13

Adossé à la façade de la maison et assis sur le sol, une clope dans la bouche, un café dans les mains, je mate la piscine qui scintille avec le soleil qui se reflète dessus devant moi. Des flash-backs de ce jour maudit ne cesse de me hanter depuis ce matin.

Je sais pas nager.

Cette phrase tourne en boucle dans ma tête, tout comme les hurlements de ma mère devant le corps sans vie de Jayden.

Je pose la tasse au sol avant que je ne l'envoie valser dans le jardin, et tire furieusement sur ma cigarette pour me calmer les nerfs. Je serre le poing gauche et fixe les chiffres en lettres romaines qui ornent mes phalanges : X V I X

Le quinze septembre, c'est le jour où Jayden nous a quitté. Moins d'un an plus tard, ma mère me quittait moi. La veille de mon anniversaire, comme une punition pour ne pas avoir secouru mon frère je suppose. Comme si c'était pas assez dur de n'avoir que très peu vu mon père, de n'avoir quasiment aucun souvenir de lui, juste son ombre quittant la maison, une valise à la main alors que Jayden hurlait à pleins poumons à l'étage, âgé d'à peine deux ans.

Je me frotte les yeux et passe ma main tatouée sur le visage avant de soupirer longuement.

- Tu veux un autre café ? Demande doucement Karen en arrivant sur la terrasse

Je secoue la tête en signe de négation, le regard toujours fixé sur la piscine qui semble me narguer.

- L'autre jour... commence-t-elle, tu as failli te noyer à la fête. Et là Ben nous a dit que tu répétais en boucle que tu ne savais pas nager.

- J'veux pas en parler. Dis-je sèchement

- Audric... j'ai lu ton dossier et...

- Et tu sais ce qui s'est passé ! Coupai-je. Tu sais que je suis responsable de la mort de mon frère parce que je ne sais pas nager. Tu le sais ! Alors arrêtes de vouloir m'en parler putain !

Je me lève énervé et donne un violent coup de pied dans la tasse qui vole puis retombe et se brise sur l'herbe.

- Écoute, ce n'est...

- Quoi ?! Tu vas me dire que ce n'est pas ma faute ?! Je sais bien que si ! Ma mère me l'a assez souvent répété !

- Audric ! Arrêtes ! T'étais un môme à l'époque ! Tu ne savais pas nager et...

- J'aurais dû faire quelques chose ! Réfléchis Jenks : si Ben tombait dans cette foutue piscine pendant que t'étais ailleurs, qu'il se noyait et que j'étais là, incapable de pouvoir le sortir de la flotte, incapable de bouger. Tu penserai pas que c'est de ma faute peut-être ?

Ses yeux s'emplirent de larmes mais sa bouche reste close. Son silence est suffisamment éloquent pour moi, je secoue la tête et passe la baie vitré pour rentrer dans la maison.

•••

Assis dans l'arbre, Peyton dans mes bras, je me sens enfin calme. Comme si toute la douleur accumulée s'était envolée.

- Au fait, ton repas avec ta mère et son mec ?

- Bof. J'espère juste que c'est pas un connard comme les autres. Il me fait penser à toi.

- J'sais pas comment je dois le prendre...

Elle se retourne et plante son regard dans le mien.

- T'as la même couleur d'yeux que lui. Et il a tendance à sourire en coin comme tu le fais souvent. Mais c'est tout. Sourit-elle

- J'préfère ça...

Elle se blottit à nouveau contre moi et reprends la lecture de son bouquin, alors que j'entreprends de me rouler un joint. Je l'entends ronchonner, je ris et lui dit que je peux aller sur le balcon le fumer histoire de ne pas trop l'enfumer.

- Nan, tu restes là. Dit-elle en enroulant ses jambes aux miennes

Je souris, le nez dans ses cheveux, cette fille me plaît, c'est évident. J'suis comme tout ces connards des pseudos séries télés romantiques à la con, elle commence à me mener à la baguette et moi, ça me fait rire.

La vérité, c'est que je ne me suis jamais senti aussi bien avec quelqu'un. J'ai l'impression que je pourrais tout lui raconter. Toute ma vie, toutes mes blessures, toutes mes fautes.

- Peyton ?

- Mmh ?

Les mots restent bloqués entre mes lèvres, j'aimerai lui dire pourquoi je ne sais pas nager, comme elle m'a posé la question une dizaine de fois depuis la fête. Mais rien ne sort. J'ai envie de lui parler de mon frère, de lui dire à quel point je me sens coupable de sa mort. Je voudrai lui parler de ma mère, de mon père, de leurs abandon. Mais ma gorge est nouée, c'est trop tôt, et tant que tout ce que j'aie vécu ne m'est pas revenu, je ne peux pas raconter qu'une partie de mes souvenirs...

