Comme si demain n'existait pas

/!\ Le one-shot qui suit comprend une scène à caractère sexuel. Une scène qui ne convient qu'à un public averti. Si ce type de contenu vous met mal à l'aise, je vous conseille de ne pas vous y aventurer. Pour les autres : bonne lecture !


La nuit tombait, les lueurs chatoyantes du crépuscule cédait leur place à une noirceur unanime. Regen ne pouvait détacher son regard de l'horizon. Son cœur se serrait douloureusement dans sa poitrine alors que le néant paraissait se détacher de l'obscurité. Plus noir que noir, plus sombre que l'atmosphère nocturne.

L'ambiance vespérale, presque touchante, de cette fin de jour laissait place aux doutes qui précèdent toujours le crépuscule. Regen frissonna et la fraicheur qui s'abattait sur Astria n'en était pas la cause. Elle observait s'effacer tout ce qu'elle avait connu, les bâtisses elfiques, la nature verdoyante, ses repères. La peur l'étreignit et elle se recroquevilla sur elle-même depuis l'endroit calme où elle était perchée. Pourquoi s'être isolée à pareil moment ? Elle aurait dû fuir cette solitude, chercher du réconfort là où elle était susceptible d'en trouver, mais elle ne parvenait pas à s'y résoudre, incapable de tout mouvement, sa silhouette glacée par l'urgence et l'angoisse.

— C'est là que tu te caches...

Une voix familière s'éleva et Regen n'eut même pas le bon goût de sursauter. Cependant, un fin sourire fleurit au creux de ses lèvres et dévora l'ensemble de son visage lorsque des bras protecteurs enveloppèrent ses épaules. Un doux sourire couplé à une délicieuse étreinte. Elle n'avait guère besoin de se retourner pour deviner l'identité de sa bienfaitrice.

— Je suis désolée de t'avoir inquiété, articula Regen, d'une petite voix.

— Tu sais bien que je suis incapable de t'en vouloir, encore moins dans un moment comme celui-là.

— J'ai peur, Solaris.

— Moi aussi, c'est normal même.

— Je veux dire... j'ai vraiment peur.

Les bras l'étreignirent avec plus de force, comme si l'elfe noire tentait de transmettre à son amoureuse l'ensemble de son courage. Regen se sentait davantage en sécurité et laissa s'échapper un bref soupir. Solaris avait toujours été l'impulsive des deux, la tête-brûlée, la courageuse, la survivante. L'elfe admirait ces traits de caractère, elle qui agissait dans la demi-mesure, qui s'abandonnait très rarement et qui faisait passer son brillant cerveau avant les actes irréfléchis. Elles étaient opposées, deux faces d'une même pièce comme Shimy et Solaris l'avaient été jadis, ailleurs, dans un autre monde. Elles se complétaient parfaitement.

— Tout va bien se passer, murmura l'elfe élémentaire, à son oreille, donnant naissance à une myriade de frissons sur l'épiderme clair de son amante.

— Tu sais bien que non.

— Shimy peut réussir, admit Solaris, visiblement à contrecœur.

— Tu le crois ? Tu penses qu'elle a une chance là où nous avons tous essayé ? C'est une humaine, un miracle en soi, mais est-elle capable d'accomplir le miracle nécessaire à l'annihilation du néant ? Tu la crois capable d'une telle prouesse ?

La voix de Regen tremblait malgré ses efforts. La jeune femme n'avait jamais eu l'assurance de Solaris, mais, ce soir, elle ne parvenait plus à masquer la peur qui la rongeait. Elle aurait aimé porter une foi aveugle en Shimy et en ses chances de réussite. Son esprit logique la rattrapait, cette fois encore et lui soufflait qu'ils ne pouvaient être sûrs de rien.

— Je l'espère.

Elle embrassa le sommet de son crâne et Regen ferma les yeux de plaisir. Elle aimait cette tendresse secrète, presque refoulée, que l'elfe noire découvrait à son regard lorsqu'elles partageaient un moment d'intimité. C'était un bien précieux, inestimable. Leur secret.

— Viens.

