Zach se balance toujours sur le même banc, comme il y a quelques jours.

Elsa arrive et se laisse tomber sur le banc à côté de lui, comme il y a quelques jours. Elle a l'air bouleversée et ses yeux sont rouges de larmes. Zach l'interroge du regard. Elle le regarde et fond en larmes, et chaque sanglot fait l'effet d'un coup de poignard dans le coeur du garçon. Il aimerait pouvoir la prendre dans ses bras mais il n'y arrive pas.

Elle tremble, et lance des regards affolés autour d'elle, comme pour vérifier que personne ne les voit. Elle a le souffle court et ses sanglots empêchent toutes paroles de sortir de sa bouche. La respiration bruyante, elle se recroqueville sur elle même et tente de se calmer.

- Je... je s-suis désolée Zach... déso-désolée, je s-sais pas pourquoi ils ont fait ça... Ils ont dit que c'ét...ait parce que j'aurais pas dû... j'aurais pas dû venir te voir... Il est à l'hôpital main-tenant... mais il v-va s'en sor-tir...

Zach ouvre de grands yeux, les battements de son coeur accélèrent et les pleurs d'Elsa reprennent de plus belle. Elle est comme possédée à présent, elle hurle presque ses mots qui résonnent dans la tête de Zach :

- ILS SONT ARRIVÉS... ILS SONT ARRIVÉS AVEC UN C-COUTEAU... ILS ÉTAIENT TROP NOMBREUX... ILS M'ONT... ILS M'ONT OBLIGÉE À REGARDER... TON PÈRE... IL EST... IL EST BLESSÉ... JE SUIS DÉSOLÉE ZACH je... Je suis désolée...

Elle enfonce ses ongles dans la peau de ses cuisses et tape nerveusement par terre avec son pied.

Elle finit par reprendre d'une voix blanche :
- Je suis désolée... désolée... ils ont dit que j'aurais pas dû t'approcher... j'ai rien pu faire... c'est pas ma faute... Je suis désolée... Ils sont trop cons...

Elle marque un temps, rassemble ses dernières forces pour le regarder dans les yeux :
- Tu... tu m'en veux ?

Zach est resté immobile depuis la nouvelle cinglante qu'il a entendue. Il est comme figé. Il ne sait plus quoi penser, quoi faire.

Il se sent vide. Vide comme le regard d'Elsa. Les deux seuls ressentis qu'il a sont le dégoût, le dégoût du monde, des autres, des hommes, et la colère.

Une colère noire. Une rage née lorsqu'ils ont commencé à l'embêter, qu'il pouvait cacher, mais qui, en entendant Elsa, a grandi en lui. Elle s'est nourrie de la moindre particule d'humanité et de pitié qu'il lui restait encore, le laissant dénué de toute empathie.

En lui ne reste qu'un mot, gravé dans ses paupières, qui lui saute aux yeux lorsqu'il les ferme. Un mot, qui brûle son coeur et compresse sa poitrine. Un mot, qu'il hurlerait s'il le pouvait.

Vengeance.

Elsa, qui a calmé ses larmes, essaie maintenant de meubler le silence qui lui pèse atrocement.

- Ils sont vraiment bouchés pour avoir fait ça... je t'accompagnerai à l'hôpital si tu veux... je te jure, j'ai envie de les tuer... Ton père s'en remettra mais quand même... c'est des salauds... c'est quoi leur problème avec toi...

Zach ne bouge toujours pas. Plusieurs minutes s'écoulent pendant lesquels il n'entend que les battements de leurs coeurs et la rage qui le ronge.

- Et toi Zach, t'en dis quoi?

Il fronce les sourcils.

- Si tu pouvais avoir une arme, tu crois que...

Elsa marque un temps, comme pour prendre conscience de ce qu'elle va dire.

- Tu l'utiliserais?

-...

- Putain Zach... t'es sérieux?

Le garçon hoche la tête machinalement, se lève et s'en va.

Il marche comme un automate, attiré par le seul mot qui l'anime comme un papillon de nuit vers la lumière.

Attiré par un mot qui pourrait causer sa perte.