Chapitre 31
Le cœur de Zhan explose dans sa poitrine. Il est à découvert. Et il n'a sûrement plus que quelques secondes avant de voir surgir au moins un homme qui sera le témoin de sa véritable nature. Une poussée d'adrénaline le fait bondir hors de sa cabine. Il se rue sur la porte, poursuivi par sa plus grande crainte, et fuit le restaurant pour s'élancer en direction de l'escalier. Talonné par l'effroi, il grimpe les marches quatre à quatre sans se retourner. Dans la semi-pénombre du quatrième étage, il enfonce la porte d'un coup d'épaule mais celle-ci reste close. Submergé par la panique, il palpe et tambourine la façade sans prendre le temps d'examiner son mécanisme d'ouverture. Derrière lui, son cauchemar le rattrape. Gravit les escaliers comme une brume invisible et toxique. Les larmes lui montent aux yeux. Sa respiration se saccade. Sa main touche par hasard le poussoir central vert qui traverse la porte et, après avoir compris sa fonction, il se jette dessus tel un noyé qui s'agrippe à une bouée. Une fois à la lumière, un frisson lui parcourt l'échine comme si le souffle du diable venait d'effleurer sa nuque. Tout en courant, il cherche le pass de sa chambre dans la poche de son pantalon, d'une main fébrile. La porte des escaliers se referme derrière lui dans un fracas qui lui fait frôler l'infarctus. Lorsqu'il s'engouffre dans son couloir et lève les yeux, sa mâchoire se décroche.
— Y-Yibo ?!
— Zhan Ge, comme je ne te voyais pas revenir, j'ai pensé que tu étais remonté directement, et...
Zhan se jette sur lui à l'en faire basculer et le serre dans ses bras. La force tremblante de son étreinte surprend Yibo. De plus, l'enlacer ainsi en pareil endroit, aux yeux du premier voisin sorti de sa chambre, est tout sauf normal venant de sa part.
— Ge Ge, qu'est-ce qu'il y a ?
Zhan se retourne et vise l'angle du couloir, prêt à voir surgir le monstre qui le poursuivait. Mais après quelques instants, l'évidence s'impose à lui : seuls ses propres démons étaient à ses trousses.
La pression retombe. Il retrouve à nouveau la chaleur de son ami, le nez enfouit dans son cou. Son odeur l'apaise et le rassure.
— Di Di, je suis désolé d'avoir dit que tu étais collant, bredouille-t-il d'une voix fragile. Tu ne l'es pas, reste comme tu es... !
L'inquiétude gagne Yibo. Il prend son visage entre ses mains et observe ses yeux brillants, toujours transparents d'émotions. Le parfum bien connu qui lui monte soudain au nez le retient de prononcer un seul mot. Ses narines se dilatent et ses yeux s'écarquillent.
— Tu es en...
L'expression misérable que lui renvoie Zhan confirme ce qu'il savait déjà. Il le saisit par les épaules avec un air grave, presque agressif ; son regard devient noir.
— Il s'est passé quoi ?
— Rien, rien du tout.
— Tu es dans cet état pour « rien du tout » ?! Xiao Zhan !
— Ne t'énerve pas, souffle Zhan en appliquant son index sur sa bouche.
Pour plus de discrétion, il entraîne son alpha dans sa chambre et la verrouille.
— Mes chaleurs sont arrivées quand j'étais dans les toilettes. Deux gars sont entrés à ce moment-là, c'est pour ça que je t'ai écrit... J'en déduis que tu n'as pas lu mon message...
— Plus de batterie. Ensuite ?!
— Ils m'ont senti à travers la porte, balbutie Zhan en s'adossant à un mur. Ils ont gardé le silence si longtemps, je ne savais pas quoi faire... Et puis d'autres sont arrivés et quand ils sont repartis, j'ai attendu pour sortir mais... je n'avais aucun moyen de savoir si j'étais vraiment seul ou si...
Il passe une main dans ses cheveux et expire sa nervosité.
— J'ai cru qu'on me poursuivait... ! Bo Di, j'ai cru... mais il n'y avait rien... !
Les bras de Yibo l'attirent à lui. Il dépose un baiser dans ses cheveux.
— Calme-toi. Personne n'a vu qui tu étais.
Zhan lui rend son étreinte, les yeux clos.
— Excuse-moi, pour l'autre jour. Excuse-moi de te reprocher d'être sans arrêt derrière moi...
— N'y pense plus.
Zhan pose sur lui un regard contrit puis baisse la tête.
— Je vis dans le déni. Je vis avec un corps trafiqué qui n'est pas le mien. Et le pire, c'est que je reste toujours persuadé de pouvoir tout gérer seul. Ça fait si longtemps maintenant que je fais semblant, que je me prends pour un alpha que je ne suis pas...
Il soupire, une main sur son front.
— J'ai l'impression que la folie me rattrape pour me punir de mes mensonges.
— Ne sois pas bête. Personne d'autre que moi ne peut te punir, Xiao Laoshi.
