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Vêtue d'un survêtement gris et d'une casquette, j'attends à l'aéroport de Paris avec Ethan, notre deuxième avion direction Nairobi, la capitale du Kenya.

Ma jambe ne cesse de trembler tant l'excitation me consume. Nous sommes assis dans le Starbucks de l'aéroport Charles de Gaulle, je suis sur l'ordinateur tandis que mon voisin joue aux mots fléchés.

– Tu n'es pas croyable, se moque-t-il.

Je me tourne légèrement vers lui et lui lance un regard noir.

– Qu'est-ce que tu veux ?
– T'es vraiment en train de faire des recherches sur le village ?
– Et alors ?
– Maintenant ? rit-il.
– Mais c'est ton problème Ethan ? Tu fais ta vie et je fais la mienne.

Il roule des yeux.

– Tu veux trop prouver.

J'entrouvre les lèvres, offusquée, mais je tente de faire abstraction aux piques qu'il me lance. Je place ma casquette à l'envers et continue de prendre des notes en sirotant mon Macchiato caramel.

Le froid hivernal à Paris engourdit mes articulations, et j'ai hâte d'arriver en Afrique où, contrairement à ici, la chaleur est au rendez-vous. La météo annonce 21 degrés, ce qui sera un agréable contraste avec les 5 degrés auxquels nous sommes habitués. 

Car, bien que Nice soit située dans le sud, cet hiver est étonnamment glacial. 

Je range rapidement mes affaires lorsque notre vol est annoncé et cours rejoindre mon concurrent qui est déjà en train de marcher pour monter dans notre avion.

Il est 10h10 et nous arriverons à 20h45 à l'aéroport Jomo Kenyatta, j'ai donc 8h35 à supporter aux côtés de mon ennemi juré, je soupire déjà.

***

– Pose ton carnet, tu me stresses, putain.
– Mais ferme la Ethan.
– Ça ne fait même pas deux heures que nous sommes dans les airs, et tu te fais des questions réponses toute seule sur le Kenya alors qu'on n'est même pas arrivés sur leur terre. T'es une malade mentale, me chuchote-t-il.
– C'est ton problème ?
– Du moment que t'es assise à côté de moi, oui.

Je fixe ses longs cils et je m'imagine les arracher un par un.

– Pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Je t'imagine sans cils, je te les arracherai un par un, dis-je d'une voix tranchante.
– Et je te les ferai bouffer.
– Clochard.
– Rajoute un "e" à la fin, je suis sûr que tu parlais de toi.
– Je te déteste Ethan, je te déteste.

Je ferme violemment mon carnet et pose ma tête dessus.

– Un mois avec toi, comment je vais faire ? pleurniché-je.
– Et que dois-je dire moi ?

Je lui lance un énième scarface et tente de poser ma tête contre le siège pour me reposer un peu.

Nous sommes quatre sur notre rangée, Ethan est du côté de la fenêtre, je suis assise à côté, puis à ma droite se trouve une jeune française blonde, habillée de rose de la tête au pied, le stéréotype de la bimbo, puis juste à sa droite, une vieille dame.

Absolument rien ne va.

Je mets mon podcast dans les oreilles que j'avais enregistré sur le village Umoja, je ferme les yeux et me laisse emporter par la voix féminine qui explique l'histoire de cette tribu.

Je dois me préparer intensivement pour le concours. Il est hors de question de me laisser distraire par d'autres pensées. Ce mois sera entièrement dédié à mon projet, et je ne prendrai même pas le temps de respirer tant que je n'aurai pas remporté cette victoire.

Ethan ne représente qu'un obstacle sur ma route.

Épuisée, je suis consumée par la fatigue et me laisse emporter par elle. Mon rêve commence à m'envahir lorsque je perçois un secouement qui me sort de mon sommeil profond.

– Tu crois que je suis ton mec ou quoi ? Lève ta tête.

Je fronce les sourcils en entendant la voix agaçante de Ethan et grogne. Je tente de m'étirer mais il me pousse complètement. Ma tête était posée sur son épaule, je me mords la langue et me réprimande intérieurement.

Satanée fatigue.

– Tu crois que j'ai fait exprès ou quoi ? demandé-je, las.
– J'en ai rien à foutre, je ne veux pas attraper le tétanos.
– C'est toi qui a le tétanos ouais, dis-je d'une façon enfantine.
– Tu n'es même pas un peu crédible, ricane-t-il.

Je mords ma lèvre inférieure et pose mon front sur le siège en face de moi, puis quelques minutes plus tard, une hôtesse de l'air passe à côté de nous et je l'arrête.

– Excusez-moi, pourrais-je changer de place, s'il vous plaît ?
– Je suis désolée mademoiselle, mais le vol est complet.

Je me crispe.

