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Je coupe l'eau et sors de la baignoire en m'essuyant, puis une serviette autour de la taille j'attrape ma brosse à dent et étale le dentifrice dessus.
Je quitte la salle de bain une fois prêt, après avoir jeté un regard mauvais à mon reflet dans le miroir. Je hais ces trucs, ces objets qui te renvois tes souvenirs les plus sombres en plein visage.
Je descend au rez-de-chaussée tout en en enfilant mon t-shirt et attrape une tasse que je remplis de café, afin de me réveiller un minimum pour les cours. La veille, peu avant l'heure du dîner auquel j'ai assisté contre mon gré, Jenks m'a saoulé pour aller en cours ce matin, et devant le regard insistant de son mec j'ai finis par capituler.
- Content de voir que t'es vraiment décidé à aller en cours. Lance Jake en pénétrant dans la cuisine
Je sursaute, ne l'ayant pas entendu arriver et en lâche ma tasse qui s'écrase au sol dans un bruit caractéristique de verre brisé. Le café se répand sur le sol, me brûlant les pieds alors que mon esprit part loin, très loin dans mes souvenirs.
J'ai froid, la nuit est glacée. Je déteste avoir froid. Encore plus depuis que maman est partie. Et ici, dans cette famille, le père est méchant et coupe le chauffage quand il est pas content de nous, les enfants.
- Audric ! Viens ici sale petite merde !
Je bouche mes oreilles pour ne plus l'entendre hurler mon prénom, mais le tremblement du sol quand il s'approche de moi me fais frémir. Il m'attrape et me soulève pour me balancer de l'autre côté de la pièce.
- Alors comme ça on se bat à l'école ? Viens par ici me montrer ce que tu sais faire sale mioche !
Je me relève en tremblant, je flippe. Ce type est grand et gros, il est fort et ses mains sont gigantesques. La dernière fois qu'il m'a tapé, j'ai eu des bleus pendant des semaines !
Mon visage tape contre la table en verre qui s'effondre sous la puissance du choc, j'ai volé au travers de la pièce encore une fois. Mon œil me pique, ma vue se brouille. Un truc poisseux coule sur mon visage.
- Bordel Audric ! Eh gamin, ça va ? Karen ! Bébé viens voir, vite !
Une compresse froide sur le front, le corps étendu sur le canapé beige du salon, je mate le plafond tout en écoutant Jenks et son mec parler dans la cuisine, pensant sûrement que je suis encore dans le coltard.
- Je m'inquiète pour lui, c'est pas normal de s'évanouir comme ça d'un coup ! Dit Karen
- Peut être qu'il avait faim ? C'est sûrement une crise d'hypoglycémie et tu t'inquiètes pour rien.
Je lève les yeux au ciel et me redresse. Je m'installe en position assise après avoir retiré le gant de mon front pour le balancer sur la table basse. Mon regard accroche mon reflet dans la télévision éteinte, ma balafre en travers de mon œil semble faire la maligne, comme si elle était là pour me narguer, pour me rappeler quel genre de sous-merde j'étais.
- Non, je suis sûre que c'est plus grave que ça. Son dossier n'est pas complet, il manque des éléments mais je sais qu'il a vécu des choses horribles... regarde son visage...
- Merci ! Grognai-je en me levant
- Audric, je...
Je secoue la tête, agacé. C'est déjà saoulant de voir le regard dégoûté, ou de pitié des autres à cause de ma cicatrice, mais venant d'elle ? Une femme qui a vécu en foyer ? Qui a dû en voir des bien pires durant sa carrière d'avocate ?
Je quitte la pièce en claquant la baie vitrée qui se met à trembler sous le choc et m'assois contre le mur puis cherche activement mes clopes dans mon jean's. J'en sors une du paquet et balance celui-ci à mes pieds avant d'attraper mon briquet. Je m'acharne pendant de longues secondes dessus avant que la flamme ne vienne embraser la cigarette. Je tire avidement une taffe et regarde la fumée s'évaporer dans le vent alors que la baie vitrée s'ouvre doucement.
- J'peux ?
J'hoche la tête lentement et Jake s'empare du paquet, en retire une cigarette et l'allume prestement avant de s'accroupir à mes côtés. On fume en silence, mes pensées bouillonnent dans mon crâne. Je me revois à treize ans, sortir de l'hôpital avec une assistante sociale, l'œil recouvert d'un bandage. J'ai failli perdre mon œil, je n'ai qu'une cicatrice, ce qui en soit, est un miracle. Mais vivre avec ce souvenir ancré sur le visage c'est un rappel constant de tout ce qui m'est arrivé. Chaque merde, chaque coup, chaque bleu, chaque insulte.
- Elle ne voulait pas te blesser. Commence-t-il doucement. Nous savons que tu as vécu des choses... dures durant ton enfance. Karen n'a peut-être pas utilisé les bons mots pour le dire mais... elle ne disait pas que c'était toi qui était horrible.
- Ferme-la... lâchai-je dans un souffle
- Comme tu voudras.
