Partie 2 : vide ton sac !
À quelques kilomètres de chez Kurenaï, dans la demeure du clan Nara, Shikaku, le patriarche, entrait dans la salle de jeu de shogi de sa maison, conviant son fils à le suivre. Shikamaru, depuis qu'il était rentré de chez Kurenaï, n'avait pas bougé du porche.
Cela faisait deux jours. Il ne touchait pas aux repas que sa mère lui déposait matin, midi et soir. Il semblait réfléchir intensément sans quitter des yeux le bassin à poisson du clan. Il regardait, sans réelle attention les poissons se déplacer et cela, sans cligner des yeux pendant de longs moments quelquefois. Il ne dormait pas non plus. Comme figé dans cette position, pétrifié dans l'incompréhension ajoutée à la froide et cinglante étreinte de la douleur qu'apportait fatalement la perte d'un être cher.
À l'entente des paroles de son père, Shikamaru sembla sortir de sa longue torpeur. Il sentit son corps douloureux et engourdi en se levant mais n'y prêta aucune attention. Il s'engouffra dans la salle pour s'installer derrière la table de jeu sous l'invitation silencieuse de son père.
Ils commencèrent une partie sans un mot, une bougie les éclairant. Shikaku, toisait son fils, attendant le bon moment, réfléchissant à la tournure des mots qu'il allait utiliser. Il avait bien compris que son fils était tétanisé par la perte de son maître éducateur, son sensei. Il n'arrivait pas à gérer la nouvelle, complètement dévasté. Il n'était même pas aller à son enterrement. Il ne bougeait plus, sous le choc depuis quarante huit heures déjà. Et clairement, il se devait de faire quelque chose pour lui, de guider son fils. C'était son devoir de père. Jamais un parent ne pourrait supporter de voir sa progéniture souffrir de la sorte. Il se décida donc enfin à parler alors que leurs gestes automatiques continuaient de déplacer les pions sur le plateau de jeu.
Il commença solennellement, posant une question simple :
" Shikamaru. Qu'est-ce que tu comptes faire ?"
Le père Nara étudia avec attention la réaction de son fils. Celui-ci n'avait rien laissé paraître, aucune réaction, ne comptant pas répondre à son père, se contentant de jouer sa partie de shogi.
Shikaku ignora la non réponse de son fils puis continua d'une voix grave :
"J'ai de la chance d'avoir un fils comme toi... Alors assister un jour à tes funérailles, non merci."
Le père fit une seconde pause, faisant toujours face au silence de Shikamaru :
"Je trouve que tu te débrouilles très bien et je suis tellement fier de toi. Tu es un garçon futé et talentueux. À l'avenir, tout Konoha pourra compter sur toi..."
La main de Shikamaru tressailli très discrètement alors qu'il venait de bouger un pion. Shikaku continua :
"Mais voilà, Asuma est mort et..."
Subitement, Shikamaru, d'un geste violent, renversa la table de shogi, envoyant valser tous les pions, éteignant de ce fait la bougie qui les éclairait. Shikamaru s'était levé et toisait son père de toute sa hauteur, daignant enfin répondre avec colère :
" Qu'est-ce que tu essaies de me dire ? Tu es en train de déblatérer comme ça depuis une heure. Mais c'est pour me dire quoi ? Que je suis lâche et inutile ?"
Shikaku fit un signe de dénégation, en tournant la tête de la droite vers la gauche.
Son fils reprit avec force, lançant ses mains dans les airs, tout en criant avec colère :
"Mais alors qu'est-ce que tu me veux ? Hein ? Qu'est-ce que tu attends de moi ?"
Shikaku se leva pour regarder son fils dans les yeux, ne se formalisant pas de ses gestes et de ses hurlements. Il se plongea dans les yeux furieux de son fils et sans passer par quatre chemin, lui annonça durement :
"Allez vide ton sac ! Sors toute ta tristesse, toute ta peur, toute ta colère. Sors tout, tout ce que tu as dedans. Allez mon garçon !"
À l'entente des paroles sèches de son père, Shikamaru haleta en silence, serrant les poings, des larmes commençant à naître au bord de ses yeux. Shikaku, à la vue de se réaction, se détourna alors de son fils, puis se dirigea vers la sortie. Lorsqu'il arriva à la porte ouverte. Il se tourna une dernière fois vers lui et conclut avec sérieux :
"Après et seulement après, tu pourras réfléchir."
Il sortit ensuite de la salle de shogi complètement renversée et referma la porte derrière lui.
Shikamaru, dans un cri déchirant, tapa de ses deux poings contre le plancher avec force. Il laissa sa tête tomber doucement contre le sol entre ses bras et tomba à genoux. Les larmes venaient de se manifester et ce n'est qu'en voyant les gouttes humidifier le bois du plancher qu'il se rendit compte qu'il pleurait à grande eau. Les sanglots lui lacéraient le torse et son cœur se brisa, à la pensée fatale que c'était fini et que rien ne lui ramènerait son guide et son inspiration. Celui qui lui avait tout appris.
A l'extérieur, Shikaku, entendant les cris de son fils, comprit que ses actes ne furent pas vint. Il dut néanmoins fermer les yeux un instant, touché par la douleur exprimée par son fils.
De son côté, la douce pétrification dans laquelle Shikamaru s'était muté pour engourdir son cœur et son corps l'avait quitté et toutes les émotions qu'il avait refoulé pendant deux jours s'emparèrent de lui et secouèrent son corps de violent frissons, de sanglots et de hoquets de désespoir. Sans oublier la colère, qui semblait maintenant se diffuser dans toutes les parties de son corps, lui donnant envie de casser tout ce qui l'entourait. Cette situation désespérée avait échappé à son contrôle et l'impuissance le rendait fou. Il se répétait en litanie dans la tempête de ses pensées sombres :
"Il faut que ça cesse, il faut que ça cesse, il faut que ça cesse ..."
Il resta prostré dans la salle de shogi la nuit entière et lorsque l'aube pointa le bout de son nez, Shikamaru se tenait assis contre le mur, la tête dans les genoux. Il n'avait toujours pas dormi.
Cela faisait maintenant deux jours et une nuit.
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