Chapitre 44
Alors que j'approche du trou formé dans le dôme, accompagnant la pauvre femme qui peine à marcher, la barrière transparente s'illumine d'une lueur bleutée. La femme relève la tête, incrédule. La lumière se fait plus forte, me forçant à placer un bras devant mes yeux. Les groupes de Phandrès restés sur le parking pour aider à l'évacuation s'arrêtent également en plissant les yeux et les protégeant.
Bientôt, la lumière disparaît et le dôme éclate dans un bruit assourdissant. Je me dépêche de rejoindre le parking pour déposer la femme avant de m'élancer à nouveau à l'intérieur de la ville, à la recherche des garçons.
Lorsque je rejoins à nouveau le quartier, je me rends compte que la plupart des bâtiments sont en feu. Mes yeux parcourent chaque centimètre de rue, mais celle-ci semble avoir été désertée.
Je m'approche de l'immeuble de Geoffrey, malgré le feu qui se répand déjà dans l'entrée. Je colle mon nez à la vitre pour pouvoir observer le hall, mais rien. Aucune trace d'eux.
Les minutes passent, le feu se répand. Mais je refuse de m'en aller. Je sais qu'ils sont là, ils n'auraient pas eu le temps de sortir.
Alors que je m'apprête à entrer dans le bâtiment, j'aperçois trois silhouettes masculines. Je soupire de soulagement et ouvre la porte en coup de vent pour aller à leur rencontre.
Au milieu des flammes, Erwan et Enzo avancent en soutenant Romain qui semble entre la vie et la mort. Mon sang se glace et mes jambes me plantent. Je suis incapable de faire le moindre mouvement alors que les garçons continuent d'avancer dans ma direction.
— Victoire ! Il faut que tu ailles chercher de l'aide !
Enzo lâche Romain, à bout de force.
— Dépêche-toi, ajoute-t-il en tombant à genoux.
Mon regard se pose sur Erwan, dans l'incompréhension la plus totale. Celui-ci ne semble pas dans un meilleur état, et ce n'est qu'en baissant la tête que j'aperçois sa main ensanglantée.
Un hurlement silencieux traverse mes lèvres et je porte mes mains à ma bouche, horrifiée. Que s'est-il passé ?
Je reprend enfin les commandes de mon propre corps et marche à reculons en direction de la porte, incapable de détourner le regard. Je finis tout de même par passer la porte et me précipite, affolée, à travers les rues d'Alatlie. Je cours comme si ma vie en dépendait.
— Andrew !
Ma voix fait échos dans les rues fantômes. Je me sens seule au monde. Le désespoir s'empare de moi. Le fardeau de ne pas parvenir à sauver les personnes qui me sont les plus chères alors que leur sort est entre mes mains. Tous nos moments passés ensemble me reviennent comme un flash. Les provocations d'Enzo, les disputes et le bonheur intense avec Erwan, les moments d'égarement avec Romain. Non, il est hors de question que je les laisse mourir. Il est hors de question que Geoffrey m'enlève encore des gens que j'aime.
Un cri de rage traverse mes lèvres et je me sens poussé des ailes. Bientôt, j'arrive sur le parking qui semble bien plus rempli.
— Andrew !!
Je hurle à travers la foule. À la recherche de mon sauveur.
— Victoire !
Il apparaît devant moi, inquiet.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Où sont les garçons ?
— Immeuble... Geoffrey... Danger, articulé-je avec difficulté.
Il pose une main sur mon épaule en me lançant un regard bienveillant.
— On s'en occupe maintenant, repose-toi.
Il disparaît de mon champ de vision et je m'écroule à terre, épuisée. Mes jambes refusent de continuer à me porter, comme si le poids de mon corps était devenu trop oppressant. Ma respiration tente vainement de retrouver un rythme régulier. Mon cœur refuse de se calmer. Pas tant qu'ils ne seront pas devant moi, pas tant que je ne les verrais pas sains et saufs.
Mes mains se mettent à trembler. Je tremble de rage, de haine. Il m'a tout pris, il a gâché beaucoup trop de vie. Cet homme mérite de mourir. J'espère pour lui qu'il ne croisera pas ma route.
Je me relève. La haine me porte. J'avance, même si je peine à rester debout.
— Victoire !
La voix féminine qui m'appelle semble lointaine. Je continue de marcher. J'ignore où je vais, quel est mon but.
— Victoire !
La personne se retrouve devant moi et me secoue vivement en me tenant les épaules. Ma vue trouble redevient nette et je reconnais le visage de Julie.
— Hé ! Qu'est-ce que tu fais ?!
J'ai l'impression de sortir de ma transe. Je suis incapable de l'expliquer.
— Je...
— Viens, j'ai besoin d'aide. Il reste des gens dans la partie sud.
Je hoche doucement la tête et la suit. Nous récupérons quelques combinaisons de combats ainsi que nos masques pour pouvoir respirer dans les flammes et nous élançons en direction des quartiers commerciaux.
Lorsque nous arrivons, le paysage ressemble à une ville abandonnée. Ou pire, une ville après la guerre.
Altalie, qui était autrefois si calme, si sereine, est aujourd'hui envahie par les flammes. Les magasins, les restaurants, tout tombe en lambeau. La pluie, que je n'avais même pas sentie, déferle désespérément du ciel qui s'est teinté de gris, et le peu de personnes restant dans les rues ne savent visiblement pas comment réagir. Ils ne savent quoi penser de cette pluie, ce phénomène si étrange pour eux qui aurait pu l'être pour moi.
Le ciel ne forme plus qu'une étendue de nuages. Il continue de gronder, comme s'il ressentait la détresse de tous ces gens.
Julie et moi accourons en direction des gens qui continuent de fixer le ciel avec incompréhension. Mais en passant devant un buisson enflammé, des cris aigus parviennent à mes oreilles. Je me stoppe net alors que Julie continue son chemin. Je me rapproche des flammes en fronçant les sourcils. Cette voix...
Lorsque mon cerveau fait "tilt" et que je me rend enfin compte de qui il s'agit, je m'élance sans plus hésiter à travers les flammes.
Derrière le buisson, son regard apeuré croise le mien. Le feu l'entoure et se rapproche rapidement de lui.
Je me dépêche d'attraper sa main pour le tirer vers moi puis lui couvre la bouche et le nez pour l'empêcher de respirer la fumée.
Je le garde dans mes bras jusqu'à arriver auprès de Julie. Sa tête est blottie dans mon cou et je l'entend sangloter près de mon oreille. J'ai peur qu'il me voit, peur de voir à nouveau ce sentiment d'ignorance dans ses yeux, comme j'avais pu le voir dans ceux de ma mère.
— Julie, une combinaison !
Elle se retourne rapidement et m'en lance une, avant d'ordonner au reste des habitants de les enfiler.
J'aide Elliot à la mettre, bien qu'elle soit trois fois trop grande pour lui et retire mon masque en m'accroupissant à sa hauteur.
Lorsque son regard autrefois plein d'espièglerie croise le mien, j'y lis de l'incompréhension. Ses yeux rougis par les larmes se font ronds et il enroule ses bras autour de mon cou à ma plus grande surprise.
— Victoire !
Mon cerveau bug complètement. Je me pose mille questions. Mais j'enroule à mon tour mes bras autour de son petit corps en posant mon menton contre son épaule. Une larme roule sur ma joue. Je n'arrive pas à y croire. Après tout ce temps, il est là, c'est bien lui. Et il ne m'a pas oubliée.
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