III
<< Après tant de jours à se tourmenter en silence, c'était merveilleux de pouvoir enfin libérer sa colère >>, Lauren Weisberger ( Vengeance en Prada : le retour du diable)
<< La femme en colère se tait toujours, d'abord... On a le temps de passer par tous les états de la terreur... On ne sait ni par où, ni comment ça va éclater, si ce sera en mots, si ce sera en cris, si ce sera en coups >>, Raphaële Billetdoux ( C'est fou, une fille...)
1
<< Alors, Mr Jingles ? Prêt pour une 'tite ballade ? >>, ricana le même prisonnier que la veille, le chauve (enfin pas totalement, mais c'est ainsi qu'on le surnommait parfois) un peu simplet et naïf. Car c'est qu'il était persuadé qu'un politicien s'était spécialement déplacé,et ce pour quoi, je vous prie ? Pour une souris ?! Mais bon... on ne pouvait pas lui en vouloir, le pauvre. Et après tout, s'il était heureux comme ça...
Skylar le salua poliment, quand elle se rendit enfin compte de la présence de Brutal.
<< Vous venez parler à Paul ? Je regrette, mais il... (il eu l'audace de lui toucher le bras)
- Je me fiche éperdument de ce que vous regrettez ! (elle se libéra de son emprise, s'essuyant avec mépris) Et ne posez pas vos sales pattes sur moi ! >>
Brutus Howell... Elle le haïssait au plus profond d'elle-même, sans trop savoir pourquoi.
<< Dîtes-donc mam'zelle, vous en avez, du culot ! >>, s'exclaffa le détenu, fasciné.
<< Mais savez-vous seulement à qui vous vous adressez ? >>, s'emporta le gardien, furieux.
<< Et vous donc ? Je suis Skylar Wetmore, la nièce du gouverneur !
- La sœur de Percy ?, s'étonna t-il.
- Parfaitement. Je n'ai qu'un mot à prononcer et vous pouvez dire adieu à votre poste ! >>
A ces mots, elle s'apprêta à pousser la porte, lorsqu'une faible voix se fit entendre :
<< 'Pouvez p't-êt' v'nir voir le spectacle de Mr Jingles...
- Mr Jingles ?, se retourna t-elle, curieuse.
- Ma souris. Oh, pas une souris comme les autres, ça non ! Une vraie souris d'cirque ! >>
Il sortit, l'air radieux, une boîte à cigare. Les yeux gris-bleu de Skylar s'illuminèrent à la vue du petit rongeur.
<< Allez Ed, s'impatienta Brutal, on ne peux pas les faire attendre >>. Les deux hommes se dirigèrent alors vers un bâtiment situé à l'autre bout de la cour. La journaliste leur emboîta instinctivement le pas.
2
Le public frappait dans ses mains, riait à en perdre haleine. Finalement, elle ne regrettait pas d'être venue. Mr Jingles enchaînait les pirouettes, sous les applaudissements de la foule en délire. Une vraie souris de cirque ! Skylar esquissa un sourire. Au moins, pensait-elle en son for intérieur, les derniers instants du condamné n'auront pas été dépourvus de sens.
Elle jeta un coup d'œil furtif à Brutal, qui lorgnait sa montre à gousset. Qu'attendait-il ? La fête battait son plein, et la jeune femme fut surprise de voir à quel point l'animal était docile. Il allait même jusqu'à rechercher une bobine de bois afin de la rapporter à son maître ! Jamais Skylar n'avait vu un tel numéro.
Le spectacle toucha à sa fin, et toute l'assistance en repartit conquise. A son tour, la journaliste gagna le perron. Lorsqu'elle foula le sol, elle fut prise de tremblements incontrôlables. Quelque chose allait se produire ! Un vif bourdonnement parvint à ses oreilles.
<< Mademoiselle ? >>, l'interpella Brutal. Incapable de répondre, la malheureuse se laissa glisser contre le mur. << Mademoiselle ? >>, répéta t-il, l'aidant à se relever. Il la touchait (une fois de plus), mais elle n'y prêta guère attention. Ce qui lui importait, désormais, c'était ce qu'elle voyait.
De toute évidence, Percy pleurait, crachant toutes sortes d'insultes à Delacroix -le propriétaire de Mr Jingles. Ce dernier, nullement impressionné et protégé par ses barreaux, était hilare, à l'instar de William Wharton. Ensuite...
la suite, Skylar ne la connaissait pas, mais elle n'allait pas tarder à la découvrir... et plus encore : elle était sur le point de l'écrire.
3
Brutal poussa la porte, et Paul interrogea :
<< Alors ?
