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De nos jours.
Je relève ma tête vers l'entreprise dans laquelle je travaille, et me chuchote des encouragements.
Nous allons apprendre aujourd'hui qui voyagera au Kenya pour le concours du prix du Meilleur Journaliste de Voyage et comment vous dire que depuis une semaine, je ne dors pas tant je suis stressée de connaître les deux participants.
Avec une boule au ventre, je rentre dans le grand bâtiment. Je salue Nathalie au comptoir de l'accueil, puis je monte dans l'ascenseur. Cependant, au moment où les portes commencent à se fermer, une main les retient.
Je soupire lorsque je le vois entrer et se placer à mes côtés.
Tiens bon, il reste huit étages.
– Elena, me salue-t-il d'un air arrogant.
– Ethan, réponds-je froidement.
Je sirote mon café, essayant de mettre de côté toute préoccupation liée au concours.
– Il est vraiment laid.
Je fronce les sourcils et relève ma tête vers le brun. Son regard est dirigé vers ma main gauche, il observe mon tatouage avec une expression de répulsion.
Un papillon imposant s'étend sur tout le dos de ma main, avec les extrémités de ses ailes se prolongeant sur le début de mon index et de mon auriculaire.
– Tu as vu ta gueule au moins ? craché-je.
Il ricane nerveusement.
– Non, mais sérieusement, Elena. Etant donné que tu n'as pas été gâtée par la nature, n'en rajoute pas avec une telle mocheté.
– Ethan. Ça fait plus d'un an qu'on travaille ensemble, tu me répètes tous les jours cette phrase. Innove un peu, réponds-je en sortant.
Il est sur mes talons et je lève les yeux au ciel.
– Je tiens quand même à te le répéter, encore et encore.
– Ferme-la, soufflé-je. Dès le matin, tu me donnes la migraine.
Il me provoque en riant à nouveau, et je tente de canaliser mes pulsions meurtrières en le visualisant en train de suffoquer.
J'ouvre une porte pour traverser l'autre couloir mais je m'arrête dans mon élan lorsque j'entends le son de sa voix qui agresse mes oreilles.
– Tu es au courant que tu n'as pas besoin de stresser pour le concours ? Tu n'y participeras pas.
Je me retourne lentement et ajuste le haut de mon blaser noir. Je m'approche de lui et plonge mes iris verts dans les siennes qui sont de couleurs noisettes.
– Ethan, on ne joue pas dans la même cour, toi et moi, d'accord ? Donc, tu t'occupes de ton projet et moi du mien. Si j'y participe, ça ne te concerne pas, car tu n'y seras pas.
Il lève la tête en arrière avec son fameux sourire au coin puis se rapproche à son tour de moi.
– On sait tous les deux que c'est faux. Je suis prêt à parier n'importe quoi pour te le prouver.
J'arque un sourcil et lui demande d'un air joueur :
– Tu veux parier quoi ?
Il semble réfléchir puis annonce d'un coup :
– Si je participe, tu fais tout ce que je te dis pendant six mois, et si c'est toi qui gagne le pari, tu choisis ce que tu veux.
– Je ne serais pas ta bonne Ethan, plutôt mourir.
– Et moi, je ne serais pas contre.
Je feins de vomir.
– Sache que tu dois tenir ta parole Ethan, parce que crois-moi que je ferai partie de ce voyage.
L'arrogant me domine de toute sa hauteur, mais je maintiens son regard.
– Tu es consciente que tu ne travailles qu'avec des hommes, que tu as la hauteur d'une canette et que tu es un peu trop sûre de toi pour rien ?
– Mais tu as oublié que j'ai gagné le prix de la meilleure reporter l'année dernière ?
– Et moi de l'an passé.
– Parce que je n'étais pas là, lui affirmé-je, fière.
– Egalité alors ?
Mes yeux parcourent ses cheveux lisses bruns qui lui arrivent juste un peu en dessous de ses oreilles, puis sur son visage qui est un peu bronzé. Je glisse mes pupilles sur ses fines lèvres qui sont toujours étirées.
