Chapitre 42

— Erwan, derrière toi !

Je risque un regard en arrière et évite de justesse une balle qui se dirige droit vers moi. Je lève à mon tour mon arme et tire dans la direction de l'ennemie qui s'écroule lâchement au sol. Je remercie rapidement Enzo et lui fais signe de continuer d'avancer.

Devant nous, les tirs partent dans tous les sens. Nous n'avons pas une bonne vue sur le terrain, c'est pour cela qu'il nous faut avancer, mais la tâche s'avère plus complexe que prévu avec les hommes qui surgissent de nul part pour nous tirer dessus.

Je m'avance davantage et rejoins Enzo, caché derrière un grand camion. Je m'assieds en m'adossant contre la paroi métallique, jetant un rapide coup d'œil à mon ami qui tente de comprendre la position de l'ennemi. Je serre mon arme contre moi en reprenant mon souffle.

— Alors ? j'articule difficilement.

— Deux hommes à 06h00, deux à 03h00. Il y en a sûrement d'autres de l'autre côté, mais je ne peux pas voir d'ici.

— On peut les prendre par surprise ?

— Non, ils ont une vision directe sur le camion.

— Tu ne peux pas leur tirer dessus d'ici ?

— Non, mon arme n'est pas assez précise, la tienne non plus, ils sont trop loin. Mais on peut les avoir avec une grenade ! Il t'en reste ?

— Non...

— Merde.

Il se laisse à nouveau tomber à côté de moi.

— Qu'est-ce qu'on fait ? demande-t-il.

— Aux grands maux les grands remèdes. On fonce dans le tas.

Il m'adresse un regard entendu et nous nous redressons. Je prends une grande inspiration et commence le décompte.

— 3. 2. 1. On y va !

Nous nous élançons en même temps dans l'allée, tirant dans tous les sens. Les hommes s'effondrent un par un, les balles pleuvent. Nous venons rapidement à bout de tous les soldats et nous dépêchons de continuer.

— Enzo, il te reste des munitions ?

— Plus beaucoup. On ferait mieux de récupérer les leurs.

J'hoche la tête et nous revenons rapidement sur nos pas. Je récupère les munitions des hommes morts d'un côté pendant qu'Enzo se dirige vers l'autre. Lorsque j'ai fini, je reviens au centre de la place mais Enzo n'y est toujours pas. Au bout de quelques minutes, je m'élance dans la direction qu'il a emprunté et avance jusqu'à le trouver. Au sol, un des hommes tente de l'étrangler. Je me saisit habilement de mon arme et frappe l'homme à la tête. Il s'écroule et lâche la pression sur Enzo. Celui-ci se penche sur le côté en toussotant, reprenant avec difficulté sa respiration.

Je lui tend la main pour l'aider à se relever. Il l'attrape, tout en récupérant son arme, mais alors que je m'apprête à le tirer vers l'avant, son regard se pose derrière moi.

— Erwan !

Il lève son arme mais c'est déjà trop tard. La balle traverse mon bras en même temps que celle d'Enzo part. Un grognement de douleur m'échappe et j'en lâche mon arme qui tombe à terre dans un bruit métallique. Je pose ma main sur la plaie ouverte, le sang se disperse rapidement sur celle-ci.

Décidément, je n'ai vraiment pas de chance avec ça.

Enzo s'empresse de venir à moi. Il écarte ma main ensanglantée pour mesurer l'ampleur de ma blessure. Il grimace et passe une main dans ses cheveux.

— Putain ! s'exclame-t-il en donnant un coup de pied dans le cadavre de l'homme qui m'a tiré dessus. Qu'est-ce que je dois faire Erwan ?! Il faut l'enlever ?

La panique prend possession de lui, je tente de rester calme, mais l'avoir à côté de moi dans un état pareil ne m'aide pas.

— Ta gueule ! J'essaie de réfléchir !

Il se tait sans rechigner, se mordant la lèvre.

J'aurais pu essayé de l'enlever tout seul mais je n'ai pas de matériel médical, pas de compresse, pas de bandage, rien.

— Il faut que j'aille chercher des renforts.

Il a raison.

— Ok, mais avant, déchire la manche de ce tee-shirt, j'ordonne en désignant un des cadavres. Essaie de contacter quelqu'un.

