Chapitre 2

Des étoiles plein les yeux, Zhan se réveille en sueur, avec un mal de crâne monumental. S'affaler sur son canapé et s'endormir comme une masse après une première journée non-productive, une joie.

II se frappe le front pour punir son oubli.

—  Je dois appeler le Dr Fan...

Ses doigts pianotent le numéro personnel du médecin à toute allure. Le connaissant depuis ses dix ans, ce dernier s'est comporté avec lui comme un véritable psy, à ses heures perdues, en plus de changer sa vie grâce à ses grandes compétences. Depuis ses dix-sept ans, il est capable de se fondre dans une foule d'alphas sans se faire remarquer. Toutefois, après l'incident d'aujourd'hui, une petite mise au point est nécessaire. Et la remontrance qui suivra le sera sûrement, également...

— Zhan, comment vas-tu ? Nous nous sommes vus la semaine dernière, quelque chose ne va pas ?

—  Eh bien, j'ai comme qui dirait... eu un incident, tout à l'heure. C'était mon premier jour de travail et à l'idée de me retrouver avec mon nouveau partenaire, j'étais très angoissé alors... j'ai pris une double dose de Symbyxone. Vous savez, au cas où...

Le long soupir du vieux médecin en dit long sur son agacement.

—  Xiao Zhan...

Le jeune homme déglutit. Se faire appeler par son nom entier est le signe qu'il va se faire remonter les bretelles.

—  Tu connais les risques dus à la prise de tous les médicaments que tu prends et particulièrement le Symbyxone. Veux-tu avoir un infarctus en plein tournage ?

Zhan baisse les yeux avec la mine contrite d'un enfant.

—  Veux-tu aussi que je sois radié de l'ordre, ou peut-être même pire si on remontait jusqu'à moi ?

—  N-non ! Bien sûr que non, Dr Fan, je suis vraiment désolé...

—  La magie a ses limites, Xiao Zhan, marmonne le médecin.

Sa voix s'alourdit de chagrin.

—  Zhan, même en connaissant les conséquences que ces molécules ont sur ton organisme, tu décides malgré tout de risquer ta vie... 

—  Risquer ma vie pour ne pas la perdre.

—  Mon garçon...

—  Je sais, Dr Fan... murmure Zhan, la gorge serrée. Je ne veux pas vous causer d'ennuis.

—  Au-delà de ma carrière, tu es mon patient depuis que tu es gamin, je n'ai aucune envie d'avoir ta mort sur la conscience. Tu sais que j'ai accepté de faire toutes ces choses pour toi à cause de mon affection pour ta grand-mère et toi.

Un petit rictus attristé étire les lèvres de Zhan.

—  Je sais. Et pour chaque année que vous m'avez offerte depuis neuf ans, je vous en serai éternellement reconnaissant.

—  Chaque année que je t'offre... répète Fan avant de lâcher un pouffement lourd de culpabilité. Pour combien d'envolées en contrepartie...

—  Je préfère être heureux durant trente ans que d'en vivre soixante dix dans la souffrance. Vous le savez bien. Vous m'avez offert ce bonheur.

—  Eh bien, si tu ne veux pas raccourcir tes belles années de moitié, ne refais plus de surdosage.

—  C'est promis.

—  Pourquoi est-ce que j'ai du mal à te croire... bougonne le sexagénaire en raccrochant.

Les idées éclaircies et le corps rafraîchi après une douche vivifiante, l'acteur va se coucher l'esprit serein, son état normal enfin retrouvé après douze heures de calvaire.

Demain sera un autre jour. Un jour qu'il va attaquer avec bonne humeur. Plus d'appréhension ni de coup de folie. Les choses fileront droit, dorénavant. Sa volonté et son mental surpasseront tout le reste.

  

Ce matin, Xiao Zhan rejoint le studio après avoir pris sa propre voiture. Il retrouve avec joie les membres du staff et les gratifie d'un sourire si lumineux que même Wang Yibo ne peut l'ignorer. Il détaille son visage délicat, hypnotisé par son sourire gracieux. Sa douceur naturelle irradie littéralement son entourage. Il fronce les sourcils et détourne le regard, songeur, avant d'aller retrouver à son tour l'équipe.

—  Ça à l'air d'aller mieux aujourd'hui, remarque Yibo en les rejoignant.

—  Oui, je t'avais dit que tout irait mieux, se réjouit Zhan. Faisons du bon travail, aujourd'hui !

Ledit travail commence vite. Pas de temps à perdre. Et pourtant, à peine installé à côté de son partenaire pour étudier le script tous ensemble, la température corporelle de Zhan recommence à augmenter. Il retire sa veste pour la déposer sur le siège. L'assurance qu'il avait gagné se volatilise peu à peu. Rester calme. Zen.