– Tu es insuportable.
– Toi aussi Elena.
Je souffle et me dirige irritée, vers la salle où mes collègues et le patron s'y trouvent déjà. Ethan passe devant moi, son parfum fort m'envahit et il me claque la porte au nez.
– Calme-toi, calme-toi, me chuchoté-je.
Je le déteste.
***
– Le projet sera sur Les Conditions de Vie des Tribus qui vivent qu'entre Femmes. Ce sera à Umoja au Kenya. Les deux personnes choisies partiront dans une semaine, le six janvier et reviendront le six février, pas un jour de moins ni de plus. Ils dormiront dans un Lodge, une sorte de logement, nous informe notre rédacteur en chef.
– Mais nous ne sommes que des hommes alors comment allons-nous les étudier ? se moque Mark. Ces misandres n'acceptent aucune personne de sexe masculin.
Je grince des dents.
– Elles ne sont pas misandres, elles se sont protégées des hommes qui les ont battus et violés.
– Ça ne change rien au fait, ricane-t-il.
D'autres personnes de la réunion approuvent ce qu'il dit en riant et je tente de contenir ma colère.
– Silence. Mark, ne t'en fais pas, tu ne seras pas choisis pour y aller, tu es loin d'avoir les capacités.
C'est à mon tour de rire et de recevoir son regard noir.
– Nous sommes en contact avec la cheffe de la tribu, c'est une kényane qui a vécu en Amérique, une partie de sa vie. Et elle a accepté notre reportage.
Nous acquiesçons tous, je prends quelques notes sur mon carnet avec la jambe qui tremble.
– Le premier mars, il y aura la réunion avec les jurys pour la remise de tous les prix et des résultats.
Faites que j'y participe.
– La décision a été ardue, annonce-t-il. Vous êtes tous d'excellents rédacteurs. Cependant deux d'entre vous ont réussi à démontrer leur singularité.
S'il vous plait.
Nerveuse, je ferme les yeux, et joue avec mon stylo.
– Tu n'y seras pas, me chuchote mon voisin.
– La ferme Ethan.
J'ouvre les paupières lorsque notre patron annonce les deux participants :
– Elena Durand et Ethan Dubois, vous emporterez votre ordinateur, un carnet et on vous fournira deux appareils photos pour ce projet.
Mon cœur rate un battement en entendant mon prénom mais j'écarquille les yeux lorsque j'entends le nom de mon concurrent.
– Elena ? s'écrie Mark. Parce que c'est une femme ?!
– Mark, tu n'es pas en mesure de parler, me soutient le rédacteur. Elena et Ethan, suivez-moi dans mon bureau, je vais vous expliquer le déroulement.
Je regarde mon adversaire qui semble tout aussi mécontent d'être en ma compagnie.
– Ne me dis pas que je vais passer un mois avec toi ?
– Qu'est-ce que je dois dire moi ?! me plains-je.
Il hausse les épaules d'un air hautain.
– Ecoute, simple, tu feras ta vie de ton côté et moi du mien, lui ordonné-je.
– On devra dormir ensemble, réalise-t-il, écoeuré.
– Je vais vomir, dis-je en me levant.
Il me détaille de haut et en bas et prétend être nauséeux, avant d'avancer vers le bureau de notre supérieur.
Bon, tu vas te concentrer sur ton travail et rien d'autre Elena.
***
– Mais tu seras avec cet apollon ? Elena, réveille-toi. Tu vas dormir avec lui, c'est incroyable.
– Je ne peux pas me le voir Maria, arrête. Au travail, sa présence m'est insupportable alors imagine dans un autre pays où je serais obligée de me le coltiner, tous les jours, tout le temps !
Mon amie d'enfance sirote son thé, la tête dans les nuages. Elle est une adepte de la romance, et une fanatique des beaux garçons.
