Chapitre 21


L'assaut de phéromones est plus pénible pour Zhan qu'il ne l'imaginait. Les effets ne se dissipent pas et la situation devient fort embarrassante. Il prend de profondes inspirations, crispé sur son siège. Son érection est comprimé dans son pantalon, douloureuse. L'envie est à présent une réelle obsession.

En le voyant tenter peiner seul, Yibo décide de s'arrêter sur le bas-côté de la petite route.

—  Tu veux remédier à ça ? dit-il en désignant son entrejambe.

—  Q-quoi ? Non ! Je vais me calmer tout seul...

Du mieux que son objectivité lui permette, Yibo réprime ses propres ardeurs pour rester calme. Il se pince les lèvres et inspire un grand coup.

—  Rappelle-toi. Je suis là pour t'aider. Et là...

Ses pupilles se dilatent en fixant l'envie saillante de Zhan.

—  Là, tu as clairement besoin de mon aide... souffle-t-il en détachant leurs deux ceintures. Demande moi de t'aider, Xiao Zhan...

Sa bouche s'approche de la sienne, dévorant du regard ses lèvres entrouvertes. Il niche une main dans sa nuque pour rapprocher son visage du sien et laisse traîner une main sur sa cuisse. Ce seul contact suffit à faire tressaillir son amant comme si chaque parcelle de son corps était électrisé.

—  Tu sais qu'avec moi tu peux te libérer... murmure Yibo devant sa bouche. S'il te plaît, laisse-toi aller...

Les mots refusent toujours de sortir de la bouche de Zhan, à l'inverse de son corps tout entier, suppliant l'homme de ses rêves. Il se mord la lèvre. Yibo passe son pouce sur cette dernière, meurtrie par la répression de son désir. Sa bouche frôle la sienne, attise le feu.

—  Demande-le moi... Je peux te soulager... susurre-t-il entre ses lèvres.

A défaut de pouvoir répondre, Zhan pose sa main sur la sienne et la déplace vers son entrejambe.

—  Juste... juste un peu...

L'accord à peine prononcé, Yibo fond sur sa bouche et déboutonne son pantalon afin de libérer son érection à l'agonie. Lorsque sa main se referme sur son membre, Zhan pousse un long gémissement de soulagement et s'agrippe à la portière, la tête balancée en arrière. Sa gorge, offerte à son amant, se fait parsemer de baisers enflammés ; délicate ponctuation aux vas et viens délicieux, chemin vers le septième ciel.

Cambré sur son siège, Zhan se libère rapidement entre les doigts de son alpha. Ses petits cris d'extase résonnent dans la voiture, terribles par leur érotisme. Entre deux souffles, il dévisage son libérateur, le regard voilé par la jouissance.

—  Yibo...

Ce dernier serre les dents, au bord du craquage. Son propre désir devient de plus en plus incontrôlable. Il ferme les yeux, la mâchoire contractée, et s'oblige à ne pas bouger.

—  Zhan, sors un instant de la voiture, s'il te plaît. Juste un instant.

—  Tu...

—  Vite.

—  ... Non.

Yibo ouvre de grands yeux surpris.

—  Je ne plaisante pas ! Sors maintenant !

—  Moi non plus, je ne plaisante pas. Je veux te faire plaisir.

—  Ne dis pas ça... ! geint Yibo entre ses dents serrées.

—  Cette fois, je le veux vraiment...

La main de Zhan se faufile dans son caleçon et délivre la – généreuse – longueur de son alpha torturé. Celui-ci lâche un long râle.

—  Tu me mets vraiment à rude épreuve, Xiao Zhan...

Un petit sourire malicieux étire les lèvres du concerné.

—  Attends que je sois vraiment en train de te tourmenter pour dire ça...

—  Ah ! Parce que tu crois que...

Yibo s'interrompt et reste bouche bée au même instant où celle de son partenaire prend possession de sa verge. Il peine à croire que ce moment est réel. Il s'agrippe au volant fermement dans le but de ne pas faire un geste qui le brusquerait. La langue de Zhan vient taquiner son bout perlant avec gourmandise, puis redescend sur le long de sa hampe pour en caresser les fines vallées, gorgées d'envie. Il l'engloutit ensuite à nouveau avec envie, ressentant ses moindres frémissements de sa virilité contre sa langue. Le plaisir de Yibo grandit, de longs frissons parcourent son bas-ventre, annonciateurs de jouissance.

