Effectivement, durant leur longue conversation les deux compères avaient parcouru une grande partie du chemin qui les conduisait à leur objectif. Ils avaient ainsi traversé le dortoir, sillonné à travers les rayons de la bibliothèque pour éviter de passer devant la salle du gardien, franchi le pont qui reliait le réfectoire à l'amphithéâtre, et étaient enfin arrivés devant le grand hall. Ils devaient réussir à traverser ce dernier pour pouvoir atteindre une petite salle qui servait de réserve, dans laquelle seraient sûrement entreposées la créature et sa cage. Malheureusement pour eux, le concierge de l'université leur bloquait le chemin. Il était en effet occupé à nettoyer le sol en pierre du hall tout en sifflotant l'air d'une comptine populaire dans les bars de la capitale.

« Je savais qu'on allait se faire prendre, se lamenta Eustache.

- Rien n'est encore perdu, il suffirait de l'éloigner suffisamment longtemps pour pouvoir passer dans son dos, lui indiqua Nime.

- Il a pas l'air d'avoir fini...

- Alors c'est à nous de jouer. On est des sorciers ou pas ? se moqua-t-il.

- Désolé, mais moi j'ai pas appris comment faire disparaître un homme qui passe la serpillière...je serais même pas capable de faire disparaître sa serpillière d'ailleurs !

- Quel manque d'imagination. Bon, tais-toi et regarde. »

Nime leva les bras en l'air et commença à psalmodier d'étranges paroles qui résonnèrent lourdement dans le couloir. Eustache eut à peine le temps de réaliser ce que faisait son ami qu'un ruban de symboles lumineux émergea devant eux et les enveloppa, tournoyant dans l'air de plus en plus vite dans une ribambelle de couleurs et de sons.

« Rien à dire, un sort de téléportation, même mineur, lorsque ça marche, ça en jette à mort, chuchota Eustache. »

Enfin, lorsque le jeteur de sort ne se trompe pas dans la dernière syllabe, déséquilibrant alors l'architecture du sort et transformant l'harmonie en un attroupement chaotique de masses informes, qui furent projetées dans toutes les directions. Par chance -ou malchance, selon le point de vue- l'un des projectiles partit dans le hall, terminant sa course dans le massif chandelier qui ornait le plafond. Ce dernier n'étant habitué qu'à la visite d'araignées et de poussières, la lourde chaîne qui le retenait céda facilement face à cette émanation de magie pure.

Le concierge, dont la formation ne comportait pas une thématique « esquiver un chandelier de plusieurs kilos sur terrain humide et dans un environnement nocturne » n'eut gère d'options. Face à un tel coup du destin, il ne put que lâcher un faible « Zut, j'ai oublié d'ouvrir la porte à mon chat. » avant de disparaître dans un éclat de métal et de lumière magistral.

Le hall se retrouva donc vide, seul un nuage de poussière et la carcasse du chandelier attestaient du drame qui venait de se produire.