– Mais non ! Ça va être incroyable, vous allez vous rapprocher, et puis, vous faire des bisous, et...
Je la coupe en me bouchant les oreilles avec mes deux mains. Hors de question d'entendre ces conneries une minute de plus.
Après avoir eu tous les détails du devoir, je l'ai rejoint dans un café où nous avons l'habitude de nous retrouver depuis dix ans.
J'ai rencontré Maria en primaire, mais depuis nos quinze ans, nous sommes devenues inséparables. Elle vient de terminer ses études en droit, souhaitant devenir avocate, et Maria se bat pour pouvoir ouvrir son propre cabinet.
Âgée de vingt-cinq ans, j'exerce mon activité professionnelle, malheureusement, qu'avec des hommes. Cependant, cela m'a permis de développer plusieurs compétences au fil du temps.
Chaque jour, je m'efforce de me surpasser pour améliorer mon écriture et approfondir mes connaissances du monde entier. Ce métier lié au voyage suscite véritablement l'admiration, explorer divers pays et découvrir différentes cultures.
Mais je tente aussi à chaque fois, de me faire une place dans ce monde où je ne travaille qu'avec eux qui sont pour la plupart misogynes.
Le concours qui se présente à moi est une opportunité pour prouver à mes rivaux que je suis la personne qu'il faut pour présenter mon équipe.
Je souhaite démontrer au monde entier, mais surtout à moi-même, que je ne suis pas dénuée de valeur, que je suis indépendante et bien plus qu'une simple image attrayante à contempler.
– Vous partez quand ? me demande-t-elle en croquant dans son croissant.
– Dans une semaine. J'ai demandé à Nathan, notre supérieur, si on dormait dans deux endroits différents, il m'a assuré que non.
Elle sourit alors que je feins de pleurer d'une façon théâtrale.
– Je vais mourir Maria, je ne vais pas pouvoir le supporter !
– Supporter qui ? me demande Lydia.
Elle vient de s'installer à nos côtés, je l'ai connu aussi en primaire, mais contrairement à Maria, le courant est directement passé.
– Ethan. Je participe au concours, et lui aussi !
– Le concours dont tu nous parlais tant ? demande-t-elle en sortant une cigarette de son sac.
Je hoche la tête en mordant dans mon croissant aux amandes.
– Mais c'est magnifique, je suis fière de toi. Concernant ce mec, ne le calcule pas bébé, pense seulement à ce que tu dois faire, c'est tout. Rappelle-toi seulement que c'est une compétition, et que c'est juste un collègue que tu dois mettre au tapis, et non la personne qui t'agace le plus au monde.
Un sourire s'étire sur mes oreilles, Lydia a le don de choisir les bons mots. Contrairement à Maria, la brune est une femme qui est dans le contrôle, résolue à ne pas se laisser emporter par les ecueils de cette existence, tandis que la blonde souhaite croquer la vie à pleine dents.
– Tu as raison, un seul mot doit tourner en boucle dans ma tête, "compétition".
– Après, tu peux toujours observer la beauté de cet homme.
Je souris face à l'absurdité de Maria et les informe que je dois m'en aller.
– Tu vas voir ta mère ?
Je contracte ma mâchoire et confirme. Je les salue ensuite et monte dans ma voiture en direction de l'Association d'Addiction de Nice.
Je me gare, puis je me dirige dans le grand bâtiment. Je présente ensuite ma carte d'identité, ouvre mon sac pour un contrôle et après être passée, j'entre dans la salle de visite.
Calme et apaisante, elle crée une atmosphère propice à une discussion sérieuse, mais malgré ça, je ressens toujours ce frisson dans le dos.
Les couleurs des murs sont très neutres, ils sont équipés de manière discrète des dispositifs de sécurité, telle que la caméra qui se trouve dans le coin du mur à ma gauche, mais qui ne compromet tout de même pas l'intimité.