Il se lève, balance son mégot dans les cendres du barbecue et ouvre la baie vitrée, il se retourne et me dit que je peux oublier les cours pour aujourd'hui. Comme si j'allais y aller après tout ça ! J'suis tout retourné. C'est la première fois que ce jour me revient aussi clairement. J'ai ressenti à nouveau toute la peur et toute la souffrance qui m'a habité à ce moment là.
« You can grow up and either get a car or you can grow up and get a tattoo. »
MGK
A partir de là, ça a été de pire en pire. J'ai changé un nombre incalculable de fois de famille, de foyer. C'est aussi à partir de ce jour que j'ai décidé de recouvrir mon corps d'encre.
Chaque tatouage cache ce que j'ai vécu.
Chaque dessin représente ce que j'ai vécu.
Aujourd'hui ma peau est semblable à une bande dessinée, c'est vrai que ça me donne un air peu recommandable et le fait que je fasse des combats de rue renforce cette idée. Mais, c'est aussi la seule façon que je connais de me défendre. Mes poings, à chaque fois que je m'en sert, ils deviennent les hurlements que je contient.
Je souffle bruyamment et décide de sortir de ma chambre dans laquelle je me trouve depuis deux bonnes heures. J'attrape mon sac à dos, le vide de son contenu pour les cours et y fourre un t-shirt et un short propre ainsi qu'un sweat. J'attrape ma casquette, l'enfonce sur mon crâne et dévale les escaliers. J'entends Karen hurler mon prénom alors que je passe la porte d'entrée, je la claque et cours jusqu'à l'arrêt de bus que je n'avais pas remarqué samedi lorsque je suis partit, mais seulement au retour. Par chance, lorsque j'arrive, un bus est là prêt à partir.
J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et me cale dans le siège, ma capuche par dessus ma casquette et sélectionne du Machine Gun Kelly dans mon téléphone avant de monter le volume au maximum.
Je descend non loin du hangar de Stan et me rends tranquillement dans mon refuge, le seul endroit que je considère plus ou moins comme chez moi, une clope entre les lèvres.
- Stan ! Un combat, tout de suite. Dis-je en pénétrant dans la grande salle
Les quelques personnes présente s'arrête de s'entraîner pour m'observer traverser la pièce, puis lentement retourne à leurs occupations en évitant mon regard noir.
Je retire mon sweat et ma casquette et puis entreprends de bander mes mains. Stan prends vite le relais tout en essayant de m'arracher quelques mots. Je lui flanque mon majeur sous le nez et grimpe sur le vieux ring tout moisit où attends un type d'environ mon âge.
- T'es Audric c'est ça ? Lance-t-il
- Ouais.
Je me place en position et le combat débute. Cette fois, je ne prends pas le temps de m'amuser. Je cogne le premier. Le craquement significatif de son nez m'arrache presque un sourire. Je cogne encore et encore. Droite, gauche. Crochet. Uppercut. Il tombe à terre, sonné et pourtant je ne peux m'empêcher de continuer.
Je me sens tirer en arrière, j'entends Stan me hurler de me calmer, que j'allais le tuer. Les gens se pressent autour du type qui gît toujours sur ring. Rien n'arrive à me calmer, je suis une boule de nerf qui est entrain d'exploser. J'envoie mon coude dans les côtes de Stan qui gémit de douleur et relâche sa prise. Mon coude vient percuter son visage et je me retourne pour lui enfoncer mon poing dans son nez.
Soudainement, je suis plaqué au sol, le visage dans la poussière. Je me débat comme un diable et la personne qui m'a jeté à terre me fait une clé de bras, comme celles des flics. Je tape trois fois ma main libre contre le sol pour signifier que je capitule et grogne alors que la prise de desserre doucement. Je tente de me dégager de suite mais une voix que je connais bien m'ordonne de ne pas bouger.
- Ça va aller Audric...
Je ferme les yeux, essayant de comprendre comment il a pu me suivre jusqu'ici sans rien dire, sans bouger pendant que je massacrai ce pauvre mec qui commence lentement à se relever non loin de moi. Les battements mon cœur ralentissent doucement, mais ma rage est toujours présente. J'ai envie d'hurler, de taper sur quelque chose ou quelqu'un. Je veux faire mal, autant que j'ai mal.
- Ça va aller... chuchote à nouveau Jake
Il m'aide à me relever, toujours en utilisant sa clé de bras qui me fait un mal de chien et il me conduit à l'extérieur du bâtiment. Il me relâche et instantanément, comme par réflexe, je me retourne prêt à lui refaire le portrait. Le visage de Karen apparaît dans mon champ de vision et mon cœur se serre alors que ses yeux s'emplissent de larmes. Je ferme les miens puis hurle de douleur et de rage lorsque mon poing entre en contact avec le mur.
Hello mes petits chats ❤️
Dur chapitre pour mon boxeur préféré...
Comme je vous l'avez précisé dans le résumé, il est écorché par les coups et la vie... vie qu'il n'a pas eu facile. Vous avez pu en apercevoir une partie.
Il semblerait néanmoins que Karen ait un certain effet sur lui, puisqu'il n'a pas pu se résoudre à la blesser en frappant son mec...
Des idées pour la suite ? ❤️
La bise 💋
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