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Audric

Je sais pas vraiment pourquoi je me tiens cette bâtisse. J'ai couru, pendant un bon moment, jusqu'à finir à genoux, à vomir mes tripes. Évacuer ma tristesse, ma rage et ma solitude. Je ne sais pas pourquoi je fais cet espèce de pèlerinage aujourd'hui. D'abord ma mère, maintenant cette maison.

Je tire avidement sur la cigarette coincée entre mes lèvres et recrache la fumée doucement, les yeux rivés sur cette maison. Cette maison qui n'a plus rien à voir avec celle que j'aie connue. La forme est la même, le jardin aussi. Mais la peinture blanche vive est nouvelle, elle n'a plus rien de triste avec cette couleur qui semble scintiller au soleil.

Debout sur le trottoir de l'autre côté de la rue, je n'arrive pas à détacher les yeux de cette maison. Les sourcils froncés, je la contemple alors que les souvenirs de ma vie d'avant me traversent l'esprit. C'est comme si, maintenant, j'étais à milles lieux de cette vie, de mon enfance. Je crois que j'ai autant changé que cette bâtisse. Fini le Audric perturbé, fini les services sociaux, terminé les coups, les adultes malveillants. Comme cette maison, j'ai créé un nouveau moi en tatouant mon corps meurtri. Je me suis créé de nouveaux souvenirs avec une nouvelle famille. Des souvenirs plus beaux, et un futur plus radieux.

- Vous comptez rester encore longtemps à fixer ma maison ?

Je sursaute, fait tomber ma cigarette de mes lèvres et l'écrase avec mon talon en me retournant. Devant moi se tient une jeune femme, dans la trentaine. Des cheveux noirs frisés encadrent son visage qui devient avenant à la vue du mien. Je fronce les sourcils et lui demande de répéter sa phrase, ce qu'elle fait avant d'ajouter :

- j'aimerai savoir pourquoi vous fixer ma maison depuis une bonne demie heure.

- Oh. Désolé.

Je me frotte l'arrière du crâne, mes cheveux ont bien repoussé depuis mon séjour à Rikers, et Peyton les adores comme cela. Je souris rien qu'en pensant à ma copine puis me reconnecte au présent et désigne la baraque d'un mouvement du menton.

- C'était ma maison.

- Oh. Marilyn Sanchez.

- Audric Baker.

Elle pince les lèvres et baisse la tête avant de répéter :

- Oh. Euh... vous voulez peut-être entrer et vous comment elle est maintenant ?

Je la regarde sans dire un mot, elle veut vraiment me faire voir sa maison ?

- Enfin, si vous voulez pas, je comprendrais... je crois que vous avez vécu des moments... difficiles dans cette maison.

Je grimace et fourre mes poings serrés dans mes poches.

- Désolée, s'empresse la femme de dire. Euh... je vous ai reconnu.

- J'avais saisis à ta tête.

Elle esquisse un sourire et me regarde à nouveau.

- Je ne voulais pas paraître indiscrète, mais, je crois que l'Etat entier connaît ton histoire Audric. Après ton procès, on a compris à qui appartenait la maison avant, et tout ce qui s'y était passé... on a pensé déménager mais, c'était devenu notre foyer, tu comprends.

Je hoche la tête.

- De toutes façons, c'est pas la maison qui fait le foyer, mais les personnes qui y habitent, soufflé-je.

- Tu sembles épuisé, me dit-elle avant de commencer à traverser. Un bon café ne te feras pas de mal.

Je la regarde rejoindre la petite barrière blanche qui entoure désormais le jardin de devant. Je reste là, sans bouger. Incapable de décider si je vais la suivre ou non. Puis, Marilyn se retourne et me fais un signe de tête. Comme un robot, je me mets à avancer sans même y penser. Peut-être que de rentrer dans cette maison va me faire comprendre que tous mes mauvais souvenirs appartiennent au passé pour de bon.

Je ne sais pas pourquoi, mais j'imaginais l'intérieur comme je l'avais laissé. Sale, avec la cuisine séparée par un mur moisit, des vieux meubles qui ne remplissent pas l'espace... mais c'est totalement différent. Tellement différent, que je marque un temps d'arrêt en passant la porte d'entrée. Ils ont cassé un mur pour créer une source de lumière avec une baie vitré qui donne sur le jardin de derrière, casser une partie du mur de la cuisine et former ainsi un bar qui relie les deux pièces principales, et c'est joliment décoré. Un peu comme chez Karen. Mais surtout, c'est propre. Oubliés les odeurs de moisit, la poussière et le reste.

