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En direction de Nairobi pour prendre l'avion pour Paris, j'ai la tête posée sur le rebord de la fenêtre du 4x4, je tente d'imprimer une dernière fois le paysage dans ma tête.

Derrière moi, Ethan, nostalgique, ne prononce pas une seule parole. Nos regards se croisent dans le rétroviseur, j'esquisse un sourire que celui-ci ne rend pas.

Ses yeux expriment de la tristesse, il regarde le tableau naturel d'une façon si sincère que j'en suis émue.

Les au revoir entre Faith et lui ont été compliqués, cette dernière qui paraissait si froide au début à lâcher des larmes, malgré elle.

Ethan a serré sa bouche pour ne rien laisser paraître, mais l'émotion qui s'est dégagée de ses yeux n'a pu être cachée.

Nous passons quelques heures à observer la savane qui s'étend sur nous, puis arrivés à la capitale, je tente de faire la conversation :

– Tu reviendras Ethan. On a de la chance de travailler dans le journalisme de voyage, tu pourras de nouveau revenir, ne t'en fais pas, le rassuré-je en tenant son bras.

Il hoche doucement la tête et se dégage de moi pour aller enregistrer les bagages.

– Bon, chuchoté-je en le voyant partir d'un pas lent.

Umoja a conquis rapidement le cœur de mon collègue, il n'a cessé de répéter combien cette tribu l'avait touché et qu'il souhaitait aider chaque personne qui vit une situation similaire à celle de ces survivantes.

Ethan m'a dit que malgré qu'elles sont maintenant en sécurité, il a vu la douleur que leur épreuve a laissé dans leur regard.

Un soir, Fatimata, âgée de vingt-cinq ans, s'est confiée, avec une profonde tristesse, sur son passé et une phrase véridique m'a laissé une empreinte que je saisis pleinement :

" – J'ai beau être maintenant en sécurité, mon esprit n'oubliera jamais les cicatrices que l'on m'a infligées ."

Lorsque les monstres cachés sous nos lits disparaissent, leur démon persiste à nous hanter intérieurement.

Le cauchemar n'est donc jamais fini...

Je cligne rapidement des yeux et reviens à la réalité, nous montons dans l'avion après avoir salué Mary d'un câlin sincère.

– Je pense que c'était le meilleur mois de toute ma vie.

Je tourne ma tête vers mon voisin qui semble s'être détendu comparé à il y a quelques heures.

– Même si tu devais t'occuper de moi ?

Ethan me regarde fixement et confirme d'un sourire :

– Même si je devais m'occuper de toi.

Je le remercie et l'écoute attentivement.

– J'ai pu apprendre tellement de choses, et je trouve finalement super que je ne participe pas au concours ?
– C'est vrai ?
– Oui, parce que j'ai profité entièrement et j'ai côtoyé la communauté pour moi et pour rien d'autre.

Partageant son sentiment, je hoche la tête.

– Elles méritent tout l'or du monde ces femmes, j'ai rarement vu des personnes aussi fortes. J'ai jamais été aussi triste de partir d'un endroit.
– Tu reviendras Ethan, lui répété-je.

Il hausse les épaules tristement, puis sort tous les souvenirs du sac qu'on a pu emporter.

– C'est incroyable, dit-il avant de tousser.

Je suis enfin guérie et je ne tousse plus du tout comparé à lui qui commence à avoir une toux grave qui n'a rien avoir avec celle que j'avais.

Je tape sur son dos en ricanant, mais lorsque je vois que celle-ci dure plusieurs minutes, j'avale mon sourire.

L'ambiance est soudainement devenue plus inquiétante. Une hôtesse de l'air arrive vers nous lorsqu'elle l'entend en train de suffoquer et lui demande s'il va bien. Inquiète, je le laisse passer pour qu'il accourt aux toilettes.

Il trottine vers les WC de l'avion, une main sur la bouche, avec la gorge qui semble être en feu. Une pointe d'inquiétude me traverse, sa toux est bien trop aiguë pour être juste une gastro.

