Chapitre 37
— Debout !
— Juste encore un peu...
— Victoire, je crois que tu te souviens bien de tes premiers jours à l'Immeuble, qu'est-ce qui t'étais arrivée lorsque je t'ai demandé de te lever et que tu ne l'as pas fait ?
Je grogne à l'attention d'Enzo qui tape dans ses mains pour « m'encourager ». Je finis tout de même par me redresser, sachant très bien de quoi il est capable. Il quitte la chambre pour me laisser m'habiller.
Après m'être vêtu et avoir mangé, je rejoins la grande salle d'hier où la plupart des personnes nous accompagnant sont déjà installés. Je m'assois auprès d'Andrew qui me sourit chaleureusement. Je croise ensuite le regard d'Erwan, à quelques chaises seulement de moi. Il a l'air fatigué, l'air de ne pas avoir fermé l'œil de la nuit. Il tente malgré tout un sourire que je lui rends.
Les immenses portes s'ouvrent à nouveau, laissant entrer Lexa et ses deux gardes. Elle s'installe en bout de table, comme la veille.
Un vrai débat commence alors. Des questions, des réponses, des protestations, et j'en passe. Finalement, Lexa accepte de nous prêter main forte et je peux enfin respirer. C'est un poids énorme qui vient de quitter mes épaules quand Andrew serre la main de la dirigeante de Terrilan.
— Puisque nous sommes officiellement alliés de guerre, nous devons commencer dès aujourd'hui à planifier l'attaque contre Altalie, reprend Lexa. Vous pouvez rester ici autant que vous voulez.
— Merci beaucoup pour votre invitation, mais il est préférable que nous rentrions à l'Immeuble. Des personnes nous attendent et nous ne pouvons pas rester dehors bien longtemps. Je vous propose de nous accompagner.
— Très bien, je viendrai avec vous.
— Nous partons dans une heure, précise Andrew avant de se lever.
Nous l'imitons tous et quand Lexa se lève, les personnes l'accompagnant font de même. Nous quittons la salle pour nous diriger à l'extérieur du palais, où tous les citoyens semblent s'être réunis à nouveau.
— Bonjour chers citoyens ! J'ai une annonce de la plus haute importance à vous faire. Guerriers, chasseurs, archers et bien d'autres, préparez-vous ! Car nous sommes prêts à nous engager dans une guerre. Une guerre contre les forces du mal. Ceux qui ont divisé la planète, enfermés dans une bulle de pauvres innocents. Tout dépend de nous ! Les forces du mal préparent quelque chose, quelque chose de plus grand encore, il est dans notre devoir à nous, habitants de la Terre de les arrêter ! Nous n'allons pas les laisser faire, nous n'allons pas les laisser diviser notre sublime planète encore plus qu'elle ne l'est déjà ! Malgré tout, je ne forcerai personne à s'engager dans ce combat. Vous aurez le choix. Sauver la terre ou agir lâchement ; fuir votre devoir.
Les voix se lèvent. Les habitants bouleversés se posent mille questions, mais rapidement, tout le monde se tait pour ne laisser parler qu'un seul homme.
Grand, cheveux blond comme le soleil, carrure imposante. Il se dresse fièrement au milieu de la foule. Son visage est dur, ne laisse paraître aucune émotion. Il est vêtu d'une armure métallique et tient dans sa main ce qui ressemble à une épée.
— Ma reine. Nous nous battrons tous pour cette cause. S'il est dans notre devoir de sauver ces gens, nous le réaliserons. Nous vous suivrons, déclare-t-il.
La foule acclame. Des cris de guerre, des applaudissements.
Je suis bouche bée : Lexa n'a même pas dû les forcer à faire un choix, son simple discours à fait tout le travail. Ils se battront à nos côtés.
Un sourire se dessine sur mes lèvres. Cette guerre, nous allons la gagner.
***
— Allez ! S'il te plaît Andrew ! C'est notre dernière occasion de s'amuser, de relâcher la pression !
