CHAPITRE DEUX

MARGAUX
« à la dérive »

J'ai été tellement perturbé par le fait de revoir Jules il y a deux jours que j'ai fini par envoyer un message dans la matinée à ma pote la plus proche. J'ai terriblement besoin de parler à quelqu'un et Camille est la personne en qui j'ai le plus confiance actuellement, après Antoine son copain, et mon meilleur pote depuis que j'ai douze ans.

Comme le monde est petit d'ailleurs !

J'ai rencontré Camille durant ma première année de fac de lettres. On est tout de suite devenu proche et était ma seule amie puisque j'avais coupé les ponts avec tout le monde en sortant du lycée. Mon ancien cercle d'ami était trop toxique pour ma personne.

Un jour, elle m'a présenté son copain avec qui elle était depuis deux ans maintenant, qu'elle avait rencontré quand ils étaient en première, et surprise, quand une tête blonde s'est pointée devant moi, avec ses grands yeux bleus, c'était Antoine.

Antoine était avec moi au collège, meilleur pote de Jules qu'il connaissait depuis la petite section, et tous les trois on a très vite accroché. On a passé nos trois années ensemble, de la cinquième à la troisième, totalement inséparable. On a choisi le même lycée pour notre seconde, quand tout a commencé avec Jules. Malheureusement, Antoine s'est rangé du côté de son meilleur pote après plusieurs de mes conneries, et en première il a changé de lycée pour aller en bac pro. Suite à cela, on ne s'est plus parlé, jusqu'à ce qu'on se retrouve grâce à Camille.

Au début, il était sceptique. C'est vrai que je n'étais pas la meilleure version de moi-même au lycée, et sûrement que Jules a dû lui raconter ce qu'il s'est ensuite passé entre nous. Mais il a fini par voir que j'avais changé et que j'étais plus ou moins redevenue celle qu'il avait connu avant.

Antoine et Jules ne se sont pas revus après que Jules soit parti faire ses études dans une autre ville, et quand ce dernier est revenu pour les vacances et qu'on a tenté de se rabibocher, le blond voyait cela d'un très mauvais œil. Pour la première fois, il vivait cette histoire de mon point de vue et il m'a relevé après le départ du brun.

— Je ne pensais pas qu'il allait revenir ici.
— Moi non plus, j'avoue à mi-voix.

Cela fait bien cinq minutes que je touille les glaçons en plastique à l'aide de ma paille alors que je viens de finir de raconter à Camille comment j'ai croisé Jules.

— Il ne t'a même pas parlé cet abruti. Il aurait pu au moins avoir la politesse de te demander comment tu vas après toutes ces années !
— Je ne l'ai pas fait non plus !

Je la vois souffler en levant les yeux au ciel. Camille, ne m'ayant pas connu au lycée, s'est tout de suite rangée de mon côté sur cette histoire, bien que j'ai eu beau lui expliquer tous mes tords, qui sont terriblement nombreux. Elle ne veut pas entendre que je sois la méchante, s'entêtant à dire que j'étais juste perdue et que c'était normal. Antoine a bien tenté de lui expliquer que j'étais loin d'être blanche, mais rien à faire, la jolie rousse ne peut pas encadrer Jules en peinture.

— Il t'a fait croire qu'il allait revenir il y a cinq ans, que vous allez enfin pouvoir la vivre votre histoire d'amour avant de te lâcher par message que finalement il partait continuer ses études encore plus loin ! Tu trouves qu'il t'a respecté là dessus ?
— Camille...
— Non, ne recommence pas à m'expliquer tout ce que tu lui as fait, je sais déjà tout. Mais là, c'est lui le fautif, et je n'en démord pas !

Je baisse la tête. C'est vrai. La dernière fois qu'on s'est parlé, il m'avait promis de revenir, qu'il allait continuer ses études ici et que cette fois-ci, on allait pouvoir être enfin ensemble. Je touchais l'espoir du bout des doigts, je me disais que j'allais enfin pouvoir l'aimer de toute mon âme comme il le méritait. Mais le dernier jour des vacances d'été, Jules m'a envoyé ce simple message :

« Finalement, je pars à Paris. Je crois qu'il vaut mieux qu'on coupe les ponts. Nous deux, ça ne marchera jamais. »

J'étais tombée de terriblement haut. Mais je lui avais quand même souhaité le meilleur pour son futur et en même temps, nous nous étions bloqués de partout, comme ça, aucun de nous deux ne pourrait venir foutre en l'air la vie de l'autre sur un moment de faiblesse. Moment de faiblesse qui a bien failli m'arriver un million de fois. Et quand finalement j'arrivais enfin à l'oublier, le voilà qui revient.

— Antoine va pas tarder, il vient de m'envoyer un message. Il va te dire la même chose que moi, tu verras.

Sauf que lorsqu'Antoine a passé la porte de leur maison, c'était tout autre.

— J'ai invité quelqu'un à boire l'apéro, chérie !

Quand il débarque sur la terrasse et qu'il me voit, son visage se décompose. Il me tape la bise, la mine contrariée.

— Je vais y aller de toute façon.
— Non, tu ne bouges pas de là. Antoine est ton meilleur pote, moi aussi, tu es privilégiée par rapport à n'importe qui, fais Camille en fusillant son copain du regard.
— Je ne suis pas sûr que ça lui plaise de savoir qui est là.

En effet, à travers la baie vitrée, je reconnais Jules. C'est pas possible. J'ai du faire quelque chose de terrible dans une autre vie pour mériter tout cela. Le brun s'approche timidement et quand il me voit, son sourire s'éteint en une millième de seconde.

— Je te présente Camille, ma copine. Camille, voici Jules, mon meilleur pote d'enfance. Et...
— Enchantée. Depuis le temps que j'entends parler de toi entre Antoine et Margaux ! Je peux enfin mettre un visage sur ton prénom.

Camille est froide, faisant clairement comprendre à Antoine qu'il aurait pu la prévenir par message, et à Jules qu'il n'est pas forcément le bienvenue ici en ma présence.

D'un pas maladroit, il s'approche de la rousse pour lui faire la bise puis fait le tour de la table pour venir jusqu'à moi. Je suis totalement figée et coupe mon souffle quand sa joue se dépose sur la mienne.

— Vous voulez manger avec nous ce soir ? On a d'autres potes qui doivent passer plus tard, on se fait une petite soirée, ça vous dit ?

J'allais m'apprêter à refuser mais Camille confirme à ma place tout en plantant ses yeux verts dans les prunelles marrons de Jules, attendant de voir sa réaction.

— Je ne sais pas, je veux pas déranger.
— Tu ne déranges personne. Hein, Camille ?

Il y a clairement des éclairs entre les deux amoureux, mais on se retrouve contre notre gré à devoir rester avec eux, presque pour faire tampon. Une partie de moi se sent blessée de voir qu'Antoine veut que Jules reste, mais je sais qu'il le fait aussi pour tenir tête à sa copine.

Merde.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top