Chapitre 11

Zhan quitte son appartement à la tombée de la nuit en toute tranquillité, bien caché derrière des vêtements sombres et amples. Cette journée de repos lui a fait grand bien.

Dans le taxi, le regard insistant du chauffeur le dérange. Derrière ses fines lunettes rondes, il dévisage l'homme qui ne se prive pas de le lorgner dans le rétroviseur central. Ses chaleurs dégagent-elles tant de phéromones ?

—  Vous êtes bien téméraire, jeune homme, remarque le quinquagénaire.

—  Je... vous demande pardon ?

—  Sortir librement comme ça, seul, c'est clairement un appel.

Zhan peine à réaliser les paroles choquantes qu'il vient d'entendre.

—  Un appel ? Puis-je vous demander en quoi mon état vous concerne ?

—  'Faut pas venir pleurer une fois que les choses sont arrivées, c'est tout c'que j'dis.

— Je rêve. Le respect d'autrui, ça vous dit quelque chose ? Tout ça parce qu'un homme est excité il peut se permettre de sauter sur quelqu'un ?

—  Pardon, hein, mais c'est la nature qui le veut.

—  La nature ?!

—  J'dis juste que 'faut prendre ses précautions, sinon c'qui arrive, bah c'est normal quoi.

L'exaspération forme un nœud dans la gorge de l'acteur.

—  Ce n'est pas normal, non ! Le mot viol, ça vous dit quelque chose ?!

—  Ah ! Tout d'suite les grands mots. Mon gars, quand on attire l'attention sur soi comme ça, c'est qu'au fond, on l'cherche un peu.

Outré par ces aberrations, Zhan décide de ne pas en supporter davantage.

—  Arrêtez-vous.

—  Ici ? Mais on est encore à deux minutes de votre...

—  Je vais marcher.

—  Dans votre état...

—  Dans mon état oui, et alors quoi ?! Est-ce que j'ai une maladie qui m'empêche de vivre seul ? Me bloque chez moi ?

—  Bah, c'est bien c'que font la plupart d'entre vous dans ces cas-là, alors...

—  Eh bien, moi, il est hors de question que je m'arrête de vivre pour les pulsions de c... d'alphas qui ne savent pas se tenir !

—  Bah, j'vous souhaite de tomber sur des types mariés comme moi, hein...

—  Oui, oui, c'est ça. Merci, au revoir.

Sans lui laisser le temps de cracher une autre réplique, Zhan claque la portière et s'empresse de rejoindre l'appartement de son ex.

— Quelle foutue plaie ce type. Mentalité de merde.

Sous l'éclairage grésillant des lampadaires de l'avenue déserte, Zhan presse le pas. Il baisse la tête, jetant quelques regards furtifs autour de lui. A l'affût du moindre bruit suspect qui viendrait du parc sur sa droite, plongé dans l'obscurité. La mise en garde du chauffeur accentue son anxiété. Malgré lui, et bien qu'il se refuse à se considérer comme une victime, il se retrouve à prier en son for intérieur pour ne croiser personne. Ou du moins, aucun alpha. Un couple le frôle sans être interpelé ; des bêtas. Quelle horrible et injuste sentiment que de se sentir en danger par le simple fait de se retrouver seul dans une rue...

  

Depuis sa grande baie vitrée, Wang Jin sirote un verre de rhum ambré. D'un geste sensuel, il passe une main dans ses cheveux pour les tirer en arrière puis ferme les yeux pour goûter chaque saveur délicate du liquide brûlant.

—  Jin...

Il tourne la tête vers une jeune et jolie blonde.

— T'es encore là ?

—  Est-ce que... est-ce que tu vas m'appeler ?

Il se pince l'arête du nez avant de se retourner, un rictus charmeur accroché aux lèvres.

—  Je te rappellerai, oui, murmure-t-il avec douceur. Mais maintenant, tu dois t'en aller. A moins que tu ne veuilles tomber sur mon ex.

La jeune femme glisse sa main entre les pans entrouverts de son peignoir anthracite et lève vers lui un regard chagriné.

—  Je suis désolée pour toi que tu aies à subir ce genre de choses...

—  Hmm... Tu sais, il ne vit pas des choses faciles, je ne me sentais pas de le laisser seul. Je devais l'aider.

—  Après tout le mal qu'il t'a fait, tu acceptes encore de l'aider, huit ans après... Tu es bien trop gentil, Jin.

Il dessine un sourire chargé de nostalgie, la main caressant la joue de son amie.

—  La dernière femme que j'ai fréquentée n'était pas de ton avis, se désole-t-il. Et elle ne se privera pas de me faire une réputation de salop.