—  Vas plus vite...

Zhan s'exécute, attentif à ses moindres désirs, et augmente l'intensité ainsi que la cadence de ses mouvements. Les gémissements de Yibo montent en puissance. Ses ongles se plantent dans le volant et sa tête penche en arrière. Son plaisir atteint son apogée et éclate en bouche de son tendre amant. Lorsque ce dernier se redresse, les lèvres humides de sa semence, Yibo essuie d'un revers de pouce le fluide sur son menton.

—  Tu es...

—  Je suis ?

—  Le pire des tortionnaires.

Zhan éclate de rire tout en lui remontant la braguette.

—  Tu ne sais à quel point tu me rends fou...

—  Hmm... J'aimerais bien le savoir...

—  Ne me tente pas, je n'ai pas encore repris la route, menace Yibo avec un regard de biais. Tu pourrais le regretter...

Rieur, Zhan se rattache. S'il avait su qu'ils seraient arrivés au point de partager une complicité autour de la chose... Finalement, c'est vrai, le sexe perd son côté effrayant lorsqu'il est vécu avec la bonne personne.

—  Alors, où va-t-on ? Avec tout ça, tu ne m'as pas dit le nom de ton hôtel.

Pensif, Zhan appuie une moue perplexe. Sans que son esprit ne s'oppose à cette idée, son cœur exprime son véritable désir.

—  Je préfère l'idée de la colocation, si tu es toujours partant..

—  ... Tu es sérieux ?

Le sourire de Zhan confirme bel et bien la réponse que son ami n'espérait plus. Les yeux de Yibo se mettent à pétiller de joie.

—  Très bien, cher colocataire. Pour payer ton loyer, tu pourras t'occuper des repas.

—  Parfait, j'adore cuisiner.

—  Et moi pas vraiment. C'est parfait. Mais si un jour je n'aime pas ton plat, tu devras m'offrir un autre type de compensation... On est d'accord ?

—  Ha ! Je le savais. Espèce de pervers, pouffe Zhan avec un regard malicieux... O.K. Deal...
 

Ses affaires installées pour de bon, Zhan ressent un profond soulagement. Il a beau être devenu le vulgaire jouet d'une dangereuse mafia la seule présence de son amour à ses côtés allège sa peine d'un poids immense. Au fond, seule la peur de souffrir les prive d'être ensemble. Par-dessus tout, celle de Zhan qui a déjà bien assez à supporter. Car en secret, leurs cœurs, eux, sont déjà liés. Et qu'importe la raison, les sentiments mènent déjà leur barque.

Tant qu'aucun poids ne s'ajoute, pourquoi ne pas rester proches ?

— Tu veux aller faire un tour, ce soir ? propose Yibo en remplissant deux coupes de vin.

—  Un tour ? Ou ça ?

—  Où tu veux. Peut-être que ça pourrait te changer les idées.

—  La dernière fois s'est plutôt mal terminée, se souvient Zhan avec une moue amère.

—  Certes, mais dorénavant, tu n'auras plus ce genre d'ennuis puisque je serai avec toi à chaque instant.

Yibo lui tend son verre tout en le dévorant du regard. Ses mains attrapent ses hanches et les pressent contre son bassin.

—  N'êtes-vous pas en train de profiter de la situation, cher garde du corps ?

—  Votre garde du corps est ici chez lui. Il fera ce que bon lui semblera.

—  Et ce vin, est-il censé me rendre ivre ?

—  Hm. Sans aucun doute.

Zhan lâche un petit rire. Il enroule ses bras autour du cou de son gardien et se rapproche de ses lèvres avec un air sulfureux.

—  Et si je refuse de me soumettre à vos ordres ?

—  Alors je devrais vous conduire à l'hôtel, où vous dormiriez seul.

—  Et ne voudriez-vous donc pas châtier mon impertinence ?

— C'est en vous privant de punition que je vous châtierai le mieux.

