Chapitre 5.
(Fabien)
L’après-midi a fini de façon plutôt sympa. Le pote de Ludovic est drôle et sacrément cultivé. D’après ce que j’ai compris, Martin fait de la restauration à domicile.
Au bout d’un moment, je les ai laissés et je suis parti dans ma chambre lire et écouter de la musique. J'étais inquiet de manquer de lecture mais très vite rassuré en découvrant côté salon une très belle bibliothèque bien fournie. J’ai d’ailleurs emprunté un ou deux bouquins avec l’accord de Ludo. Cela me changeait, mon cher père trouvait que lire était du temps de perdu !
La journée du dimanche est passée très vite aussi, Ludo s’est absenté quelques heures pour aller voir un copain. L’infirmière est passée pour discuter de l’organisation. J'ai préféré miser sur le fait que je me faisais mes injections seul, fournissant en justificatif la lettre écrite par mon médecin.
Réveillé depuis plus d'une heure, j'entends Ludovic trafiquer à côté et très vite les odeurs familières d'un petit déjeuner me poussent à sortir du lit. Un petit tour à la pièce d’eau, quelques gesticulations pour habiller d'un jogging le bas de mon corps, et je file rejoindre mon oncle à côté.
— Tu es déjà prêt et habillé ? s'étonne celui-ci. Tu as bien dormi ?
— Pas vraiment, non. S'il n’y avait que moi, lui lancé-je d’un air peu aimable.
— Nous en avons déjà parlé, Fabien. Finis l’année scolaire et nous en reparlerons. Tu n’as aucun diplôme en poche, et raté plus de six mois de scolarisation. Cette remise à niveau te permettra de choisir une direction de formation.
— Il ne sera jamais d’accord, tu le sais bien, grogné-je.
— Ne t’occupe pas de cela pour l’instant. Tu vas au lycée pour assimiler des bases que tu n’as pas pu acquerir en troisième. L’orientation nous aurons le temps d'en discuter.
(Violette)
J’arrive toujours dans les premières au lycée, il m’est plus facile de rejoindre ma salle de cours quand je n’ai pas à passer au milieu des autres. Cela énerve Martin, je le sais. Pourtant ce matin, je n’arrive pas à échapper au Proviseur.
— Mademoiselle Duguin, bonjour. Je vous attendais. Pouvez-vous me suivre dans mon bureau, s'il vous plaît ?
Malgré mon inquiétude, je lui emboîte le pas. Je n’ai rien à me reprocher et c’est cela qui m’angoisse. Il me fait signe de m’asseoir alors qu'il s’adosse à son bureau, décontracté.
— Aujourd'hui, un nouvel élève arrive dans votre classe, Violette. Et même si je me doute que vous n’allez pas aimer, je souhaiterais, et Monsieur Clairt, votre professeur principal est du même avis, que vous l’aidiez. Il a eu des problèmes de santé qui l’ont éloigné des cours l’année dernière. Vos résultats sont les meilleurs de la classe et l'épauler favorisera votre socialisation. Il arrive d'ici dix petites minutes, je vais faire les présentations.
Abasourdie par ses paroles, je ne trouve rien à objecter. Mon coeur bat très fort dans ma poitrine, mes aisselles sont trempées d'une sueur acide et je me répète dans ma tête comme un mantra : “ je ne vais pas être à la hauteur”
— Je ne vais pas être à la hauteur, dis-je à voix haute subitement sans pouvoir me contrôler.
— Bien sûr que vous allez y être, Violette, affirme-t-il, si sûr de lui. Vous nous attendrez dehors, le temps que je m’entretienne avec lui. Vous ne serez pas en retard, précise-t-il après m’avoir vu jeter un oeil sur l’heure. Votre professeur d'Anglais est absent ce matin.
Je sors du bureau et m’assois sur une chaise pas loin de la porte.
Quelques minutes après, des bruits de discussion me parviennent et un drôle de couple approche : un homme proche de l’âge de mon frère et un plus jeune cloué dans un fauteuil roulant. Le proviseur qui a dû être averti de leur arrivée sort de son bureau et sans même un regard vers moi, il les fait entrer.
A peine dix minutes après, des éclats de voix retentissent derrière la porte qui s’ouvre à la volée pour laisser passer le fauteuil roulant. Le visage rouge de colère, le conducteur s’adresse à moi.
— Que tu m’aides pour les cours, passe encore ! Mais pas question un seul instant que tu pousses mon fauteuil, hurle-t-il comme si j’étais responsable de quoi que ce soit.
— Violette n’a pas à subir votre colère, Fabien, intervient le Proviseur d'une voix ferme. Elle n’est au courant de notre décision que depuis un petit quart d’heure. C’est une très bonne élève qui vous aidera. Il est temps de vous diriger vers le foyer en attendant l’heure de vous rendre en cours, conclut-il, et sans attendre plus longtemps il retourne dans son bureau.
Je n’ai pas l’impression que son intervention ait changé quoi que ce soit dans la façon de penser de ce garçon. J’ai très envie de partir en courant. Toute la journée à côté de ce fauteuil, je vais être visible de tous.
L’homme discute avec lui sans réussir à lui redonner un air aimable puis il se tourne vers moi, me fait un sourire géné et s'en va.
— Excuse-moi, je n’avais pas à m’en prendre à toi, me dit l’handicapé. Les adultes m’énervent à tout organiser dans notre dos. J’étais en colère après mon oncle qui ne m’a pas prévenu. Une petite chose que je dois te préciser, ne compte pas sur moi pour parader au milieu de tes copains et copines. Ce n’est pas mon style, donc aux interclasses, c’est pas la peine de rester avec moi.
Je l’écoute et je n’en reviens pas. J’aimerais lui expliquer qu’avec moi, il ne sera pas envahi par les copains bruyants mais je sais que je vais bafouiller en parlant alors je lui fais juste un signe de tête et j’avance vers le foyer et il me suit.
Évidemment quand il débarque avec son fauteuil roulant en plein milieu de la salle, il attire l'attention de tout le monde.
Mais bizarrement, personne ne lui adresse la parole, aussi ils s'installent à une table.
— Mon plus gros point faible, c’est les maths, m’explique-t-il tout simplement. Je n’y comprends rien, donc je me butte.
—Je...je vais... bafouillé-je péniblement m’attendant à ce qu'il éclate de rire.
Il m’examine, les bras croisés sur la poitrine. Puis d'un geste vif, il attrape son sac, en sort un bloc de feuille dont il en arrache une. Il écrit dessus rapidement et la glisse devant moi.
“Écris si c’est plus facile, parle moi de Pythagore”
Son sourire est aussi flamboyant que celui que je lui renvoie avant de me mettre à remplir la feuille de mots.
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