Plusieurs tables sont installées avec des chaises en face-à-face. Les fenêtres sont couvertes de rideaux qui offrent un certain degré d'intimité qui permet de laisser un aperçu du monde extérieur, symbolisent le sentiment d'isolement.
Je tire la chaise et m'assois dessus, je croise mes bras sur mes genoux et joue avec la bague du majeur.
J'inspecte la personne qui se trouve en face de moi, ses lèvres sont gercées et sa peau est plus pâle que les murs du centre de désintoxication. Son visage est aussi creux que la dernière que je l'ai vu, et ses paupières sont si ternes que je peine à voir la couleur de ses yeux. Ses mains posées sur la table tremblent et elle semble avoir perdu plusieurs kilos.
– Maman, la salué-je.
Elle hoche la tête et de ses doigts, ma mère arrache la peau de sa lèvre inférieure, je grimace discrètement.
Elle ressemble à un zombie.
– Comment tu te sens ?
Ma gorge se noue lorsque je vois ses yeux verts se remplir d'eau.
– C'est dur Elena.
C'est maintenant à mon coeur de se serrer, lorsque j'entends sa voix brisée.
– Je sais, mais tu vas t'en sortir, d'accord ? Tu es là pour ça.
Elle secoue la tête négativement, et se balance légèrement.
Une larme coule le long de mon œil gauche mais je l'essuie rapidement.
Ma mère est captive de l'héroïne depuis de nombreuses années à présent. Il y a un peu plus d'une semaine, elle a succombé à une overdose, la forçant à être internée ici. Cette triste réalité me plonge dans un abîme de désespoir et de détresse, mais je tente, malgré tout, de ne pas le lui montrer.
– Comment ça se fait qui t'ont laissé venir aujourd'hui ?
– Je pars dans une semaine pour le Kenya, pour le concours, tu te rappelles je t'en avais parlé ?
– Je ne m'en rappelle plus.
Oui, bien sûr.
– Ce n'est pas grave, la rassuré-je du mieux que je peux. Il est important pour moi, du coup, je voulais te dire au revoir. Mais lorsque je serais revenue, tu ne seras plus là, tu seras guérie, d'accord ? Et tu passeras à la maison ?
– Je ne suis pas malade, me reprend-elle, sèchement.
– Oui, bien sûr, désolée, dis-je, timidement.
J'analyse son comportement, elle se gratte la paume à sang, je fronce les sourcils. Ses membres paraissent plus tendus qu'au début. Je tente de l'arrêter en approchant mes doigts vers elle, mais elle me repousse violemment.
– Ne me touche pas ! s'agite-t-elle.
J'ai un mouvement de recul en voyant son comportement changer. L'agent de sécurité qui est debout près de la porte tente d'intervenir mais je lui assure que tout va bien, malgré son début de crise.
– Maman, je vais partir d'accord ? Tout va bien se passer, je t'aime, d'accord ?
Je tente de lui reprendre la main délicatement, mais elle m'en empêche à nouveau mais plus agressivement et cette fois l'agent intervient.
Je me lève, apeurée, et sers mon sac à main.
– C'est ça ! Va t'amuser dans un autre pays tandis que ta pauvre mère est coincée là, par ta faute ! Sale égoïste !
Je recule lentement et l'entends crier après moi, des infirmiers courent vers elle avec des sédatifs dans leur main.
– Sale garce !
Je mets main contre ma bouche lorsqu'ils la plaquent contre la table et lui injectent le produit. Mes pupilles divaguent dans la salle, les autres patients nous observent et les visiteurs aussi.
Un des agents me ramène jusqu'à la sortie, je bloque le sanglot qui veut tant s'échapper de ma bouche.
Je sors du bâtiment et marche vite vers ma voiture, mais lorsque je suis dedans, je ne cesse d'entendre les cris de ma génitrice qui m'agresse.
La colère et la peine commence à me consumer, des larmes coulent à flots le long de mes joues, et je tape le volant en hurlant ma douleur interne.
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Ig : Lynamimy
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