- Oh ils ont adoré Mr Jingles, s'extasia Delacroix, ils ont pas arrêté de rigoler ! Ils ont applaudi ! >>
Skylar entra à son tour, témoin de l'euphorie du forçat, quand son frère -l'ignorant superbement- fit son apparition.
<< C'est génial, Ed ! >>, ricana t-il d'un air étrangement sincère. Puis, se tournant vers Brutal : << C'est quelque chose, non ?(il fixa de nouveau Delacroix) T'as été parfait ! On est bien content pour toi ! >>
"Ed" lui adressa un regard méfiant. Il devait sans doute penser << Percy gentil ? Mais où va le monde ?! >> et, bien qu'elle espérait que ce dernier eut véritablement changé, Skylar préféra rester sur ses gardes.
<< Parole ! >>, le rassura t-il néanmoins, et ils finirent par rire de bon cœur. C'est à ce moment que le bourdonnement reprit.
Jamais sans arrière pensée, Percy rompit ce moment de relâchement en poussant un stupide "Bouh !", qui prit tant le prisonnier au dépourvu que celui-ci en tomba à la renverse et se fracassa le crâne sur le lino.
<< Percy, t'es un petit con ! >>, hurla alors Brutus; puis, s'adressant à Del -autre surnom du détenu- : << Relève-toi ! >>
Tandis que celui-ci regagnait sa cellule, Skylar braqua sur le fautif un regard empli d'indignation. << Percy, mais t'es malade ??!!! >>, brailla t-elle. Décontenancé, il resta un instant planté là, incapable de rétorquer quoi que ce soit. Ses yeux vacillèrent, et elle y perçut une lueur de désarroi. Ah, cela vaut bien la peine de jouer les despotes, alors que l'on s'écrase devant sa propre sœur ! Vraiment, quel faiblard, ce type !
<< Ed, t'es bête ou quoi ?, se reprit-il. Je t'assure que je voulais pas te faire mal, je rigolais. Allez, c'était pour détendre l'atmosphè... >>
Une vive douleur -bien plus intense que les précédentes- parcouru le corps de la pauvre fille. << Non !!! >>, prévint-elle, hélas trop tard.
Terrifié, Percy tentait de retenir ses larmes. Cette enflure de Wharton venait tout juste de l'agripper par la manche, surgissant de nulle part. Avait-il prévu son coup ? Non, ce genre de cinglés ne prévoit jamais, il agit. Bref, le fait était qu'il venait de bondir tel un fauve sur sa proie -et nul n'ignore que la plupart des félins joue avec avant de lui porter le coup fatal... voire de la laisser à l'agonie... Les gars comme Wild Bill, Skylar en avait la nausée. Dès leur rencontre, elle sut qu'elle allait le détester; rien que sa sale gueule lui filait la gerbe !
Bien que le jeu du chat et de la souris l'avait toujours fasciné (après tout, c'était la dure loi de la nature !), elle se devait de réagir : c'était son frère, malgré tout ! Elle n'avait aucune idée de ce dont ce dégénéré était capable, mais il fallait qu'elle intervienne ! Et s'il tuait Percy ? Et s'il...
<< T'es un sucre, toi ! >> Comme l'agresseur susurrait ces mots à l'oreille de Percy, il embrassa sa tempe. << T'as la peau plus douce qu'une fille...~ >>
Paul lui cria de le lâcher, aussitôt imité par Skylar : << Laisse-le partir, ordure ! >>, s'égosilla t-elle, mais il n'en fit rien. Cette fois, il avait dépassé les bornes, l'enfoiré ! Comment pouvait-on torturer quelqu'un de la sorte ? Cet acte la révulsait au plus haut point. Elle devait mettre un terme à cette folie !
Le rictus ornant le visage de Delacroix semblait chaque seconde plus grand, atteignant son paroxysme à l'entente des paroles on ne peut plus suggestives de Wild Bill :
<< J'préfère ton joli p'tit cul que la fente de ta sœur...~ >>
Immobile, Percy éprouvait beaucoup de mal à respirer. la terreur se lisait dans ses yeux et il était pâle comme un linge. Paul s'anima enfin : dégainant son arme, il fulmina un assourdissant "WHARTON !!!", lequel lâcha aussitôt prise. la jeune femme manqua de tomber dans les pommes. les jambes flageolantes, elle se dirigea vers Bill. Ce dernier se fendait la poire, déblatérant à son habitude un tas d'insanités.