Un petit rire s'échappe des lèvres de Zhan. Il les presse contre les siennes et leurs sourires s'épousent.
— Je suis fatigué... Au fond, maintenant que j'y pense, il me tarde de ne plus me cacher.
Yibo ouvre de grands yeux. C'est bien la première fois que son ami manifeste son impatience de quitter cette vie ; quand lui se surprend maintenant à vouloir la faire durer...
— Je veux dire, je crois simplement que je me ronge moi-même, poursuit Zhan. Après ma frayeur de tout à l'heure... Ha ! je sens que je vais devenir fou...
Une certaine inquiétude traverse soudain son visage.
— Tu... tu n'as pas changé d'avis à propos de notre départ ? Je ne peux pas m'empêcher de penser que...
Le silence de Yibo l'interpelle. Est-ce une hésitation ? Le concerné finit par lui caresser la joue avec amour.
— Je te suivrai là où tu iras, murmure-t-il en glissant une main dans son cou.
Un doux sourire étire les joues de Zhan.
— Il serait peut-être temps d'aller se montrer avant que les autres commencent à s'imaginer des choses, tu crois pas ? dit-il en rapprochant son visage du sien.
— Hm. Tu n'as pas trop besoin de t'en faire pour ça.
Les lèvres de Yibo se referment sur les siennes, mettant fin à toute discussion. L'effluve des chaleurs de son oméga, soudain décuplé par son bien-être, l'envoûte aussitôt et le pousse à s'écarter pour reprendre ses esprits.
— Oh ! excuse-moi, j'aurai dû prendre mon médicament dès que je suis rentré, déclare Zhan en fouillant dans son sac de voyage.
La main de Yibo se referme sur son poignet.
— Pourquoi prendre ce traitement alors que je suis là ? C'est aussi mon rôle, tu le sais.
Surpris, Zhan finit par baisser les yeux, pris dans une réflexion qui lutte contre ses précédentes humeurs. A nouveau, il devrait bafouer et ignorer ses principes par la faute de ce maudit corps enfiévré.
— Yibo, je t'ai dit que je ne voulais plus rien faire ces prochains jours. Ce que tu as fait tout à l'heure...
Sa voix est douce, presque en dehors de tout reproche, mais son regard demeure intransigeant. Yibo appuie une moue perplexe.
— Donc tu préfères encore ingurgiter une drogue dont tu pourrais te passer juste pour me punir ? dit-il en arquant un sourcil.
— Je... c'est pas ça...
Il se frotte la nuque, indécis. Se sent-il vraiment apte à attendre plusieurs jours simplement pour donner à cet idiot une leçon qui s'avèrera à coup sûr inutile ? De plus, durant plusieurs nuits, il sera le seul à souffrir de ce terrible manque d'affection qui va de pair avec cette période...
Il pose un regard las sur ce garçon inconscient qui a manqué de leur causer de gros ennuis, puis s'avoue vaincu.
— Tu as raison, soupire-t-il. Faisons-le, c'est la meilleure solution.
Tandis qu'il retire déjà son t-shirt avec un air résigné, Yibo ouvre sur lui un regard écarquillé, choqué.
— Sérieusement, je ne suis pas une « solution », Xiao Zhan.
— Quoi... ?
— Je ne suis pas un mec de club que tu subis parce que tu n'as pas d'autre choix. Je suis ton alpha, celui que tu as toi-même choisi !
Son ton cinglant fait presque sursauter Zhan. Ainsi torse nu dans cette nouvelle ambiance tendue, il se sent presque ridicule. L'envie de remettre son vêtement se fait sentir mais il se retient.
— Pourquoi tu t'énerves ?
— Pourquoi ?! Parce que je viens de voir dans tes yeux le même regard que...
La fin de sa phrase s'éteint avec le souvenir de celle qui en est à l'origine. Son expression se refroidit, hors de tout désir. Implacable, il saisit dans le sac le tube de pilules et les tend froidement à Zhan avant de tourner les talons.
— Yibo, attends ! Je ne sais pas ce que tu as cru voir mais je ne voulais pas te dénigrer...
Il jette le tube dans son sac pour le rattraper et capture son regard de glace.
— Bo Di... murmure-t-il. Tu es mon alpha.
Quelques secondes, Yibo le dévisage de son hautaineté naturelle, incrédule.
— Et tu te souviens de ce que c'est, au moins ?
Une innocence feinte pince les lèvres de Zhan. Il appuie son index sur le torse de celui qui le fixe d'un œil ombrageux et le laisse glisser sur sa chemise noire en direction de son bas-ventre.
— Je le sais, oui...
— Xiao Zhan !
— Wang Yibo ! Il y a quelqu'un qui doit prendre ses responsabilités ici, et cette fois, ce n'est pas moi.
Les yeux de Yibo se plissent, en proie à une flopée d'émotions contraires. En voyant la candeur provocante que lui renvoie son oméga, sa mâchoire se serre. Son corps meurt déjà d'envie de céder à la tentation. Lorsque Zhan se mord la lèvre avec une langueur irrésistible, toute raison s'envole. Il le saisit par le bras et le plaque dos au mur.