J'attends quelques minutes encore, mais il n'est toujours pas venu, je me dirige alors, après hésitation, vers les toilettes et toque à sa porte.

– Tu vas bien, Ethan ?

J'ai un mouvement de recul lorsque je l'entends vomir. Je tente d'ouvrir la porte mais elle est fermée à clé.

– Ouvre-moi.

Il ouvre le robinet et continue à vomir, mon ventre se serre, que lui arrive-t-il ? Il a peur de l'avion ?

– Va là-bas, Elena, l'entends-je dire difficilement.
– Non, je t'attends.
– S'il te plaît, insiste-t-il avant de vomir à nouveau.

J'hésite puis finis par rejoindre ma place en l'attendant patiemment. L'hôtesse est aussi partie le voir et elle revient m'annonçant qu'il préfère rester quelques minutes dans les toilettes.

Il revient par la suite en se tenant sur les sièges, sa tête semble tourner, je l'aide à s'asseoir, mais il me repousse.

Je lève les mains en l'air et le laisse reprendre ses esprits seul, sans lui parler, tandis que des questions ne cessent de me traverser l'esprit.

– Ne t'occupe pas de moi.

Je penche ma tête de côté.

– Fais quelque chose, s'il te plait.

Après hésitation, je m'exécute et sors mon appareil photo pour regarder les magnifiques clichés. Mais c'est bien trop compliqué lorsque je l'entends respirer de façon irrégulière.

Je pince des lèvres et le regarde en posant mon appareil.

– Tu es sûr que ça va ? Tu n'as pas l'air.
– Je vais bien, Elena, occupe-toi de toi.

Son ton sec me fait l'effet d'une douche froide, je m'apprête à répliquer, mais lorsque je vois du sang sur le coin de sa bouche, je me fige.

Je suis du regard la ligne rougeâtre qui descend sur son menton.

– Tu as du...

Impossible de finir ma phrase, il ne vient pas simplement de la gencive, il a vomi du sang ?

Ethan touche le coin de sa bouche, l'essuie violemment et me regarde, l'air froid.

– Ce n'est rien.
– Mais, tu as vomi du sang ?

Il prend son casque en soupirant bruyamment.

– Non, j'ai dû me mordre la lèvre en vomissant, ce n'est pas ton problème. Tu as dû juste me refiler la gastro, en même temps, tu m'étonnes, j'étais tout le temps avec toi.

J'écarquille les yeux face à ses paroles méchamment dites.

– Mais je n'ai jamais vomis du sang, moi. Puis, qu'est-ce que t'as ? Je n'ai rien dit, je m'inquiète juste, j'ai le droit, non ?

Ses mains se contractent contre sa cuisse et je l'interroge à nouveau du regard.

– Tu n'as pas à t'inquiéter.
– Arrête de me parler froidement, purée.

J'ai, à peine, fini ma phrase qu'il prend son casque et le met sur ses oreilles en mettant la musique sur son téléphone au volume maximum.

J'ouvre la bouche, heurtée, lorsqu'il ferme les yeux et pose sa tête contre le hublot.

– Je rêve, chuchoté-je, énervée contre moi.

Ça veut dire quoi, ça ?

Le visage qu'il m'a montré, pendant le séjour, est tellement différent de celui-ci. Le Ethan arrogant, méchant est revenu et je veux me cogner la tête contre le mur, j'ai tellement été naïve de lui avoir fait confiance.

Un son strident souhaite sortir de ma gorge, je souhaite crier, et lui lancer la bouteille à côté de moi dans la tête, mais je n'en fis rien.

Je mets aussi mon casque et je tente de ne pas faire attention au sentiment qui comprime ma poitrine.

"Il n'est pas ton ami"

Les yeux fermés, je répète ces paroles, dans ma tête, pendant une bonne heure et les ouvre seulement lorsque je l'ai enfin compris.

Je m'assois correctement sur le siège, contracte la mâchoire et bois de l'eau.

Tu veux être méchant, Ethan ? On le sera, alors.

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Ig : Lynamimy

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