┆𝙢𝙤𝙣𝙤𝙘𝙝𝙧𝙤𝙢𝙚 & 𝙘𝙝𝙖𝙞𝙣𝙨

MONOCHROME & CHAINS (chaînes)

nda - ok j'avoue.
le thème "chains" ne mériterait même pas d'être associé à ce texte parce qu'il y a littéralement une métaphore qui y correspond.
maiiiis bon j'avais pas très envie de le retirer parce que c'était quand même quelque chose que j'avais en tête en écrivant (même si on le ne le dirait pas)-

sinon, it's angst time yay ! ce texte est basé sur le même UA que mon texte "monochromatic" de ma soukoku week 2019, mais vous n'avez pas besoin de l'avoir forcément lu/en mémoire pour comprendre celui-ci :)

bonne lecture !

Atsushi poussa un profond soupir et se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Kunikida lui jeta un regard réprobateur par-dessus la pile de documents qu'il corrigeait consciencieusement mais ravala un reproche à son intention en constatant qu'il y avait pire que son subordonné qui s'octroyait une petite pause après trois heures de classement : installés au bout des tables de travail, Dazai et Ranpo disputaient joyeusement une partie de cartes arbitrée par Yosano, qui n'avait aucune envie de se mesurer à eux et qui se contentait de vérifier que ces deux génies respectaient les règles du jeu. À leurs côtés, la pile de documents qu'ils étaient supposés trier n'avait absolument pas diminué malgré le temps écoulé.

« Ah ! Tu m'as encore eu Ranpo, bravo ! s'exclamait justement Dazai en laissa tomber ses cartes avec une moue exagérément embêtée.

- Tu me laisses gagner Dazai, répliqua le détective au gavroche. Ce n'est pas amusant.

- Haha, il semblerait que je sois démasqué ~ »

De sa place, Atsushi voyait parfaitement que Kunikida bouillait d'envie de s'énerver sur eux et de leur rappeler qu'ils étaient supposés travailler même lorsqu'ils n'avaient aucune affaire en cours, mais qu'il hésitait, parce que pour une fois les deux « enfants » de l'Agence ne les embêtaient pas. Ils ne faisaient rien, certes, mais dans leur coin.

« On est rentrés ! » résonna soudainement la voix enjouée de Kenji dans la pièce. Le jeune garçon venait de passer la porte, Kyôka sur les talons. L'ancienne mafieuse se dirigea immédiatement vers Atsushi pour le saluer, tandis que les autres détectives accueillaient leur retour avec enthousiasme.

« Comment s'est passé la mission ? demanda Kunikida.

- Aucun problème ! répondit joyeusement Kenji. Le commanditaire était très satisfait. »

Cette bonne nouvelle parut apaiser un peu les nerfs du détective blond qui reprit son travail sans rien ajouter à l'intention des fainéants. Kenji et Kyôka proposèrent immédiatement de les aider dans la longue tâche de rangement qui les occupait depuis le début de la journée et attrapèrent chacun une pile de documents en attente. Une ambiance studieuse se réinstalla dans la petite Agence des Détectives Armés, parfois brisée par des exclamations en provenance des joueurs et de leur arbitre.

Atsushi les observa à la dérobée quelques instants, et savoura l'atmosphère paisible qui régnait sur son lieu de travail. Malgré les moments de tension liés à la mafia, ou plus récemment à la Guilde ou au Sorcier, il se sentait pleinement épanoui dans son nouveau travail, avec des collègues qui le considéraient comme quelqu'un qui était digne de vivre. Il n'aurait échangé sa vie pour rien au monde avec celle d'un autre. Et il comptait bien en profiter jusqu'au bout, maintenant qu'une certaine paix s'était installée.

Mais, alors qu'il s'apprêtait à reprendre son travail de classification, quelque chose retint son attention. Les cheveux de Kunikida semblaient avoir perdu un peu de leur éclat. Ils semblaient plus ternes, moins blonds. Un frisson parcourut le jeune homme à cette réalisation, et il se tourna vers Kyôka assise à ses côtés, recherchant inconsciemment la flamboyance de son kimono rouge.

Il ne trouva qu'un kimono rouge terne, presque gris.

« Qu'est-ce que tu fous là ? »

La voix méprisante d'Akutagawa parvint aux oreilles d'Atsushi, mais il ne releva pas la tête pour l'observer. Il était trop occupé à fixer le vide devant lui, tandis qu'une voix sourde résonnait en boucle dans son esprit.

