5
Le safari s'est merveilleusement bien déroulé, j'ai appris plusieurs choses, et je les ai inscrites dans mes notes.
Le paysage a été capturé avec mon appareil photo, et je me retrouve à baver devant la nature spectaculaire du pays.
La région abrite une faune extraordinaire, elle célèbre des troupeaux d'animaux sauvages tels que des zèbres et même des éléphants.
Tout était parfait. Excepté le fait que la présence d'Ethan m'a exaspéré.
Il a prétendu connaître chaques dires de la guide, il a répondu parfaitement à toutes les questions, alors que depuis que nous sommes arrivés, il n'a pas une seule fois ouvert son ordinateur.
Nous sommes rentrés dans le village et je n'ai pas tardé à travailler deux fois plus que lui. J'ai ouvert mon ordinateur et fait toutes les recherches possibles, puis j'ai commencé à monter mon projet.
J'ai donc une longueur d'avance par rapport à lui.
– Arrête de bouger ta jambe, tu me stresses, m'ordonne-t-il, allongé sur mon lit.
– Tarzan, tu es censé rester dans ta tanière.
Il soupire et tourne la page de son roman. Intriguée, je tente de voir le titre du livre mais il est dos à moi, je n'aperçois donc que les pages de ce dernier.
Ethan se tourne vers moi et fronce les sourcils.
– Quoi ? lui demandé-je, agacée.
– Ça fait du bien d'avoir un moment de silence. On dirait bien que tu as arrêté de casser les touches de ton clavier.
– Au moins, je travaille moi.
Il se retourne et réplique :
– Figure-toi que tu n'es pas la seule.
– Tu lis quoi ? demandé-je, interloquée, en cachant mon inquiétude.
– Un roman sur la tribu, on apprend plein de choses.
Mon coeur se serre.
– Tu savais que leur artisanat est vendu aux visiteurs pour contribuer à l'économie de la tribu ?
Les mains tremblantes, je feuillette rapidement mon carnet pour voir si j'ai noté cette information qui semble m'avoir échappé.
J'écarquille les yeux lorsque je ne la trouve pas.
– Où t'as trouvé ça ?! interrogé-je, préoccupée.
– Dans le livre, dit-il simplement.
Je me lève brusquement de la chaise en bois et j'arrache de ses mains son roman.
– Eh, doucement !
– Je n'ai jamais vu de livre qui parle de cette tribu, où l'as-tu trouvé ?!
Il hausse les sourcils plusieurs fois pour me provoquer et je serre des poings.
– Je ne rigole pas Ethan, réponds moi.
Il se met debout et s'approche de moi.
– Tu vas faire quoi sinon ?
Ce mec me tape sur le système.
– Ne me provoque pas.
– Il faut vraiment que tu te calmes, ce projet te monte à la tête.
– Evite de me donner encore des leçons morales, parce que chacun voit les choses comme il le veut.
– Mais ça, je l'ai bien compris, ne t'en fais pas. Mais, je ne vais pas me répéter, calme toi avec moi.
Il me retire le roman sèchement, et fait quelques pas vers moi. Mon dos finit par être collé contre le mur, et pour la première fois depuis notre rencontre, je prends peur.
– Tu m'as tapé sur le système toute la journée à me lancer des piques, je ne suis pas ton copain Elena.
Ses pupilles noisettes s'assombrissent et la façon dont il prononce mon prénom me donne des frissons désagréables.
Bien que je ne l'ai jamais vu violent, je reste vigilante, car la fureur dans ses yeux n'a rien d'amicale.
– J'ai trop été gentil avec toi, et maintenant, tu te crois tout permis, seulement parce que les femmes sont derrière toi. Que je sois à la lisière du village ou ici, sois consciente que je ne tolérerai pas un nouveau manque de respect de ta part, est-ce que j'ai été clair Elena ?
Je déglutis, ma gorge devient sèche. Chaque mot qui sort de sa bouche me fait l'effet d'une douche froide.
J'ai conscience que je l'ai titillé toute la journée et que même si je le voyais se raidir, je continuais. Mais je ne peux pas m'empêcher de le vanner. Il se croit supérieur avec son air confiant, il se prend pour Monsieur-je-sais-tout. Et ça m'agace.