La moue renfrognée, Zhan assène un petit coup de dent vengeur sur la joue de son alpha.

—  Serait-ce une attaque ?!

—  Qui sait. Une provocation même, peut-être...

—  Je crois que tu serais loin d'assumer une provocation, rétorque Yibo en faisant reculer son oméga contre le plan de travail.

— Tu parles beaucoup trop, Wang Yibo.

—  Je pense que je vais devoir corriger ton insolence, finalement...

Un baiser enflammé met fin aux hostilités. Leurs langues fruitées échangent leurs humidités parfumées. Chaque souffle devient précieux. Les pensées s'évaporent, happées dans un océan de douceur. Zhan pose son verre sur le meuble d'une main aveugle, puis aventure ses doigts sous son tee-shirt de son amant, avide de sa chaleur. Yibo referme sa main sur son entrejambe, lui arrachant au passage un soupir de surprise.

—  Comment devrai-je te punir... murmure-t-il au creux de son oreille.

Un délicieux frisson d'excitation parcourt l'échine l'échine de Zhan. A quel point cette agressivité est-elle envoûtante dans la bouche de son aimé ? Il est le seul et unique homme sur cette Terre en mesure de le mettre en confiance en pareilles circonstances. Il déboutonne son propre pantalon et y introduit la main de son alpha.

—  Si tu manques d'inspiration, je peux t'aider...

—  Et moi qui te prenais pour un ange...

Yibo l'assoit sur le plan de travail, retire son pantalon d'un geste brusque et enroule ses jambes autour de sa taille pour laisser libre cours à ses instincts. Les cuisses écartées, Zhan se mord la lèvre et s'accroche à son cou, gémissant sous ses caresses expertes. Ses fesses se font pétrir avec envie, son entrée humide titiller avec une lenteur exquise.

Une dérangeante vibration retentit soudain depuis sa poche, dans son pantalon.

—  Hmm... Pas maintenant...

—  Dépêche-toi d'en finir, pour que j'en finisse avec toi... susurre Yibo en lui mordillant l'oreille.

Un petit sourire coquin file sur les lèvres de Zhan avant qu'il ne décroche.

—  Allô ?

—  Très cher, bonsoir.

Cette voix. Cette façon de parler. Non... Il pensait avoir quelques jours de répit...

—  A votre silence, j'en déduis que vous ne vous attendiez pas à avoir si vite de mes nouvelles, Monsieur Xiao

—  Non. En effet.

La froideur impromptue dans sa voix interpelle Yibo. Leurs regards se croisent, lourds d'un triste sens. Zhan baisse les yeux, la gorge serrée.

—  Je dois commencer ce soir, c'est ça...

—  Bonne conclusion. J'espère ne pas bousculer vos plans, se désole le mafieux, ironique.

—  J'avais prévu de vivre comme quelqu'un de normal, le temps d'une soirée. Pas de servir de jouet.

—  Vous m'en voyez navré, très cher. Toutefois, j'insiste, vous n'êtes pas un jouet. Vous êtes une pièce rare.

—  Pitié, arrêtez... grommèle l'acteur, irrité.

Tao lâche un petit rire fluet.

—  Vingt-deux heures. Si vous avez besoin d'une voiture, dites-le moi maintenant.

Zhan lève un regard indécis sur Yibo qui, ayant tout entendu de la conversation, se désigne de lui-même comme son chauffeur. Devrait-il le laisser l'y conduire ? Après une courte réflexion, son visage se referme.

—  Envoyez-moi quelqu'un.

Surpris, le laissé pour compte fronce les sourcils tandis que Zhan raccroche.

—  Pourquoi ? C'est à moi de te conduire là-bas.

—  Non. Ce n'est pas à toi.

Son regard se radoucit. Il effleure la joue de son ami, profondément chagriné.

—  Je ne te ferai pas subir ça.

—  C'est mon rôle !

—  Ton rôle est de me protéger quand il le faut, d'être présent durant mes chaleurs. Pas de participer à ça.

—  Je t'ai dit que je serai là même si tu ne me le demandes pas !

—  Wang Yibo !