La jeune femme se retourna et Solaris, débarrassée de son insolence et son air buté, lui souriait avec une telle douceur qu'elle se sentit chavirée. Comme elle aimait cet être !

— Tu ne vas pas passer la nuit dehors.

Hésitante, Regen se laissa prendre la main sans reculer. Les lumières qui perlaient des habitants prouvaient qu'elles n'étaient pas les seules à ne pas trouver le sommeil. Le néant figurait dans tous les esprits, polluait les pensées et détruisait les espoirs. Dans les dernières frêles lueurs de cette journée, la dernière, peut-être, Solaris lui apparut comme au creux d'un songe, une bénédiction. Ses cheveux d'une blancheur immaculée offrait un contraste saisissant avec la couleur de sa peau, typique des elfes noires.

— Cette nuit pourrait bien être la dernière, murmura son amante, d'un air absent.

— C'est vrai et raison de plus pour en profiter.

Solaris la tirait en direction de l'intérieur de l'imposante bâtisse. En son cœur se trouvait leurs appartements communs, leur cocon à elles seules, un lieu qu'elles chérissaient, aussi bien l'une que l'autre. Regen se mordit les lèvres.

— Tu es impossible...

— Regen, tu ne vas quand même pas rester là.

L'intéressée se laissa entraîner sans plus opposer plus de résistance. Après tout, Solaris n'avait-elle pas raison ? Cette nuit, aussi angoissante soit-elle, pourrait bien être la dernière qu'elles ne connaissent jamais et elle n'était pas prête à la sacrifier ainsi. Elles pénétrèrent dans leur chambre baignée d'une lumière agréable qui réconforta Regen. L'elfe élémentaire lui accorda un regard presque désolé. Elles avaient tant sur le cœur, tant de soucis, tant d'inquiétudes, mais aussi le désir de ne plus y songer, rien qu'un bref instant.

Solaris lui fit face, se distinguant comme la personnification de ses désirs et Regen crut défaillir lorsque la main qui avait emprisonné la sienne trouva le chemin de son visage. Le creux de sa joue se fondit dans la paume et la jeune femme eut une sorte de gémissement désespéré, presque une plainte.

— N'y pense plus.

— Comment le pourrais-je ?

— Je peux t'y aider, sourit l'elfe noire.

Par-dessus ses lunettes, Regen la dévisageait avec une attention saturée de passion. Elle acquiesça très lentement. Pour quelqu'un qui répondait toujours de ses actes, qui programmait chacune de ses décisions, lâcher prise représentait un exercice quasiment impossible, encore davantage en pareille situation. Seul cet être d'exception savait comment s'y prendre pour séparer les pensées invasives des aléas indépendants et dominants du cœur.

Solaris céda à la tentation et fit mourir le peu de distance qui les séparait encore. Son visage frôlait celui de Regen et le temps se suspendit pour lui permettre d'admirer ses traits. Ses lunettes ne masquaient pas l'adorable rougissement de ses joues. Ses cheveux roses lui donnaient cet air candide et niait l'expression sérieuse qui seyait ses traits. Les rondeurs de ses joues appelaient aux baisers, à la tendresse et, immédiatement, la survivante sentie son cœur fondre. Elle ne résista pas plus longtemps, elle se pencha pour ravir ses lèvres d'un prodigieux baiser.

Regen se coula dans son étreinte. La saveur sucrée de sa bouche enivrait ses sens tout comme elle pouvait sentir Solaris s'adoucir à son contact. Lorsqu'elles s'écartèrent enfin, le souffle court et les lèvres rougies, le même désir brûlait dans leurs orbes. Une envie commune qui les rassemblait comme elle les avait maintes fois unies. Sans une parole, elles se comprenaient, un regard suffisait.

Solaris l'embrassa encore, et encore, jusqu'à en perdre la raison, jusqu'à lui faire oublier la peur. La peur de mourir s'envola au même titre que les résolutions de Regen. Le néant qui surplombait leur bâtisse n'était plus une quelconque priorité à leurs yeux. Sans doute égoïstement, elles s'apprêtaient à s'aimer comme s'il s'agissait de la dernière fois. L'elfe noire enfouit son visage dans le cou de sa vis-à-vis et y huma son odeur inimitable. Elle était bien là, sienne, vivante. Parfaite.

