Chapitre 17
L'adrénaline déferle dans les veines de Zhan. Dans le plus grand silence, il récupère ses clefs et se faufile jusqu'à sa chambre. S'il peut leur laisser croire qu'il n'est pas chez lui, ce n'est sûrement pas en les laissant traîner sur un meuble.
Il un œil sous le lit. Endroit préféré de toutes les victimes qui se sont faites un jour attrapées par le méchant dans tout mauvais films d'horreur. Il balaye la pièce du regard, dans l'angoisse du moment où il entendra le clic d'ouverture de sa porte d'entrée. D'ici quelques trop courtes secondes.
Son cœur bat à tout rompre. Le stress engourdi son esprit, mais il doit trouver où se cacher – ou une issue de secours. Il vise le balcon de sa chambre. La meilleure option à sa survie.
Tremblant comme une feuille, il ouvre sa porte fenêtre puis la referme toujours aussi silencieusement. L'air frais lui fouette le visage. Dehors, la situation s'avère plus périlleuse qu'il ne l'avait imaginée. S'il veut s'en sortir, il doit se faufiler sur le balcon voisin, séparé du sien par un mur d'un mètre. Une cloison épaisse à enjamber à la verticale par-dessus un vide vertigineux. Il déglutit. Penché au-dessus de la rambarde, Zhan contemple la rue dans laquelle résonne un trafic assourdissant, entre les buildings. Il recule, en proie à un vertige. Un frisson glacée remonte le long de son échine. En ce moment, les hommes ont sûrement déjà pénétré dans son appartement. Et d'un moment à l'autre, l'un d'entre eux ouvrira la baie vitrée, mettant fin à son existence. Pour de bon.
L'hésitation le paralyse. L'instant qui suivra sera peut-être celui de trop. Celui où il sera découvert en train d'enjamber ce fichu mur.
Il se penche à nouveau et réprime l'envie de regarder dans le vide pour se concentrer sur la rambarde du voisin. Après avoir soufflé un bon coup, il enjambe ses propres barreaux et reste dos au vide, face à sa vitre. La hantise de voir le visage d'un des intrus apparaitre derrière celle-ci lui retourne l'estomac.
Vite.
Le flanc gauche collé au dit mur, il se fait violence pour décrocher une première main et la fait glisser le long de la paroi rugueuse. Ses doigts avancent à tâtons, à la recherche de la barre voisine. Pourvu qu'il sente rapidement la froideur du métal sous sa paume. Lorsqu'il parvient enfin à s'en emparer, il resserre sa prise avec force. Il a beau maudire son corps, son mètre quatre-vingt-trois lui sauve la vie, aujourd'hui. Le plus difficile va être de détacher son pied gauche pour le porter aux barreaux voisins, à son tour. Mais lorsqu'il aperçoit du mouvement dans sa chambre, à travers la vitre, l'instinct de survie prend le relais et il envoie son pied rejoindre le même côté que sa main.
Mon Dieu, mon Dieu... faites que je ne meurs pas en tombant d'ici...
Les membres écartés le long de la séparation, Zhan serre plus fort que jamais sa main autour du barreau avant d'oser détacher les doigts de sa main droite. Son corps se retrouve ballant dans le vide, il étouffe un cri. Ses yeux se ferment pour fuir l'horreur. Ses doigts s'agrippent à la barre à en blanchir. Vite. Contre la paralysie, il remonte son poids et empoigne la rambarde de sa main droite, juste à côté de la gauche, puis, après s'être décalé, il enjambe enfin les barreaux. C'est au moment où ses pieds retombent sur le sol de son voisin qu'il entend sa vitre coulisser. Des pas lourds résonnent tout près. Il se plaque contre la maudite cloison, la remerciant cette fois d'être assez large pour ne pas permettre à ces sales types d'y glisser leurs têtes.
La discussion qui se tient sur son balcon l'incite à tendre l'oreille.
— ... Non. J'ai vérifié.
— Nulle part ?
— Y'a quand même des chances pour qu'il soit sorti...
Soudain, une horrible idée lui traverse l'esprit. Une idée qui le condamnerait à coup sûr, comme dans ces maudits scénarios s'il ne réagit pas très vite. Il attrape son téléphone et se dépêche de le mettre en silencieux. Soulagement. Une vingtaine de secondes plus tard, son écran s'illumine sur un nouveau message. Il soupire. S'il n'avait pas pensé à couper le son, ces malades auraient été capables d'enfoncer la porte de son voisin pour venir le chercher...