A fleur de peau, les deux garçons se toisent, leur détresse partagée frôlant déjà les limites d'une sensibilité tue de force ; vouée au silence. Aux frontières de leurs sentiments les plus beaux, ceux qui devaient rester éloignés, loin, très loin de la toxicité de cette situation malsaine.

—  S'il te plaît, l'implore Zhan, ne me fais pas ça...

La bouche de Yibo frémit. Tantôt d'une parole, retenue pour ne pas heurter son amour, tantôt de la blessure qui les lie et les torture. Des paroles ont été dites, aujourd'hui. Et même s'il n'a rien juré devant Zhan, il se l'est juré à lui-même.

Il baisse la tête. L'inévitable est à sa porte. Il marque une longue pause puis articule d'une voix fragile.

—  Excuse-moi. Je resterai à ma place.

Voilà la douleur et la culpabilité qui rappellent à Zhan pourquoi il voulait rester seul. Son cœur se serre. A-t-il cru en une relation tendre et protectrice qui, confronté aux pires démons, ne lui ferait pas davantage de mal ? Il descend du meuble, renfile son pantalon et quitte la cuisine tout en laissant ses doigts glisser entre ceux de Yibo.

—  N'attends pas que je revienne pour dormir.

Non. Je t'attendrai juste pour pouvoir respirer à nouveau.

*sasaeng : fan coréen hystérique et possiblement dangereux envers son idol.

Cette affreuse porte rouge.

Zhan monte la marche du club tel un condamné. Déjà humilié avant même d'être touché. Son collier fictif d'appartenance pend déjà à son cou, rappel de la peine qui lui incombe s'il tente de le retirer. Face à lui-même, happé dans les différentes futures horreurs, il en vient même à pencher pour la morsure de son ex. Ce choix se reflète dans une moue d'écœurement. En arriver à une telle pensée... Il ferme les yeux. Son estomac se tord.a grande salle est éclairée, presque aussi vide que la dernière fois au moment de son départ. Le maître chanteur ne tarde pas à apparaître dans son champ de vision. Ce dernier dépose son verre à Whisky sur le comptoir, le visage illuminé d'une satisfaction malsaine. La mâchoire de Zhan se contracte.

—  Monsieur Xiao Zhan, quel honneur de vous retrouver.

—  Épargnez-moi votre condescendance, je vous en prie. Simplement ça. Est-ce que vous le pouvez ?

—  Les choses ne sont-elles pas plus douces avec un peu de légèreté ?

—  Pas ce genre de choses, non.

—  Bien. Alors, puisque vous voulez passer aux affaires sérieuses, soit. Suivez-moi.

Obéissant malgré lui, Zhan suit l'élégant costume bleu nuit de Tao. Toujours aussi fier et droit. Il passe une main dans sa chevelure argentée, d'un naturel sensuel. Le charisme de cet homme n'a d'égal que le danger qu'il représente.

—  Voici l'endroit où vous vous changerez, déclare-t-il en ouvrant une pièce spacieuse, digne d'une immense loge de tournage.

En découvrant ce nouvel espace préservé du public, rempli de stands et d'affaires luxueuses, Zhan réalise que les locaux du club sont bien plus grands que d'apparence.

—  Je vous laisse faire connaissance avec le reste de ma collection. Sachez cependant que vous avez l'interdiction formelle d'échanger à propos de vos secrets. Du moins, pour ceux qui le peuvent, rajoute-t-il en référence au doux parfum qui se dégage de son corps.

Zhan ne relève pas cette dernière pique et se contente de pénétrer dans la pièce sous les regards de ses camarades de peine. Ceux-ci lui accordent tout juste quelques secondes d'attention, trop centrés sur leur préparation.

La porte refermée, le nouveau venu demeure interdit, planté au milieu de la loge. Autour de lui, une dizaine de personnes, hommes et femmes confondus, s'affairent. Pas de sourires, à peine une complicité entre certains. Bagnards maussades. Au bout d'un moment interminable, un homme finit par le rejoindre, Zhan accepte son accueil chaleureux avec soulagement.

—  Enchanté, Xiao Zhan !

—  Oh, Wang Qing... !

—  Tristes circonstances pour se rencontrer, n'est-ce pas ? ricane l'acteur avec un rictus chagrin.