Ne pouvant contenir sa rage, elle sortit de ses gonds : << JE VAIS TE TUER, ENFOIRÉ !!! >>. Elle ferma les yeux l'espace d'un instant. Lorsqu'elle les rouvrit, ses pupilles s'étaient rétractées exactement comme celles d'un animal féroce, et ses iris autrefois gris-bleu avaient viré à l'ambre. De longues mèches blond cendré lui couvraient à présent la majeure partie de la figure, et ses prunelles de louve flamboyaient, à l'affût du moindre mouvement. Mais cela, Wharton fut le seul à le remarquer. Il se plaqua contre le mur de sa geôle, incrédule et surpris.
Sans crier gare, la démone se téléporta dans la cellule de son ennemi, munie d'un énorme couteau de cuisine. En moins d'une seconde, l'homme gisait au sol, dans l'incapacité totale de se défendre. Il hurlait ? elle lui tranchait la langue ! Il essayait de se débattre ? elle le poignardait en plein cœur ! Chlak, chlak, chlak ! Ni une ni deux, il se vidait de son sang. Mort ? Déjà ?
Personne ne sembla se rendre compte du massacre, puisque seul le rire tonitruant de Del attirait l'attention générale, hormis bien sûr les mugissements de "Calamity Jane" -qui n'était pas mort du tout, finalement.
<< Putain, mais tu vas te la fermer ?! >>, s'empourpra Brutal. Ses yeux lançaient des éclairs à Bill, lequel rabâchait la même rengaine : << Ah, ça fait mal ! Arrête, connasse ! >> mais quand le gardien jeta un regard inquisiteur à Skylar, elle se tenait là, immobile au beau milieu du couloir.
4
---1917---
Les pieds dans l'eau, la gamine contemplait la nature, balançant à intervalles irréguliers quelques cailloux. le clapotis de la rivière l'apaisait, semblant rendre la vie moins dure.
<< Tu viens jouer, Sky ? >>
Elle ne répondit pas.
<< Allez, viens ! >>, la pressa le bambin. Toujours rien. Il s'assit alors à ses côtés.
<< Tu vas avoir les fesses pleines de terre...
- Mais je m'en fiche, moi, de la terre ! Ça va pas ? >> Disant cela, il la fixait de ses grands yeux inquiets. Tant d'expressivité dans ce regard... " Tu peux tout me dire, tu sais. De quoi qu'il s'agisse, je serai toujours là pour toi ", voilà ce qu'il semblait vouloir dire. la fillette se força à sourire.
<< C'était il y a déjà un an... >> Ses larmes se mêlaient au courant, tandis qu'elle scrutait le ciel azur.
------------------------------------------------
Un an plus tôt, jour pour jour, à quatre heures près, Skylar se réveillait en pleurs. Elle n'avait pas fait de cauchemar, pourtant. << Maman ! Papa ! >>, murmurait-elle. Percy piaillait à s'en casser la voix. << Pourvu que je me trompe... >>, priait-elle tandis qu'elle surplombait l'escalier. A l'entrée de la cuisine, une flaque d'eau limpide parsemée d'éclats de verre; et, dans l'embrasure de la porte, sa tante. << Qu'est-ce que... Oh non... >> Et ses sanglots redoublèrent. Dès lors, elle en fut convaincue : en cette nuit du 04/06/1916, ses parents s'étaient éteints.
------------------------------------------------
<< Tata dit qu'ils sont partis, juste comme pour moi...
- Ils ne nous ont pas abandonné, espèce d'idiot ! Ils sont... Ils... (sa voix tremblait à l'annonce de la terrible vérité)
- Si ! Même qu'ils avaient peur de toi à cause de tes machins bizarres !
- Q-Quoi... ?
- Elle dit que c'est ta faute et que t'es pas normale !
-Non ! Tu mens ! T'es qu'un sale menteur ! (elle se bouchait les oreilles, espérant ainsi fuir la réalité)
- C'est pas vrai ! T'es pas normale ! C'est tout de ta faute ! Tu pleures, mais c'est ta f... >>
La violence de la gifle fut telle que le môme s'en trouva projeté la tête la première dans la rivière.
<< A l'aide ! Au secours ! A l'aiiiiiiiiiiiiiiiiide !!! >>
Paniquée, suffoquant, la pauvre gosse hurlait à la mort. << Il sait pas nager ! Au secours ! >>
Elle aurait aimé plonger à sa rescousse, le tirer hors de l'eau, le ramener sur la berge. " Et tant pis pour la terre ! " Au lieu de cela, elle regardait la scène, impuissante -elle non plus ne savait pas nager. << Vas à la maison chercher Tonton ! Vite, ne réfléchis pas ! >>, disait une petite voix dans sa tête. << Mais, si je pars, et qu'il... Oh, et puis crotte ! >> Elle s'était juré de toujours le protéger, et "une promesse, ça se tient ! ".
