Chapitre 34


( Fabien ) 

Je remue dans le lit et réalise qu'il fait grand jour dehors. Je n’entends aucun bruit, Ludovic doit encore dormir. Sa présence à mes côtés hier m’a considérablement aidé. Voir ma mère silencieuse m'ignorer a été une souffrance pour moi. Je voulais lui hurler ma colère, lui dire tout ce que mon père lui cache mais plus maintenant, ma rage est partie. 

Ils ne veulent pas de ce que je suis, tant pis pour eux.

Je sors de ma chambre, celle de Ludo est vide mais un papier sur la table de la salle attire mon regard. 

Fabien, je suis parti discuter avec ta mère. Je reviens… Ludo.

Je m’en doutais, hier soir, j’ai explosé en sanglots. Terriblement déçu par ma mère que je croyais être de mon côté face à mon père. Quel naïf ! M’éloigner était juste un moyen d’être libérée de ce fardeau que je suis pour eux. Il est tôt, et pour ne pas être une gêne pour mon oncle, je file me préparer. Quand il reviendra nous partirons finir les derniers cartons.   

Je suis presque prêt lorsque je l’entends revenir. Il m’attend dans le coin cuisine, il a emmené des croissants. Son regard est triste, leur discussion ne l’a apparemment satisfait. 

— Je lui ai donné une dernière chance, mon grand. Ou elle te parle tout à l’heure, ou elle ne se montre pas. 

— Je te remercie d’avoir tenté et je suis désolé pour toi. 

— Il n’y a pas de quoi. Elle m’aurait rejeté de la même façon si je lui avais dit que j'étais gay. Nous nous sommes créés notre propre famille. Peut-être pas conforme à ce qu'ils veulent mais on s’en fout. Viens déjeuner !  Mickaël a bien roulé, ils seront à la maison vers quatorze heures. Nous allons prendre un bon petit déjeuner puis retourner là-bas bosser. J’ai commandé un repas froid pour nous quatre dans un snack pas loin de chez tes parents. Nous mangerons ici avant de partir ou dans le camion, on verra. 

Un mec est venu ouvrir le portail, les voitures dans la cour ne laissaient aucun doute sur le fait qu’ils étaient dans la maison : salopards. Quand le camion est arrivé, même cirque : le même mec .

Nous en avons bien rigolé tous les quatre en chargeant le camion le plus bruyamment possible. 

Au moment de partir, je me sentais mal mais il n’était pas question que je m'en aille comme un voleur.

Je me suis positionné au milieu de la cour et d'une voix forte, j’ai gueulé.

— Je sais que vous m’entendez, cachés dans un coin de la maison.. Je m’en vais. Je suis qui je suis, j'aurais bien voulu en discuter avec vous mais vous préférez nier mon existence. 

Le camion est parti dès que je suis monté, et Ludovic m’a serré dans ses bras. Lui aussi en avait gros sur le coeur. Nous avions réglé l’hôtel, rendu la voiture de location, récupéré la bouffe réservée par mon oncle avant de venir finir les derniers cartons. Rien ne nous retenait plus ici :  nous avons quitté Lyon, direction Rouen.

( Martin )

Ludovic vient de m’envoyer un message plus que bref, ils sont sur le chemin du retour. J’ai très envie de l’appeler pour en parler mais son message signifie “ plus tard”. Il m’a expliqué son ultime tentative ce matin et je suppose donc que cela s’est soldé par un échec. En attendant leur arrivée, j'ouvre le local, Violette et moi, nous allons gérer la vente. Je ne pensais pas que pratiquer cet exercice lui ferait cet effet. Parler à des inconnus, répondre à leur questions l’oblige à mettre de côté sa timidité. Ma petite soeur grandit et la présence de Fabien l’aide énormément. 

(Ludovic)

Mickaël et Simon se relayent régulièrement, je leur ai proposé mais ils ont refusé prétextant connaître le véhicule par coeur. Nous nous sommes arrêtés pour manger, mais Fabien n’y est pas arrivé sans aller immédiatement vomir. Qu'importe il mangera demain. En remontant dans le camion, il a sorti son portable, et il a discuté par messages pendant très longtemps. Son visage fermé a esquissé un sourire, puis il a coupé son téléphone et s'est endormi. Il me tarde de retrouver Martin, de me serrer contre lui. J’ai tant à lui raconter, tant à lui dire. Je réalise que je n’ai pas pris la pleine mesure de ce qu'il a vécu quand il s'est retrouvé seul, viré de chez lui presque aussi jeune que mon neveu. 

