15

Je prends une grande inspiration et toque à la porte. Après avoir entendu l'autorisation, j'entre les mains moites.

– Tout va bien ? me demande Nathan, adossé sur sa chaise de bureau.

Je hoche la tête et m'approche de lui en lui demandant, la gorge serrée :

– Tu as des nouvelles de Ethan ? Il ne répond à aucuns messages, et ça fait bientôt deux semaines qu'il n'est pas venu.

Mon responsable se tend et je contracte ma mâchoire.

– Il va bien, ne t'en fais pas, retourne travailler.

Je fronce les sourcils.

– D'accord, mais pourquoi il ne vient pas ?

Il croise les bras et hausse les épaules.

– Je te l'ai déjà dit, je ne peux rien te dire, Elena. Retourne à ton travail.

Il ne prend même pas la peine de me saluer qu'il tape déjà sur le clavier de son ordinateur. Je soupire, vaincue et m'exécute.

Quelques jours après notre retour en France, j'ai tenu ma promesse, je ne l'ai plus calculé, j'ai été froide avec lui et ne lui parlais pas.

Ethan ne m'a pas adressé la parole non plus, et il n'a même pas pris la peine de s'excuser pour ce qu'il s'est passé.

J'ai donc été énervée et très méchante avec lui, j'ai renversé du café sur ses papiers et ai mis des punaises sur sa chaise. Mais depuis quinze jours, aucune nouvelle de lui.

La veille de sa "disparition" il a fait une fausse manipulation sur mon ordinateur et le soir, je l'ai appelé pour l'insulter, mais le lendemain plus rien, il s'est évaporé.

Le journaliste ne lit même plus mes messages, ça me fait mal de le dire, mais je commence sérieusement à m'inquiéter.

Il est sûrement malade, mais le fait que notre responsable ne veut rien révéler sur son absence m'intrigue.

– Alors ? me demande un collègue de travail.
– Toujours rien.
– Il est sûrement en congé maladie, non ?
– Mais pourquoi Nathan ne nous le dit pas ? demandé-je en croisant des bras.
– Je ne sais pas, Elena.

Il faut dire que tout le monde s'inquiète à l'entreprise, personne n'a aucune nouvelle de lui, hors l'adjoint en plus de Nathan.

Je soupire et tente de me remettre au travail.

Concentre-toi, ce ne sont pas tes affaires.

***

Elena ? Elena ?

Je cligne plusieurs fois des yeux et me tourne vers Lydia.

– Ta commande ?

Je fixe les pâtisseries d'un regard vide et demande un chausson aux pommes.

– Ce sera tout ?
– Un chocolat viennois aussi, s'il vous plaît.
– Sur place ?

Mon amie acquiesce et nous partons nous installer sur la terrasse. Le ciel gris a fait place à un ciel bleu qui accueille le printemps.

Les rayons du soleil tentent d'apporter la bonne humeur, mais ils ne peuvent dégager les pensées qui fusent dans ma tête.

– Je suis trop énervée ? dis-je après être servie.
– Pour ?

– Ça ne devrait pas me toucher, Lydia, je ne sais pas pourquoi, je me sens tant concernée.

Un sourire au coin orne ses lèvres et je grince des dents, frustrée.

– C'est normal, mais je pense que tu t'inquiètes pour rien !
– Mais je ne suis pas inquiète ! mens-je.

Elle penche sa tête et me regarde d'un air moqueur.

– Je ne sais pas, grogné-je. Je suis trop énervée.
– Tu dois te l'avouer.

Je lui lance un regard noir.

– Non, hors de question. Je suis juste débile, ce n'était qu'un simple mois à travailler ensemble.
– A dormir ensemble aussi.
– Un mois à prendre des photos pour le concours.
– Il s'est occupé de toi pendant que tu étais malade.
– Non, ce n'était qu'un mois à connaître l'histoire des femmes de Umoja.
– Vous vous êtes embrassés aussi, au cas où, tu l'aurais oublié, me rappelle-t-elle en buvant sa tasse de café.

Je pose ma tête contre la table en émettant un petit cri, j'abandonne. Cette garce rit et me masse l'épaule.

– Accepte-le juste.

Je me relève brutalement et serre ma tasse.

– Mais je ne peux pas !
– Si, tu peux. Tu t'es...
– ... Non ! la coupé-je. Ne le dis pas...
– ... Attachée.

Je grimace.

– Accepte-le, Elena.
– Mais ce n'est pas possible, je n'ai jamais ressenti ça, et puis je me suis ouvert, tu t'en rends compte ! Il sait que ma mère était...

Je regarde autour de moi et baisse le ton de ma voix.

– Une toxico et une ancienne prostituée.

Lydia ne dit rien puis hausse les épaules.

– Et puis ?

J'écarquille les yeux.

– Mais non ! Tu sais très bien que je ne parle pas de moi, alors pourquoi l'ai-je fait là ! me réprimandé-je en tapant mon front avec la paume de ma main gauche.
– Justement. C'est la première fois, ce n'est rien. Tu t'es ouverte et alors ? Lui, à ce que j'ai compris aussi, non ?
– Finalement, non. Regarde, je n'ai aucune nouvelle de lui et puis dans l'avion, sa réaction, tu as oublié ça, pas vrai !