Nous nous sommes détestés dès notre première rencontre et un an plus tard, ça n'a pas changé, bien au contraire.
Je dessine avec ma main, les contours de mon tatouage, le papillon pour me donner du courage, puis la tête levée, je dis :
– Ce n'est pas ma faute si tu n'arrives pas à entendre la vérité. Tu n'as pas ta place ici Ethan, et je compte bien te le faire comprendre. Je serais la personne qui représentera notre société, je tenais juste à te le faire remarquer. Ta place est sous un arbre, donc reste-y.
Il aborde un sourire au coin et je tente de ne pas me laisser abattre face à son comportement hautain.
– En fait, sous tes airs de grande dame, tu n'es qu'une gamine. Tu n'as tellement pas confiance en ton travail que tu es obligé de me rabaisser.
Je serre mes dents et croise les bras en dessous de ma poitrine.
– J'ai seulement dis la vérité, Ethan, si tu ne veux pas l'affronter, c'est ton problème.
Il ricane et s'éloigne.
– Tu as juste peur.
Je m'apprête à répliquer mais il me coupe :
– Je te prêterai mon roman, si tu le veux tant que ça. Ce n'est pas à cause de ça, que je vais perdre.
Il me fait un clin d'œil et ouvre ensuite la porte, puis juste avant de sortir, il me dit :
– Va prendre une douche, ce travail te monte tellement à la tête que tu pues.
Puis il claque la porte et je grogne en tapant des pieds telle une hystérique.
– Je le déteste.
***
Une semaine s'est écoulée depuis notre arrivée, et Ethan dort encore à la périphérie du village. A mesure que les jours défilent, il subit un rejet de plus en plus marqué par la tribu.
Il tente souvent de jouer avec les enfants après le repas, mais les femmes l'en empêche toujours. Et je me suis souvent surprise à avoir, malgré moi, de l'empathie face à sa solitude.
Depuis trois jours, Ethan s'allonge par terre et regarde les étoiles en bougeant ses lèvres, parlant à je ne sais qui.
J'ai tenté de lui demander à qui s'adressait-il, mais il s'est renfermé et est retourné dans son abri.
Sous le manteau étoilé du ciel affricain, nous sommes, à présent, réunis autour d'un feu de camp. Malaika, une sage femme agée nous raconte son histoire touchant, elle s'est enfuie de son mari qui l'a battait et profitait d'elle pratiquement tous les soirs.
Je ressens de l'admiration face à toutes ces personnes qui nous racontent l'enfer qu'elles ont dû traverser et pour la première fois, je ne touche pas une seule fois mon carnet et écoute attentivement ce que Malaika nous dit.
En écoutant son récit, mes yeux se remplissent de larmes et je sens le regard insistant de mon concurrent, à ma droite, mais je tente de ne pas y prêter attention.
Je suis admirative de leur résilience, j'aurais tant aimé que ma mère possède leur courage.
Je me remets de mes émotions lorsque tout le monde applaudit cette survivante et me replace correctement à même le sol en tailleur. Ethan, lui, se lève et part s'asseoir près de Mary, à ma gauche.
Il est plus près de moi, je me crispe.
Nia, une jeune femme avec qui j'ai sympathisé depuis le début, vient à mes côtés et pose sa tête sur mon épaule. Je lui caresse les cheveux et ferme les yeux, en écoutant le feu crépiter.
– Vous êtes extrêmement forte, lui dis-je en embrassant sa tête. Toutes.
Âgée de seize ans, Nia s'est fait rejeté par ses parents, l'année dernière et s'est sauvée d'un mariage forcé. Elle a été accueillie par Faith, la leader.
– Ce village m'a sauvé Elena, m'avoue-t-elle avec un accent. Sans Umoja, je serais avec ce brut et Dieu seul sait ce que j'aurais enduré.
Je secoue frénétiquement la tête et ressens une pointe d'amertume.
– Ne pense pas à ça ma belle, la rassuré-je en caressant sa main. Tu es en sécurité, avec ces magnifiques femmes qui s'occupent parfaitement bien de vous.
