Chapitre 15.
(Fabien)
Violette pousse la porte, afin que j’entre dans le café. Elle déblaie le passage sous l’oeil amusé du patron : Cela ne doit pas lui arriver souvent de voir débarquer un fauteuil roulant de si bon matin.
— Bonjour. C’est sportif de faire un passage, je sais. Mais il y a une raison toute simple à cela, les deux tables adaptées aux fauteuils roulants sont juste là, à votre gauche, nous dit-il en nous montrant une espèce de mange- debout accroché au mur.
Je regarde Violette, et le patron qui nous ouvre le passage vers cette table spéciale handicapés. Plutôt bien vu, elle est à bonne hauteur et me permet surtout de prendre un café sans risquer de me le renverser dessus. Violette, les mains autour de sa tasse de chocolat chaud, ne dit pas un mot.
—Tu m’expliques, maintenant ? débuté-je. Que se passe-t-il pour que tu aies envie de sécher les cours ?
— Mon frère m'a parlé hier. Tu le savais depuis quand ?
— Le lendemain de mon arrivée, ton frère est venu chez mon oncle. Ils étaient très complices. J'ai passé une bonne après midi. Quand ton frère est venu te chercher et qu'il a fait comme s'il ne me connaissait pas, j’ai eu un doute. J’en ai parlé sans insister à mon oncle qui s’est mis à bafouiller. Tu ne savais pas que ton frère était homo ?
— Non. Nous avons presque dix ans d’écart, et il ne me parle pas de sa vie sexuelle. Il sort parfois mais il n’a jamais invité qui que ce soit à la maison.
— Ludovic m’a expliqué qu'il connaissait ton existence mais que Martin ne voulait pas que vous vous rencontriez. Je ne sais pas vraiment pourquoi.
Bien sûr que je mens. Il m’a donné la raison, mais Violette va -t-elle me la fournir, elle. Si elle se confie, je vais peut- être à mon tour lui parler de moi.
— Je vis avec lui depuis moins de deux ans. Avant j'étais en famille d’accueil.
Elle s’arrête, reprend sa respiration, boit une gorgée de son chocolat sûrement froid. Elle ne me regarde pas.
— Martin a quitté la maison de bonne heure, j'étais une petite fille. Il a su plus tard pour Maman…
Mon envie de la stopper est énorme. Je sais l’horreur qu’elle s'apprête à m’annoncer mais je me tais.
— Mon père est quelqu'un de violent. C’est pour cette raison que j'étais placée. Mon assistante sociale m’a avoué la vérité quand elle m’a expliqué que Martin souhaitait me prendre avec lui. Mon père a tué ma mère en la tabassant une fois de trop. Il est en prison.
Même si Ludovic me l'a dit, mon ventre se serre. Je n'arrive pas à dire quoi que ce soit. Je lui prends juste sa main et je lui embrasse la paume délicatement.
— T'a-t-il touché aussi ? chuchoté-je.
— Non. Mais sa violence éclatait souvent, ils ont préféré m'éloigner.
— Est-ce que cela a un rapport avec les devoirs que tu fais aux autres ?
— Oui, me répond-elle tout doucement. Antoine sait que mon père est en prison.
— Et tu as peur que tout le lycée soit au courant ?
—Tu as vu que je ne suis pas très populaire, mais à part quelques moqueries, on me laisse tranquille. Si on sait que mon père est en prison…
— Ce n'est pas de ta faute à toi. Antoine t'a menacé ou essaye juste de profiter de ta peur ?
Elle ne répond pas mais ses yeux se remplissent de larmes. Je crois que j'ai ma réponse. J’ai très envie de massacrer ce mec mais cela ne résoudrait rien. J’ai subitement envie de respirer, tout ceci m’oppresse.
— On va se promener ? J’ai besoin de fumer.
Elle hoche la tête, et je la suis après avoir payé les consommations. Je connais la raison des devoirs, et j'ai une idée sur la façon de régler ce problème. Cependant, nous n’avons pas du tout discuté de l’aveu de son frère. Est-ce que cela la dérange que son frère soit gay ? Tout naturellement, elle se positionne à côté de moi, et nous avançons en silence. J’en profite pour allumer une cigarette que je fume en réfléchissant. Comment amener la question de l’homosexualité ?
— Tu ne savais donc pas que ton oncle était homo ? m’interroge-t-elle.
Elle entame le sujet d'elle même.
— Non, je n’étais pas au courant. On ne se fréquente pas beaucoup.
— Ah ? Pourquoi es-tu venu chez lui, alors ?
Zut. Je me retrouve dans une mauvaise posture. Pas question de dire quoi que ce soit sans être certain de sa position.
— Pourquoi pas, déclaré-je en lui offrant le plus beau de mes sourires charmeurs. Ton frère ne t’avait rien dit, mais tu en penses quoi ?
— De quoi ? Qu'il soit homo, tu veux dire ? Je n’en pense rien. Je n’ai pas à juger mon frère sur le choix de son partenaire. Homme ou femme, en quoi cela me regarde ? Je n’ai vu ton oncle qu'une fois. C’est cela qui compte : lui.
— Comment cela ?
— La façon dont ils sont ensemble. Si ton oncle se comporte mal avec Martin, j’aurai du mal à le supporter.
En attendant, tu n'as pas répondu à ma question. Pourquoi tu es venu ici, Fabien ?
Cette fois-ci, je ne peux plus reculer.
— J’avais besoin de m’éloigner de mes parents. Enfin surtout de mon père.
Elle m'examine, je sens son regard sur moi. Je tourne à droite, vers le parc où je les ai attendus l’autre matin, elle et son frère. Je veux pouvoir lui parler sans être entendu . Je positionne mon fauteuil roulant près d'un banc et d'un mouvement souple, elle s'assied sur le dossier. Je récupère mon paquet de cigarettes mais elle me l’arrache des mains.
— Arrête de fumer clope sur clope ! Je crois que tu as quelque chose à me dire. En quoi était-il important que tu t'éloignes de chez toi ?
— Je vais te répondre, Violette. Laisse-moi trouver les mots.
Je reste silencieux un bref instant encore. Je prends mon courage à deux mains réalisant que je joue gros. Puis, je pose ma jambe droite au sol et prenant appui sur mes deux bras, je me mets debout.
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