Chapitre 10

(Ludovic)

Ah il m’a bien eu ce petit con ! Il jubile, je le vois bien. 

— En effet, cela pourrait être une bonne idée, mais je ne crois pas que ce soit possible, Fabien.

— Ah. Et pourquoi ? s'étonne-t-il. Tu n’oses pas lui demander ? 

— Mais, non voyons ce n’est pas ça le problème ! m’exclamé-je sans réfléchir.

Il est face à moi, le menton appuyé contre sa main, et il me regarde m’embourber dans mes propres explications.

— Violette ne me connaît pas. Voilà la raison. 

— Tout comme toi, elle sait que tu existes mais elle ne t’a jamais vu…, propose-t-il.

Heureusement que je suis déjà assis, parce que la réalité de la situation me tombe dessus.

— Non, elle ne sait pas que j’existe. Je l’ai croisée pour la première fois chez le proviseur l’autre matin. 

Son regard sur moi change. Il ne se moque plus, il a compris.

— Pourquoi vous  cachez vous ? se contente-t-il de dire cessant de jouer. Vous êtes des adultes, personne ne peut vous l’interdire.

Ses paroles,  lâchées dans un élan de rage soudaine m’en apprennent  plus qu'il ne m’en dit. 

— Tu sembles connaître le sujet, mais adultes ou pas ce n’est pas le réel souci. Martin préfère garder notre relation secrète pour l’instant.  Et je te demande d’en faire autant. Il va sûrement me dire ce soir qu'il t’a croisé avec sa soeur. 

— Je ne dirais rien à Violette,  rassure-toi, lâche-t-il amer. Demain, je vais sécher ce sera plus simple, tu trouveras bien une excuse. Je vais me coucher.

— Tu ne vas pas sécher les cours, non. Je vais trouver une solution, d’accord. Pas question que tu payes pour nos décisions. 

Au même moment, mon portable sonne. Et à ma tête, il comprend qu'il s’agit de Martin et il va rejoindre sa chambre. Je n’ai pas envie qu'il m’entende  non plus donc je prends l'appel en me dirigeant vers mon bureau.

—Tu peux discuter ? me demande Martin.

— Oui, je suis dans mon bureau. J’allais t’appeler, moi aussi.

— C’est toi qui est à l’origine de tout cela, Ludo ? m’accuse-t-il de façon injustifiée. 

— Si tu crois cela, je crois que nous n’avons plus de problème du tout, asséné-je. J’ai su que c’était ta soeur en voyant la photo dans ta chambre l’autre jour. Je ne savais pas à ce moment là qu'ils allaient bien s’entendre.

— Pardonne-moi, Ludo, s’excuse-t-il immédiatement. Imagine le choc que j’ai eu en le découvrant à côté de Violette ce soir. Il t’en a parlé, je suppose. 

— C’est une des premières choses qu'il m’a dite. "J’ai vu ton pote Martin. Pourquoi tu ne m’as pas dit que c'était le frère de Violette ?" Tu crois que ce n’est pas une situation gênante, ça ? 

— Et tu lui as répondu quoi ? chuchote-t-il.

— J’ai bredouillé comme un gamin, avoué-je. Tu sais que je ne sais pas mentir. 

— Tu lui as dit ? s’affole-t-il.

— Pas eu besoin, il a compris tout seul. Et là, il boude. Demain j’ai trois livraisons urgentes et Fred est absent. Je lui ai dit que je le déposerai pas loin du lycée et qu'il irait à pied. 

— Et il a proposé d'y aller avec ma soeur, c’est cela ? 

— Exactement. Elle t’en a parlé ?

— Non. Mais je n’avais jamais vu Violette ainsi. Elle m’a dit clairement qu’elle se sentait bien avec lui. Peut-être que je pourrais venir aux légumes avec elle samedi ? 

— Non, Martin. Je ne rentrerai pas dans ce jeu-là. Je ne vais pas mentir à Fabien. Vu comment il a réagi, le sujet le touche. Peut être est-ce le moment de le dire à Violette.

— Je pète de trouille, Ludo. Et si elle détestait les homos ? Je ne sais pas ce que mon taré de père a pu lui mettre dans la tête. 