Tu as cessé de voir les couleurs. Tu vas mourir. Tu vas mourir. Tu vas mourir.

Ces mots ne quittaient pas sa tête et revenaient sans cesse le hanter. Ils semblaient s'insinuer dans la moindre parcelle de son être, s'incruster dans sa chair pour devenir visible par tous. Pire, cela éveillait en lui le souvenir de son enfance à l'orphelinat. Il ne se souvenait que trop bien les moments où, seul, enchaîné, le corps endolori par les coups, il avait cru perdre la vision des couleurs. La froideur des chaînes sur sa peau nue semblait parfois chasser de son esprit la notion même de couleurs. Il se souvenait de la terreur qui l'envahissait à l'époque. Il ne voulait pas mourir, pas alors qu'il n'avait rien vécu et rien vu du monde extérieur.

Mais maintenant qu'il s'était libéré de ses chaînes, qu'il avait vu ce monde, qu'il avait failli y mourir avant même de perdre la vue des couleurs, qu'il avait appris à l'apprécier, il ne voulait pas mourir non plus. Il y avait trop de choses qu'il ne pouvait pas se résigner à abandonner.

Alors qu'il était persuadé qu'Akutagawa était parti - ou plutôt, était rentré chez lui puisqu'il avait trouvé refuge sur le perron de son appartement - sans plus lui prêter d'attention, une main entra dans son champ de vision. Il la fixa sans trop réagir, jusqu'à ce que le mafieux lui assène un coup de poing sur la tête. Il n'avait pas mis une grande force dedans, mais suffisamment pour que le détective se redresse en se massant le crâne.

Étrangement, la vision d'Akutagawa le réconforta. Pas par son expression, le mafieux le fixait toujours avec mépris, comme à son habitude. Mais parce que, qu'il voie ou non les couleurs, le jeune homme était identique pour lui. Il n'aurait jamais pensé le dire, mais l'absence de couleur arborée en permanence par le mafioso le réconfortait. Ainsi, il oubliait presque que le ciel, les arbres et les toits avaient perdu leurs belles couleurs vives au profit d'autres, plus ternes et tristes.

Visiblement satisfait d'avoir capté son attention, Akutagawa lui désigna d'un signe de tête la porte de son appartement, déverrouillée. Le détective ignorait comment interpréter ce geste de la part du jeune homme aux cheveux bicolores. Non, cela ne pouvait pas être de la gentillesse, impossible. Voulait-il le tuer sans témoin comme il le répétait toujours lorsqu'ils se voyaient parfois ?

Oui, même s'il ne l'aurait jamais avoué à ses collègues de l'Agence, il lui arrivait de temps en temps de rencontrer le mafieux dans des circonstances plutôt amicales. Ces rendez-vous survenaient souvent lors de leurs jours de repos - plus que rares dans le cas d'Akutagawa - et se déroulaient toujours d'une façon calme, posée, agréable, qui avait rendu le jeune détective aux cheveux gris très perplexe au début. Difficile de croire que ce mafieux qui répétait l'exécrer était capable de tolérer sa présence toute une journée sans essayer de le tuer. Et pourtant, à part ses attaques verbales répétées, il ne tentait jamais rien.

Le détective se laissa entraîner jusque dans le salon du mafieux. Celui-ci arborait toujours une expression impassible qui ne permettait pas au jeune homme de deviner ses véritables intentions. Il essayait de rester sur ses gardes malgré tout, mais son crâne le faisait souffrir et il savait parfaitement qu'il n'était pas en état de tenir tête à l'homme violent qu'il avait en face de lui.

Cependant, Akutagawa ne semblait vraiment pas avoir l'intention de le tuer puisqu'il se tourna vers lui avec son habituelle moue renfrognée.

« Qu'est-ce que tu foutais devant mon appartement ? Tu cherches à mourir ? » Cette mention de la mort n'était pas prononcée sur un ton menaçant, mais elle réveilla tous les doutes et les peurs de son esprit, et il commença à sangloter sous le regard désormais surpris de son interlocuteur.

« D-Désolé..., parvint-il à marmonner entre deux sanglots. C'est juste que... » Il ignorait pourquoi il s'était rendu à l'appartement du mafieux après avoir découvert qu'il commençait à perdre la vision des couleurs. Ses pas l'avaient juste naturellement emmené là-bas.

