chapitre 2 : sandwichs au thon.

 DEPUIS, LES  samedis midi, Daphné retrouvait Heidi dans le parc et les deux allaient au théâtre à pied. Elles parlaient de tout et de rien, les mains dans les poches, et Daphné lui confiait les petits ragots que Gene s'amusait à raconter.

   Assises en tailleur dans l'herbe, Daphné mordait à pleines dents dans son sandwich au thon pendant qu'Heidi picorait son taboulé. Elle écoutait beaucoup Daphné parler de tout et de rien, savait donner son avis quand bon lui semblait.

   Daphné réussit même à lui faire changer sa photo de profil sur Facebook, en la prenant en photo par surprise. Elle ne payait pas de mine, mais Heidi regardait son brownie d'un air goulu qui était assez attendrissant et que Daphné avait réussi à capturer. A présent, Heidi se risquait à traîner avec Gene et Augustin, tout en restant assez en retrait. La seule personne à qui elle pouvait réellement parler était Daphné.

   Elle rappelait à la blonde un petit chat timide qui se cachait sous le canapé dès qu'il y avait des invités, mais qui ronronnait en présence des proches.

   « Je devrais te présenter mon copain. Tu t'entendrais bien avec lui, il est assez timide aussi.

   — Je sais pas, on s'entend pas trop entre timides. On se contente de regarder le vide en espérant que l'autre parle, en général.

   — Mauvais plan, alors ?

   — Un peu.

   — Dans ce cas, mon amie Charlotte ? Elle est assez franche, par contre, beaucoup de gens ont du mal avec elle.

   — Tu sais, Daphné, dit gentiment Heidi, t'as pas à te sentir obligée de me présenter du monde. J'ai peut-être pas autant d'amis que toi, mais ça me suffit.

   — T'aimes pas te faire des amis ? »

   Heidi haussa les épaules en essuyant les graines de taboulé qui s'agglutinaient contre sa lèvre.

   « Pas trop, ça m'angoisse plus qu'autre chose.

   — Comment ça ?

   — J'ai toujours peur de mal faire, de gêner, de dire un truc déplacé. J'ai l'impression que tout le monde finira par me détester. »

   Daphné n'avait jamais vu les choses comme ça. Pour elle, sympathiser avec les gens était plus agréable qu'autre chose. Et si on ne l'aimait pas vraiment, ça devait bien arriver.

   « Même en soirée ? »

   La jeune fille tordit ses mains, l'air embarrassée. La blonde en profita pour se sortir une cigarette et un briquet.

   « Je vais pas vraiment en soirée. En fait...pas du tout.

   — Eh bien crois moi, ma grande, la solution magique pour se faire des amis elle tient dans une bouteille.

   — Tu dois penser que je suis nulle. »

   Daphné la regarda d'un air curieux. Sa cigarette brûlait entre ses lèvres mais elle oublia d'en tirer une bouffée.

   « Pourquoi je penserais ça ?

   — C'est juste que toi t'existes, les gens te remarquent, t'es cool. Alors que moi, je suis celle dont on oublie le prénom et qu'on invite jamais en soirée.

   — Je te rappelle que Dan m'appelle Danaé une fois sur deux ? »

   Heidi étouffa un petit rire confus.

   « Je pense pas que tu sois nulle, Heidi. Parce que les gens nuls ils font semblant. Toi, t'es peut-être pas la définition de cool par la société, mais t'es cool parce que t'es toi-même.

   — J'ose pas être moi-même, déplora la brunette. »

   Daphné posa une main encourageante sur celle toute pâlichonne d'Heidi.

   « Avec moi, tu es toi-même, non ?

   — Oui...

   — Bin tu vois. T'es en bonne voie. »

   Heidi approuva pensivement. Mais elle garda cette étincelle de tristesse au fond du regard, qui se mettait à briller un peu trop fort quand Gene et Augustin vinrent perturber son champ de vision et l'étouffer des questions. Ils s'y prenaient terriblement mal pour devenir amis avec elle.

   Gene parlait trop, de toute manière, en général. Et Augustin lui faisait penser à un gros chien pataud ; c'était un miracle qu'il ait réussi à séduire sa copine s'il s'y était pris comme il le faisait avec Heidi.

   Quoique, ça aurait pu marcher.

   Daphné remarquait bien les regards qu'Heidi coulait au garçon. Elle semblait compter les grains de beauté qui constellaient ses joues, imaginer des suites de nuage aux boucles de ses cheveux. Il lui plaisait, ça se voyait. On sentait presque ses joues rosir quand il lui adressait la parole.

   Il était justement en train de se plaindre à Gene, assis dans l'herbe. Les deux se fumaient une cigarette et il répétait « j'sais pas quoi faire avec elle, vraiment, j'ai essayé de la pousser à en parler, j'ai essayé de rentrer dans son jeu, j'ai essayé d'être à l'écoute...y'a rien à faire. Je sais pas quoi faire, Gene, vraiment... » en laissant sa cigarette brûler entre ses doigts. Ce qui surprit Daphné, qui ne savait pas que le garçon fumait. Il avait essayé une fois ou deux avec Gene pour la forme mais c'était tout. Et là, il broyait du noir en fumant pour de vrai — et sans crapoter.

   Son amie lui tapotait l'épaule avec un sourire réconfortant.

   « Tout va bien ? Demanda Daphné en s'asseyant en tailleur avec eux. »

   Heidi la suivit dans son mouvement, prenant soin à se mettre en retrait.