Zhan acquiesce avec la même tension. Il a toujours admiré le charme de cet homme. Sa douceur naturelle le met tout de suite en confiance.

Après avoir intercepté quelques regards désagréables en sa direction, Zhan s'éclaircit la voix, mal à l'aise. Pourquoi doit-il être le seul à voir son secret dévoilé aux yeux de tous ? à devoir subir tant de jugements ? C'est la première fois qu'il se retrouve mis à nu de la sorte... Nouvelle humiliation.

—  Sans te contrarier, je ne t'imaginais pas... enfin, tu vois... lâche Qing, sans médisance.

— Oui... être ce que je suis.

—  Tu sais, en vérité, prendre de tels risques depuis si longtemps pour vivre ton rêve, je trouve ça très courageux.

—  Ou totalement stupide.

—  Ha Ha ! Non, imprudent, certes, mais en aucun cas stupide.

— Eh bien, si je m'étais attendu à ce que Xiao Zhan soit un oméga ! aboie un autre personnage bien connu.

Un garçon plus jeune se dirige vers eux, les sourcils arqués de présomption. Son expression ne saurait être plus méprisante. Elle est celle qu'on crache au visage d'un imposteur. Zhan reconnaît tout de suite le chanteur Huang Zitao et son impertinence habituelle.

—  Fous lui la paix, Zitao. Tu crois pas que ça a dû être assez difficile pour lui ?

—  Ah ! On sait tous pourquoi t'es si gentil avec ce genre de nouveaux ! pouffe Zitao en relevant le menton, bras croisés.

—  Mais toi, on ne saura jamais pourquoi tu es aussi chiant, rétorque une très belle femme.

Elle lui assène une petite tape derrière la tête.

—  Eh !

—  Il reste ton aîné. Respecte-le.

Le jeune homme lève les yeux au ciel puis lance une œillade condescendante à l'imposteur avant de tourner les talons.

—  Oh, Liu Ximeizi... Merci d'avoir pris ma défense.

—  Ce n'est rien. Et toi, Wang Qing, sois sage, dit-elle en s'installant à un stand de maquillage.

—  Sage ? Pourquoi ne le serai-je pas ?

—  On le sait tous, Zitao a au moins raison sur ça, soupire-t-elle d'un air las.

Spectateur de leur discussion – presque taquine – Zhan se sent tout à coup gêné. Peu importe que ces personnes ne se connaissent pas à l'origine, il semble régner ici une atmosphère très spéciale. Piquante d'une franchise à toute épreuve. En réalité, chacun prend la liberté de faire subir ses humeurs aux autres, sans aucun scrupule. Zhan s'assoit face à un miroir et lâche un profond soupir, résigné. S'il avait su qu'il troquerait les stands de tournages pour celui de prostitués de luxe...

Sur recommandations de Wang Qing, Zhan enfile – comme les autres hommes de la collection – une chemise blanche et un pantalon de costume noir pour se fondre dans la masse. Il veille à camoufler son grain de beauté sous une bonne couche de fond de teint, puis parfait sa tenue du même loup doré que portent tous les hommes ; a contrario des femmes qui, dans leurs longues robes noires aux dos échancrés, arborent des loups d'un vermeil glamour.

—  Tiens, pour toi, lui dit Qing en lui tendant un large collier noir.

—  Quoi ?! On doit vraiment porter ça ?

—  Tao aime à dire que c'est sa manière de nous rappeler à qui nous appartenons. Nous, on les voit surtout comme une protection pour nos cous. Parce que si tu te fais mordre, crois-moi, ils n'iront pas tuer le ou la responsable pour si peu.

— Pourquoi tu en portes un ? remarque Zhan.

— Les clients sont tordus. Ils se foutent que tu sois alpha, bêta ou oméga. Tout ce qu'ils veulent, c'est laisser leur empreinte sur leur idole.

Zhan frémit.

— Sois vigilant. Les épaules ne peuvent pas être couvertes...

Alors qu'il se retourne, Qing est interpellé par sa morsure.

—  Tu as déjà quelqu'un ? rajoute l'acteur en désignant la cicatrice sur son cou.

—  Non. C'était... contre mon grès.

