Chapitre 28

La lueur du jour tire lentement Yibo de son sommeil. Bien que courte, cette nuit aura été fort bénéfique. Son corps est libéré de toute tension, et une grande sérénité l'habite. Son rut n'est plus qu'un lointain souvenir, grâce au nouage. Profond soulagement.

Ses yeux se posent sur les nombreuses éraflures et empreintes rougeâtres qui parsèment la peau de Zhan. A quel point se sent-il coupable de l'avoir malmené ainsi... Il dépose un baiser délicat sur ses lèvres meurtries et le love contre lui. Bercé par sa chaleur, Zhan émerge au sein de sa tendresse, caressé par son réconfortant parfum.

 

Durant le déjeuner, les directeurs se félicitent de la soirée arrosée de la veille. Malgré les états comateux, tout le monde est à son poste, opérationnel. La rigueur est de mise.

Durant une énième séance de maquillage, sous un soleil de plomb, les deux garçons croisent à de multiples reprises le regard de Zhuocheng. Une petite crispation rend l'ambiance entre eux électrique, sans que le couple n'en connaisse les raisons. Peut-être est-ce le fait de devoir couvrir leur relation défendue ? Cette inquiétude serait compréhensible. Zhan, qui tient à remercier son ami pour son geste, l'entraîne derrière quelques arbres isolés.

— N'en parlons plus, lui répond Zhuocheng en se détournant. Mais, Zhan...

Son expression s'aggrave.

— Vous savez l'un comme l'autre que vous ne pourrez pas vivre cet amour au grand jour. A moins que vous teniez à vous détruire, vous savez ce qui devra arriver, tôt ou tard... Une femme ou un oméga, pour le public...

Zhan baisse les yeux. Il ne préfère pas penser à cet avenir-là.

— Je sais. Mais il est le seul que j'ai jamais vraiment aimé. Nous sommes voués l'un à l'autre. Et ça... je ne peux pas aller contre.

—Je vois... acquiesce Zhuocheng en soupirant tristement. J'espère que tu seras heureux, Zhan. Quels que soient tes secrets...

Sa main traîne sur l'épaule de son ami lorsqu'il s'en retourne dans les loges, sa présence n'étant plus indispensable sur les lieux. Zhan fronce un sourcil intrigué en le regardant partir, habité par un sentiment étrange.

Les yeux rivés sur son téléphone, dans l'attente d'une courte marche vers le coin de nature propice à la suite du tournage, Yibo sent la présence de son partenaire derrière lui. Sa concentration interpelle Zhan qui jette une œillade – plus ou moins discrète – sur l'écran. Ou plutôt, sur le nom du destinataire. Yibo esquisse un sourire en coin.

— Seungyoun.

Pris sur le fait, Zhan sursaute.

— Quoi ?

— C'est Cho Seungyoun. Mon ami de UNIQ.

La nature de la relation – plutôt intime – qu'ont pu entretenir les deux garçons revient à la mémoire de Zhan. Il demeure perplexe, bien que son visage ne laisse rien paraître de son trouble. A une certaine époque, il a eu vent de quelques rumeurs concernant ces deux-là. Au sein d'un boys band, sans être proche des membres, il est difficile de distinguer les rapprochements réels de ceux crées pour le fan-service. Néanmoins, l'homosexualité de Yibo n'étant plus un secret pour bon nombre de personnes dans le milieu, sa proximité avec d'autres hommes prend un tout autre sens. Zhan hoche la tête, désinvolte, et emboîte le pas au cortège qui se met en route sur le sentier boisé.

— Quand tu veux espionner quelqu'un, soit plus subtil que ça, Lao Xiao, pouffe Yibo.

Le fautif lui renvoie un regard accusateur, presque surpris.

— Je ne "t'espionnais" pas. Tu t'imagines des choses, marmonne-t-il avec une moue boudeuse.

— Eh...

La main de Yibo se referme sur son bras.

— Pourrais-tu être... jaloux ?

— Hein ? Pourquoi, je devrais l'être ?