Là où ses paroles ne parvenaient pas à traduire son émotion, ses gestes prenaient le relais. Regen avait appris à se fier à son tempérament, aux actes plutôt qu'aux promesses. La sincérité de ses baisers, de ses caresses, elle ne pouvait en douter, surtout pas en cet instant. Elle ferma les yeux et se laissa consumer par la chaleur de son toucher, par la fièvre qui s'émanait de leurs deux corps prêts à s'unir à nouveau.

La main de Solaris s'échoua à la naissance de la nuque de son amante, s'emmêlant entre ses mèches roses. Un sourire éclot sur ses lèvres délicates de Regen dont les gestes se faisaient moins pressés, elle goûtait la saveur de leur amour. L'autre cherchait à la faire ployer avec une justesse qui la fit frémir. Ses doigts s'invitaient sous son vêtement, effleurant la peau brûlante.

Solaris, un bras passé autour de la taille gracile de la jeune femme, anticipa ce qui allait suivre, indubitablement. Elle l'assit sur le lit et Regen, docile, paraissait plus douce que jamais. L'elfe noire cueillit son visage entre ses doigts et l'embrassa plus tendrement, comme pour lui souffler amour et courage. Leurs langues s'apprivoisaient dans un silence symbolique, un silence qui berçait leurs cœurs d'une émotion impalpable.

— Tu es fébrile, constata Regen, à son tour.

— La faute ne va pas au néant.

— Dois-je implorer ton pardon ?

Leur complicité crevait les yeux. Regen attira Solaris à elle et posa son visage contre son ventre, contre la peau dénudée. Elle ressentait les efforts de son corps, la vie qui battait, qui se débattait, les cellules nombreuses et l'épiderme chaud. Elle ferma les yeux. Son pardon, elle l'avait toujours eu, elle ne craignait rien.

— Je compte sur toi pour trouver une manière de te faire pardonner, poursuivit Solaris, toujours plus susceptible à se prendre à un tel jeu.

Regen ne trouva pas la répartie nécessaire et c'était chose rare. Elle se tira de l'étreinte à regret, la joue encore brûlante de la chaleur de l'elfe élémentaire. Elle se rappela alors, comme brusquement, leur histoire commune. Une histoire qui semblait s'être réécrit pour la combler de bonheur. La survivante, le destin les avait réunis comme dans un songe. Elle n'osait imaginer que le sort les sépare, elle ne pouvait concevoir un tel cauchemar. Cette exaltation, leurs aveux au terme de plusieurs années d'amitié, elle y tenait plus encore qu'à sa vie. Solaris ne le savait pas, mais Regen craignait davantage de la perdre que de sacrifier sa propre vie. La jeune femme n'avait jamais douté de l'exactitude de ses sentiments. Cela s'était démontré bien vite, comme une évidence, mais elle avait tout fait pour taire ce secret. Pourquoi ? Par peur, sans doute. Par peur que leur relation ne se dégrade brusquement. La vie leur avait pourtant épargné cela et, un jour, avant que l'accident Jovénia s'abatte sur leurs vies, Solaris l'avait comblée. Elles s'aimaient réciproquement et rien n'existait en dehors de ce morceau intact de bonheur. Regen se rappelait de leur premier baiser et de tous ceux qui avaient suivi, de cette pression assurée sur ses lèvres et la promesse d'un contact volé. La concrétisation de nombreuses années et bien d'autres à venir.

Regen se recula, grimpa sur le lit et s'installa au beau milieu des draps sans jamais lâcher du regard son amante derrière ses petites lunettes. Cet air candide sur son visage, cette innocence qu'à moitié véridique, tout embrasa les sens de Solaris. Elle déglutit péniblement lorsque la jeune femme commença à se dévêtir. Le geste lent, quasi provocateur, elle se libéra de l'entrave de tissu. Ses mouvements lascifs menèrent les habits à s'étaler au sol, abandonnés dans l'attraction du moment. Solaris se prêta au jeu et n'intervint pas avant que l'autre ne soit entièrement nue. Là, elle reluqua la moindre de ses courbes. L'accident Jovénia l'en avait privées, mais l'imagination faisait le reste et cette enveloppe charnelle réduite ne la rendait pas moins désirable.

