Chapitre 24.
(Martin)
J'ai exigé que Ludo rentre chez lui. Il était très tard, et il avait une grosse journée devant lui. Violette dormait son téléphone allumé à côté d'elle. Je savais quoi lui dire : il n'était pas possible de nier l'existence de cette lettre. Quoi que notre père ait écrit dedans, nous devions la lire. Sa violence verbale accentuée par l'alcool avait toujours existé. Quand il avait commencé à utiliser sa force physique, l'escalade était devenue inéluctable. A ce moment-là, mon homosexualité m'avait chassé de la maison, mais Violette était restée. Je n'avais pas été là, nous serions ensemble pour ce que je voyais comme un dernier acte de notre père.
Je m'allonge juste, le sommeil ne viendra plus. Des bruits familiers dans la cuisine, Violette est debout. Un verre à la main où fond un cachet m'en dit suffisamment sur son état. Je m'approche d'elle et tout naturellement elle se blottit contre moi.
— Tu veux rester là, ce matin ?
— Non, cela ne servira à rien. Et puis Fabien vient.
— C'est avec lui que tu étais au téléphone, hier soir ? m'informé-je.
— Oui, je lui en ai parlé. Ludovic est venu ?
— Oui, il a compris que je n'étais pas bien. Je l'ai foutu dehors vers quatre heures. Il avait du boulot par dessus la tête. Y as-tu réfléchi ?
Je sais cela peut paraitre direct mais j'ai besoin de savoir pour avancer.
— Oui. J'aimerais la lire. Je comprendrais que tu ne veuilles pas...
— Je le veux aussi, ma puce.
Elle semble surprise de ma décision.
— J'ai bien réfléchi, ma puce, continué-je. Si je ne le fais pas, je m'en voudrais. J'avais très peur que tu ne veuilles pas car je n'aurais pas eu le cœur de t'en dissuader.
— Je ne sais pas ce que j'en attends, Martin mais je souhaite la lire.
— Et bien, tout à l'heure j'appellerais l'avocate pour faire cela au plus vite. Ma proposition pour manquer le lycée tient toujours.
— Une bonne douche, un café et ça ira...
( Ludovic)
Les dernières journées ont été lourdes et longues. L'absence de Frédéric m'a permis de réaliser à quel point être à deux allégeait mon fardeau. Heureusement Martin a très vite pris ses marques et me soulage. Sa connaissance quasi parfaite des légumes ne m'oblige pas, comme avec Frédéric, à lui préciser où les placer. Pour certains d'entre eux, il a imprimé des suggestions de recettes qu'il a subtilement positionné aux abords de la caisse et cela commence à porter ses fruits. Mon amant est un cuistot dans l'âme, il resplendit lorsqu'il cuisine.
Je le sais malheureux de ne pas trouver sa place dans la restauration à domicile. Cet après midi, Fabien sera avec moi, Martin et Violette vont voir l'avocate pour lire la lettre de leur père. J'admire leur courage, je ne sais pas si j'aurais eu le même.
(Violette)
Martin me tient la main, et j'ai la nette sensation qu'il a autant besoin que moi de ce lien. L'avocate ne nous fait pas attendre longtemps et nous épargne les bavardages inutiles. Martin a la voix rauque, je l'ai entendu pleurer ce matin dans la salle de bain. Je suis sensiblement dans le même état, et lorsqu'enfin elle lui pose l'enveloppe devant lui, mon coeur s'affole. Martin la prend en mains et me demande d'un dernier regard l'autorisation de l'ouvrir. Nous avons décidé ce matin de la poser et de la lire ensemble en silence.
Violette,
J'aurais voulu te voir, égoïstement, mais je comprends ton refus même s'il me fait mal.
Quand tu es née, je te promets que mon intention était de te rendre heureuse.
Mais tu sais bien que je ne suis pas quelqu'un de très malin, j'écoute toujours plus les copains que ta mère. Et quand je comprends que c'est de ma faute une fois encore, plutôt que de fermer ma gueule , je crie.
J'ai souvent fait n'importe quoi, et je pense que l'image que tu as de moi est celle d'un ivrogne qui hurle, et vomit des insultes à longueur de temps.
Quand les services sociaux t'ont pris, cela ne m'a même pas mis du plomb dans la tête. J'ai continué à boire, jouer et hurler après ta mère. Et puis un jour je l'ai tuée.
Je n'arrive plus à lire et Martin n'est pas dans un meilleur état. L'avocate nous tend une boîte de mouchoirs que nous utilisons tous les deux. Martin me demande d'un regard si je suis prête et nous reprenons notre lecture.
Mon avocat m'a dit que tu étais devenue une jeune fille, très intelligente et bonne élève. Je crois que c'est le plus beau cadeau que tu peux me faire et ta maman en aurait été fière.
Mon avocate m'a aussi dit que tu vivais chez ton frère. Je t'ai dit tellement de mauvaises choses sur lui, Violette. Je suis heureux que tu en n'en aies pas tenu compte.
Martin, malgré tout ce que je t'ai vomi comme insultes à toi aussi, je veux te dire quelque chose. Je crois qu'en te mettant dehors, j'ai fait une bonne action, j'aurai sûrement fini par te taper dessus, et vu ton caractère , on se serait battu. Mon avocate me dit que tu es un adulte sérieux , cela prouve que je me suis trompé sur toute la ligne, ce qui n'est pas nouveau.
J'ai fait une lettre pour signaler que j'étais d'accord pour que tu t'occupes de ta soeur. Je ne sais pas si cela changera quelque chose mais je voulais vous le dire. Il me reste encore beaucoup d'années à être enfermé ici et c'est normal. Si un jour...Je serai fier de vous voir.
Papa.
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