— ... Ouais, il va pas être content.
— C'est que partie remise...
D'ailleurs son voisin...
Ses yeux dévient vers la baie vitrée. Derrière elle, le visage irrité du quarantenaire apparaît, connu pour son sang chaud. La main de l'homme se referme sur la poignée, prêt à en découdre avec l'intrus.
Zhan se précipite sur la porte pour la maintenir fermée par la pulpe de ses doigts. En reconnaissant son jeune voisin, de nature discrète et très courtoise, l'homme s'arrête, confus. Face aux grands signes de négation de Zhan, il ne bouge plus, les sourcils froncés. A la hâte, Zhan le prie de patienter un court instant puis plaque son téléphone contre la vitre après y avoir pianoté quelques mots. Le voisin se penche pour découvrir le message, aussi concis qu'effrayants.
[ INTRUS CHEZ MOI. BALCON. DANGEREUX. PAS DE POLICE. SILENCE. ]
L'homme recule à l'intérieur de chez lui – le message a eu l'effet escompté. Zhan le supplie du regard d'obtempérer et de ne pas contacter les forces de l'ordre en s'agenouillant à terre, les mains jointes. Mais lorsque le voisin attrape son téléphone, ses espoirs s'envolent en un battement de cil.
— ... T'es sûr qu'il aurait pas pu descendre ?
— Comment il aurait fait ça ?
— Et par là ?
L'acteur ouvre un regard horrifié. Il tourne la tête vers son balcon.
— Tu vas pas enjamber quand même ?
— T'es toujours aussi froussard...
En reconnaissant le tremblement de sa rambarde, vibrant sous le poids d'un homme, son cœur tambourine dans sa poitrine. Il en tombe sur les fesses, les yeux larmoyants. Son arrêt de mort apparaîtra bientôt à l'angle du mur. L'enfer se dessine déjà devant lui. Il fige un regard désespéré dans le vide. Peut-être serait-il encore préférable d'abréger ses souffrances, ici et maintenant.
Une main tâte le mur, il bondit. Mais celle qui l'empoigne par le bras le fait frôler l'infarctus. En un éclair, le voisin l'attire à l'intérieur de son salon et referme la vitre derrière eux ainsi que ses rideaux blancs, semi-opaques.
Pétrifié, Zhan reste assis sur le sol. Les deux hommes échangent un regard silencieux, en pleine tension. Le quarantenaire s'écarte de sa fenêtre tandis que Zhan recule avec ses talons pour aller se cacher derrière le canapé. Dans l'attente du moment fatidique où l'intrus atterrira sur le balcon, ils restent tous les deux aussi immobiles que des statues. Enfin, l'individu franchi la balustrade. Leurs respirations se coupent. Le moindre mouvement, figé dans le temps. L'agresseur masqué fait quelques pas sur le balcon puis lâche un grognement mécontent. Puis, son regard se pose sur la baie vitrée. L'opacité du rideau écru occultant sa vue, il se dirige vers la vitre. Lorsqu'il tente de l'ouvrir en pressant ses doigts dessus, Zhan manque de chavirer. Une goutte de sueur froide perle le long de sa colonne vertébrale. Le voisin ne sourcille pas, ses yeux restent rivés sur la poignée. Quand l'acteur réalise que rien ne se produit, il relève le menton et découvre l'air rassurant de son voisin. La porte est verrouillée.
Il ferme les yeux, une larme de stress s'écrase sur sa joue. Bredouille, l'homme en noir rebrousse chemin par-dessus les barreaux avec une facilité déconcertante. Ce n'est à priori pas sa première ni sa dernière manœuvre du genre.
Le voisin s'approche de Zhan et lui tend une main pour l'aider à se relever.
— Qui sont ces gens ? s'enquiert-il à voix basse.
— Des personnes qu'il ne faut pas connaître si on tient à la vie.
— Et pourtant, vous les connaissez...
Le regard fuyant de l'acteur pousse l'homme à ne pas se montrer indiscret. Il tapote son épaule de manière bienveillante.
Au moment où des voix résonnent dans le couloir, l'appréhension remonte d'un cran. Ils veillent tous deux à se tenir à bonne distance de la porte mais également suffisamment proches pour discerner le silence qui signera la fin du cauchemar.
Finalement, le danger disparaît pour de bon. Zhan manque de s'écrouler. Il s'adosse contre un mur et se fait violence pour ne pas défaillir.
— Je vous apporte un thé et un verre d'eau.
— Monsieur Lee, tout à l'heure, je vous ai vu au téléphone...