En reprenant sa position, son bras gauche vient toucher celui de Yibo. Un long frisson lui parcourt l'échine. Frisson apparemment partagé, au vu de la réaction perturbée de ce dernier. Zhan décide de tourner la chose à la rigolade et simule une forte concentration pour les paroles du réalisateur Cheng qui ne font, en vérité, qu'effleurer son cerveau.

Yibo, lui, continue à le dévisager durant de longs instants avant de se replonger dans les indications de leur supérieur. Pourquoi a-t-il la sensation dérangeante que son collègue lui cache quelque chose ? Il ne parvient pas à comprendre ce qui cloche chez cet homme. Pourtant, il a l'impression de pouvoir lire sur son visage comme dans un livre ouvert – sans pour autant pouvoir en saisir le sens.

Malgré son manque d'expérience dans le monde du cinéma, Wang Yibo a toujours eu une grande perspicacité. Et même s'il reste froid avec les êtres dont il n'est pas proche, il parvient à cerner son entourage avec aisance. Mais en ce qui concerne Xiao Zhan... Il ressent tout et son contraire. De fortes émotions, nouvelles comme pleines d'une nostalgie méconnue ; une extrême méfiance, mêlée à une attirance inexplicable. Il doit en savoir plus sur lui. Savoir qui il est réellement et ce qui provoque ce tumulte agaçant de pensées radicalement opposées. Et au vu du temps qu'ils vont passer ensemble, ce ne sera qu'une question de temps.
 

Plus les heures passent et plus les sensations de Zhan sont similaires à celles de la veille. Il comprend, désormais, que son état est uniquement lié à son collègue. La surdose a peut-être aggravé ses symptômes mais c'est cet alpha qui est la cause de son malaise, pour une raison encore inconnue. Au milieu de toute une équipe, l'épreuve est conséquente.

Le réalisateur s'interrompt pour examiner le teint pâle de son second acteur principal.

—  Xiao Zhan, ça ne va pas ?

Tous les regards se braquent sur le concerné, ne faisant qu'aggraver davantage encore son malaise. Ses joues s'empourprent, contraste sur son visage blême.

— J'espère que tu n'es pas malade, ce n'est pas le moment de contaminer tout le monde.

—  N-non, pas du tout ! Ne vous inquiétez pas, directeur Cheng.

—  Alors sors prendre l'air quelques instants. Je dois m'absenter pour passer un appel de toute manière. Je vous quitte un moment.

Ravi que l'attention ne soit plus portée sur lui, Zhan se dépêche de se rendre aux toilettes pour se rafraîchir. Bien évidemment, son collègue loin de lui, toute sa tension diminue et sa température chute à nouveau. Quelques gouttes tombe de son visage mouillé sur son torse fin, dans l'encolure de son tee-shirt noir.

Il referme ses mains sur le bord de l'évier et se contemple dans le miroir afin d'éclaircir sa situation, clairement désespérée.
Il doit en parler au Dr Fan. S'ils ne trouvent pas tous deux un moyen de stopper ces bouffées de chaleur et ces vertiges au plus vite, il ne fera pas long feu ici.

— Xiao Zhan ?

L'appelé se retourne brusquement sur Yibo. Celui-ci le regarde avec un air préoccupé.

—  Qu'est-ce qu'il se passe ? dit-il en avançant vers lui.

Zhan recule au fur et à mesure que Yibo s'approche, si bien que ce dernier finit par comprendre l'origine du malaise. L'amertume se lit sur son expression.

—  C'est moi le problème, j'ai compris.

—  Que... non !

—  Arrête, je ne suis pas idiot. S'il te plaît, dis-moi ce qu'il ne va pas et je ferai mon possible pour y remédier. C'est mon premier grand rôle et j'y tiens. Nous avons un tournage important, on ne peut pas travailler dans ces conditions.

Ces mots ont l'effet d'une grande claque pour Zhan qui doit se maintenir fermement à l'évier pour ne pas flancher. Cette fois, il est réellement dans le pétrin.

—  Écoute, Wang Yibo, c'est à moi de gérer ce qu'il se passe. J'ai toujours géré les choses seul et j'y suis toujours arrivé. Alors, ne t'en fais pas pour le tournage. Ça ira.

—  ... Ça ne va déjà pas.

Zhan lui tourne le dos et ferme les yeux durant de longs instants pour se concentrer sur sa respiration. Lorsqu'il les rouvre, Yibo se trouve derrière lui. Il déglutit. Le regard noir de son partenaire le transperce. Une sueur froide le fait frémir.