Debout, face au bureau d'Andrew, j'assiste à la scène. Julie essaie depuis vingt bonnes minutes de convaincre celui-ci d'organiser une soirée à l'Immeuble. Cette fois-ci, elle ne prendra pas le risque de faire ça sans son autorisation. Même si ce n'est pas elle qui avait organisé la fête, je pense que la dernière fois lui a servi de leçon.
— C'est imprudent, nous ne pouvons pas nous permettre de nous faire surprendre et entamer une deuxième guerre avec l'ennemie alors que nous nous préparons justement pour une.
— On n'a qu'à pas trop monter le volume de la musique ! On sera prudent, je le promet...
— Julie, on ne fait pas des promesses que l'on ne tiendras pas. Je te connais comme si je t'avais vu naître, dès que la fête aura commencé tu vas te perdre dans la foule et te laisser aller à toute sorte de mélange alcoolique peu recommandé.
— T'avais juste à dire que je vais me bourrer la gueule, déclare Julie, amusée.
J'ai l'impression d'être aussi utile qu'une plante verte. Depuis tout à l'heure, j'assiste à la scène comme si j'étais devant un film, je ne comprends franchement pas pourquoi Julie n'est pas venue toute seule.
Alors qu'ils débattent encore, j'en profite pour tenter de m'éclipser en douce.
— Tiens, regarde. Vic ! Dis lui toi que c'est une merveilleuse idée.
Je me retourne et fait face à Andrew qui retire ses lunettes pour se frotter les yeux. Il a une sale mine, comme s'il ne dormait pas depuis des jours. Et c'est compréhensible, il a beaucoup trop de responsabilité sur les épaules, je serais incapable de résister à la pression si j'étais à sa place.
— C'est ridicule Julie. Ce n'est pas parce que Victoire est du même avis que toi que c'est une bonne idée pour autant.
— Julie, tu devrais peut-être cesser d'insister...
Elle se retourne vers moi, les yeux plein d'incompréhension.
— Bon écoutez. Je suis fatigué, j'ai beaucoup trop de choses à penser pour me préoccuper avec cette fête. L'avenir de la planète est en jeu ! Allez voir Lexa et si elle est d'accord avec vous, vous vous débrouillez entre vous, je ne veux pas être mêlé à ça, au moins, ça me permettra de prendre ma soirée.
— Yes ! s'exclame Julie en sautant sur Andrew pour l'enlacer vaguement.
Nous quittons le bureau du dirigeant pour rejoindre le réfectoire.
— T'emballe pas, il reste quand même Lexa à convaincre, la ramené-je à la réalité.
— C'est mal me connaître madame, dit-elle en pointant sa cuillère vers moi. J'ai réussi à convaincre Andrew, après cette victoire, je peux convaincre la Terre entière.
Je hausse les épaules, bien moins confiante qu'elle.
— Où est Laurie ? Je ne l'ai pas vu depuis trois jours.
— Je te retourne la question, c'est toi qui dors avec elle.
— Elle ne rentre que le soir et on ne parle même pas, elle est bizarre en ce moment.
— Ça doit être le stress, répond Julie en finissant son yaourt.
Elle pose le pot de yaourt désormais vide et s'empare du paquet de madeleine pour l'ouvrir. Mais le paquet lui échappe des mains, ou plutôt, lui est arraché. Enzo s'assoie lourdement à ses côtés en se servant dans le paquet qu'il vient de voler.
— Eh ! Rends-moi ça abruti ! s'exclame Julie.
— Donner c'est donner, reprendre c'est voler !
— Je t'ai rien donné du tout espèce de...
— Relax Max, la coupe-t-il. Je t'en laisse une ou deux.
Il se ressert dans le paquet et pose son regard sur moi, semblant enfin remarquer ma présence.
— Eh, salut Vic !
— Salut.
Julie tente vainement de reprendre son goûter mais elle finit par se lever en trombe, en jetant un regard noir à Enzo.
— On continuera cette conversation plus tard, Vic.
Elle quitte le réfectoire, me laissant seule avec le boulet.
— Ça va depuis le temps ? demande-t-il, la bouche pleine.
— Depuis le temps ? Ça fait à peine deux jours que tu ne m'as pas fait chier Enzo.
