Chapitre 4
Trois nuits consécutives à me réveiller à une heure du matin ne me réussit pas. Luke me secoue pour que je me lève mais je n'en ai pas la force. Je ne suis pourtant pas du genre à traîner au lit le matin, me lever pour aller au boulot ne m'a jamais dérangé. J'aime mon travail, je suis maquilleuse professionnelle depuis quatre ans maintenant, après une formation de deux ans, j'ai obtenu un diplôme et un poste dans un institut réputé et qui travaille souvent en partenariat avec des défilés et des productions de films. Je ne sais jamais ce qui m'attends quand je ne suis pas à l'institut et j'adore ça.
Mais pourtant ce matin c'est plus pénible de me lever. J'ai fais des cauchemars toute la nuit, cette silhouette n'a pas quitté mon esprit et m'a torturée. Je l'ai imaginée sortir du miroir et me poursuivre, ou bien frapper encore et encore au miroir jusqu'à ce que j'en devienne folle. Autant dire que je ne suis absolument pas pressée d'être à ce soir. Dormir avec mon frère une fois est ok mais plus que ça ne va pas être possible, donc ce soir je dois retourner dans mon lit, à moins que je ne me décide à dormir sur le canapé. Quitte à devoir me réveiller avec un mal de dos c'est préférable que de me réveiller avec la trouille.
— Aller Violette lève toi ! me secoue encore une fois Luke.
— C'est bon arrête de me secouer comme un prunier je me lève ! je réponds en me redressant.
Je passe mes mains sur mon visage et tente de garder les yeux ouverts mais c'est difficile. La lumière du jour m'agresse et me brûle la rétine. Luke sort de la chambre une fois qu'il est sûr que je ne vais pas me recoucher. Je sors alors avec difficulté mes jambes du lit et frissonne au contact du parquet froid sous mes pieds. Avec le peu de volonté que j'ai, je finis par me diriger vers la salle de bain et me déshabille avant de rentrer dans la cabine pour prendre une douche froide. Je crie d'abord au contact de l'eau gelée sur ma peau, mais au moins je me sens beaucoup plus réveillée quand je sors.
J'hésite d'abord à rentrer dans ma chambre. La première chose que je fais est de vérifier le miroir. Mais comme quand Luke est venu cette nuit dans ma chambre, il n'y a rien. Juste mon reflet. Je me dépêche de sortir mes vêtements de mon armoire, pantalon et haut noir, obligatoires dans le métier, la couleur est pratiquement inexistante dans mes vêtements. Je m'habille rapidement pour rattraper le retard que j'ai pris en me levant, et avec beaucoup de mal, je m'assois devant ma coiffeuse.
J'ai d'abord du mal à regarder mon reflet. J'ai cette appréhension qu'à tout moment la silhouette va surgir et crier "bouh". Pourtant me maquiller sans me regarder est impossible, alors je finis par me concentrer en évitant de penser à cette possibilité.
Je rejoins Luke quand j'ai terminé. Je le trouve dans la cuisine en train de prendre son petit déjeuner. Je m'installe en face de lui mais sans l'intention de manger ce matin.
— Avale quelque chose, m'ordonne presque mon frère sans relever la tête.
— Je prendrai un truc au boulot, je ne peux rien avaler pour l'instant.
— Ça ne va pas ? s'inquiète-t-il aussitôt en me scrutant.
— Je vais bien Luke, je n'ai pas faim pour l'instant c'est tout.
— Ok, répond-t-il peu convaincu.
Il s'occupe à nouveau de ses céréales, ça me rassure qu'il ne me parle pas de ce qui s'est passé hier, il doit encore penser que j'ai simplement fait un cauchemar et cela m'arrange. Je profite de son silence pour regarder l'agenda dans mon téléphone et voir mes rendez-vous du jour. Je soupire quand je vois que je suis sur un tournage cette après-midi, ça ne me dérange pas habituellement mais cela signifie que je vais finir plus tard que d'habitude, et aujourd'hui je n'aurais pas été contre finir assez tôt pour faire une sieste et rattraper un peu de sommeil.
— Je risque de rentrer un peu plus tard ce soir, je préviens donc Luke.
Si je ne lui dis pas il serait capable d'alerter toute les autorités sur ma disparition.
— Quelle heure ? me demande-t-il alors.
— Je ne sais pas, entre sept et huit heures. Je t'enverrai un message dès que j'aurai terminé.
— D'accord. Je commanderai des pizzas comme ça tu n'auras pas à cuisiner, dit-il ensuite en se relevant pour débarrasser son bol.
— Ça marche, je réponds en me levant à mon tour.
Un coup d'œil à l'horloge m'indique qu'il est déjà l'heure de partir. Je pars dans l'entrée enfiler une veste, attraper mon sac et mes clés de voiture avant d'aller embrasser mon frère en lui souhaitant une bonne journée. J'ai à peine franchi la porte qu'il me tarde déjà d'être à ce soir.