   « Ouais, ça va...c'est juste ma copine, elle est chiante...

   — Elle le laisse une fois sur deux en vu après trois messages, mais quand elle est bourrée elle lui envoie des longs pavés fourrés de coeurs pour lui dire que c'est le meilleur des copains, témoigna Gene. Je sais pas vous, mais j'y comprends pas grand chose.

   — J'y comprends rien non plus, avoua Daphné.

   — Peut-être que... »

   Heidi respira un grand coup et reprit :

   « Peut-être que pour comprendre, tu devrais lui en parler ? Avoir une conversation avec elle en face à face ?

   — Ouais...

   — Peut-être qu'elle fait de l'anxiété sociale ou un truc comme ça...

   — Tu crois ? »

   Augustin la regardait avec des yeux aussi tristes que pleins d'espoir.

   « Sérieusement, tu penses que je devrais lui parler ? C'est pas à elle de venir le faire ?

   — Si ça te fait autant de peine, c'est à toi de le faire, répondit simplement Heidi en haussant les épaules. »

   Ca avait l'air d'être une situation si simple, quand Heidi soumettait des solutions. Alors que Daphné et Gene ne voyaient pas le problème et cherchaient à comprendre, elle semblait s'en sortir facilement.

   « Allez mon brave, c'est qu'un moment à passer, l'encouragea Gene en lui tapotant l'épaule avec énergie.

   — Ca fait combien de temps, avec ta copine ? Demanda Daphné.

   — Un mois et demi. »

   Elle connaissait la copine d'Augustin de vue. Elle la voyait quelques fois au lycée mais ne lui avait jamais adressé la parole : elle savait simplement que la fille était plutôt jolie mais faisait un peu trop la gueule quotidiennement. Elle marchait toujours dans le lycée comme si elle était la fille la plus malheureuse du monde. Mais elle n'avait pas l'air méchante.

   « C'est pas beaucoup de temps pour commencer à se comporter comme une saloperie, commenta Gene.

   — C'est pas une saloperie, soupira Augustin.

   — Non, mais elle te traite mal et ça m'énerve parce que t'es le meilleur copain dont elle puisse rêver et elle fout ça en l'air et c'est le genre de meuf qui va pleurer ton départ, tu sais, l'ex qui te laissera jamais partir. »

   Augustin grimaça. Visiblement, cette affaire lui tenait à coeur et voir Gene sabrer comme ça sa copine pour le faire se sentir mieux n'arrangeait rien.

   « Tu veux parler d'autre chose, peut-être ? Proposa Heidi avec une voix conciliante.

   — Oui, je veux bien. »

   Lorsque Dan arriva, ce fut un soulagement pour le petit groupe, où pesait une mauvaise ambiance : Gene voulait sans arrêt revenir sur le sujet, Augustin voulait l'éviter à tout prix, Heidi voulait juste se faire une place sans déranger et Daphné voulait aider à l'intégration d'Heidi.

   Gene fondit à l'intérieur du théâtre et Daphné la suivit, le pas un peu pressé. Elle remarqua qu'Heidi était restée accroupie devant Augustin, à lui parler avec ce gentil sourire très doux dont elle avait le secret. Daphné ne se sentit pas aussi heureuse qu'elle le pensait ; elle avait peur qu'Augustin s'attache trop à Heidi et lui vole sa petite protégée.

   Mine de rien, elle aimait beaucoup Heidi.

   Sur le chemin du retour, celle-là ne parlait pas beaucoup. Elle avait les mains dans les poches et marchait un peu plus longtemps, elle regardait les nuages.

   « Tu lui as dis quoi, à Augustin ? Demanda Daphné, autant par curiosité que pour tuer le silence.

   — Que s'il avait envie d'en parler il pouvait m'en parler à moi et que bon courage, dit doucement la jeune brune. »

   Elle parlait toujours avec une voix douce. Daphné avait beaucoup de mal avec des voix si douces, des agissements si précautionneux en général. Mais pas avec Heidi. Elle avait envie d'emballer la brune dans du papier bulle et préserver cette candeur dans sa voix.

   « T'as réussi à choper son numéro ?

   — Non. Pourquoi ?

   — Je sais pas, il a quand même l'air de te plaire. »

   Heidi se mit à rire.

   « Pas les gens en couple, jamais.

   — Donc il te plaît ?

   — Bin, il est mignon, oui. »

   Daphné haussa les épaules. Elle le trouva plus banal qu'autre chose. Augustin était mignon de caractère, c'était clair et net. Mais physiquement, il n'était ni moche ni beau. Il ne l'attirait pas pour un sou.

   « Je lui ai juste parlé parce qu'il me faisait de la peine à se prendre la tête comme ça, concéda Heidi d'une voix légère.

   — Je vois, on a affaire à une mère Thérésa des couples.

   — Tu peux consulter à tout moment, répondit la brune d'une voix enjouée. »

   Avoir le courage de parler à Augustin semblait lui avoir fait réellement plaisir. Daphné en était heureuse.

   « Et sinon, un mec qui te plaît et qui est célibataire ? »

   Heidi pila net en regardant fixement Daphné. Le regard de la brunette la fixait intégralement et Daphné se sentit analysée de toute part.

   « Non, répondit Heidi d'une voix un peu troublée. »

   Et elle ne dit plus rien.

feels like je suis pas familière avec les publications du mercredi...

(aussi pcq j'ai tout sur un dossier Word et que je dois copier/coller le doc et faire les espaces uns à uns et jai : la flemme. tout simplement.)

bref, bon week-end, la bise

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