Il obéis et me tend le tissu avant de sortir son talkie-walkie.

— Ici Enzo. Erwan s'est fait tirer dessus. Pas dans une zone vital mais la plaie n'est pas jolie à voir et risque de s'infecter. J'ai besoin d'un médecin ou quelqu'un qui s'y connaît tout de suite !

Après quelques secondes de silence, nous entendons des coups de feu venant de l'appareil, puis quelqu'un prend la parole.

— Enzo, c'est Andrew. Erwan peut-il marcher ?

Il me lance un regard, attendant ma réponse et je hoche positivement la tête.

— Oui, mais il est préférable qu'il ne s'épuise pas.

Je n'écoute plus la conversation et m'affaire à ma tâche. Je déchire un peu plus la manche du tee-shirt pour l'élargir et l'enroule autour de mon biceps en serrant le plus possible, la mâchoire contractée sous la douleur.

Enzo se retourne finalement vers moi.

— Andrew est en route, il devrait arriver dans dix minutes, tu tiens le coup ?

J'acquiesce en m'asseyant derrière un muret de pierre. J'essaie de garder un rythme de respiration régulier mais la douleur paraît s'intensifier à chaque fois que l'air rentre dans mes poumons. Je continue de presser ma main contre le bout de tissu ensanglanté en risquant de fermer les yeux.

— Erwan !

Je les rouvre brusquement, Enzo me fait face, le visage déformé par l'inquiétude.

— Ça va, ça va. Je suis pas en train de mourir abruti.

Enzo sourit malicieusement.

— Oui c'est bon, c'est bien un Erwan vivant que j'ai devant moi.

Après une bonne dizaine de minutes, nous entendons la voix d'Andrew. Mon ami s'écarte de moi pour lui faire signe et bientôt, ce qui semble être mon sauveur, s'agenouille en face de moi.

— Erwan ? Tout va bien ? Tu m'entends ?

Je hoche mollement la tête. Son regard se pose sur mon bras, un homme qui l'accompagne approche et lui tend une trousse de premier secours.

— Je vais devoir enlever la balle. Je ne peux pas prendre le risque de t'anesthésier, sans compter que nous n'avons pas ce genre de produit sous la main, alors tu vas avoir très mal, mais tu vas serrer la main d'Enzo d'accord ?

Enzo se rapproche à nouveau et se place à mes côtés pour m'apporter son support. Je me sens comme un petit garçon, ça va, ça ne doit pas être si douloureux que ça.

Andrew prépare le matériel. Il enfile des gants et attrape une pince.

— Il fait une hémorragie ? demande son accompagnant.

— Ça à l'air. Prépare les bandages et les compresses, nous n'avons pas beaucoup de temps pour la stopper. Erwan, je vais défaire ça et jeter un coup d'œil, dit-il en désignant mon bandage improvisé.

Je me contente de hocher la tête et Enzo s'occupe de maintenir mon bras, tout en tenant ma main. Andrew défait le nœud alors que je tourne la tête. Je n'ai pas très envie de voir l'état de la blessure. Il repose la pince et se munit d'un scalpel. Je serre les dents d'avance.

Lorsque la lame entre en contact avec mon biceps, ma main se referme automatiquement sur celle d'Enzo. Je ferme les yeux et serre les dents alors que je sens le liquide rouge s'écouler le long de mon bras.

— Hé, doucement mon vieux, tu vas finir par me broyer la main.

Je lâche sa main en portant mon poing à ma bouche. J'ai envie de hurler, mais par chance, ma voix ne traverse pas le bout de mes lèvres.

Andrew s'empresse alors de récupérer la pince, mais je ne regarde plus ce qu'il fait. Mon regard se perd dans le vide, je tente à nouveau de contrôler ma respiration et repose ma main sur mon genoux, mais celle-ci se crispe aussitôt lorsque la balle est retirée de mon bras.

— Ian, les compresses !

Le dit Ian s'empresse de lui fournir ce dont il a besoin et Andrew me fait m'allonger par terre. Il bouche la plaie en exerçant une pression pour tenter de stopper le saignement. Il change plusieurs fois de compresse car chacune d'elle se retrouve imbibée de mon sang.

— Aller, aller, murmure Andrew.

