CHAPITRE QUATRE

JULES
« œil pour œil »

J'attends Lina devant sa fac. Je n'avais pas pu la voir pendant deux semaines puisqu'elle révisait à fond pour ses partiels. Et pendant ces deux semaines, je me suis torturé l'esprit à cause de Margaux.

Je ne m'attendais pas du tout à la revoir, et encore moins quand j'étais chez Antoine. Faut dire que j'ai coupé les ponts avec tout le monde en partant d'ici, et je ne me suis jamais vraiment intéressé à ce que tout le monde devenait pendant ce temps-là.

J'ai bien vu son regard, cette manière dont elle avait de poser ses yeux partout sauf sur ma personne, comment son sourire mourait à chaque fois qu'elle entendait ma voix. Quand je repense à tout ce qu'on a vécu, ce qu'on aurait pu vivre. Pendant longtemps j'étais persuadé que Margaux était la femme de ma vie. J'aurai tout donné pour elle, d'ailleurs j'ai tout donné. J'y ai laissé des morceaux de moi. Je n'aurai jamais cru m'en relever d'ailleurs.

C'était terrible de la revoir. J'ai une sensation d'inachevée qui me tord les tripes. Je me souviens de son corps contre le mien, la manière dont on savait tout de l'autre, la connexion qu'on avait.

Ma copine finit par sortir du bâtiment.

Je me sens terriblement mal de penser à quelqu'un d'autre alors que je sors avec cette fille adorable qui prend tant soin de moi. Elle est douce et patiente, drôle et intelligente. Alors pourquoi Margaux ne veut pas sortir de ma tête ?

C'est pour cette raison que j'ai décidé de couper les ponts avec elle. Je ne faisais que des conneries quand elle était dans ma vie. J'ai d'ailleurs trompé mon ex-copine avec Margaux et je m'en suis terriblement voulu !

Mais elle était comme une drogue dont j'étais totalement accro.

Lina rentre dans la voiture et dépose un doux baiser sur mes lèvres. Elle resplendit et ses cheveux auburn sont réunis dans un énorme chignon de danseuse. Et pourtant même si mon corps frémit à son contact, une voix dans ma tête m'hurle le prénom de celle qui m'a tant fait de mal.

— J'ai envie de sortir ce soir. J'ai enfin fini mes partiels, j'ai besoin de m'amuser.
— J'ai des copains qui m'ont invité ce soir, si ça te dit d'y aller.

Je me gifle mentalement. Pourquoi je propose à Lina d'aller à un endroit ou Margaux sera forcément ? Je veux prouver quoi exactement ?

— Ceux chez qui t'étais la dernière fois ?
— Yep. Antoine était mon meilleur pote. N'empêche, il a mon âge, il a fait construire sa propre maison avec sa copine.
— Peut-être que bientôt on aura la notre ?

Bizarrement, y'a quelques temps, j'aurai été heureux qu'elle se projette aussi loin avec moi. On est ensemble depuis un an, et parfois on s'amuse à parler du nombre d'enfants qu'on aimerait avoir, des prénoms. Mais là, ça me coupe le souffle, ça me file une sensation de panique qui commence à me ronger de l'intérieur. Il y a dix ans, je voyais mon avenir avec Margaux, je la voyais dans une jolie robe blanche, remonter l'allée de l'Eglise, venir me dire oui. Je l'imaginais encore parfois il y a six ans.

J'ai rencontré Lina grâce à ma sœur Léa. Elles étaient ensemble à la fac il y a deux ans avant que Léa décide de prendre une année sabbatique pour faire au pair aux Etats Unis. Lina a deux ans de moins que moi, et tout de suite, le courant est passé. On était en relation à distance jusqu'à ce que je me décide à enfin revenir il y a deux mois. J'ai eu une proposition de poste que je ne pouvais pas refuser. J'ai pris un appart et j'ai laissé Lina faire la décoration pour qu'elle se sente chez elle. Elle dort très souvent chez moi, sauf là pour qu'elle puisse réviser tranquillement. Est-ce que c'était le manque qui m'a fait autant penser à Margaux ? Ne plus avoir personne avec qui dormir ?

Je n'en sais rien, et ça me fait flipper grave.

***

Je me gare dans l'allée de chez Antoine et Camille et envoie rapidement un message au premier pour lui signaler qu'on est là. Il me répond de faire le tour de la maison, qu'ils sont sur la terrasse.

Alors qu'on s'approche, j'entends les éclats de voix, et je reconnais celle légèrement éraillée de Margaux. Cela me rappelle tellement de souvenirs que j'en ai des frissons. La manière dont elle prononçait mon nom lorsque je l'embrassais sur tout son corps.

Quand j'apparais, son rire se meurt et je me hais de lui faire autant de mal, et en même temps j'en tire une certaine satisfaction de voir que j'ai autant d'importance encore à ses yeux.

On commence à faire le tour de la table et Lina se présente à tout le monde. Quand nous arrivons au tour de Margaux, celle-ci se tend lorsque nos joues rentrent en contact. Je me décale pour laisser passer ma copine.

— Enchantée, Lina.
— Margaux.

Cette dernière tente de lui sourire de la manière la plus sincère qui soit, mais je la connais assez bien pour voir que cela lui coûte. Pourquoi cela me fait autant plaisir ? Comme la dernière fois, je ressentais un malin plaisir à la faire souffrir comme elle l'avait fait. Je ne pouvais pas m'en empêcher. J'avais besoin de voir dans ses yeux la souffrance que je lui causais, comme une sorte de vengeance pour tout ce qu'elle m'avait fait subir. Je pouvais enfin lui rendre la monnaie de sa pièce, mais à quel prix ? Combien de temps j'allais continuer de la tourmenter en sachant qu'au final c'est presque tout aussi éprouvant pour ma propre personne ?

— Alors ? Tu es la copine de Jules, c'est ça ? demande Camille, une lueur malicieuse dans les yeux.
— C'est ça. Ça fait un an et demi qu'on est ensemble, fait Lina tout sourire.
— Tu es d'ici toi ?
— Oui, je suis d'ailleurs toujours dans les études. Je croise les doigts en espérant pouvoir valider ma première année de master.

Masha semble très intéressée par les études de ma copine, et je constate que Camille fait un signe discret de la main à Margaux pour lui indiquer de rentrer dans la maison avec elle. J'ai très vite compris que la propriétaire des lieux ne m'appréciait pas énormément, sûrement à cause de son amie. La solidarité féminine doit l'obliger à prendre partie, ce que je ne peux pas forcément comprendre. Nous les mecs, on se prend largement moins la tête avec ce genre d'histoire. On considère que si notre pote est en tord, il est en tord, bien que ne le dise pas devant tout le monde. Le nombre de fois ou Lina me raconte des embrouilles avec ses copines, je me demande comment elles arrivent encore à traîner ensemble. Et ça me rappelle une phrase que disait souvent Margaux. Elle ne s'entendait que très peu avec les autres filles car elles faisaient toujours des histoires pour rien et ça ne collait pas du tout avec son tempérament, elle qui aime la franchise et la loyauté. Cracher sur le dos des gens, ce n'était pas du tout son délire à l'époque.

Je sus ravi de voir Lina s'adapter aussi facilement dans mon nouveau et ancien groupe de pote, mais je me méfie de la fausse blonde qui hante mes pensées.

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