– Vous êtes sûre ?

Elle hoche la tête et sourit d'un air désolé tandis que je grogne à nouveau.

– Un vrai chien enragé, tu es.
– Tu ne vas pas fermer ta gueule Ethan ? Vraiment.

Je le regarde et pose mes deux mains de chaque côté de ma tête.

– Tu me fais un trou au crâne, je ne vais pas pouvoir te supporter, ta voix m'insupporte, ta présence m'insupporte, tout, absolument tout !
– Et toi alors ? Tu grognes où tu vas, tu veux te faire remarquer avec tes airs mystérieux.
– Mais..?

Je fronce les sourcils face à ses absurdités.

– Tu te prends pour "Madame je suis concentrée, ne me parlez pas." tu sais quoi ?
– Quoi ? dis-je bien trop fort.
– J'aurais préféré être avec Mark, en plus tu pues la transpiration.

J'écarquille des yeux et descends légèrement ma tête pour pouvoir renifler mes aisselles cachées sous mon sweat.

– Mais tu racontes n'importe quoi ! Et puis, tu m'étonnes que tu veux être avec Mark, t'es aussi con que lui, voir pire !
– Au moins, lui, ne se fait pas remarquer !

Il penche sa tête de côté et aborde toujours son air arrogant et calme.

– Je veux t'étriper le visage, grimacé-je.
– Pourquoi, il est trop beau ?

Tandis que son rire m'agace, on me tapote le dos, je me retourne violemment, c'est blondinette qui m'appelle.

– Quoi ?!
– Si tu veux, on peut échanger de place, vous n'avez pas l'air de vous aimer vous deux.

Je ne me fais pas prier pour prendre mes affaires et me déplacer, ce n'est qu'à un siège de lui, mais c'est déjà ça.

– Même d'ici tu pues, dit-il en se penchant en avant pour me voir.
– La ferme.

J'essaye de me calmer en me questionnant sur la raison pour laquelle Dieu aurait choisi de me mettre en présence de Satan en personne.

Il nous reste cinq heures de vol et je décide de me concentrer sur le podcast que je n'ai pas pu écouter car je me suis endormie. Pendant une heure trente tout se passe bien, jusqu'à ce que j'entends des rires stridents de la personne qui se trouve à ma gauche.

Blondinette et Satan ne cessent de jacasser durant pratiquement tout le vol, ils se sont échangés leur numéro et elle ne cesse de jouer avec ses cheveux blonds en riant.

Il n'est même pas drôle ce mec, comment peut-elle se rabaisser à ce point ?

– Tu as de jolies yeux, tu sais ? Ils sont bleus comme l'océan, lui dit-il.

Un frisson de dégoût me parcourt le corps, sortez-moi de là.

– Merci beau brun.

Un rire incontrôlable sort de ma bouche, beau brun sérieusement ?

Je divague mon regard vers eux et lorsque je vois leur main réunie, je me dirige vers les toilettes, impossible pour moi de supporter cette affreuse image.

Même si ses pupilles brillent et que ses cheveux ont l'air soyeux, qu'il est grand et sculpté comme Tarzan, il n'est même pas beau. Ethan possède simplement une beauté digne d'un livre, rien de plus.

Je commence à parler comme Maria, il faut que je m'arrête là.

Je reprends mes esprits mais lorsque je m'assois, Blondinette a la tête posée sur son épaule et j'écarquille les yeux.

Donc moi je pue et j'ai le tétanos mais pas elle ?

Il me regarde et me lance un clin d'œil, je ne le calcule pas et reprends mon travail.

Après des heures, nous arrivons enfin à destination, je suis exténuée, je n'arrive même pas à me tenir debout. Ethan le remarque puisqu'il prend ma valise, mais je la lui retire.

– Hors de question que tu touches mes affaires.
– OK.

Puis il s'en va.

OK ?

– Mais tu vas où ? demandé-je en tentant de le rattraper.
– Où tu n'y es pas.

Enfoiré.

L'air chaud de Nairobi vient caresser notre visage lorsque nous sortons de l'aéroport. Et à peine arrivés, nous nous dirigeons vers un autre pour prendre l'avion qui nous déposera à Umoja.

Plus que deux heures à tenir, courage.

***

Mary, la cheffe de la tribu, nous attend, avec un sourire radieux. Je m'approche et elle m'enlace chaleureusement tout en me souhaitant la bienvenue en anglais. Soudain, une vague de familiarité m'envahit. 

Elle enlace aussi Ethan et le prévient que lorsqu'il verra les femmes, il ne pourra les saluer qu'avec un signe de tête, il acquiesce sans broncher.

Habillée de vêtements traditionnels, je suis obnubilée par les couleurs vives qu'elle porte.