— Martin, te mettre dans cet état n’y changera rien. Prends le temps de réfléchir.  Fabien m’a promis de ne rien lui dire. Ne les oblige pas à jouer à ce jeu. 

— Tu as raison, je vais parler avec elle, lui expliquer. Tu peux me donner le numéro de ton neveu ? Tu dois livrer vers quelle heure ? 

— Le premier vers sept heures chez Duchaine, il y a un repas de gala, et après à la suite.

— Duchaine ? Tu ne m’en as pas parlé, c'est un sacré client...

— Nous avons tellement de choses à nous dire… Je l’ai su le jour où je suis venu chez toi. Ils font un essai m’ont-ils dit. Cela me faciliterait la vie tu t’en doutes. Et toi ? Rien dans l’immédiat ? 

— Pas avant la semaine prochaine. J’ai eu un entretien pour une place. Mes petits repas ne paieront pas les études de Violette. Pour ton neveu, je m’en occupe, je vais voir cela avec lui. Tu peux lui dire que je l’appelle qu'il ne rejette pas mon appel ? 

—  J’y vais de suite. Bonne nuit mon coeur. A demain. 

Je frappe à la porte de Fabien.

— Entre !

Il est dans son fauteuil sous la barre de traction qu'il a installé en travers de la porte. Il a un débardeur dont l’humidité prouve qu’il n’a pas rigolé sur les efforts produits. 

— Martin t'appelle dans un instant. Ne rejette pas son appel, s’il te plait.

— Il est en colère ? 

— Non. Inquiet mais pas en colère, dis-je.

Au même instant, son portable sonne. Je sors de la pièce, il n’est pas question que j'écoute. Martin me racontera ou Fabien, qu'importe. Je ne force pas les gens à parler. Ma mère disait que c’était un défaut. Moi je crois que c’est le contraire. Pousser les gens dans leurs retranchements entraîne des cris, des larmes. Je préfère dire ce que j’ai à dire calmement et attendre. J’ai toujours agi ainsi. Je n’ai jamais eu besoin de défendre ce que je suis. Je  suis homosexuel, point. Si cela ne convient pas à quelqu'un, c’est son problème, pas le mien. 

(Fabien) 

Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre. 

— Fabien ? Bonjour. Pour commencer, je voulais te remercier pour tout à l'heure avec Violette. 

— J'ai vu à ta tête que tu n'étais pas à l'aise. Ça ne me regarde pas, j'ai dit à Ludovic que je ne dirai rien à ta frangine. 

Mon ton est peut-être un peu sec mais mon oncle a dû lui dire, je ne vois pas l’intérêt de lui en reparler.

— Je sais, oui. J’ai décidé d’en discuter avec elle, tu ne devras pas mentir longtemps. Pour demain, j’ai une solution si tu es d’accord. Quand Ludo te dépose, tu appelles Violette, nous te récupérons avant d’aller au lycée. Ça te convient ? 

— Moi, oui. Mais je ne sais pas si Violette décrochera. On se connaît peu, tu sais. Elle n’aura peut-être pas envie. Par contre, si je lui envoie un sms, elle répondra, pas besoin de parler.

— Je vois que tu la connais bien. Elle n’est pas couchée, envoie-lui maintenant.  

Il est très directif, je n’aime pas trop cela mais puisque cela arrange tout le monde, j’accepte. 

Fabien : Salut Violette. Mon oncle est débordé de boulot demain et ne peut pas me déposer au lycée. Pas trop de solutions, je vais sûrement être absent.

Violette: Salut. Il va en ville ? 

Fabien: Oui, vers sept heures, pourquoi ? 

Violette : Tu pourrais venir chez moi et on irait au lycée ensemble ? Ton oncle serait d’accord ? 

Fabien : Ça serait génial, pas trop envie de commencer à sécher. Et toi, ton frère  serait d’accord ? 

Violette : On demande et on voit. Je suis en centre ville. 

Fabien : D’acc. On se rappelle.

Évidemment des deux côtés,  cela ne posait aucun problème sauf que pour ma part, de mentir à Violette ne me plaisait pas du tout.

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