Chapitre 34

L'air frais emplit les poumons de Zhan. Les quelques molécules qui l'ont déjà atteint se font chasser de son organisme écœuré. Si même les alphas peuvent être agacés par ces effusions, il n'ose imaginer le cauchemar que doivent vivre ces deux filles. Un homme oméga n'a déjà pas une vie facile, alors en ce qui concerne les femmes...

Au bout de quelques pas, il aperçoit Yibo dans l'une des rues qui remontent le quartier endormi, déversant sa colère sur une porte en métal. A côté, deux poubelles sont déjà renversées. Zhan s'approche doucement et lui saisit le poignet avant que ses phalanges ne se meurtrissent davantage contre la paroi cabossée.

— Xiao Zhan, écarte-toi !

— Tu vas vraiment laisser ce type avoir le dessus sur toi ?

— Qu'est-ce que tu en sais, toi ?!

Poings serrés, Yibo lui fait face et explose.

— Tu crois tout savoir, hein ?! Toi, tu maîtrises toujours tout ! Moi, je ne suis que l'alpha impulsif pas foutu de gérer ses émotions !

Zhan reste interdit.

— On devrait fermer sa gueule et s'écraser face à ce genre de fils de pute !? Ça, c'est comme ça que toi tu marches ! Pas moi !

— Wang Yibo...

— Non ! Fous moi la paix, putain ! Foutez-moi tous la paix ! s'écrie-t-il en se détournant.

Confus, Zhan ne trouve pas les mots. La communication a beau ne pas être son fort, en ce moment, pour Yibo, il compte bien persévérer. Il le regarde d'un air dépité asséner quelques derniers coups sanguinolents dans le crépi. Puis, en le voyant se laisser glisser à terre le long du mur, il s'agenouille à ses pieds, inquiet.

— Bo Di...

— Xiao Zhan, je sais tout de toi. Mais toi, que sais-tu de moi...

Une soudaine culpabilité enserre la gorge de Zhan. Il pose ses mains sur les genoux de son ami et demeure silencieux, effleurant les mèches de cheveux qui tombe sur son visage baissé.

— C'est vrai, tu as entièrement raison. Pardonne-moi...

Yibo relève le menton et dévoile un regard vide qui en dit bien plus long que tout un océan de larmes. Ses yeux s'égarent dans les hauteurs sombres des immeubles grisonnants, dans une pénombre bien semblable à celle dans laquelle il avait l'habitude de se réfugier pour s'isoler d'un monde bien trop douloureux et effrayant pour être réel. L'obscurité de ce petit placard où il percevait ce qu'elle vivait. Encore aujourd'hui, le noir de la nuit est un cauchemar à lui-seul.

De ses ténèbres, il entendait sa voix se briser depuis la chambre voisine. Il percevait sa langueur toxique. Une souffrance qui n'avait d'autres mots que ceux qu'on couche à travers son corps. Toujours, l'espoir naissait quelques temps avant de consumer sous les flammes d'une vérité qui était toujours la même. Car ces hommes ont toujours été les mêmes.

Aux débuts, ses sourires étaient aussi frais que des roses déjà mortes ; d'une beauté pleine de promesses. Un espoir voué à faner entre les mains de celui qui détenait son destin. Puis un jour, la volonté de croire s'en est allée. Et l'attente a commencé. L'attente entre deux mondes. Celle où l'on ne respire plus que pour l'être qu'on ne peut abandonner, car il en serait trop blessé. Ce temps interminable qui ronge l'âme et fait bruler l'air lorsqu'il s'engouffre dans la gorge. L'enfer d'une patience, aveugle, qui ne connaît plus que le gris et rend chaque seconde intenable, dans sa trop longue éternité.

Ses yeux noisette étaient de ceux qui sont rivés sur le jour tant attendu de délivrance, détachés d'une réalité trop dure à regarder. Ternis d'une lueur fausse, fade et dénuée de vie. Son petit garçon la lisait, autrefois, sans la comprendre. Jusqu'à ce que son âge lui permette d'être affecté par le voile qui tombait sur la femme de sa vie. Parfois, certains mots ne pouvaient lui être épargnés, trop lourds d'une solitude qu'elle était seule à porter.