— Je ne sais pas. Peut-être que notre relation te cause un problème.

— Votre ancienne relation tu veux dire ? Je ne pense pas avoir de quoi m'inquiéter.

Provocation évidente de la part de son compagnon. Zhan lève les yeux au ciel, cramponné à son ventilateur. La jalousie est loin d'être dans sa nature, contrairement à son alpha, capable de massacrer toute personne qui oserait le toucher, même pour souligner un trait d'humour. C'est presque s'il l'assassine du regard lorsqu'il s'accoude à Ji Li ou à Zhuocheng, par moment. Ce garçon est d'une rare possessivité.

— Tu sais que la jalousie est un comportement à punir, Ge ? Et il m'en faut peu pour m'en donner l'envie...

— Ha ! C'est toi qui dis ça ? On croit rêver, Lao Wang. Moi, je ne suis pas jaloux. Par contre, toi, c'est une autre histoire.

— Et ça te dérange ? s'exclame le concerné en relevant le menton.

— Tant que tu n'attires pas l'attention...

Alors que l'équipe installe le matériel sur les lieux, face aux caméras – toujours à l'affût dans les environs – Yibo exprime son humeur joueuse sans plus de retenue. Il repère les objectifs espions et s'avance vers son partenaire. Une lueur taquine brille dans ses yeux. Une malice qui ne trompe pas Zhan.

— Arrête ça, Wang Yibo... marmonne-t-il dans sa barbe.

— Arrêter ? Vraiment ?

Sa voix se fait suave, assez secrète pour que ses mots ne soient perçus que par son amant.

— Ce n'est pas ce que tu disais cette nuit...

Le visage de Zhan s'empourpre. Il plisse un regard qui souligne le sarcasme de son rictus.

— Wang Yibo.

— Lao Xiao. Si je ne peux plus t'embêter, alors ma vie n'a plus de sens.

Zhan se mord la lèvre et le repousse. En réponse à cet affront – tant attendu –, Yibo lui attrape les poignets et lui croise les bras sur la poitrine tout en collant leurs deux corps l'un à l'autre. Aussitôt, les caméras se braquent sur eux. Le provocateur étire un sourire sournois. Tandis qu'il recule, les bras en croix verrouillés sur son torse, Zhan descelle l'instinct dominant qui teinte son regard sombre et enjôleur. Cette prédation connue de lui seul, retrouvée lors de leurs jeux de séduction, ceux qui les mènent sous les draps. Ce garçon est vraiment incontrôlable. Il est le véritable indompté de cette histoire.

Zhan se débat, nerveux.

— Wang Yibo... Arrête ça... !

Absolument pas gêné par les curieux et leurs expression amusées, Yibo finit malgré tout par mettre un terme au jeu et relâche son captif... non sans ponctuer sa libération d'un magistral coup de manche sur les fesses. Zhan se retourne, bouche bée, choqué par l'outrage. En guise de vengeance, il utilise la longueur de sa propre manche pour lui rendre sa fessée au coin de la hanche. Au vu des sourires surpris, l'attitude enjôleuse de Yibo semble distraire tout le staff.

Quel enfant...

Dans l'attente que le metteur en scène souffle ses ordres dans son mégaphone, Zhan se positionne au milieu du sentier, sa flûte entre les doigts. Une violente contraction le saisit soudain au thorax. Son souffle se coupe. La violence du spasme manque de le faire lâcher son instrument. Il se retient de flancher, effrayé par les palpitations aléatoires de son cœur. Sa main se crispe sur sa poitrine. Il tourne la tête, à la recherche de son unique soutien. Dès l'instant où Yibo intercepte son regard angoissé, il le rejoint à la hâte.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Sa fulgurante pâleur et sa posture légèrement courbée l'inquiètent. Il referme sa main sur son avant-bras tremblant.

— Zhan Ge, dis-moi ce qu'il t'arrive...

— Je ne sais pas... Ils ne doivent pas le voir... siffle Zhan entre ses dents, non sans peine.