Mon regard se pose sur Enzo qui fixe intensément les moindres faits et gestes d'Andrew, le visage inquiet.

— Peut-être qu'on devrait essayer un garo plutôt ? propose Ian.

— Non, ça y est, le sang commence à stopper. Prépare moi plus de compresses et un bandage.

Enzo souffle de soulagement en se levant et passant une main dans ses cheveux. Je ferme un instant les yeux, c'est bientôt fini.

Andrew finit sa tâche en enroulant un bandage serré autour de mon bras. Il range les affaires, m'aide à me rasseoir et se lève à son tour en soufflant, sûrement soulagé lui aussi d'en avoir fini.

— Et ben ! Heureusement que Victoire n'est pas là ! Déjà que quand tu t'es fait tirer dessus à Phandrès c'était la panique, je n'imagine pas sa réaction si elle avait assisté à cette scène, déclare Enzo.

Un petit sourire s'étire au coin de mes lèvres. Je ne peux m'en empêcher en repensant à elle. Elle avait été la première personne que j'avais vu alors que je venais à peine d'ouvrir les yeux. Elle n'avait probablement même pas dormi de la nuit pour être là dès mon réveil.

Je me demande comment elle s'en sort. Est-ce qu'elle a pu trouver ses parents ? Est-ce qu'elle fait encore simplement partie de ce monde ?

— Quelqu'un a de ses nouvelles ?

— À qui ? Victoire ? demande Andrew.

Je hoche positivement la tête.

— Non, elle n'a pas pris de talkie-walkie, on ne peut pas entrer en contact avec elle...

Ça ne me plait pas du tout. Mais je suis impuissant, Altalie est une grande ville, je ne pourrais pas la trouver alors qu'elle doit constamment se déplacer.

— Erwan, il va falloir que tu rentres à Phandrès. Tu es l'un de mes meilleurs hommes, mais je ne peux pas t'envoyer à la mort. Tu ne peux pas combattre avec un bras en moins.

Le visage d'Enzo se transforme ; de la joie, il passe à la méfiance. Il est visiblement du même avis que moi.

— Andrew, je me suis entraîné pendant des années, je peux parfaitement me débrouiller. En plus, Enzo est là.

— Lorsque tu t'entraînais tu avais tous tes membres, et Enzo doit combattre, il ne peut pas se permettre d'avoir un poids sur les épaules.

Je souffle. Cet homme est le plus grand des idiots. Je me suis entraîné à combattre toute ma vie, j'attend ce moment depuis des années, alors je tiendrai ma parole et je vengerai les miens, qu'il me manque un bras, une jambe ou un œil.

— Andrew, nous savons pertinemment tous les deux que cette discussion est inutile. J'ai déjà pris ma décision et tu ne vas pas me ramener de force à l'Immeuble. Bonne chance, je déclare décidé en récupérant mon arme au sol et me relevant.

J'ai déjà pris pire qu'une foutue balle dans le bras, ce n'est pas elle qui va m'empêcher d'accomplir mon devoir aujourd'hui et mettre une bonne fois pour toute un terme à ce manège pervers et diabolique.

Je commence à repartir, sous le regard désapprobateur d'Andrew. Enzo reste immobile un instant, puis finit par me suivre avec hésitation, sans lâcher notre dirigeant du regard. Je jette un dernier coup d'œil en arrière et tombe sur un Andrew qui semble amusé par la situation. Il me sourit sincèrement avant que je ne disparaisse au détour du chemin.

— Enzo ?

— Là !

— T'es encore chaud ?

— Évidemment, tu me prends pour qui ?! s'exclame-t-il malicieusement.

Je luis rend un sourire et nous nous élançons en même temps dans une course folle. Une course qui libère mes poumons et me remplit à nouveau d'espoir. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens heureux et je ne culpabilise pas de l'être. Je suis avec l'une des personnes les plus importantes de ma vie, et même si nous courons peut-être vers notre mort, je me serais battu jusqu'au bout et aux côtés des personnes que j'aime. Et surtout, pour eux et pour elle.

— Enzo, si tu meurs aujourd'hui, sache que t'es un sacré abruti. Et je t'aime.

Il sourit bêtement.

— Attention, Victoire va être jalouse !

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