Puis, l'adolescence de son fils lui a ouvert les portes de la liberté. Elle pouvait enfin s'avouer vaincue, ne plus lutter. Céder. Respirer sans goûter la braise. Une dernière expiration, exquise par sa renonciation. Car elle savait qu'elle était arrivée au bout.

Une larme lente roule le long de la joue de Yibo, aussi froide que les cendres qui jonchent les ruines de son cœur.

— Elle avait retrouvé le sourire depuis quelques jours. Un sourire que je ne connaissais pas. Il n'avait aucune raison d'être. Quand j'y repense, par moments, son visage me faisait frissonner. Parce qu'au fond, je le sentais. Je le savais. Mais comme un enfant idiot, je ne voulais simplement pas le reconnaître. Parce que j'étais terrifié à l'idée que ce soit vrai.

Ses lèvres étirent une expression semblable à la sienne, dans le désespoir de ses raisons.

— J'étais encore en cours quand elle m'a envoyé le message. C'est là que j'ai su. Cette tendresse, ces mots... ils ne sonnaient pas comme les autres. J'ai quitté les cours plus tôt et j'ai foncé chez moi. Dès que j'ai ouvert la porte, j'ai senti l'odeur de la pêche blanche.

Le parfum embaume son esprit comme s'il était imprégné dans l'air.

— Ses bains sentaient toujours la pêche blanche...

Les yeux de Zhan s'écarquillent.

— J'ai voulu l'appeler, crier son nom. Mais rien ne sortait. Parce que je savais. Ces pas ont été les pires de ma vie.

Les larmes s'échouent aux coins de sa bouche.

— J'ai poussé la porte entrouverte de la salle de bain... et je l'ai vue. Au milieu de son eau de pêche, rouge...

Ses lèvres se mettent à trembler, son rictus se fragilise.

— Ma maman...

Zhan se mord la lèvre pour réprimer les émotions qui débordent de ses yeux et entoure le visage de son amour entre ses mains froides, dans un silence imposé. Car aucun mot ne saurait correctement se poser.

La main de Yibo se lève vers sa joue, à la recherche d'un réconfort bien spécial. Zhan se pose contre sa paume et elle glisse dans son cou jusqu'à se nicher dans ses cheveux, poursuivant ses caresses avec un instinct protecteur sans nom. Une lueur chagrine traverse le regard terne de Yibo, soudain rallumé par la flamme malheureuse d'un espoir salvateur. Celui de chérir son être aimé plus que de raison, et ainsi, peut-être, lui-même se sauver un jour.

Les larmes ruissellent, muettes, alors qu'il se perd dans la contemplation de ce garçon qui représente pour lui plus qu'un avenir. Son âme était liée à la sienne avant même qu'il ne puisse décider de son sort. Car son passé l'a fait prisonnier de son amour, dès l'instant où il a pris possession de son secret.

— Je ne l'ai pas sauvé elle. Je n'ai pas été assez fort. Je l'ai laissée, seule... murmure-t-il d'une voix étranglée.

— Bo Di...

— Je dois te sauver, toi.

Impossible à retenir, une larme coule sur la joue de Zhan et se perd entre les doigts de son ami. D'un revers de pouce, il essuie les siennes, porteuses d'une tourmente silencieuse ancrée dans son cœur comme si elle datait d'hier.

— Tu m'as déjà sauvé, Wang Yibo.

— Non, non... ! Pas encore, rétorque Yibo avec anxiété. Laisse-moi être toujours à tes côtés, s'il te plaît ! Je dois rester pour toujours à tes côtés...

— Bo Di, chuchote Zhan en posant son front contre le sien... Tu seras là pour moi. Mais à partir de maintenant, je serai là pour toi, moi aussi. Tu es mon amour, mon amant, mon meilleur ami. Nous serons toujours liés. N'oublie jamais... aussi longtemps que la lune continuera de briller...

Une nouvelle lueur illumine le regard humide de Yibo. Leurs bouches s'effleurent et se cajolent avant de s'unir avec tendresse, puis leurs visages s'enfouissent dans le cou l'un de l'autre et leur étreinte se scellent.

— Je t'aime, Zhan Ge... aussi longtemps que le soleil continuera de se lever.

N/A

J'espère que l'histoire de Yibo vous a touchée, moi elle m'a beaucoup inspirée 🖤

Merci pour vos étoiles ✨

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