Elle m'embrasse sur la joue et dessine mon tatouage avec ses doigts, je souris tristement.
– Ton papillon a une signification ?
Je hoche la tête et le regarde émerveillée.
– Laquelle ?
– Le renouveau et la liberté.
– Liberté ?
Je confirme à nouveau.
– J'aime beaucoup, tu l'as fait pour quoi ?
J'avale difficilement ma salive.
– Je suis partie de chez ma mère à dix huit ans, j'ai alors pris mon envol.
Comme les battements des ailes du papillon.
– Pourquoi tu es partie de chez ta maman ? Elle t'a rejeté aussi ?
Mon corps se remplit d'une chaleur désagréable, mais je prends la décision de ne pas faire attention à cette sensation.
– C'était compliqué, un peu comme ça aussi oui. Elle n'avait pas de situation et elle se droguait alors j'ai dû m'en sortir seule, avoué-je tristement.
– Et ton papa est où ?
Je hausse les épaules.
– Parti quand j'étais petite.
– Tu n'avais pas de papa alors ?
– Non, que des hommes qui venaient et partaient.
– C'est triste.
J'étire à nouveau mes lèvres et lui embrasse sa joue.
– Elle était méchante ta maman toi aussi ?
– Très, lui confié-je en retroussant le nez.
– Tu aurais dû venir à Umoja, on t'aurait accueilli.
Je ne dis rien et la prends dans mes bras pendant qu'une larme nostalgique coule sur ma joue gauche.
Oui, j'aurais pu.
– Ne t'en fais pas, j'ai refait ma vie. C'est pour ça que ce papillon est là. Pour me donner du courage et de la force, c'est un peu comme votre tribu.
– J'aime bien l'idée.
Je la regarde dans ses yeux noirs et prend son magnifique visage entre mes mains.
– Ne renonce jamais à ta vie, quoi qu'il arrive Nia. Bats-toi pour tes rêves et réalise-les. Tu as une longue et belle vie qui t'attend, j'en suis persuadée, d'accord ? Tu es incroyablement forte, ne l'oublie jamais.
Elle acquiesce, touchée par mes paroles sincères.
– Tu l'es aussi Elena.
Interloquée, je tourne ma tête vers Mary.
– Pas aussi forte que vous, crois-moi, je vous envie.
– Ton regard exprime tellement de choses, tu as été forgée par la vie, je le ressens à travers ton âme abîmée. Mais tu es pleine de vie, alors applique aussi tes conseils.
J'entrouvre mes lèvres pour dire quelque chose, mais lorsque je vois Ethan nous écouter attentivement, je me crispe.
Son regard croise le mien, aucune émotion traverse ses iris, mais je comprends bien qu'il a tout entendu.
Ma poitrine se soulève lourdement et la sienne aussi, il semble être tendu. Mary parle à la jeune femme et confirme mes dire, mais je suis bien trop préoccupée pour les entendre.
Seul l'écoute des battements de mon cœur me parvient à mes oreilles.
Ethan ne me lâche pas d'une semelle, nous restons quelques secondes à nous fixer sans qu'une seule personne n'ouvre sa bouche.
J'arque un sourcil lorsque je vois une émotion qui me déplait traverser son regard.
De la pitié.
Sans plus attendre, je salue les filles et me dirige vers mon lodge en me maudissant intérieurement.
Je cligne des yeux plusieurs fois pour chasser mes anciens monstres qui tentent de prendre possession de mon corps.
Plus jeune, la reine des enfers m'avait enchaîné et enfermée dans un endroit où reflétait sa couronne. Telle une vipère, elle s'était faufilée dans mon âme, avait pris le contrôle de ma personne et m'avait transformé en une femme remplie d'amertume.
La dépression m'avait tenu tellement fort que j'avais été bloquée entre ses tentacules, mais j'avais finalement réussi à m'en sortir et à gagner le rivage, je ne me laisserai donc plus emporter par les abysses.
– Reprends-toi Elena, me chuchoté-je en marchant.
Le passé se repose, certes, hors de notre vue, mais il lui arrive par moment de danser dans les recoins de nos pensées pour nous hanter.
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Ig : Lynamimy
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