—  Pff ! Eh bien, si j'entends parler de toi en mal, moi, je rétablirai la vérité. Tu es quelqu'un plein d'empathie, qui se sacrifie pour les autres. Tu mérites de trouver la bonne personne, déclare-t-elle avec une détermination innocente.

—  Eh bien, peut-être que je l'ai trouvée... lui susurre-t-il avec un regard profond.

—  Tu... tu parles sérieusement ?

Il baisse les yeux, torturé.

—  Je ne suis pas dans une bonne période, Zoey, tu le sais. Je ne veux pas faire de faux espoirs à de belles personnes comme toi, je te l'ai dit. Je ne suis pas... un homme fréquentable, dit-il avec un air fuyant.

—  Ne dis pas ça, je t'interdis de dire ça.

—  Pourtant, c'est la vérité. Je fais toujours souffrir ceux que j'aime. Je devrais rester seul.

—  Non, c'est faux. Tu es quelqu'un de brillant, de sensible... Tu as beaucoup à offrir. Tu es simplement tombé sur les mauvaises personnes.

Le regard de Jin s'égare dans le vide, hanté par le parfait mélange de ses mensonges et des méandres de son passé.

—  Je ne veux pas te faire de mal, Zoey...

—  Et moi je veux prendre soin de toi, car personne ne l'a fait avant.

—  ... Il me faut du temps. Je ne sais pas où j'en suis... Je ne sais vraiment plus.

—  Je serai là, je ne partirai pas, lui assure-t-elle avec amour.

Il presse son sourire chagrin contre sa bouche délicate. Subtile satisfaction.

Une fois son amante partie, sa joie réelle se révèle. D'impatience, il avale un nouveau verre d'une traite. L'homme de ses rêves franchira sa porte d'ici peu. C'est presque s'il en saliverait d'avance. Il passe sa langue sur ses lèvres.

—  Je vais rattraper le temps perdu...
  

En arrivant devant la porte, Zhan respire enfin. Lorsque son ex apparaît, sa mâchoire manque de se décrocher. Les muscles saillants de son torse nu perlent encore de sa récente douche – une musculature d'apollon. Quelque peu perturbé, l'acteur s'éclaircit la voix pour se redonner un semblant de contenance tandis que Jin hume les volutes sucrées de ses phéromones.

—  Hmm... En effet, il était temps que tu arrives.

A peine entré dans son appartement, son parfum exaltant se révèle, puissant. Jin se laisse happer par ses merveilles. Hypnotisé, aucune pensée lucide ne parvient plus à se frayer un chemin dans son esprit brumeux. Lui qui pensait s'attarder sur leur retrouvailles après tant d'années, il n'est déjà plus capable de tenir en place.

—  Jin, je suis content que...

 Zhan se retrouve plaqué contre le mur sans même l'avoir vu venir.

—  Jin !

—  Désolé je... j'aurai voulu attendre mais tu sens... beaucoup trop bon...

Aveuglé par ses ardeurs, Jin peine lui-même à se reconnaître. L'homme de ses rêves, l'être désirable de ses obsessions se tient entre ses mains. Et il vient d'enclencher quelque chose d'incontrôlable. La passion déferle dans ses veines et le submerge de la tête aux pieds.

Il enfouit son nez dans son cou frissonnant. La tentation d'enfoncer ses dents dans sa peau tendre le consume déjà. Mais il se retient. Il doit goûter au fruit de ses désirs. Cette chose précieuse dont il a rêvé maintes et maintes fois, depuis de tant années. La chose que Zhan s'était toujours refusé à lui donner, lorsqu'ils étaient ensemble. Et aujourd'hui, par le plus beau des hasards, il lui offre ce trésor inestimable de lui-même.

Il soulève son amant et enroule ses jambes autour de lui tout en l'embrassant avec langueur. Après l'avoir déposé sur son lit, il s'empresse d'ôter leurs vêtements et se force à marquer un temps d'arrêt pour admirer le superbe corps dénudé dont il a si souvent rêvé. Ses traits délicats, ses courbes laiteuses, tout droit dessinées de la main d'un ange... Inestimable satisfaction. Après avoir bousillé toutes ses relations et écumé nombre de ses nuits, sa divine drogue revient enfin à lui.

Zhan se revoit, huit ans en arrière, en train de lui refuser sa virginité. Jin était ce garçon doux qui l'aimait à la folie, aux petits soins pour lui. Aujourd'hui, alors que sa pureté n'est déjà qu'un lointain souvenir, ce garçon-là est un tout nouvel homme. Fort et ténébreux, prêt à le dévorer sur place. Ironie du sort.

En sentant sa langue s'aventurer vers son intimité, Zhan a un mouvement d'hésitation. Ce genre de pratiques lui est totalement étranger.

—  Laisse-moi faire...

—  Mais c'est...

—  J'ai l'habitude de tout ça. Laisse-moi gérer. Je m'occupe de tout.