Yibo hésite quelques instants. Après tout, son collègue a plus d'expérience, il est son aîné. Peut-il vraiment se montrer irrespectueux envers lui ? Malgré tout, son but est d'être mondialement connu. D'atteindre le podium des acteurs asiatiques les plus talentueux. Et pour cela, il ne se privera d'aucune opportunité, ne laissera personne devenir une entrave à ses rêves. Alors, si cet homme, aussi bon acteur soit-il, cache des choses qui pourraient nuire au tournage et donc à son parcours, il deviendra une pierre sur son chemin. Cela, il ne saurait le tolérer. Il s'est créé seul. Personne n'a le droit de lui voler une si belle opportunité dans sa carrière.

Il dévisage son collègue avec un air mauvais, à peine camouflé ; l'étincelle de rage est évidente. Mais après mûre réflexion, il décide de lui accorder le bénéfice du doute, une toute dernière fois. Il tourne les talons et se dirige vers la porte.

—  Je souhaite vraiment que tout se passe bien.

Une fois seul, Zhan retrouve à nouveau la fraîcheur. Un autre frémissement de chaud-froid lui glace la nuque. Il soupire, épuisé.

Ce garçon est tout sauf innocent. Dans ses yeux brillait la détermination à écraser les autres, afin de se retrouver au sommet. Un regard que Zhan connaît très bien dans le milieu du cinéma, loin de le rassurer.

Pourquoi a-t-il fallu que son corps réagisse à ce foutu prétentieux sans scrupules ?

Les jours passent. Dans la même et interminable souffrance, Zhan tente de passer un maximum de temps à bonne distance de son collègue. Tentative bien risible si on prend en compte la nature de leurs rôles à tous les deux...

Plus Zhan apprend à connaître son partenaire, et plus il le trouve parfait pour le rôle. A un point qu'il n'aurait pu imaginer. Lan Zhan est sa copie conforme. A l'exception que Lan Zhan est quelqu'un de paisible et de sain. Si seulement Yibo possédait sa sérénité et ne représentait pas une telle menace...

Heureusement, les autres collègues s'avèrent fort sympathiques, il s'entend déjà très bien avec. Particulièrement avec Wang Zhuocheng et Liu Haikuan qui tiennent respectivement les rôles de Jiang Cheng et Lan Xichen. Xuan Lulu, alias Jiang Yanli, est elle aussi doté d'un naturel joyeux, toujours pétillante.

Mais un bonheur n'étant jamais complet, Yibo ne peut disparaître. Si ce maudit alpha pouvait se débarrasser de lui ou le remplacer, Zhan est sûr qu'il le ferait sans hésiter. Malheureusement pour ses ambitions, il ne se laissera pas marcher dessus. Il a, sans conteste, bien plus d'expérience de vie pour pouvoir se laisser faire aussi facilement. « Ce milieu, c'est la jungle » lui avait-on dit. Sur ce plateau, il se croirait plutôt dans la savane, face à un lion rival qui attend la meilleure occasion de lui sauter à la gorge.

 

Les acteurs se prêtent au jeu des premières scènes à jouer sous les yeux attentifs du réalisateur Chan. Bien entendu, vient la première scène où Lan Zhan et Wei Ying (son propre rôle) se rapprochent physiquement. Une proximité bien au-delà de ce que son corps d'oméga est capable de tolérer, malgré son mental d'acier.
L'inévitable survient lorsque Yibo attrape son bras pour l'interrompre dans sa mélodie à la flûte. Une vague de chaleur submerge le pauvre acteur et il se met à tanguer.

—  Eh, Zhan...

Yibo maintient sa prise pour l'empêcher de tomber et hésite même à le rattraper avec sa seconde main mais son collègue s'immobilise, droit sur ses pieds. Les sourcils froncés, il dévisage son aîné, en pleine lutte contre lui-même. La scène continue comme si de rien était. Mais plus le contact perdure, plus le cœur des deux acteurs s'emballe. Cette fois, la même chaleur inonde Yibo. Dès l'instant où l'évidence est incontestable, il le fixe, stupéfié.

—  Non, Lan Zhan, pas comme ça ! Tu l'as reconnu mais tu restes froid, ne sois pas tant dans la surprise !

Mais l'émotion dans les yeux de Yibo étant bien réelle, ce dernier met du temps à émerger. La voix du réalisateur lui parvient enfin.

—  Lan Zhan ! Ohé !

Il pose un regard hébété sur Chan puis s'excuse pour son inattention et force une expression totalement neutre malgré le choc.

Je n'arrive pas à y croire. Attends qu'on se retrouve seuls, Xiao Zhan...


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N/A

Random du tournage pour une meilleure immersion 🎥🎬























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