— Oui, en effet. J'ai prévenu mon frère de ce qui se passait. Au cas où, on ne sait jamais.
— Oh, j'ai cru que... la police... Mon Dieu ! merci... soupire Zhan en passant une main soulagée sur son front brûlant.
— Ha ! Mon frère est dans l'armée ! C'est une bien meilleure garantie pour moi que la police, ricane-t-il avec fierté.
Zhan peine à émettre un petit rire léger qui, pourtant, fait chuter sa tension. Mais cette baisse de pression reste bloquée dans sa gorge. S'il relâchait vraiment ses nerfs maintenant, il s'effondrerait en sanglots devant son voisin. Et c'est tout ce qu'il souhaite éviter.
La seule chose qu'il désire est de déménager. Quitter cet endroit maudit au plus vite. Il n'est plus en sécurité, ici. Mais comment se fait-il qu'il n'ait pas reçu les fameux deux appels de son maître-chanteur qui étaient censés précédés la « visite » ? En y repensant, depuis l'heure du dîner d'hier soir, il n'a pas touché à son téléphone. Et il n'avait d'ailleurs aucune raison de s'en préoccuper étant donné qu'il était avec les seules personnes avec qui il devait être. Ou peut-être n'a-t-il simplement pas été assez attentif à ses appels, cette semaine. Certainement, même. Entre la fatigue et les manipulations de son ex, il en avait oublié Tao. Il s'est montré bien trop distrait, cela a failli lui coûter la vie.
— Vous avez un proche à prévenir ? Chez qui aller ?
— Je... oui. Je vais le faire tout de suite.
Le voisin dépose le thé sur la table basse et Zhan s'assoit en face de sa tasse, sur le confortable canapé en cuir.
— Il vaudrait mieux partir dès ce soir, ne pas rester chez vous si vous pouvez... C'est pas que je veuille vous dégager hein, s'amuse le quarantenaire.
— Non, vous avez raison. Ce soir, je ne serai plus là. Je dormirai ailleurs, confirme Zhan en fixant le liquide brûlant entre ses doigts toujours tremblants. Merci pour tout, Monsieur Lee.
Aux alentours de dix-huit heures trente, quelqu'un martèle la porte.
— Ce doit être mon collègue...
Dès que le voisin ouvre, Yibo se rue sur Zhan et le capture dans ses bras sous les yeux ébahis de l'homme.
— Hmm... collègue, hein... sourit-il.
— Tu n'as rien ?
— Non, Yi... Non, ne t'inquiète pas.
Après une flopée de remerciements, les deux garçons se dirigent vers l'appartement de Zhan. Ce dernier s'arrête devant, paralysé.
— Tu veux que j'aille chercher quelques affaires et tu m'attends là ?
— Non ! Pas moyen que je reste seul dans cet endroit. Allons-y ensemble. C'est... juste un mauvais moment à passer.
Une profonde inspiration, puis Zhan prend son courage à deux. Tremblant, il s'apprête à pousser la porte, quand les doigts de Yibo se glissent entre les siens. Zhan ouvre de grands yeux surpris sur lui. Sa tendresse le cajole sans besoin de mots. En vérité, si Yibo est à l'origine de ses maux, il détient aussi la clef de son cœur.
— Bon, eh bien...
— Eh bien, quoi ? répète Yibo, un sourcil arqué.
Zhan gratte les graviers du parking du bout de sa basket.
— Yibo, le temps que je trouve un appartement, ça peut prendre du temps, dit-il en pétrissant la hanse de son sac de voyage. Je peux aller à l'hôtel en attendant.
Offusqué comme jamais, Yibo se renfrogne. Il ouvre le coffre de sa voiture, dérobe son bagage pour l'y fourrer, et le referme avec une brutalité forte de sa vexation.
— Xiao Zhan.
Planté à quelques centimètres de son visage se refroidit.
— Monte dans cette voiture et ne me mets pas en colère.
— Mais comprends-moi, je ne veux pas te mettre dans une position...
— Xiao Zhan !
Le coupable roule des yeux puis remonte son masque sur son visage afin de dissimuler sa gêne. Bien qu'il meure d'envie d'aller chez son ami, seul endroit où il serait enfin en sécurité, il ne se sentait pas le droit de s'imposer.
— Tu vas rester chez moi le temps qu'il faudra.
Alors que le véhicule sort en marche arrière de sa place, les feux d'une moto s'allument dans la pénombre, prête à démarrer à son tour.
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N/A
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