Chapitre 40
Lorsque j'ouvre les yeux, je peine à reconnaître les lieux. Je ne suis visiblement pas dans ma chambre.
Je me tourne sur le côté gauche et sursaute tout en poussant un cri de surprise. Je me redresse sur le lit et lance un coussin sur Enzo qui me fixe de près, tel un psychopathe.
— Espèce de malade ! je m'exclame.
Il lâche un rire et s'éloigne pour faire son lit.
— C'est pas moi qui squatte la chambre des autres, n'est-ce pas la naine ?
Je lui lance un regard noir en me rallongeant pour retrouver la douce chaleur du lit. Qu'est-ce que je fais là déjà ?
Erwan ouvre la porte de la salle de bain, son tee-shirt jeté sur son épaule. Il sort sûrement de sa douche. Il me sourit tendrement et s'assoit sur le lit. Mais je tire sur son bras pour le forcer à s'allonger à côté de moi. Je me colle à lui et cale ma tête contre son torse, sans demander son avis.
— Qu'est-ce que je fais là ? je demande.
— Tu t'es endormie hier soir. Comme tu partages ta chambre avec Laurie, j'ai préféré ne pas entrer.
— Ouah, jamais j'aurais cru revoir cette scène un jour, intervient Enzo.
— Quelle scène ? j'interroge.
— Erwan dans les bras d'une fille. J'aurais été moins surpris de le voir avec un homme.
— Ferme-la, répond ce dernier dans un grognement.
Sa main se déplace contre ma hanche et se faufile sous mon vêtement. Il caresse avec douceur la peau nue de mon dos. Je ferme les yeux et savoure ses caresses.
— C'est pas tout mais on a une guerre à gagner, ce serait pas mal de se bouger, intervient à nouveau Enzo.
Je lève les yeux au ciel pendant qu'Erwan s'écarte pour se relever. Qu'est-ce qu'il est infernal celui-là !
Je finis par me lever moi aussi pour quitter la chambre et rejoindre la mienne. Laurie s'active déjà dans celle-ci, faisant son lit et rangeant quelques affaires qui traînent dans les tiroirs. Elle ne me pose pas de question sur ma petite escapade nocturne et se contente de me sourire.
— Prête ?
— Ai-je vraiment le choix ? je demande en réprimant un sourire.
Elle sourit tristement et s'assoit sur son lit.
— Il faut que je te raconte quelque chose.
Je prends place à mon tour en la fixant, le regard interrogateur.
— J'ai trouvé une lettre de ma mère il y'a quelques semaines. Une lettre de...
Elle bloque un instant, ravalant difficilement sa salive. Elle sort une feuille blanche de la poche de son jean et me la tend.
— Vois par toi-même, déclare-t-elle.
Je la fixe pendant quelques secondes et attrape le papier avec hésitation. Je déplie délicatement la lettre dans un dernier regard vers Laurie.
Phandrès, le 14 février 2003
Andrew, très cher ami,
Pardonne-moi pour cet acte irréparable que je m'apprête à réaliser. Cela fait un an aujourd'hui que Raphaël m'a laissée. Je ne parviens plus à continuer, à aller de l'avant. Laurie grandit, elle pose de plus en plus de questions. Elle me parle tous les jours de son père. Elle me dit qu'il lui manque, elle me demande pourquoi il n'est pas là, où il est passé. Tout en elle me le rappelle. Elle a les mêmes profonds yeux bleus, les mêmes soyeux cheveux roux, la même peau pâle. Elle est son portrait craché, et ça me fait mal. Pas un jour ne passe sans que je pense à lui. Je ne peux plus vivre comme cela Andrew... Je suis peut-être égoïste... mais sache que j'ai pensé pendant des heures, à vrai dire, des jours. Cela fait des semaines que j'y pense. J'ai pensé à Laurie, cette décision lui brisera sûrement le cœur. Après la perte de son père, sa mère. Mais je sais que tu seras là pour elle, je sais qu'elle est forte, qu'elle n'est pas aussi lâche que moi et qu'elle s'en sortira. Et puis elle a sa copine, Julie. Elle est forte cette petite. Ensemble, elles ne peuvent que l'être encore plus.
Merci pour tout ce que tu nous as offert, merci de nous avoir accueillies à bras ouverts. Je m'en vais rejoindre l'au-delà, je te souhaite le meilleur. Prends soin de ma fille, elle est jeune et innocente, ne laisse personne lui faire du mal. Dis lui que je l'aime et que je serais toujours là pour elle. Je veille sur elle.
Adieu.
Roxanne.
Je relève la tête vers Laurie qui me fixe, les larmes aux yeux. Je la prends dans mes bras alors qu'elle explose en pleurs.
— Je n'ai jamais su qu'elle s'était suicidée, on m'avait dit qu'elle était morte dans une mission, articule-t-elle entre quelques sanglots.