L'elfe noire s'invita à ses côtés après s'être dévêtue à son tour. Sa peau offrit un contraste qui la saisissait toujours entre son teint typique de la race à laquelle elle appartenait et celui de Regen, d'une pâleur rosée. Elle embrassa cet épiderme délicat avec dévotion, d'abord le cou, endroit précis qui la faisait frémir, Solaris le savait, et puis la naissance de sa gorge, de son épaule, puis le renflement imperceptible de sa poitrine.

Assise, les yeux clos, la jeune femme inspirait profondément. Il lui arrivait de perdre le contrôle, de ne plus répondre de ses actes, et son amante était la seule à y parvenir. Lorsque ses lèvres brunes et pulpeuses se déposèrent sur son téton déjà érigé, elle rejeta le visage en arrière dans un gémissement étouffé. Elle pouvait deviner le sourire satisfait de l'elfe élémentaire sur sa peau.

— Je t'en prie... ne... n'en profite pas.

— Toi, profites-en.

La conversation s'acheva là. Il y avait plus primordial que les paroles et que les vains bavardages, les deux êtres s'accordaient à ce sujet. Leurs corps s'appelaient, se désiraient, exigeaient leur présence dans une harmonie aussi éphémère qu'inégalée.

Bientôt, les mains de Regen cherchèrent le corps de Solaris. Elle la caressa à son tour et elles ne furent plus que soupirs de concert et contacts appuyés. Les mains migrèrent vers le cœur de leur anatomie et les baisers avalèrent les gémissements trop poussés. Les joues rougies, Regen peinait à maintenir sa position assis, l'esprit embrumé par les effluves du plaisir. L'elfe noire savait comment lui faire perdre la tête, la mener dans les confins de l'extase. Elle souriait entre deux baisers et leurs corps unis, si proches que leurs mouvements en étaient rendus difficiles, ne se séparaient plus.

— Tu es... magnifique, haleta Solaris, alors que son amante effleurait consciencieusement ce bourgeon de chairs au centre de son anatomie qui la faisait vibrer.

Il n'en fallut pas davantage. Regen laissa l'orgasme déferler sur son corps et étouffa son cri dans la paume de sa main. Elle haleta encore plusieurs secondes après que les échos aient cessé sous le regard bienveillant de la survivante.

— Tu n'as pas...

— Ce n'est rien, mon amour.

L'intéressée pinça les lèvres avant de se redresser. La sueur perlait nettement sur son front et dans la cambrure de son dos. Solaris caressait ses cheveux avec douceur, se délectant de l'expression paisible et rassasiée qui seyait les traits de son amante. Celle-ci prit son visage en coupe entre ses mains et retraça soigneusement la courbe de sa cicatrice. Une part douloureuse de son passé dont l'elfe noire avait secrètement honte.

— Tu es tellement belle que je pourrais en mourir, murmura-t-elle, dans un souffle.

Solaris eut un sourire. Un peu pauvre, mais sincère. La situation les rattrapait, l'urgence les rattraperait toujours, où qu'elles aillent, sauf que cette fois, l'issue pourrait bien être fatale et elles le savaient.

Elles s'embrassèrent, encore et encore. Tendresse se mêlaient à une passion toujours grandissante, l'ivresse des amoureux. Elles pourraient bien faire l'amour encore toute la nuit, chercher l'apaisement du corps pour espérer atteindre celui du cœur, ou bien s'endormir ainsi, repues, épuisées par le témoignage fougueux de leurs émotions exacerbées. Elles s'endormiraient sûrement tard, à moins que la fatigue ait raison d'elles et qu'elles se blottissent l'une contre l'autre pour rejoindre les bras de Morphée.

Amoureuses et bien vivantes, elles se promettaient de savourer cette ultime nuit comme si le lendemain n'existait pas.  

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