— Et c'est énorme ! Vous parliez d'une fête avec Julie ?
— Tu nous espionnes ou quoi ?
— Peut-être bien, dit-il en me lançant un regard de charmeur surjoué.
Je fronce les sourcils en me levant à mon tour.
— Tu m'excuseras, j'ai autre chose à faire moi.
— Sympa ! cri-t-il à mon attention alors que je quitte déjà le réfectoire.
***
Pour une fois, je prends plaisir à être là. Je n'ai jamais aimé les grosses fêtes, mais aujourd'hui, c'est différent. Car on sait tous que c'est la dernière fois que tout le monde sera réuni comme ça. Et personne ne veut gâcher ce moment. Même Erwan et Isack qui sont restés plus d'une heure dans la même pièce ne se sont pas égorgés. Andrew est apparu lui aussi. Il rit, chante, est heureux. Comme nous tous ici, il oublie les problèmes le temps de cette soirée. Pour une fois, tout se passe sans encombre.
Alors que je fais l'andouille avec Romain sur la piste de danse en riant à gorge déployée, je sens une main se refermer sur mon poignet. Je me retourne pour faire face, à Julie, un sourire collé aux lèvres. Elle s'approche pour me chuchoter à l'oreille :
— Rendez-vous d'ici cinq minutes dans le hall, j'ai quelque chose à dire.
Je lui fais un signe de la main pour la prévenir que j'y serais et me retourne vers Romain qui n'a cessé de danser.
— Je reviens.
Il acquiesce et je me faufile dans la foule pour quitter le réfectoire.
Dans le hall, j'aperçois Enzo, Laurie, Isack, Erwan et Théo, sagement assis par terre, contre le mur. Je m'approche, interrogatrice.
— Où est Julie ? je demande perplexe.
Je n'ai pas le temps d'entendre la réponse que Laurie s'apprête à fournir qu'une voix la coupe, répondant à ma question.
— Assieds-toi, dit Julie en exerçant une légère pression dans mon dos.
J'obéis dans l'incompréhension la plus totale et m'installe auprès de Théo.
— Les amis, si je vous ai réunis ce soir, c'est pour...
— On dirait que tu vas annoncer la mort de quelqu'un, la coupe Enzo, attirant les foudres du regard de Julie.
— Je disais donc, si je vous ai réunis ce soir, c'est parce que j'ai quelque chose de très important à vous dire. Comme on le sait tous, quelque chose se prépare, quelque chose de grand, et nous sommes tous autant que nous sommes mêlés à cela. Je ne sais pas ce qu'il va se passer demain, personne ne sait. Mais s'il y a bien une chose dont je suis sûre à cent pour cent, c'est que je serais à vos côtés. J'aimerais vous remercier comme il se doit, c'est pour ça que j'ai préparé un discours pour chacun d'entre vous.
— C'est mignon, déclare Enzo.
Elle lui montre son troisième doigt et il pose théâtralement sa main sur son cœur.
— Erwan. Tu m'excuseras mais je n'ai pas grand chose à dire de toi. On a jamais été très proches tous les deux et je n'ai honnêtement pas la patience d'essayer de percer ta maudite carapace alors ça va continuer comme ça. Enfin, malgré ton mutisme, t'as l'air d'être quelqu'un de sympa quand on creuse.
» Isack. On est pas les meilleurs amis du monde non plus mais t'es sympa quand tu veux. Oui, parce que t'es vraiment chiant à faire le papa parfois. Je dois tout de même avouer qu'on a passé de bons moments ensemble, et que je me suis bien marrée en te voyant bourré.
» Enzo. Enzo, mon petit Enzo. Tu es quelqu'un d'incroyablement détestable et insupportable. Je ne sais toujours pas comment je te supporte depuis toutes ces années. Bon, je pense qu'on peut dire qu'on a fait les 400 coups ensemble, quand on n'était que des gamins. Le pauvre Andrew, il en a bavé. Enfin, on dirait que tu évolues d'années en années. Oui, oui, chaque année, tu deviens plus chiant. Un jour, tu exploseras de chiantitude, ce n'est pas possible autrement. Sache que si tu meurs pendant cette guerre, je remercierais tous les jours le ciel de t'avoir emmené.