Je lui caresse doucement le dos, retenant mes propres larmes. Laurie est si forte. Je ne l'ai jamais vu versé une larme. Rares sont les fois où elle perd son beau sourire. La voir comme ça me touche profondément. C'est comme si elle partageait sa douleur avec moi.
— C'est de ma faute... je lui faisais penser à mon père et c'est pour ça qu'elle n'a pas réussi à avancer, c'est pour ça qu'elle a commis l'irréparable.
Ses pleurs redoublent alors qu'une larme s'échappe de mon œil. La voir dans un tel état me brise le cœur.
— Ce n'est pas de ta faute Laurie. La tristesse de ta mère était trop profonde pour être apaisée.
— Mais j'aurais pu l'aider. Si j'avais su... Si j'avais su je l'aurais embrassée plus souvent, je lui aurais dit que je l'aimais plus souvent. Je lui aurais dit que l'on s'en sortirait, toutes les deux, que je comprenais sa peine et que nous allions la surmonter.
Laurie éclate à nouveau en sanglots. Je ne sais plus quoi faire.
— Je suis tellement désolée Laurie...
Alors que j'essaie vainement de la réconforter, la porte de la chambre s'ouvre sur Enzo. Il reste quelques secondes sur le pas de la porte et lorsqu'il comprend enfin ce qu'il se passe, il s'avance vers nous.
— Merde... Laurie, ça va ?
Il s'assoit à son tour sur le lit en passant une main dans son dos.
— Viens là.
Il la prend dans ses bras alors que je lui souris tristement. Enzo n'est pas très à l'aise avec Laurie et pourtant, pour une fois, il met son humour de côté pour lui venir en aide.
Elle finit par se calmer et nous nous levons. Il n'est plus temps de se lamenter.
— On va y arriver, je murmure en attrapant leurs mains.
Enzo me sourit et me prend dans ses bras en déposant un baiser sur le haut de mon crâne. Je suis surprise par ce geste bienveillant de sa part mais ne relève pas.
Nous quittons la chambre et descendons dans le hall pour rejoindre les autres. Celui-ci est blindé. Tout le monde discute, certains sautillent d'excitation, d'autres se rongent nerveusement les ongles, d'autres encore rient paisiblement aux plaisanteries de leurs amis. Tous sont déjà vêtus des combinaisons spéciales de l'Immeuble.
Nous nous avançons tous les trois, nous frayant un chemin parmi la foule et arrivons jusqu'à Andrew, qui nous fournit à chacun une des combinaisons dans un sourire rassurant.
Je cherche Erwan du regard et le trouve non loin de là. Je m'avance vers lui et me jette dans ses bras. Il ne réagis d'abord pas, surpris, puis finit par m'enlacer à son tour. En m'écartant, je le regarde longuement, les yeux pétillants et finit par déposer un long baiser sur ses lèvres. Je l'aime. Si j'ai un jour eu un doute, il n'existe plus.
Andrew calme la foule en montant quelques marches du grand escaliers, accompagné de Lexa, pour être à la vue de tous.
— Habitants de Phandrès, habitants de Terrilan, l'heure est venue. Nous allons marcher jusqu'aux portes d'Altalie et rejoindre le groupe de Galandre. Le chemin est long. Nous prendrons une demi-journée pour arriver. Nous arriverons devant l'entrée en fin d'après-midi. Vous savez tous quel est le plan, nous en avons discuté pendant des heures. Si quelqu'un souhaite se retirer de ce combat, c'est maintenant ! Une fois en route, il n'y aura pas de marche arrière !
Tout le monde est silencieux. Si certains doutent, je n'ai aucune hésitation.
Alors que je cherche Romain du regard, je croise celui de Isack. Il me sourit tendrement même s'il a très bien vu que ma main est dans celle d'Erwan. Je lui souris à mon tour, heureuse. Je me sens soudainement prise d'une motivation incroyable. Je n'ai qu'une envie désormais : partir. Peu importe ce que l'on trouvera là-bas, peu importe si mes parents ne se souviennent pas de moi.
***
Après quelques dernières mises au point, nous nous sommes armés et sommes sortis par la grande porte de l'Immeuble.
Alors que notre groupe s'éloigne petit à petit, je me retourne pour jeter un dernier coup d'œil à ce grand bâtiment grisâtre qui m'a abritée. Je souris en ressassant quelques souvenirs et lorsque je vais pour continuer mon chemin, mes amis me font tous faces. Enzo, Laurie, Julie, Isack, Théo et Erwan regardent eux aussi leur maison, un peu plus loin.
Je souris, attendrie, et les rejoints en quelques pas. Nous continuons notre chemin, pour ne pas perdre de vue le groupe qui avance, telle une armée à travers la forêt.
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