—  Oh. Tu m'en vois désolé. Raison de plus pour porter le collier.

A contre cœur, Zhan enserre la large lanière autour de son cou. Chaque fois qu'il croit que la situation ne peut être plus dégradante, elle le devient toujours. Dans le miroir, il se découvre pour la première fois avec une attache. Symbole de son asservissement ; soumission ultime.

Lorsque vient le début des festivités pour les riches invités, Zhan se faufile dans la file de célébrités hommes, derrière son seul ami du moment, et lui emboîte le pas. Au moins, il n'est pas obligé de sourire. Son précieux loup d'or dissimule son regard abattu. Même la peur a disparu. Il n'y a plus que la honte. Un vide total.

Présentés sur une petite scène tamisée aux côtés de cinq camarades féminines, l'acteur se sent comme une vulgaire marchandise. Une œuvre exposée lors d'une luxueuse vente aux enchères. A l'exception du fait qu'un tableau ne sera ô grand jamais maltraité. Cette impression d'être nu devant le monde entier est terrible ; son visage seul, dissimulé en partie derrière une fragile barrière dorée. Ce masque-là restera le pire de sa vie. Jamais il n'aurait cru connaître une telle bassesse. Piétiné par des comptes en banque sur patte, brillants de larges sourires vicieux. Ses yeux se ferment. Il refuse d'écouter un instant de plus l'indécent discours tenu par Tao pour ses membres dans le but de les aguicher.

Au bout de longues minutes, on lui tapote l'épaule pour aller vers la cabine dans laquelle il doit se rendre. La sentence vient de tomber.

Debout, apprêté comme un présent, Zhan se laisse dévorer du regard par l'homme bedonnant à qui il a été loué pour trente minutes. Il réprime un haut-le-cœur. Trente longues minutes de calvaire. Son envie de fuir se fait gifler par les raisons qui le maintiennent ici. Dans les clubs, il pouvait au moins choisir ses partenaires selon leurs physiques. Boire, se droguer pour amenuiser la chose. En ce moment, même la parole lui est ôtée. Il serre les dents, se force à ne pas afficher son dégoût. Le client l'examine avec admiration de la tête aux pieds.

—  Est-ce que c'est toi, Hu Yi Tian ? souffle-t-il en s'approchant de son visage pour mieux le contempler. Je voudrais tant que ce soit toi, j'ai payé déjà cinq fois pour toi...

Zhan déglutit. Il ne s'attendait pas à se faire détailler sous toutes les coutures. Cet homme a beau être riche, il a plus l'air d'un sasaeng* qu'autre chose. Lorsque le cinquantenaire effleure sa joue de ses doigts boudinés comme une fleur délicate, il use de toutes ses forces pour ne pas broncher. Il ne doit pas non plus prononcer un mot. Sa voix le trahirait à coup sûr. A quel point meurt-il d'envie d'envoyer paitre ce cinquantenaire bourru...

—  Non, ce n'est pas sa bouche. Peut-être...

Avant qu'il ne pousse trop loin l'analyse et ne perce son identité, Zhan se fait violence pour se déshabiller de lui-même et mettre fin à cet examen douteux.

—  Hmm, tu es pressé à ce que je vois. Bien. Continue, mets-toi nu et suce-moi.

Ces paroles giflent Zhan de plein fouet. Ordres atroces. Un goût infect lui parvient déjà à l'idée de prendre cet homme en bouche. Dire qu'il y a quelques heures, c'était son amour qu'il tenait entre ses lèvres... Peut-il essayer de remplacer l'horreur de ce moment par ce souvenir ? Les yeux fermés, il pense fort à Yibo. Très fort. Ignorant le plus possible la voix de ce grossier personnage qui parvient à ses oreilles. Se fraye un chemin jusqu'à son esprit. L'acte semble inhumain, en volonté. Néanmoins, il s'y raccroche de tout son cœur, priant pour que le temps défile le plus vite possible.