Nous montons dans son 4x4 et nous nous dirigeons vers le village, je suis émerveillée par la lueur douce de la lune.

Mary commence à avertir Ethan que certaines femmes seront réticentes et que c'est normal, et l'homme assis derrière affirme qu'il comprend et qu'il respecte.

Étonnement, je m'attendais à une blague de mauvais goût de sa part.

Elle nous explique ensuite l'histoire de la communauté, que je sais déjà, les femmes ont dû s'enfuir des hommes qui les ont battus et dans les années 90, une féministe militante a eu la merveilleuse idée de créer ce refuge.

Je suis concentrée sur ses dire tandis que je vois dans le rétroviseur Ethan qui profite de la vue, je décide alors de laisser aussi mon regard divaguer.

Mes pupilles brillent devant le paysage. Les contours des collines et des arbres se dessinent dans une obscurité paisible. Mes oreilles sont à l'écoute d'une symphonie nocturne, composée du murmure du vent dans les feuilles des arbres, du chant lointain des grillons et du croassement discret des grenouilles dans les environs.

Quelques minutes plus tard, nous arrivons à destination, nous descendons du véhicule et le cœur apaisé, j'observe le village.

Les maisons traditionnelles en matériaux naturels émettent une lueur tamisée provenant des lampes à huile, créant des points de lumière discrets dans l'obscurité environnante.

Les senteurs de la nature nocturne, mêlées aux arômes des cuisines locales, flottent dans l'air.

La tranquillité règne et les étoiles qui scintillent semblent veiller silencieusement sur cette terre incroyable.

– Il est plus de 23h, la plupart dorment déjà, vous les rencontrerez demain.

On acquiesce, puis elle nous ramène devant un lodge.

Il est construit avec des matériaux naturels, mettant en valeur l'artisanat local. Les murs en terre battue sont décorés de motifs traditionnels et le toit en chaume crée une atmosphère authentique.

Elle nous ouvre la porte en bois, allume quelques bougies et nous découvrons l'intérieur de la pièce. Ethan marche tandis que je reste de loin pour avoir une vue d'ensemble.

Elle est aménagée de manière fonctionnelle tout en reflétant le caractère culturel de la tribu.

Des tapis tissés à la main recouvrent le sol, les murs sont aussi décorés d'oeuvres d'    art représentant la vie quotidienne à Umoja.

Nous sommes émerveillés.

Au milieu se trouve, un seul lit traditionnel, orné de textiles colorés.

– Je vous laisse découvrir la pièce, on se retrouve demain, nous annonce-t-elle.
– Attendez, attendez, ricane-t-il.

Elle l'interroge du regard.

– Oui, attendez, où se trouve mon lodge ? demandé-je, paniquée.
– Juste ici, il ne vous plaît pas ?
– Si bien sûr, bien au contraire.
– Et le mien ? demande Ethan en s'approchant de nous.
– Ici aussi.

Ma gorge se noue.

– On dort...
– ... Ensemble ? finit Ethan.
– Et bien, nous n'avons pas d'autre lodge, c'est un petit village. Puis votre patron m'a dit que cela ne vous dérangerait pas.

Ethan rit malgré lui.

– Ah, il a dit ça ? demandé-je, peu sûre de moi.

Elle hoche la tête.

– Et mon lit ?
– Vous dormez ensemble Ethan.

Elle ne nous laisse pas le temps de répondre qu'elle nous dit au revoir.

– Bon, reposez-vous bien, vous devez être fatigués. Toutes les femmes de la tribu se réveillent au lever du soleil, mais aujourd'hui, prenez votre temps.

Elle n'attend pas notre réponse et ferme la porte. Nous restons stoïques devant cette dernière. 

– Le soleil se lève à quelle heure Elena, toi qui sait tout ?
– A 6h30.
– Les autres jours, on devra se réveiller à l'heure là ?
– Oui.
– Hors de question.
– Pas le choix. Après si tu ne veux pas te concentrer sur le projet, je comprendrai.
– Mais pas à 6h, pleurniche-t-il.
– Chochotte.

Je continue mon analyse de la pièce et lui aussi.

– On est dans Kirikou ou quoi ? On doit dormir sur ça ?
– La ferme et respecte.
– Je respecte, me contredit-il en mimant toujours de pleurer.

Le lit n'est pas la seule chose qui a attiré mon intention, mais la baignoire qui se trouve au fond de la pièce me heurte.

Ethan vient de la remarquer aussi puisqu'il grimace.

– Quand je fais mon bain, tu sors.
– Mais tu crois que je rêve de te voir à poil ou quoi ? Je ne te toucherai même pas avec un bâton Elena.

Puis il s'allonge et je reste debout au milieu du lodge.

Ce mois va être très long.

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Ig : Lynamimy

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