Lydia roule des yeux et tente à nouveau de me rassurer. Elle est la seule avec Maria qui a su entrer dans mon cœur avant que ce dernier ne soit enchaîné par des chaînes qui le protègent.

Mais visiblement, elles ne le protègent pas de Ethan...

Je monte les escaliers de mon appartement en me répétant des phrases auxquelles j'essaie de croire :

"Tu n'es pas attachée, ce n'est qu'un collègue de travail."
"Tu ne l'aimes pas, tu as oublié ?"

Ou encore :

"Il est super moche, même un cafard ne serait pas attiré par lui."

Mais mon esprit est vite dirigé vers un problème beaucoup plus grave.

Je sors les clés de mon sac qui glisse de mes mains. Je suis rapidement tirée vers le passé lorsque je découvre ma mère, assise sur les marches des escaliers près de ma porte.

Elle se relève lentement, un sac à ses pieds, et les mains dans les poches arrière de son jean.

Je ramasse mes clés, mes yeux la détaillent lentement et je grimace intérieurement en tentant d'arrêter les battements affolants de mon organe vital.

Sa mine est affreuse – bien qu'elle ait moins pâle – ses cheveux sont tellement fins qu'un coup de peigne pourrait en faire tomber une masse. Son jean slime colle à ses maigres jambes et son top moule sa poitrine presque inexistante.

Néanmoins, elle a l'air moins malade, malgré la perte de poids affolantes qu'elle a subi. Ses yeux ne sont plus si creux et un petit sourire est dessiné sur son visage.

– Salut, dit-elle, timidement.

Sérieusement ?

– Comment tu vas ? demandé-je le visage fermée.
– Bien.

Elle ricane doucement et s'approche de moi tandis que je fais un petit pas en arrière, sur mes gardes.

– Mieux et toi ?

Je hoche la tête.

– Tes vacances se sont bien passées ?
– Je n'étais pas en vacances, maman, craché-je. Je travaillais.
– Tu m'as comprise, ricane-t-elle à nouveau.

Un son qui sonne tellement faux qu'il me donne des frissons de dégoût dans le dos.

– Tu es sortie quand ?
– Aujourd'hui, répond-elle en baissant la tête vers son sac.

Mes doigts se contractent sur mon trousseau de clé.

Oh, non.

– Qui est venu te chercher ?
– Personne.
– Ton copain, je ne sais plus comment il s'appelle, celui avec qui tu vis, n'est pas venu ?

Elle secoue la tête.

– C'est fini, il a cassé quand je suis rentrée dans le centre.

Tu m'étonnes, il n'allait plus pouvoir se droguer avec toi.

– Tu es complètement soignée ?

Elle se raidit.

– Je n'aime pas ce mot.
Tu m'as comprise.

Elle pince des lèvres.

Le cœur qui se déchire, je la salue en lui tournant le dos pour ouvrir ma porte.

– Je passerai te voir.
– Elena...

Oh, non.

Je ferme fort les paupières.

– Je ne sais pas où vivre.
– Maman...
– Et je sais que...

Je me tourne vers elle, la colère qui commence à couler le long de mes veines.

– Non, maman, tu ne sais pas.

Elle recule face à mon ton sec.

– Tu ne peux pas te pointer chez moi lorsque enfin tout va bien dans ma vie alors que tu avais gâché la mienne.

J'ai conscience que mes paroles sont tranchantes mais les mauvais souvenirs qu'elle m'a laissé sont loin d'être des blessures superficielles.

– Je suis désolée, mais c'est non. Courage à toi.
– Elena...

Je tente de ne rien laisser apparaitre sur mon visage, car je voudrais juste la prendre dans mes bras, oublier ce qu'il s'est passé et être réconforter par ma mère, mais la réalité en est toute autre.

– La nuit va bientôt tomber, fais attention à toi.

Je souffle un bon coup et entre dans mon appartement, la larme à l'œil.

– Elena !

Je me laisse tomber contre la porte, une goutte salée qui descend le long de ma joue. Je replie mes genoux contre ma poitrine et espère qu'elle part de l'immeuble avant que je ne change d'avis.

Cette décision est la plus difficile que je n'aie jamais prise.

Je laisse échapper mon sanglot lorsque je l'entends jurer de tous les noms puis descendre en trombe dans les escaliers.

Je mets ma main contre ma bouche et tente de ne pas pleurer, mais mes émotions sont aujourd'hui plus fortes que moi. Elles décident de me noyer dans des sentiments de tristesse et de nostalgie.

J'aurais tellement voulu que les choses soient différentes mais la simple présence de ma génitrice ne me laisse pas indifférente. La vue de ses ébats sexuels qui jadis m'ont traumatisé me hantent encore et je ne peux concevoir cela.

Je me lève difficilement, les joues toujours baignées de larmes et part me coucher sans prendre la peine de me changer.

Je sais d'avance que cette nuit sera compliquée, je laisse alors, cette fois, les monstres sous mon lit gagner.

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Ig : Lynamimy

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