Chapitre 30
Adossé à côté de la porte de sa chambre, Yibo patiente. Le couloir de l'hôtel est vide, ce n'est guère étonnant. A cette heure, les gens sont descendus dîner à l'étage restaurant et de toute manière, à part les quelques membres du staff qui les accompagnent, ils ont peu de voisins. Les seuls étrangers sont des hommes d'affaires ou des gens en quête de discrétion, tout comme eux.
Il laisse rouler sa tête contre le mur. Son regard traîne dans le vide, volatile, dans l'attente de celui qui tarde à venir.
Le soupir qu'il pousse pèse d'une grande fatigue. La tranquillité n'a pas de prix en ces temps où tout va trop vite. Celle qui est plus précieuse encore est la nouvelle paix imposée à Chan, depuis un certain temps. Tout le monde en est d'ailleurs satisfait. Bonne humeur et complicité vont de pair avec travail, malgré les fortes chaleurs – la fin de tournage est éprouvante mais sereine. Une nouvelle altercation aurait fini par agacer sérieusement les collaborateurs de Chan.
Ces dernières semaines, tout s'est accéléré. Le planning s'emballe, les shootings et les interviews continuent de se programmer, et les projets personnels des deux garçons reprennent également le dessus. Les choses doivent continuer à se passer pour le mieux. Personne ne peut encore se payer le luxe d'exprimer un coup de sang.
De plus, le lien très étroit qui lie les deux acteurs met tout le monde d'accord sur le fait que s'en prendre à Zhan revient à s'en prendre aussi à Yibo. Sa possessivité ainsi que son instinct protecteur envers son ami n'ont plus de secrets pour personne. Ses nerfs ne sont plus à défier, Chan l'a bien compris.
Il pince un petit sourire. Tant de moments complices les attendent encore. Ce projet aura été celui de sa vie. Il en sera ressorti bouleversé de A à Z. Par ailleurs, sa relation avec Zhan lui offre l'opportunité de panser une douleur indélébile, la perte de sa mère. A défaut d'avoir pu influencer les événements durant sa jeunesse, aujourd'hui, il a les moyens de se racheter en protégeant son âme-sœur.
Son sourire se teinte de nostalgie. Ensemble, entre deux chamailleries, ils partagent leur plus grande passion, le rêve de toute une vie. Il compte bien en savourer chaque instant, aussi éreintant soit ce rêve, par moment.
Lorsque la porte adjacente à la sienne s'ouvre enfin, il lève les yeux et découvre son homme, fraîchement sorti de sa douche. Son homme. Cette fierté, bien qu'officieuse, lui échauffe le cœur – et les oreilles...
— Pourquoi n'es-tu pas descendu en bas ? s'étonne Zhan.
Sa surprise en est presque vexante. Une profonde lassitude transparaît sur le visage de Yibo tandis qu'ils s'engouffrent ensemble dans l'ascenseur.
— Le contraire aurait été anormal, je trouve. Dis tout de suite que tu n'as pas besoin de moi.
Les yeux de Zhan roulent au plafond. Il lui renvoie un rictus cynique tout en soupirant un « aiya » ennuyé.
— Tu ferais mieux de ne pas me contrarier, Xiao Zhan. Ta chambre est encore une fois à côté de la mienne.
— Et ? Tu vas forcer ma porte cette nuit ?
Yibo hausse les sourcils, offensé, une main à sa poitrine.
— Parce que tu comptais m'en refuser l'accès ? Wow.
— Je veux dormir, Lao Wang. Et quand je suis avec toi, je ne dors pas vraiment...
Ne retenant que ce qui l'arrange, Yibo tamponne le bouton d'arrêt de l'ascenseur juste avant d'arriver à l'étage du restaurant. Il lance un regard sournois à son compagnon qui le fixe avec un air ébaubi.
— Ce que tu dis, c'est qu'il faut simplement décaler les choses à un autre moment.
— Pourquoi as-tu bloqué l'ascen...
Lorsqu'il se fait plaquer contre la paroi de la machine, Zhan reste ahuri, la bouche capturée. Il repousse son ami – les autres les attendent pour dîner – mais l'attraction que ce dernier exerce sur lui, endort son envie de lutte.
— Putain ! Wang Yibo, tu es vraiment... Si on nous trouve comme ça... !
— Comment le pourraient-ils... murmure le provocateur en pressant son érection et son corps contre le sien.
Zhan se mord la lèvre. Son désir grimpe en flèche.
— Arrête. Si on le fait maintenant, ça va se voir...
— Tu veux dire... couler... ?