- C'est joli, soufflé-je en rejoignant Marilyn dans la cuisine.

- Merci.

Elle me sert un café, et on s'installe au bar. Je fais naviguer mon regard dans la maison, choqué de ce qu'aurait pu être ma demeure. Peut-être a-t-elle été aussi jolie autrefois, quand papa et Jayden étaient encore là, mais je ne m'en souviens pas. Je remarque alors des photos de famille sur un meuble, derrière le canapé. Un petit garçon âgé de cinq ans environ, sourit à pleines dents à l'objectif, encadré par ses parents. aussitôt, je repense à mon frère et une question me vient :

- Le point d'eau il...

- On l'a recouvert à la naissance de Max. Mon fils, ajoute-t-elle en pointant du doigt la photo que je regardais.

Je hoche la tête. Très bien, au moins, ce petit garçon a des parents responsables.

- Bon... dis-je après avoir avalé mon café d'une traite. Je vais y aller. Euh... merci, pour le café.

J'ai l'impression d'être un abruti, mais je ne me vois pas rester dans ce foyer pendant des heures. Dix minutes me suffisent bien assez.

- Attends ! M'interpelle Marilyn alors que je m'éloigne déjà vers la sortie. Deux minutes, s'il te plaît.

J'accepte d'un hochement du menton et elle s'éclipse la seconde d'après. J'enfonce mes mains dans mes poches et en tire paquet de cigarette. J'hésite une minute, mais elle ne revient pas. Alors, j'en glisse une entre mes lèvres et la voix de Karen me sermonne dans ma tête « pas dans la maison, sale gosse. ». Je pousse donc la baie vitrée et me retrouve dans le jardin de mon enfance, en mieux. J'embrase le bâton blanc et examine les lieux. Une balançoire a été installée, une terrasse de construite et le tout donne quelque chose de vraiment digne d'une belle famille.

- Comment tu trouves le jardin ?

Je sursaute une nouvelle fois, encore pris sur le fait par Marilyn. Je grimace, gêné et elle me sourit avant de me donner une plinthe de mur qui me renvoie des années en arrière. J'examine le morceau de bois sans le toucher, cherchant à savoir si c'est bien celui auquel je pense. Je repère aussitôt ce que je voulais voir.

Les initiales AB - JB.

Les miennes et celles de mon frere.

Celles que j'ai gravées dans sa chambre un jour de tempête. Jayden avait peur, mais il voulait dormir seul - enfin, notre mère ne voulait pas qu'il quitte sa chambre comme un bébé... Pour le rassurer, je lui avait refilé ma vieille peluche panda et afin qu'il sache qu'on serait toujours ensemble, armé d'un couteau, j'avais gravé ces lettres.

Je ferme les yeux un instant et souris, c'est l'un de mes plus beaux souvenirs d'enfance. Parce que Jayden était là, parce que j'avais joué mon rôle de grand frère et parce qu'il était fier de moi.

- Il y avait aussi un vieux panda mais... on a dû le jeter, je suis désolée.

- C'est pas grave, dis-je la voix enrouée. Je peux la garder ?

Du menton je désigne la plinthe qu'elle tient toujours et elle hoche la tête en me la donnant. Du pouce, je caresse les lettres et la remercie d'un murmure.

Quelques minutes plus tard, je me retrouve dans la rue, à fixer la maison qui m'a vu grandir. Cette fois, je suis sûr que le pauvre gosse qui y vivait n'est plus. J'ai changé avec le temps, surtout ces dernières années. Grâce à Peyton, à Karen, à Ty, et même grâce à cette peste de Juliet. Aujourd'hui, je suis prêt à aller de l'avant, à devenir un homme encore meilleur et à donner le meilleur de moi-même.

Je fouille dans mes poches, ne trouve que mon paquet de clopes et un briquet, merde... j'ai oublié mon cellulaire à la salle de boxe.

Je résiste à l'envie de me frapper le font pour ma bêtise et commence à marcher. La route est longue pour rentrer chez moi.





Hello mes chatons,

Mince ! Ça faisait trop longtemps que j'avais pas publié ici....

Pardon ! Milles fois désolée.

J'ai énormément de mal à laisser partir Audric, Peyton et la bande. Mais il va bien falloir. La fin se rapproche et j'ai de plus en plus de difficultés à écrire.

Bref, ne parlons plus de choses tristes !

Qu'avez-vous pensé de ce pèlerinage ?

La bise ❤️

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