Les directives ne tombant pas, Yibo l'accompagne jusqu'aux chaises pliantes qui trônent sous les tentes tout en s'efforçant de masquer son anxiété derrière son impassibilité habituelle. Zhan s'assoit de la manière la plus naturelle qu'il puisse feindre, tente de ne rien laisser paraître de sa souffrance. Sa cage thoracique se fait perforer de mille et un poignards. C'est presque si tous les nerfs autour de son cœur se tendaient, prêts à se déchirer. Sa mâchoire se contracte et ses yeux se ferment fort. La sueur qui perle sur son front n'est pas du au soleil, cette fois. Yibo le dévisage, muré dans un silence grave. Son impuissance le dévore. La voix de Zhan n'est qu'un murmure, un appel à l'aide essoufflé, en quête de réconfort.

— Bo Di...

— Je suis là, Ge Ge, je suis là... le rassure-t-il en serrant sa main autour de son avant-bras, à défaut de pouvoir se montrer plus expressif.

Il se fait violence pour ne pas se jeter à ses pieds.

— Je ne vais pas te laisser. Parle-moi, s'il te plaît. Parle-moi...

Incapable de répondre si ce n'est pour émettre un gémissement étranglé, Zhan subit les contractions comme un prisonnier encaisse ses coups de fouet. C'est sans doute la pire douleur qu'il ait jamais éprouvé.

Immanquablement, les regards finissent par se porter sur eux. Lorsque le directeur Chan se dirigent dans leur direction, Yibo retire sa main et se lève de sa chaise, droit comme un i.

— Un problème ?

— Je pense que Zhan Ge a une grosse insolation...

— Je vois. Apportez de l'eau ! hurle le réalisateur. Retournez un moment au studio, histoire qu'il se rafraîchisse et prenne l'air frais. On a déjà tout installé, on va régler les derniers trucs et attendre votre retour. Essayez de vous dépêcher, on n'a pas de temps à perdre.

Yibo réprime une moue amère et part aider son ami. Se dépêcher. L'un de ses acteurs principaux est dans un état déplorable mais il n'y a "pas de temps à perdre". Le rendement est tout ce qui importe à ce genre d'hommes.

Trois assistants et une maquilleuse escortent les deux garçons jusqu'aux lavabos d'une salle d'eau. Leur présence rendant les choses plus pénible encore pour Zhan, il les remercie et insiste pour les congédier au plus vite. Enfin seul, il abandonne son masque et s'écroule le long du mur. Yibo le rattrape de justesse au creux de son coude. Il s'agenouille à ses côtés.

— Zhan Ge ! Je t'en prie, dis-moi ce que tu as ! Tu dois aller à l'hôpital !

— Non... pas d'hôpital...

— Alors dis-moi quoi faire !

D'une main fébrile, Zhan lui tend son téléphone. Ses sueurs froides menacent de le faire sombrer dans l'inconscience.

— Docteur Fan...

Yibo s'exécute. Ils n'ont désormais que peu de temps avant de se faire rejoindre par le staff. Pire, que Chan débarque. Les minutes sont comptées. Heureusement, le médecin répond à la deuxième sonnerie. Yibo lui résume la situation dans un flot de paroles rythmé par son angoisse. Après explications, le silence du médecin inquiète les garçons d'une nouvelle manière.

— Docteur !? Que se passe-t-il ?!

— Wang Yibo, je ne peux pas vous parler de ce que mon patient ne vous a sûrement pas dit lui-même...

Yibo pose un regard confus sur son ami. Il ne faut que quelques instants à Zhan pour réaliser l'origine de son malaise. Son regard se fige dans le vide, agrandi. La douleur se consume, cède la place à une réalité bien plus terrible que ses maux. Un effroi qu'il n'avait encore jamais vécu jusque-là.

— Xiao Zhan... poursuit Fan. Tu ne peux pas garder ça pour toi.

Le médecin ferme les yeux.

— Du moins, plus maintenant...

Zhan se rapproche du téléphone avec une voix fébrile.

— Je... je ne pensais pas...

— Que ça ne manifesterait comme ça ? Ça n'allait pas tomber d'un coup, mon garçon.