Les joues de Zhan s'empourprent tant de son embarras que de son envie, décuplée par cette obscénité honteuse. Avant de risquer de flancher pour de bon et de se porter préjudice, il chasse son alpha puis inspire et expire à plusieurs reprises pour faire redescendre la tension. Son inconscience finira un jour par lui causer du tort.
— Quand je te dis que tu es immature... Sois plus responsable. Pour moi, s'il te plaît, grommèle-t-il.
Frustré au possible, Yibo baisse les yeux sur la chose durcie qui bombe son pantalon beige. Les pans de sa chemise noire ne seront pas assez longs pour camoufler la proéminence de sa longueur.
— Et toi ? Tu comptes prendre tes responsabilités ? dit-il en faisant plusieurs allers-retours visuels entre l'accusé et son entrejambe.
— Ha ! C'est toi qui... Je rêve.
Piqué, Zhan frappe le bouton rouge pour réenclencher la machine. L'ascenseur retombe d'un cran avant de se faire à nouveau stopper par Yibo. Ce dernier se plante devant l'objet de ses désirs et le fixe avec une envie dévorante.
— Wang Yibo, qu'est-ce que tu fous au juste ?
— Zhan Ge, suce-moi.
Zhan ouvre des grands yeux ahuris.
— T'es pas sérieux, là ? Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans ils nous attend...
— Zhan Ge.
Les murmures de Yibo se transforment en grondements félins, contre les lèvres entrouvertes de son amant. Il dépose quelques baisers sur sa gorge, délicats sur sa pomme d'Adam. De nouveau alangui, Zhan gémit, chargé d'appréhension.
— Sérieusement, si on nous surprend...
— Y'aura rien, détends-toi.
Évitant une nouvelle négation, il presse sa bouche contre la sienne et défait sa braguette, devenue trop serrée, pour y glisser la main de son homme. Zhan sent son cœur bondir dès l'instant où ses doigts sont appliqués sur la chair chaude et terriblement dure de son alpha. Il ferme les yeux, luttant tant bien que mal contre ce divin tentateur qui titille ses instincts primaires. Est-ce donc son jeune âge fort d'immaturité qui le pousse à tant d'impulsivité ? ou bien son manque de prudence, son absence totale de peur ?
L'ascenseur se trouve au niveau du restaurant. En un battement de cil, leur luxure serait exposée en public. Comment pourrait-il obtempérer à un acte aussi suicidaire ? Pourtant, la lasciveté avec laquelle son malin démon appuie sur ses épaules, le pousse à céder. Son regard de braise, mi-clos, éteint sa lucidité. La raison perd déjà son combat. Son cœur exalté devient le simple spectateur de sa lente descente et bientôt, de sa rencontre avec l'objet saillant qui le désire.
Il pose un coup d'œil nerveux sur les portes closes, puis l'indécision se fait emporter. Le membre de Yibo pointe contre sa bouche pour s'y introduire, le « mais » s'envole. La satisfaction de détenir la virilité de son lion impétueux entre ses lèvres est indéniable. Il goûte sa longueur de toute sa langue, son humidité dans la chaleur de sa bouche. Sa rigidité gorgée de sang fait croître son propre plaisir, à la recherche d'une libération salvatrice. A genoux sur le sol froid, il presse sa paume contre son entrejambe mais son pantalon noir, trop épais, le prive de la moindre satisfaction.
Quelques gémissements grondent dans la gorge de Yibo. En réflexe, ses doigts s'agrippent aux cheveux de son amant mais il les retire bien vite et accompagne à deux mains ses mouvements de tête, de plus en plus rapides. Une bouffée de chaleur, montée vers la jouissance, fait perler une goutte de sueur sur sa tempe. Il saisit le regard brillant de son amant, voilé d'envie, puis plaque une paume contre la paroi de l'ascenseur et s'enfonce plus loin dans sa bouche, lui arrachant au passage une petite larme. Ignorée, l'érection de Zhan devient une torture. Ses doigts se plantent dans les cuisses de son partenaire, entre deux soupirs enflammés. Si seulement ils étaient dans une chambre...
Submergé par le plaisir, Yibo enfourne son membre dans des va-et-vient de plus en plus vigoureux ; le monde redevient inexistant. Au sommet de l'extase, il étrangle un long râle et se libère dans sa bouche, la tête rejetée en arrière. L'instant d'après, le mal se produit.
Alors qu'il s'écarte et que Zhan fait disparaître les traces de sa semence, la cage en acier fait un bond. Encore à genoux, il perd l'équilibre. De son côté, Yibo choisit de refermer sa braguette et, trop vite, les portes s'ouvrent.
