pas me le demander à moi ? Viens, suis-moi s'il te plait, je vais répondre à leur question.

— Non. Ils s’en... moquent, lâche-t-elle péniblement. C’est juste ... pour se... moquer.

— De ta timidité, c’est ça ? 

Elle me répond d'un hochement de tête. A côté d’elle sur le banc, un sandwich écrasé. J’attrape ma salade et je lui tends.

— On partage ? 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top