(Violette)

Je raccroche : nos longs échanges avec Fabien nous font du bien.  Ils me soulagent de cette angoisse quasi-permanente de tout. Je redoutais ce changement de lieu, de vie, de toutes ses habitudes qui me permettent d’être sereine. En fait, Ludovic a une présence apaisante, il est là mais ne s'impose pas. Petit à petit, je l’ai laissé prendre sa place. Martin est si bien à ses côtés, souriant, amoureux. Il leur suffit d'un regard échangé,  d'un léger frôlement de la main pour que leurs yeux pétillent de bonheur.

(Fabien)

Reprendre le lycée a été compliqué pour moi. Après une semaine d’arrêt où je restais sous la couette à broyer du noir, Martin a débarqué dans la chambre. Il m’a levé du pieu avec une conviction qui m’a presque effrayé ses yeux généralement bienveillants étaient cette fois noirs. 

— Tu as exactement un quart d'heure pour me rejoindre à la voiture, ne me force pas à venir te chercher, m’a-t-il ordonné. 

Je n'étais pas vraiment terrorisé, mais j’avais conscience que mon état devait angoisser tout le monde. Lorsque je suis entré dans la pièce de vie, Martin m’a fait signe de le suivre et nous sommes montés dans sa voiture. 

— Je croyais que tu étais arrivé à passer au dessus de la connerie de tes parents. Te renfermer, t'isoler de tous ne changera rien, Fabien. Il est temps d’affronter la réalité, maintenant. 

— Je n’ai pas ta force, geigné-je.

— Si tu l’as et depuis le début. Tu as affronté ton père, et même ta mère en refusant de suivre leur choix. Maintenant tu dois faire ton chemin. Pour toi, et pour nous quatre, ta nouvelle famille. 

— C’est confus dans ma tête. Mes projets, mes envies. Je ne suis pas comme Violette, Ludovic ou toi. Je n’ai pas une envie précise de ce que je veux faire de ma vie. Mon objectif était juste de m’éloigner de mon père. 

— Et bien, tu as tout le temps pour y réfléchir, et nous serons là pour t’épauler. Commence par mettre un pied devant l’autre, tu n’as plus de fauteuil. 

— Je vais expliquer cela comment au lycée?  

—Tu n’as rien à expliquer. Tu n’as plus besoin de béquilles, point à la ligne. Pour ce qui est de l’administratif, Ludovic a fait ce qu'il fallait.  Nous nous débrouillons pour déposer Violette qui a repris le chemin du foyer, m’explique-t-il d'un ton calme. 

J’ai honte. Je n’ai pensé qu’à ma petite personne, laissant complètement tomber Violette. 

— Ne prends pas cet air de chien battu, tu veux ? A ma connaissance,  cela se passe bien, reprend-il goguenard. Et heureusement sinon tout grand que tu es, je t’aurai botté le derrière. 

— Tu m'emmènes où ? 

— Nulle part. J’ai pris la voiture pour m'assurer que tu ne t’enfuis pas.  On rentre ? 

( Martin )

Suite à notre discussion, Fabien a repris le chemin du lycée. Je ne sais pas s'ils ont discuté lui et Violette mais dès le lendemain, ils ont pris le bus le matin. Cela nous laissait,  à Ludovic et moi, le temps nécessaire pour livrer les commandes des différents restaurants. Une petite routine s'était installée. Après un repas en tête à tête, nous allions vers les serres ramasser les légumes que nous disposions ou pour la vente ou pour les commandes clients. Ludovic adorait ce moment où il parlait de son métier qu'il adorait. Son sourire, son bagout ne laissaient personne indifférent. Il y avait eu quelques remarques mais les clients qui restaient ne se choquaient pas de notre proximité discrète. 

Mes cours de cuisine fonctionnaient plutôt bien et sur un rythme régulier. A raison de deux soirées par semaine, plus quelques cours particuliers, je dégageais presque un salaire.

Fabien n'avait pas réellement d'idées de métier. Vu ses résultats, il continuait vers le bac. Après avoir tenté de joindre sa mère sans succès plusieurs fois, il avait semble-t-il abandonné. 

Toute cette période avait été riche en rebondissements. Il nous restait une chose à faire que nous avions plus ou moins mise de côté. Ludovic et Fabien nous avaient déposés et nous attendraient dans le café à côté juste au cas où. 

Après les avoir embrassés, Violette et moi sommes entrés dans la prison... 

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C'est la fin du tome 1.

L'assiette est pleine tome 2 publié sur wattpad

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