Sans précautions, l'homme le relève puis le retourne sur le lit pour commettre la chose. Celle si différente de ce qu'il partage avec son amour. Dans son enfer, une vérité le heurte. Une certitude, besoin pressant. Il doit le faire. Il doit transformer la chose pour de bon, de la bonne façon. Avec le seul homme qu'il désire sur cette terre. Le seul capable de compenser sa terrible réalité. Le purifier de tous les déchets qui salissent son corps. Oui, Yibo sera celui qui effacera les salissures de son être, purifiera son corps pollué. Le guérira chaque fois, par son amour. Il est son remède. La seule et unique solution à ses tourments, aussi impulsive et irrationnelle soit-elle. Et peu lui importe sa raison. En cet instant, la logique n'a plus sa place. Il n'a plus qu'une seule idée en tête. Celle qui lui permettra de ne pas sombrer dans la folie.



Son labeur achevé, Zhan pousse la porte de la loge où se trouvent désormais juste cinq personnes – les autres n'en ayant pas encore terminé avec leurs devoirs forcés. Les visages qu'il découvre sont aussi moroses que le sien. Aussi déprimés et dépourvus d'énergie. Finalement, il commence à croire que se montrer avenant dans cette pièce – symbole de leur misère – est bien plus difficile qu'il ne le pensait. Il compatit à ces aigreurs, dès son arrivée ; aux manques d'égards. En ces lieux, pourquoi en avoir ? Il compatit aussi à l'hostilité, puisée et alimentée chaque soir par une atmosphère maladive.

Lessivé, il baisse les yeux et part se doucher dans la salle d'eau mixte. Dans cet endroit, l'intimité n'existe pas, car elle ne compte pas. Leur maître-chanteur le sait. Il n'y a aucune sorte de désir, aucune lubricité dans les regards livides qui se promènent sur leurs nudités respectives. Pièce insalubre en elle-même par l'écho de leurs actes. Parenthèse à la pudeur.

Wang Qing pose une main bienveillante sur l'épaule de Zhan en le croisant au retour des douches.

—  Est-ce que tu arrives à penser à quelqu'un d'autre, toi ? demande Zhan d'une petite voix.

L'acteur esquisse un rictus terne, entaché par la fatigue morale.

—  Ne pense à rien. Et surtout pas à la personne que tu aimes, si jamais tu aimes. Ne mélange pas l'amour aux ordures. Révise ton script, pense à la prog' de ton prochain concert, au rhume de ton chat si tu veux. Mais surtout pas à l'amour.

Sa main glisse sur l'épaule humide de Zhan alors qu'il part à son tour se purifier sous l'eau. Ce dernier baisse les yeux, amer. Puisqu'il n'y a d'autre choix, alors il vivra. Il vivra plus qu'il n'endurera.
  

La gorge serrée, Yibo demeure éveillé sur le canapé malgré l'épuisement. Il est une heure du matin, en ce samedi. Et même si le planning est allégé grâce à l'absence de Wei Wuxian, il a toujours d'autres projets en cours. La journée du lendemain s'annonce rude. Ses nerfs le rongent. Et même s'il cédait à la fatigue, les cauchemars le réveilleraient dans l'horreur.

Les bruits à la porte le font bondir. Il se précipite sur la poignée, le cœur tambourinant. Comment va-t-il revenir ? dans quel triste état ? Et lui, comment doit-il agir ? que doit-il dire ?

Sur le pallier, les cheveux encore humides, Zhan le dévisage d'une manière que son ami ne lui connaissait pas. Une détermination, aussi vide de désespoir qu'enflammée. Avant qu'il n'ait le temps de prononcer un seul mot, Zhan l'embrasse à pleine bouche. Décontenancé, Yibo claque la porte du bout du pied. Lorsqu'il parvient enfin à décoller ses lèvres des siennes en encadrant sa mâchoire entre ses doigts, il fixe sur son aimé un regard confus.

—  Zhan, qu'est-ce que...

—  Wang Yibo, je veux le faire.

— ... Pardon ?

—  Faisons-le, maintenant. Faisons l'amour. Le vrai.

________

N/A
  

Encore un long chapitre !  Préférez-vous une histoire avec beaucoup de chapitres courts, ou moins de chapitres mais plus longs❓
 
 
En tout cas, j'espère que vous êtes prêt(e)s pour celui qui va suivre...
#spoiler🍋🤯🥴

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top