Chapitre 29.
(Ludovic)
Je vais garder longtemps en mémoire l’expression du visage de Martin quand il a découvert l’intérieur de la maison de Fred. Ses yeux repéraient les lieux et leurs distribuaient de nouvelles fonctions. Frédéric a été royal : une générosité exemplaire sans mettre mon amant mal à l’aise. Martin est un cuisinier hors-pair, qui sait allier le goût et la beauté. La maison de Frédéric nécessite peu de travaux pour y recevoir ses premiers élèves.
Après avoir laissé mon ami, nous sommes retournés à la longère, le sourire ravi de Martin après tous ces derniers jours où il tentait de me dissimuler son mal-être, me fait plaisir.
— C’est toi qui a manigancé tout cela, me questionne-t-il ?
— Pas du tout . Frédéric était triste à l’idée de s’en séparer. Nous avions parlé au téléphone, son esprit a cheminé tout seul vers cette solution. Tu en penses quoi ? Sincèrement.
— L’endroit est idéal. Imagine mon îlot central près de la cuisine. Il serait idéal pour des cours de cuisine. Je ne sais pas si je suis en train de rêver ou si c'est vrai. Et si je me plante une fois encore …
— Une fois encore ? Tu ne crois pas que tu abuses dans la formulation, bébé ? Tu as le talent, n’en doute pas un seul instant. Tu rayonnes lorsque tu cuisines, tu n’auras aucun mal à transmettre aux autres. Le plus délicat va être d'attirer la clientèle.
— Je vais contacter tous ceux qui ont fait appel à moi depuis deux ans, puis déposer des annonces dans des lieux stratégiques. Mon pote restaurateur, Gabin modifie tout le mobilier de son restaurant, je vais l’appeler pour récupérer deux trois trucs. Mon principal souci dans l’histoire, c’est Violette.
— Que vient faire ta soeur là -dedans ? lui demandé-je.
— J’ai peur de ne plus pouvoir lui consacrer le même temps que maintenant.
De nouveau, Martin est prêt à sacrifier son avenir. Il m’est impossible de le laisser se saborder. Je franchis les quelques pas qui nous séparent et je le serre dans mes bras.
— Violette n’est plus toute seule, mon coeur. A partir de ce week-end, nous serons quatre. Je ne te remplacerai pas auprès d’elle mais je ferai mon possible, sois en certain. Elle est plutôt complice avec Fabien aussi, et ils sont dans la même classe.
— Tu as raison. Je m’affole comme toujours. Et puis pour continuer ses études, elle ne sera plus près de moi. Changeons de sujet, il faut que tu parles à Fabien. Il doit quitter son fauteuil. Crois-tu qu'il y a un réel risque au lycée ?
— Je ne le pense pas, ses parents n’ont donné aucun signe de vie depuis son arrivée à ma connaissance. Je vois mal le principal les appeler.
— Moi aussi, mais pour être plus discret , il devrait commencer par les béquilles, non ? Tu dois retourner à la vente ?
— Oui. Tu vas chercher les enfants. J’ai précisé que demain c'était fermé, il risque d'y avoir du monde cet après-midi.
— Ton pote arrive quand avec le camion ?
— Huit heures et demi chez toi. Ils viennent à quatre. Plus nous, cela devrait aller vite.
Un mois plus tard.
( Martin )
Les poings sur les hanches, je regarde le résultat de mon travail. Fabien, à ma droite, s'essuie le front finissant de se mettre de la peinture partout. Nous avons profité des vacances scolaires pour repeindre, avec l’accord de Frédéric, toutes les fenêtres en blanc. Aujourd'hui, le petit a peint les deux treilles extérieures. Tout est prêt. Vendredi soir, dans trois jours, je serai face à six stagiaires d'un soir. La publicité installée par mon amant a fait son oeuvre.
Je leur ai fait remplir très consciencieusement des fiches afin de connaître leur niveau de cuisine. Ils payent soixante euros pour les deux heures de cours et le repas derrière, il n’est donc pas question de faire ni trop simpliste ni trop complexe. En étudiant leurs profils, je sais que ce sont des débutants, donc mon intérêt est de ne pas les décourager.
J’ai cherché des menus simples que j’ai testés ; après tout j’ai auprès de moi trois novices. Et croyez-moi, nous nous sommes bien amusés. Évidemment, j’ai privilégié les légumes produits par Ludovic. Tout le reste je l’acheterai chez mes marchands préférés .
Le menu choisi est très simple à préparer, malgré quelques gestes techniques, et demande une petite organisation qui est souvent le souci majeur des novices. J’ai opté pour cette première fois sur une préparation collective. Ils sont six, ils travailleront donc à deux par plat. Ma cuisine n’est pas équipée pour plusieurs fours, et je n’ai pas les moyens de les acheter.
Violette va me seconder pour cette première fois. Elle connaît ma façon de travailler, elle a été pratiquement la première à tester tous mes repas.
....
Je respire un grand coup, tout est prêt. Je n’ai jamais eu autant peur, je crois, Ludovic le sait, il me connaît si bien. Aussi ses deux grands bras qui m’enveloppent me suffisent pour remettre mes pensées en place. Il sera avec moi moralement ce soir, après m’avoir épaulé depuis plus d'un mois, pile poil après avoir accepté officiellement l’offre de Frédéric.
J’entends des voitures se garer devant et des voix devant la porte. C’est parti. L’entrée a été modifiée, une paroi vitrée laisse entrer de la lumière, et les murs du bureau ont été repeints de couleur clair. J’accueille avec un grand sourire enthousiaste mes six stagiaires.
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