Le concerné pouffe de rire en plaçant ses mains derrière sa tête, comme pour mieux assister au spectacle.
— Laurie. Ah ma Laurie. Ma meilleure amie depuis toujours. Tu es une fille tellement incroyable. Si toi tu meurs, je ne m'en remettrais jamais de t'avoir perdue ! On a passé tant de bons moments ensemble, toutes les deux. Les soirées entre filles improvisées depuis notre plus jeune âge, les fugues le soir, en forêt. Les missions où on était là plus pour s'amuser que pour notre devoir. On en a eu des fous rires... Tu es ma conseillère, la voix qui me ramène à la raison, ma deuxième maman, celle que je n'ai jamais eu la chance d'avoir. Notre amitié... elle est si importante pour moi, je ne me vois pas sans toi, sans tes bras chaleureux quand ça ne va pas, sans ton cœur si ouvert. Tu es la plus belle chose qu'il me soit arrivée, sache-le.
La voix tremblotante, Julie ouvre les bras à Laurie qui se rue déjà vers elle.
— Je t'aime ma copine ! s'exclame Laurie, en pleurs.
Je souris comme une idiote. C'est si mignon.
Laurie reprend sa place et Julie remet ses cheveux en place, tout en essuyant quelques larmes.
— Bon, je continue donc. Théo. Mon poto ! Mon partenaire de conneries ! Ça ne fait pas si longtemps qu'on se connaît puisque tu es le dernier arrivé mais sache que je t'apprécie autant, si ce n'est plus, que ce fichu petit brun, dit-elle en désignant Enzo d'un geste du menton. T'es le clown du groupe, celui qui ramène l'ambiance, qui fait rire tout le monde. Celui qu'il manquait au groupe. Tu nous fais marrer avec tes bêtises. Ton rêve d'aller au lycée et de séduire notre petite Victoire. Persévérance, tu y parviendras peut-être un jour !
Je ris doucement alors que Théo me lance à nouveau un regard qui veut dire « tu vois, j'ai raison ». Puis, il se lève pour prendre à son tour Julie dans ses bras et la remercie.
— Enfin, Victoire. Toi, tu es comme une petite sœur pour moi. Tu es arrivée dans nos vies à tous tel un rayon de soleil, tu nous as éblouies de ta lumière. Tu es si courageuse, je ne m'imagine même pas passer par ce que toi tu es passé ; devoir quitter soudainement ta famille, apprendre que toute ta vie n'a été que mensonge... Désolée de t'entraîner avec moi dans mes délires et toutes mes folies ! Je te promets que je continuerais de le faire ! Tu nous a tous marqués à ta manière et tu as chamboulé les cœurs de beaucoup hum hum ! Tu nous a liés. C'est grâce à toi que nous sommes tous réunis aujourd'hui, dans cette pièce.
» Pour finir mon joli discours, j'aimerais tous vous remercier. D'être là pour moi, d'être là aujourd'hui. Nos vies à tous n'ont pas toujours été toutes roses, mais aujourd'hui, j'ai enfin trouvé ma place. Ma famille. Grâce à vous. Ma place est ici et avec vous. Nous nous battrons, tous ensemble, les uns avec les autres. Et Victoire, ton prénom indique déjà la fin de cette guerre.
Je souris pour la énième fois alors qu'un frisson me parcourt. Nous nous levons tous pour serrer Julie dans nos bras. Mais il manque quelqu'un. Sans surprise, Erwan est resté assis à sa place.
Je me débat légèrement pour quitter la chaleur des bras de mes amis et le rejoins. J'attrape sa main et le tire vers l'avant pour l'inciter à se lever.
— Toi aussi.
Il finit par rejoindre les autres, lui aussi, à mon plus grand bonheur. Mais nous sommes interrompus dans notre joie, par de lents applaudissements. Nous nous séparons et découvrons Andrew qui s'avance vers nous.
— C'est très beau ce que tu viens de dire, Julie. Nous sommes tous fièrs de toi.
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