« Pour information, déclara subitement Akutagawa, j'ai un rendez-vous avec Mori dans deux heures. C'est le temps que je te laisse pour m'expliquer ce qu'il t'arrive. »

Atsushi cligna des yeux quelques secondes, sans voix. Il ne s'attendait pas à une telle sollicitude de la part d'un homme qui essayait de le tuer et lui vouait une haine sans borne à cause de sa relation avec Dazai. Mais il n'avait trouvé le courage de parler à personne parmi ses collègues, et pourtant il en ressentait l'envie, alors au bout d'un instant, il murmura :

« Je commence à ne plus voir les couleurs. » La phrase résonna dans le silence.

« Je vois. » répondit Akutagawa sans états d'âme. Atsushi releva la tête vers lui. Il ne s'attendait pas à ce que le mafieux fonde en larmes non plus, mais quand même, il s'attendait à un peu plus de compassion. Enfin, quoique, ç'aurait peut être été trop étrange également...

« Je ne veux pas mourir, ajouta-t-il d'une voix brisée.

- Alors ne meurs pas. »

La réponse du mafieux était si banale, si inattendue, qu'Atsushi laissa échapper un rire. Un petit rire, un peu forcé, pas très sincère, mais un petit rire quand même. Akutagawa parut se demander ce qu'il y avait de drôle dans ses dires, mais ne prononça aucun autre mot.

« Ce n'est pas si simple, finit par protester le jeune homme aux cheveux argentés.

- Je ne vois pas où réside la complication. Tu ne m'as pas brisé les os pour te laisser mourir aussi bêtement, juste parce que tes yeux ont décidé de faiblir. » Atsushi se mordit la lèvre à cette mention des dégâts qu'il lui avait infligés lors de leur combat sur le bateau de la mafia mais l'autre ne semblait pas agressif, pour une fois.

« Mais je pouvais te combattre, objecta-t-il doucement. Je ne peux pas me battre face à... je ne sais quoi exactement. »

Personne ne savait ce qui causait la dégénérescence des couleurs, qui était pourtant un phénomène tristement célèbre parmi les détenteurs de pouvoir. Peut-être était-ce une malédiction, peut-être était-ce le contrecoup de leurs pouvoirs, personne ne le savait exactement. Mais deux choses étaient certaines pour tous : on en mourait et on ne pouvait y échapper. Personne n'était capable de se substituer à la fatalité qu'entraînait cette maladie.

« Et alors ? bougonna Akutagawa. Je ne vois pas où est le problème. » Atsushi le dévisagea quelques secondes, cherchant à savoir si l'autre se fichait de lui, mais il semblait sérieux.

« Tu vois encore les couleurs, finit-il par conclure, c'est peut-être pour ça. » Le mafieux lui décocha un regard noir.

« Ne me sors pas cet argument ridicule. Même si je ne les voyais plus, je te tiendrais le même discours. Je ne perdrais pas contre une maladie stupide. »

Le détective pensait souvent que la détermination d'Akutagawa était quelque chose qui le poussait dans ses retranchements de façon très négative, mais il était pour une fois admiratif de cette caractéristique du mafioso. Il aurait aimé être capable de faire preuve de la même fougue impétueuse, même s'il doutait que cela ferait une quelconque différence au final.

« Akutagawa..., finit-il par déclarer. Merci de ne pas m'avoir laissé seul devant chez toi. » L'autre leva les yeux au ciel.

« Je l'ai fait pour ne pas que les voisins viennent encore une fois se plaindre de moi. » Évidemment, songea le détective, il aurait pu prédire cette réponse lui-même, mais la suite le surprit : « Et aussi parce que je voulais savoir qui était responsable de ton état. » Atsushi cligna des yeux quelques secondes.

« Pourquoi ? » demanda-t-il au bout d'un instant.

Akutagawa le fixa de son regard métallique impénétrable, avant de répondre comme s'il s'agissait d'une évidence :

« Pour le tuer. »

Il fallut très exactement cinq secondes au détective pour comprendre la réponse du jeune homme, et trois de plus pour se transformer en une tomate humaine dont la belle couleur rouge ferait des jalouses en voyant le mafieux se rapprocher de lui d'un air déterminé. Mais ce ne fut probablement que lorsque les lèvres du bicolore se posèrent sur les siennes qu'Atsushi comprit une chose essentielle :

Pourquoi se préoccuper des possibilités du futur plutôt que des certitudes du présent ?

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