Zhan se pince les lèvres, incapable de prononcer le moindre mot, tant par excitation que par  timidité. Enflammé à un point qu'il n'aurait jamais cru pouvoir connaître, Jin prend possession de son corps sans plus attendre.

Zhan se contracte. Il n'a pas sa substance salvatrice.

—  A-attends !

—  Zhan, tu m'en demandes trop... Ça va le faire, t'inquiète.

La douleur est la même que la première fois. Et son mal ne fait qu'amplifier au fur et à mesure qu'il son membre progresse en lui. Il s'agrippe aux avant-bras de son ex et se crispe dessus. Il doit surmonter ce moment, son organisme l'impose.

Tiraillé entre son envie et la souffrance de Zhan, Jin hésite à reprendre les choses plus en douceur. Mais détenir enfin l'objet de ses fantasmes décuple ses pulsions et sa conscience se fait balayer. Ses mouvements s'accentuent, les plaintes de son amant avec. Après tout, tout le monde le dit, les omégas sont habitués à ce genre de choses, il son venus au monde avec ce genre de fragilité. Doit-il donc se préoccuper de ses émotions maintenant ? Perte de temps. De toute manière, il n'a aucune crainte, son oméga ne s'enfuira pas. Il a bien trop besoin de lui.

Derrière la souffrance commencent à naître les prémices de l'ivresse. En voyant le visage de son amant dessiner sa jouissance, Jin se fait violence pour ne pas le mordre sauvagement. La faute à ne pas commettre, s'il ne veut pas le perdre.

Le regard vitreux, Zhan sent son partenaire se retirer et laisse retomber ses bras sur le matelas. Toutefois, ce corps divin, Jin compte bien s'en délecter un maximum. Et pour le moment, il est loin d'être rassasié.

—  Que... qu'est-ce que tu fais ? Jin ? On a fini...

—  Pas moi. Tu n'as jamais vu un alpha au sommet de son excitation, chaton... ? lui susurre son ex en le retournant sur le ventre.

—  Mais...

—  Plus on en fera maintenant, plus de temps libre tu auras demain...

—  Ah, oui ? Tu crois...

Encore occupé à examiner la véracité de son affirmation, Zhan laisse les mains de son ex poursuivre leurs délicieuses caresses. Jusqu'au moment où ses lèvres appliquent un suçon dans son cou.

—  Arrête ! Tu es fou ?! s'écrie Zhan en plaquant une main sur sa nuque. Je ne dois avoir aucune marque !

—  Oh... excuse-moi, j'avais oublié...

Alors que l'acteur se retourne pour foudroyer son ex du regard, celui-ci réprime un sourire réjoui. Bien entendu, il n'a rien oublié. Comme tout ce qui le concerne.

Son membre s'insère à nouveau, Zhan empoigne les draps. Les longs râles de Jin s'amplifient en même temps que ses coups de reins augmentent en puissance. Le ressenti de son amant ne rentre pas en compte. De toute façon, à un moment, il finira par jouir, lui aussi. Il peut donc bien supporter la douleur habituelle qui précède la jouissance. Et en effet, dans un réflexe purement mécanique et malgré son inconfort, lorsque son organe reçoit ses délices, Zhan frémit d'une seconde extase. Son corps est assouvi, à présent, mais le rapport n'en finit pas. Long, éreintant. Il sait à présent, ce qu'un alpha au mieux de sa vigueur signifie. Un fait qui est loin de le réconcilier avec ces hommes.

Il ne serait même plus capable de savoir si son dominant est venu une ou plusieurs fois, toute notion du temps ayant disparu dans son esprit vaporeux. Mais peu importe. Tant que la durée peut lui offrir quelques heures de liberté en plus pour le lendemain, il supportera ça. C'est un moindre mal par rapport à ce que ses semblables subissent tous les jours. Sans compter que sa souffrance à lui ne durera pas.

Après un temps interminable, et alors qu'il semble tomber à moitié dans les vapes, son pauvre corps est enfin libéré. Dès l'instant où sa tête touche l'oreiller, il sombre dans un profond sommeil.

Tout sourire, Jin contemple sa victoire, paisiblement endormie dans son lit. Le sien, et pas celui d'un autre. Cet être parfait est son plus beau trophée. Son oméga, son Xiao Zhan.

Il s'allonge auprès de lui, imprimant dans son esprit chaque parcelle de sa nudité. Du bout des doigts, il redessine les traits de sa bouche délicate avant d'y déposer un long et tendre baiser, puis l'attire contre lui et enfoui son nez dans ses cheveux pour s'enivrer de son odeur. L'unique parfum de ses rêves.

—  A quel point est-ce que tu me rends fou, Xiao Zhan... Tu es à moi. Et je ferai tout pour que tu restes à moi.

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