- Non, rien. Dis-je en déposant un baiser sur sa tempe

•••

Le tic-tac de l'horloge résonne dans la pièce. La semaine a passée, semblable aux autres, les nuits hantées par mon frère, les matins à la salle de boxe a libérer toute ma haine envers moi-même dans un sac de frappes. Actuellement assis sur le sofa du psy, je peine à garder ma bouche fermer. Ici, je pourrais tout balancer. Mais, je flippe. J'ai peur que ce psy écrive dans son calepin que je suis dingue, que j'ai tué mon frère, que ma mère a eu raison de m'abandonner alors je me tais.

- A la semaine prochaine Monsieur Baker.

Je soupire et claque la porte derrière moi et rejoins Jenks qui m'attends dans sa bagnole. Sans un mot, elle me conduit à la salle de boxe où je débute mon entraînement.

- Surveille tes appuis Baker ! Hurle Zack

Je le mate de travers mais obéis en plaçant mes jambes correctement et frappe de toutes mes forces le sac. Chaque coup est comme un cri de douleur.

Armé d'une bouteille d'eau et de mes clopes, je pousse la porte de la salle et me cale contre le mur en brique rouge pour allumer une cigarette. Au dessus de moi, les lettres lumineuses « Dernier Round » scintille au fur et à mesure que la nuit tombe.

- Hey.

Sans un mot, je balance mon paquet à Ty qui me remercie d'un hochement du menton. Il commence à comprendre quand je n'ai pas envie de causer, et il est d'un énorme soutien dans ses moments là : il reste à mes côtés, et il se tait ou alors il parle de choses aussi futiles qu'inutiles.

- T'as vu Roman aujourd'hui à la cafète ?

Je souris et hoche la tête.

- Ouais, ce con s'est fait bouffer sa virilité par Juliet !

En effet, les deux amoureux étaient assis ensemble à midi et Roman agissait en petit canard face à Juliet.

- Il l'a kiff.

- En même temps, elle est mignonne. Dis-je doucement

- C'est quand que vous rendez votre relation officielle toi et ta petite intello ? Questionne Ty avec un haussement de sourcils exagéré

- Aucune idée. On a eu de la chance que personne ne nous voit au lycée nous embrasser, a part toi, les gars et Juliet. Tu te souviens ce que son connard d'ex à dit à la fête de Nathalie ?

- Sur sa réputation ? Tu te doutes bien que c'est des conneries non ?!

- Oui, évidement. Mais... ça l'a blessée. Alors si on apprends que moins d'une semaine après, elle a commencé à sortir avec un autre mec...

Ty hoche la tête lentement, il a comprit. N'empêche que je me pose toujours des questions sur ce qu'avait voulu dire Greg. Est-ce que c'était seulement pour la blesser ? Où y avait-il une part de vérité ? Je n'ose pas poser la question à Peyton, j'ai peur de lui faire du mal en la questionnant. De plus, en ce moment elle a l'air assez triste comme ça. Pas besoin d'en rajouter une couche !

Je claque la porte d'entrée et rejoins ma petite intello qui fronce les sourcils devant ses devoirs, je la regarde mordiller le bout de son stylo tout en réfléchissant et ça me fait sourire.

- Audriiiic ! Hurle Ben depuis l'extérieur

Je cours dehors avec Peyton, et on voit Ben au bord de la piscine entrain de pleurer.

- Mon ballon ! Mon ballon est dans l'eau.

- Bouges pas bonhomme, j'y vais ! Annonce Peyton en retirant son jeans et son t-shirt.

Quant à moi, je reste immobile, je la regarde sans la voir se diriger vers la piscine et y plonger. C'est comme si c'était une autre personne qui observait la scène. Comme si un autre Audric flottait au dessus de nous et voyait tout ça.

- Merci, Peyton ! Rit Ben en allant lui faire un énorme câlin malgré qu'elle soit toute trempée.

Elle lui ébouriffe les cheveux et le môme part jouer de l'autre côté du jardin. Les mains sur les hanches, l'air inquiète, Peyton le fixe de son regard étrange et ouvre la bouche :

- Tu vas enfin me dire pourquoi tu as si peur de l'eau ?

Hello mes petits chats !

Petit chapitre aujourd'hui, mais on voit bien que l'état émotionnel de notre boxeur est au plus bas...

Heureusement, la boxe et sa petite intello semble être un bon exutoire... mais, ferait-il mieux pas d'en parler avec son psy ?

des idées pour la suite ?

La bise 💋

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