Aussi abattu que terrifié, Zhan baisse la tête, les yeux rivés au sol, larmoyants. Sa souffrance prend une teinte bien plus sombre. Yibo le dévisage, en attente de ses précieuses réponses.

Attristé pour son jeune patient – lui-même, au fond, se refusait à voir ce jour arriver –, Fan froisse une moue peinée et retire ses lunettes pour se malaxer le front.

— Nous ferons des examens réguliers... Je vais te trouver une maladie ou un trouble cardiaque. Une excuse parfaite.

— Une excuse à quoi ?! s'écrie Yibo, en tension.

Les doigts de Zhan se referment sur son avant-bras dans le but de calmer son impatience. Ses vapeurs dissipées, sa peau humide frémit sous l'effet d'un frisson désagréable.

— Combien...

Nouveau silence du médecin. Anxiogène.

— Je ne peux pas te dire. Peut-être dix, peut-être plus. Mais en continuant ainsi, à ton rythme... sûrement huit, ou même cinq.

Zhan ferme les yeux, écrase une larme douloureuse.

— Je t'enverrai des médicaments pour mieux supporter les symptômes.

Le médecin hésite avant de prononcer les mots qui sonneront officiellement le glas. Le compte à rebours.

— Je suis désolé.

Le léger hochement de tête de Zhan met fin à l'appel. Dès que le silence se fait, Yibo saisit ses mains moites entre les siennes.

— Ge Ge...

D'une voix aussi terne que fragile, Zhan plonge son regard terne dans le sien et prononce les paroles destructrices.

— C'est le nombre d'années qu'il me reste à vivre.

Yibo réprime un vertige. Il s'accroche aux genoux de son compagnon pour ne pas vaciller et fige sur lui un regard horrifié. Puis, avant que ses émotions fulgurent, sa mémoire lui rappelle leurs premiers jours...

(...) Sais-tu par quoi je dois encore passer tous les jours pour cacher ma putain de vraie nature ?

(...) neuf ans de galères et de sacrifices simplement pour tenter d'avoir une vie « normale », encore quelques années...

Sa mâchoire se décroche. Le choc est violent. L'ébranle. Ses yeux se noient de larmes, perdus dans ceux de son amour dont le désespoir se révèle à travers son silence dénué de vie. Alors que ses lèvres tremblantes s'entrouvrent à nouveau, la porte s'abat contre le mur et tout un groupe de personnes pénètre dans la petite pièce.

Les membres de l'équipe s'accroupissent face à leur Wei Wuxian frissonnant, tentent de communiquer avec lui. Avec Yibo, aussi. Mais, isolés du reste du monde, liés l'un dans l'autre par une souffrance muette, leurs paroles ne sont que du bruit, inaudible. Des sons. Un écho lointain autour de leurs âmes délabrées.

Par un effort surhumain, quelques mots sortent de la bouche de Yibo. Mécaniques. Destinés à rassurer ceux qui attendent une réponse toute faite, sans rien percevoir du mal véritable imprégné dans les tressaillements de sa voix. Car il est le seul à pouvoir encore émettre quelque chose.


N/A

✒️ Mes cheeeeers lecteurs/rices, je vous retrouve à peine et déjà vous torture... A quel point suis-je cruelle ? Vous pouvez me lapider. *tend une poche de pierres*

MERCI de m'avoir attendue ! D'avoir patienté durant le gros de mes projets ! D'être revenu(e)s m'écrire durant cette attente 💜 vous êtes merveilleux.ses
Tendresse et chocolats, j'vous aime pt*.

Lecteurs : Patienter pour mieux prendre une gifle ? Aiya... Vas-y, file vite les pierres.
Vio : N'oubliez pas, j'aime mon Zhan Zhan🤫... Aïe ! 💥


 
Quand Yibo tient Zhan😏...
(à 01:05)

https://youtu.be/qCti2-CpI-0


En bonus sourire, du YiZhan complice 💕
(+ de l'amour + bastons + fessées)


❤️💚
🐰🦁

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