<< J'arrive ! >>, cria t-elle, mais déjà, sa tante débarquait en trombe. Lorsqu'elle l'allongea sur la rive, le mioche ne respirait plus.
5
<< Il a pissé dans son pantalon !!! >>, gueula Delacroix. A force de rire, il en avait les larmes aux yeux. Wharton, lui, s'était évanoui sous le coup de la douleur. Et un connard de moins !
<< Qu'est-ce que... >> Skylar tourna la tête, pour voir un Percy humilié et anéanti.
<< Merde... >>, chuinta t-il, au bord de la crise de larmes. Effectivement, Del avait raison... En l'espace d'une minute (si ce n'est moins), il avait eu la frousse et l'opprobre de sa vie.
Et le captif de renchérir : << Regardez ce qu'il fait, l'gros dur qui bastonne des pauvres malheureux avec sa matraque; mais oui, ce mauvais homme ! A peine on le touche, le v'là qui mouille son pantalon ! Pauvre petit !
- La ferme, Ed ! >> Dans ses yeux pétillait toujours un éclat ambré, et un liquide vermeil dégoulinait le long de ses mains : ses ongles, à force de serrer les poings, avaient fini par transpercer sa chair. mais ça, elle s'en moquait.
Brutal avait beau remettre Del à sa place, rien n'y faisait : l'écho de ses hoquets frénétiques en donnait presque mal au crâne. Dean, dont la présence n'avait jusqu'alors été que purement décorative, s'avança vers la jeune journaliste.
<< Qu'est-ce qu'il avait à gueuler comme ça ? On aurait dit un porc qu'on égorge !
- Je... Je n'en ai pas la moindre idée, Mr... >>, sourit-elle, non sans une once de provocation. manifestement, elle bluffait. Il haussa un sourcil, suspicieux.
<< Le principal, c'est qu'il nous fiche la paix, non ? >> Si hautaine... et pourtant si troublante... Dean resta un instant là, interdit. Elle était si belle dans sa robe gris perle, laissant sa longue chevelure blonde lui courir sur les épaules... Il se reprit, sentant le rouge lui monter aux joues.
<< Si vous... Si vous en parlez à qui que ce soit... je vous fais tous virer ! Si vous le dîtes à qui que ce soit, je vous jure... >>
C'était Percy qui pleurait. Dean se surprit à éprouver une pointe d'empathie à son égard (le gringalet lui parut même un peu plus humain).
<< Rien de ce qu'il se passe dans le Bloc E ne sort du Bloc E, le rassura Paul. C'est une tradition. >>
Delacroix frisait l'étouffement, sous le regard noir de Skylar. << Ed... ! >>, le menaça t-elle, mais il préféra faire la sourde oreille. Percy, qui s'était jusque là contenté de s'apitoyer sur son sort, explosa soudain : << Vas-y, marre-toi, le Pédé de Louisiane ! Continue à te marrer, vas-y !!! >>
Et c'est exactement ce que ce dernier fit : << vas mettre des couches, Percy ! (puis, en chantant)Percy Wetmore, quand il danse, il a l'cul mouillé jusqu'à la panse !!!~ >>
La jeune fille manqua lui faire la même chose qu'à Wharton. Calme-toi... Ignore-le... Ne te montre pas si faible ! Elle serra les dents et empoigna son frère par le bras. << Allez viens, tu vaux beaucoup mieux que ça ! >>
Ce qu'elle avançait, elle-même n'en était pas sûre -en fait, elle tentait de s'en convaincre. Néanmoins, hors-de-question qu'elle leur donne ce qu'ils voulaient. " Ne t'abaisse pas à leur niveau, murmurait la petite voix intérieure. Ne ploie pas le genou devant eux. Élève-toi, montre-toi plus intelligente... "
Ils avaient à peine franchi quelques mètres que le "Pédé de Louisiane" s'étala au sol, s'étranglant littéralement de rire. Si Skylar prouva sa maturité en poursuivant son chemin tête haute et dans le plus grand des calmes, Percy, lui, opta pour la finesse d'un doigt d'honneur. Puis, remarquant qu'elle lui tenait encore le bras, il se dégagea d'un coup sec. << Ne me touche pas ! >>, grommela t-il avant de s'enfermer à double tour dans une espèce de cagibi. Lorsqu'il réapparut, il avait enfilé un nouveau pantalon; mais son humeur, elle, demeurait inchangée.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Enfin !!! J'ai mis 3 heures à uplaud ce chapitre ! >.> j'espère qu'il vous plaira, parce que je me suis littéralement cassé le cul à l'écrire (la chaise était vraiment pas confortable TT-TT) XD
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top