— Je suis celui qui vais devenir fou par ta faute... grommèle Yibo en le débarrassant rapidement du reste de ses vêtements. Moi, j'ai toujours pris mes responsabilités. T'as intérêt à assumer tes mots.
Sans douceur aucune, il enfonce ses doigts entre ses fesses humides et lui arrache un gémissement bien trop bruyant pour les lieux où ils se trouvent. Afin de couvrir des bruits qui les trahiraient, il étouffe sa voix sucrée dans un baiser langoureux. De son autre main, il ouvre son pantalon à la hâte, juste assez pour libérer son membre déjà durci, puis presse son amant contre le mur afin de le soulever. Zhan enroule ses jambes autour de sa taille et l'instant d'après, son sexe pénètre en lui sans plus de précautions. Un vrai cri s'échappe cette fois de ses lèvres lorsque sa grosseur l'emplit. Il se mord la lèvre, frissonnant. Chaque pénétration le fait vibrer de l'intérieur dans un océan de chaleur.
Les mouvements secs de leurs deux corps font vibrer le mur, et la voix de Zhan résonne dans la chambre, malgré la main qu'il colle sur sa bouche. Son état hormonal actuel ne lui permet aucune retenue. Aucune réflexion ni prudence non plus. Il finit par abandonner l'idée de se contenir et s'accroche au dos brûlant de son félin déchaîné.
L'envie de mordre dans cette délicate peau nue qui lui est offerte ronge Yibo. Et les gémissements extasiés de son soumis n'arrangent rien. Son instinct animal prend le dessus et ses dents se plantent sans merci dans son torse à en faire redoubler ses cris.
Les yeux de Zhan s'embrument, il se contracte. A la vive douleur qui le lance, il est certain que le sang perle autant de sa morsure que les larmes ruissellent sur ses joues. Le fantasme inavouable qui le faisait jouir il y a trente minutes est à présent bien réel. Mais sa douleur aussi. Sauvagerie délicieuse. Véritable tourment vers la jouissance, plongé dans ces yeux qui le dévorent d'un amour transcendé...
D'une avidité folle, Yibo le plaque sur le tapis, sur le dos. Il en veut plus, beaucoup plus. Son regard n'a plus aucune tendresse, seule la luxure le voile, l'assoiffe. Il saisit ses jambes et les relève avant de s'enfoncer brutalement en lui jusqu'à ce que sa voix s'éraille. Ses mains s'agrippent à sa taille fine pour marteler ses fesses plus fort encore. Ses doigts brusques appuient sur sa peau opaline à y laisser leurs traces rougies. Il fixe le corps nu de son amant, transi devant lui. A sa merci.
L'envie grimpe, le submerge. Celle qui ne le prend que rarement mais répond à un instinct primaire qu'il ne peut refouler longtemps.
— Ge Ge... je vais te nouer...
Les mots parviennent à l'esprit vaporeux de Zhan. Mais même si une peur quelconque lui ordonnait de manifester un quelconque refus, il ne peut mettre fin à cette divine noyade. Et il ne veut pas. Les décharges de son orgasme s'annoncent et le font déjà se tendre.
— Zhan Ge... !
Au bord du précipice, Yibo plante sans scrupules ses ongles dans ses hanches et retient la folie interdite de s'emparer de son cou. Dents serrées, ses yeux détaillent ce corps chaud qu'il possède, cette peau fine qui sanguinole sous son toucher prédateur. Il assène alors ses plus violents coups de reins et les projette tous deux au sommet de leur jouissance. La tête de Zhan penche en arrière, sous l'effet des spasmes qui le ravagent, et l'extase inonde leurs deux corps crispés. Leurs voix se perdent ensemble dans l'union de leur libération, puis celle de Zhan se brise sur sa fin.
Haletant, il serre les dents. Il reconnaît cette sensation. Mais aujourd'hui, malgré la tension qu'il ressent, elle ne soulève plus aucune crainte.
Yibo s'allonge sur lui, tout aussi essoufflé, et caresse son visage brûlant avec une attention contrite.
— Ge Ge... ça va ?
— Ça va, je ne suis pas en sucre, susurre Zhan avec l'esquisse d'un sourire... ne t'inquiète pas.
Les lèvres de Yibo se posent sur les siennes, puis il glisse une main tendre dans ses cheveux. Les paupières de Zhan battent lentement. S'il n'avait pas en lui le membre trop gonflé de son alpha, il s'endormirait sûrement sous son regard d'amour, gardien de son bien-être. Dans le cocon de sa douceur parfaite. Son unique monde se trouve au creux de ses bras.
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N/A
RAPPEL pour mes lecteurs qui ne connaissent pas les expressions chinoises (ou ne connaissaient pas le YiZhan)
▫️ Lǎo shī : professeur/sage
▫️ Lǎo : ici, vieux [sens chaleureux entre amis] ; souligne la proximité entre Yibo et Zhan.
❤️💚
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