Je suis exténuée quand je rentre chez nous à huit heures et demie. La journée a été encore plus longue que prévu et tout ce dont j'ai envie est de retrouver mon lit. Mais je sais que ce ne sera pas possible tout de suite, Luke va insister pour que je mange, les pizzas ne vont d'ailleurs pas tarder à arriver, alors je me dépêche d'aller enfiler un pyjama et me démaquiller afin d'être plus à l'aise. Je rejoins ensuite mon frère sur le canapé. Deux pizzas sont posées sur la table basse, je sais déjà que je ne mangerai pas la mienne en entière et que Luke la finira pour moi.
— Tu vas aller te coucher de bonne heure ? demande Luke.
Sa question sonne plus comme une affirmation, mais je réponds tout de même par la positive. Pas besoin d'être un génie pour voir à quel point j'ai du mal à garder les yeux ouverts. Je finis d'ailleurs rapidement de manger et souhaite une bonne nuit à mon frère. Une fois les dents brossées, et mon alarme en marche, je me couche sans même appréhender la nuit qui va se passer. Je n'ai même pas la force d'avoir peur et m'endors très vite.
Pourtant quand à presque une heure le coup retentit sur le miroir la peur est bien présente.
— Pas encore, je soupire alors.
Cette fois-ci je n'attends pas qu'un autre coup retentisse, je vais me lever, affronter ce qu'il y aura dans le miroir, et prier pour avoir seulement halluciné. Et puis si je n'ai pas halluciné alors j'irai dormir sur le canapé, avant de demander à me faire interner dès demain ... Ou moins radicalement changer la coiffeuse de pièce, même si cette option risque probablement de rendre Luke triste.
Je me lève alors pour regarder en direction du miroir, je m'arrête devant celui-ci la tête baissée.
— Juste une hallucination, je me répète sans y croire.
Puis je finis par relever la tête et je l'aperçois. La même chose qu'hier, quelqu'un est dans mon miroir. Je m'apprête encore à crier quand je vois la personne poser ses deux mains sur ses oreilles fortement et fermer les yeux. Mon cri reste alors bloqué dans ma gorge. Il -parce que c'est définitivement un homme- m'a forcément entendu hier, et apparemment il n'a pas apprécié de se faire percer les tympans par mon cri. Au lieu de m'enfuir comme j'en avais l'intention au départ, je prends le tabouret et l'installe à au moins deux mètres de la coiffeuse. Je vais ensuite allumer la lampe de chevet et retourne au tabouret pour m'y assoir. J'observe cet homme qui ouvre finalement un œil pour me regarder, se demandant visiblement pourquoi je suis encore là. Il finit donc par ouvrir le deuxième œil, puis retire les mains de ses oreilles.
Je n'arrive pas vraiment à le distinguer d'où je suis, mais il n'est pas question que je me rapproche. Il parait inoffensif comme ça, mais rien ne me dit qu'il ne peut pas surgir à tout moment du miroir et m'attaquer. C'est ce que font les fantômes non ? Du moins si c'en est un... Mais je ne vois pas ce qu'il pourrait être d'autre.
On s'observe finalement tous les deux, bizarrement il a l'air tout aussi intrigué que moi. De là où je suis, je peux m'apercevoir qu'il a les cheveux foncés, pas tout à fait courts mais je ne dirais pas qu'ils sont mi longs non plus, c'est un entre deux. Je ne peux pas voir la couleur de ses yeux ni leur expression, mais cela ne me décide toujours pas à m'avancer. Je vois le haut de son torse et ses épaules musclées, il ne porte rien et je peux voir le contour de ses muscles plutôt bien dessinés. Je me mets même à imaginer le reste de son corps, et me demande s'il porte un pantalon... Mes pensées me font secouer la tête. Je suis devant un fantôme ou je ne sais quoi et je me mets à penser à son corps, c'est définitif je suis folle.
Je finis par me pincer le bras. J'espère encore être dans un rêve, si ce n'est pas le cas alors je ne sais pas comment je peux expliquer ça. Malheureusement j'ai beau me pincer deux fois plutôt fort, il est toujours là, et il regarde mon bras avec incompréhension. Il ne comprend visiblement pas pourquoi j'ai fait ça, je passe donc pour une folle auprès d'un fantôme, génial. Je me frotte le bras maintenant douloureux et regarde ma peau maintenant rougie, en plus de ça je me suis fait un bleu.
Je relève ensuite la tête et croise le regard de cet homme. Un sourire se dessine finalement sur ses lèvres, mais je n'arrive pas à l'imiter.
— Je deviens folle, ce n'est pas possible autrement, je murmure pour moi-même.
— Pourquoi ? me répond une voix grave et suave.
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