Une jeune femme de la vingtaine tirée à quatre épingles apparaît. Dans sa main, la clef géométrique destinée à débloquer l'ascenseur. D'abord, elle semble surprise en voyant Zhan se relever avec un mouvement maladroit. Puis, son regard intercepte les doigts de Yibo, quittant tout juste sa fermeture éclair. Après un instant à s'attarder sur la fièvre de leurs deux visages, elle ouvre un regard écarquillé, une main à sa bouche.
Les joues de Yibo virent au cramoisi. Il reste pétrifié. Zhan se sent défaillir. Aussi écarlate que les deux acteurs, l'employée se retourne et balaye les environs du regard ; les équipes sont affairées en salle, et le renfoncement de l'ascenseur ne fait face qu'à quelques tables vides, un peu plus loin. En la voyant chercher quelqu'un du coin de l'œil, Zhan devient blanc comme un linge. Il s'agrippe à l'avant-bras de son compagnon, terrorisé. Lorsque l'employée découvre leur pâleur et le regard effrayé qu'ils échangent, elle fait venir une collègue. La nouvelle et gracieuse agente se penche devant les deux garçons avec déférence, puis la première les invite poliment à quitter l'ascenseur afin d'y pénétrer à leur place. Pris au piège tels deux condamnés misérables, les garçons obéissent à pas lents et cèdent la cabine à celle qui les dénoncera bientôt. Affligés, ils se retournent et découvrent le regard étrange de l'employée. Les yeux de la jeune femme se teintent d'une nouvelle douceur, presque compatissante, et lorsque les portes bougent à nouveau, elle prend par la main de son amie avec une tendresse qui se passe de mots. Zhan et Yibo ont tout juste le temps d'apercevoir son sourire sincère, avant que l'ascenseur ne les fasse disparaître. Le soulagement est sans nom. La chaleur s'évapore, la tension les libère.
Le tintement des couverts et le brouhaha des clients parviennent à nouveau à leurs oreilles. Zhan jette un regard noir au coupable, penaud.
— Cette nuit et les suivantes, tu peux te gratter.
Yibo froisse une moue contrite et le suit en silence jusqu'à la table de leur équipe.
L'endroit fourmille de gens fortunés ou du moins, d'un milieu tel que le leur. Nulle crainte de se faire importuner, donc. Le seul risque serait de se faire harponner par un ami ou une vieille connaissance. A en juger l'état d'ébriété déjà avancée de la plupart des membres du staff, leur présence n'a visiblement pas manqué au début du repas. Bonne nouvelle. Lorsque Zhan lève la main pour se manifester, Yibo l'arrête dans la rangée centrale et se plante devant lui.
— Qu'est-ce que tu veux encore, Lao Wang ?
S'il n'avait pas risqué gros par sa faute, Yibo s'autoriserait à fondre devant sa moue bougonne de petit lapin qui n'impressionne personne.
— Ta... frustration est... Ahem ! très visible en bas.
Les yeux de Zhan se baissent sur son bas-ventre. Non sans honte, il découvre la déformation de son pantalon. Avec toutes ces émotions, cette tension-là n'a pas eu l'occasion de redescendre. En plein restaurant, il ne peut se permettre de rester ainsi. Il se triture les doigts à hauteur de son entrejambe et fait volte-face.
— Où vas-tu ?
— Ne me suis pas et ne viens pas, grogne Zhan entre ses dents. Je vais aux toilettes régler ça. Toi, vas les rejoindre.
Rapide comme l'éclair, il disparaît à l'angle des sanitaires et Yibo reprend la direction de la table, bien vite accueilli par l'enthousiasme chaleureux de l'alcool.
Enfermé dans la dernière cabine au fond des W.C, Zhan souffle un bon coup, maudissant Yibo dans ses pensées. Cette nuit, il ne se passera rien. Il peut en être certain. Mais là-dessous, ce n'est pas la même conversation qui se tient.
Adossé au mur, il glisse sa main dans son pantalon, délivre son érection tenace et l'empoigne. Ses lèvres se pincent pour réprimer un soupir de soulagement. Enfin.
Les yeux fermés, il se perd dans le fantasme de ce que serait sa prochaine nuit dans la chambre de son fougueux amant. De quelle manière sauvage il se ferait prendre. Quels gestes audacieux surprendraient son esprit envoûté et le saisiraient à lui en faire perdre la raison. Comment ses mains avides parcourraient son corps alangui et le ferait trembler sous leurs caresses brutales. Ses dents d'alpha se planteraient à quelques endroits sensibles, autour de ses boutons de chairs délicats, les menaçant d'une morsure imminente, entre deux coups de langue. Puis ses coups de reins le feraient décoller au septième ciel, lui briseraient la voix, au cœur de sa violence exquise, presque animale, dont tous ses sens raffolent. Il serait capturé par cette possessivité féroce dont il ne peut plus se passer. Être entre les mains de Wang Yibo. En sa possession. Livré à sa jouissance. Ce sentiment vient à bout de son plaisir, libéré entre ses doigts.
