Chapitre 32.

(Fabien)

Me retrouver dans l’avion avec Ludovic me fait un drôle d’effet.  Les derniers mois ont été riches en événements. 

L'appel du proviseur a déclenché une avalanche de réactions. La plus violente pour moi a été d'encaisser la haine que ressent mon père à mon égard. Ma mère, comme d'habitude, a été incapable de faire autre chose que de le soutenir. 

Ludovic n'a rien lâché, menaçant de faire un énorme tapage médiatique. Très bien réfléchi. Mon père, bien trop inquiet à l’idée que certaines de ses relations découvrent dans la presse que son fils est homosexuel, a cédé. Martin a tout géré : il a contacté un déménageur qu'il connaît. Il vient avec un petit camion deux jours après notre arrivée et nous repartons ensemble. Donc un voyage de trois ou quatre jours pendant lesquels Martin et Violette vont gérer l'entreprise. Ludovic a entièrement confiance en eux et il a raison. 

Trois heures après, nous prenons possession de la voiture de location à l'aéroport de Lyon. Mon oncle a préféré prendre cette option plutôt que d'être coincés chez mes parents sans véhicule. Idem pour la réservation d'un appart- hôtel  pour les deux nuits sur place. 

— Essaye de te détendre, Fabien. Tu peux être quasi-assuré que ton père ne sera pas là.  Et même s'il était présent, nous allons devoir gérer nos sautes d’humeur. 

— Je sais. Mais je redoute tout autant la présence de ma mère, je la croyais de mon côté…

Je ferme les yeux et je me rappelle des hurlements hystériques de ma mère quand, après une nouvelle pique sur ma “ maladie”, mon oncle avait lâché qu'il était lui aussi “malade”. Son vrai visage était alors apparu : cris, insultes envers nous deux. Martin tentait de calmer Ludo qui se trouvait confronté à cette situation pour la première fois. Violette, un peu perdue, ne savait plus où donner de la tête. Pour finir, elle s’était glissée contre moi, effrayée. 

Plus nous nous rapprochons de chez moi plus j'ai mal au ventre, au point que je demande à Ludo de stationner sur le bas-côté. A peine descendu, je vomis sans arriver à me contrôler. Mon oncle se tient derrière moi et attend que j'aie fini. Il me tend un paquet de mouchoirs jetables et plus tard une bouteille d'eau. Aucune remarque, c'est inutile. Il repart vers la voiture et je le rejoins. Lorsque j'aperçois le solide portail, mon ventre se serre à nouveau. Le regard de mon oncle semble aussi angoissé que le mien. Ma mère, plantée sur le perron, le visage fermé, nous attend.  Ludovic stationne la voiture prête à repartir, et après un bref regard vers moi, nous sortons.

Ma mère n’a pas bougé et ne semble pas vouloir faire un geste vers nous.  Ludovic se place face à elle.

— Bonjour, Eloise. Je suppose que tu n’es pas enchantée de nous voir mais nous sommes là quand même. Nous : ton fils et ton frère. 

Elle ne fait pas un pas vers lui et encore moins vers moi. Je m’étais préparé à une telle réaction, ce n’est pas pour cela que cela ne me fait pas mal. 

— Bonjour Maman. 

Elle ne réagit pas plus et rentre dans la maison. Ludo aussi désespéré que moi, me prend dans ses bras, et m’embrasse sur le front tendrement comme s'il compensait le baiser que ma mère m’a refusé.

— Montre-moi où est ta chambre. Nous avons du travail. 

Je le guide, traversant la salle où ma mère se trouve. Ma chambre me semble figée dans le temps comme si je l'avais quitté depuis un an. Une série de cartons et du scotch sont posés contre mon armoire. Ludovic examine les lieux, se retourne vers moi. 

—À part ta chambre, il y a quoi à mettre en cartons, exactement ?

— Ma salle de sport et musique en bas mais je ne vais pas tout ramener chez toi. Pourquoi tu me demandes cela ? 

— Vu comment ta mère semble décidée à agir, je me demandais si nous ne pouvions pas essayer de raccourcir notre séjour. 

— Tu crois que c’est possible ? dis-je. 

— Je te dis cela très vite. En attendant,  commence à faire tes cartons, gamin, m’indique-t-il et il sort son téléphone.

Je l’entends discuter, négocier avec les déménageurs. Je le sais très organisé et parfois obstiné lorsqu'il veut quelque chose. Je vide mes armoires et remplis les cartons. Je ne fais pas réellement  de tri, je n’en ai ni le temps ni l’envie. Mes parents ne veulent plus rien de moi, je ne leur laisserai aucun de mes souvenirs. Mon seul regret sera de ne pas dire en face à face ce que je pense à mon père. Celui-ci a préparé les papiers. Il a refusé l’émancipation,  insupportable pour lui. Pour se rendre honorable, il m’offre une pension annuelle jusqu’à ma majorité soit près de deux années. Mes parents ont fait le nécessaire pour rester en règle, Ludovic est devenu mon représentant légal jusqu’à ma majorité. Il m’aidera à gérer l’argent. Eux, ils s’en lavent les mains. 

J’étais très en colère, déboussolé par tant de haine. Martin a été mon confident.  Lui savait, je crois, exactement ce que je ressentais. Nous avons discuté des heures entières, il a parfois calmé ma colère, mes larmes aussi et il m’a aussi parlé de son père, de la lettre qu'il leur a écrit.

— Et bien dis donc, tu es efficace, m’interrompt Ludo en regardant le tas de cartons bouclés.  Je te propose une petite pause cigarette que je t’explique le nouveau programme. 

Nous nous retrouvons au niveau du sous-sol, j’ai souvent fumé là,  devant la porte.

— Michael, le pote de Martin, prend la route au petit matin. L’idéal serait que l’on ait  fini les cartons lorsqu'ils arrivent. Après il y a deux options possibles. Ou nous rentrons avec eux, ou avec la voiture.  

— C’est peut-être fatiguant de rouler plus de six heures de suite, non ? 

— Sûrement mais moins long qu’en camion. 

— Tu seras seul à conduire, dans le camion vous serez trois, argumenté-je. J’imagine que Martin te manque mais t'épuiser au volant ne te donnera rien de plus.

— Tu as bien raison, il  me manque. Je te souhaite d’éprouver cela un jour. Tu n’es plus obligé de te cacher maintenant. Dans notre maison, les copains sont autorisés.

— Et les copines aussi ? Qu’est ce qui se passerai si je tombais amoureux d'une fille ? Je veux dire, je n’ai aimé que Dylan. Tu crois que c’est possible, toi ? 

— Oui, c’est possible. Tu as le droit d’aimer qui tu veux, Fabien. 

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