Aussi silencieux qu'il puisse l'être, seuls quelques halètements légers lui échappent. Alors qu'il efface ses traces, un vertige manque de le faire chavirer. Étrange. Les bouffées de chaleur continuent à faire monter la température de son corps. Un nouvel effet secondaire ? Non, les troubles cardiaques sont censés être les premiers symptômes... Quoi d'autre ?
Quand ledit « quoi d'autre » lui traverse l'esprit, il se frappe le front. Ses chaleurs. Elles arrivent en ce moment-même. Pris au dépourvu, Zhan est néanmoins soulagé d'être à proximité de ses affaires. Il s'apprête à sortir des toilettes pour filer à sa chambre, lorsque la porte s'abat contre le mur. Deux braillards entrent. Il lâche aussitôt la poignée et recule en silence, priant pour qu'aucun d'entre eux ne remarque ses nouvelles phéromones.
Très peu d'hommes oméga se trouvent dans ce genre d'hôtel, réservé à une clientèle bien spécifique. Les seuls présents sont des femmes, des garçons de chambre, ou des hommes asservis à leurs supérieurs à un poste dégradant, quel qu'il soit. D'ordinaire, ne pas être obligé de se cacher du public derrière un masque est un atout, mais dans sa situation actuelle, son identité et sa nature sont mises à nues.
— Tu sens ?
— Un oméga en chaleur... ?
Zhan reste pétrifié, une main à sa bouche. Ces mots lui font l'effet d'une décharge électrique. Il s'empare de son téléphone et envoie un message rapide à Yibo, veillant à ne pas le laisser glisser de ses mains tremblantes. Il doit lui apporter son traitement pour couvrir ses phéromones, ou il devra attendre que ces hommes s'en aillent. Oui, ils ne vont pas s'attarder sur son odeur, après tout, ce restaurant n'est pas un banal club de débauche ou un simple bar de centre-ville.
La soirée du rut de Yibo lui revient en mémoire, ses espoirs se brisent. En vérité, les hommes riches ou de bonne éducation ne sont qu'une belle façade distinguée. Leurs actes ne valent pas mieux que les pervers affirmés.
Claquant sur le carrelage en direction de sa cabine, les pas d'un des deux inconnus hachent le silence. L'angoisse grimpe en flèche. Zhan se plaque contre le mur, les yeux rivés sur le loquet. La respiration de l'individu intrigué est perceptible même à travers la porte. Si la cloison ne les séparait pas, l'homme n'aurait qu'à tendre le bras pour le toucher. Le temps s'arrête, certains souvenirs resurgissent comme une suite de cauchemars éveillés. La gorge sèche, Zhan déglutit, tremblant, mais se jurant aussi de ne jamais revêtir une image de victime.
Curieusement, des vêtements se froissent et une articulation craque. Il fronce les sourcils, inquiet. Que manigancent ces hommes ? Pourquoi restent-ils muets ?
La porte s'ouvre à nouveau sur deux nouvelles personnes et, après une minute à écouter les discussions tenues à l'urinoir et le bruit de l'eau couler, la porte se referme à nouveau pour laisser planer un silence plus terrible encore.
Où sont passés les deux premiers hommes ? Sont-ils partis avec les derniers ? L'impression de se retrouver dans un guet-apens sinistre lui tord l'estomac.
Incapable de savoir s'il est à présent seul dans la pièce, il s'accroupit et enfouit son visage entre ses mains. Dans combien de temps Yibo va-t-il lui apporter son médicament ? A-t-il seulement vu son message ? S'il est pris dans les discussions animées, avec le brouhaha ambiant, il est fort probable que sa notification soit passée inaperçue. Mais d'habitude, Yibo n'est-il pas sans cesse derrière lui ? à le surprotéger, quitte à être parfois oppressant ? Dire qu'il y a quelques jours, il se plaignait de ses remontrances au sujet de ses repas trop légers – ou carrément sautés. Les dents serrées, il se maudit d'avoir reproché à son compagnon de l'étouffer. En ce moment, il donnerait tout pour avoir son attention.
Quelques minutes défilent, sous le joug d'un calme insupportable. S'il attend trop longtemps, les chances de se faire découvrir augmenteront. Mais si jamais l'un de ces hommes est caché en cabine, dans l'attente du bruit de son loquet...
Une longue inspiration, puis Zhan pince le bout de métal froid entre ses doigts et le soulève d'un geste lent, avec l'espoir de ne provoquer aucun crissement. La porte s'ouvre, son grincement déchire le silence.
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N/A
Chaleur et tension au programme...
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